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forum abclf » Pratiques linguistiques » Ornières, vous avez dit ornières ?

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Messages [ 17 ]

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Sujet : Ornières, vous avez dit ornières ?

Des avis ?

« Un mac doit avoir des pièces compatibles, et ça doit être fait dans un apple premium reseller, tenus par des commerciaux qui se prennent pour Dieu. La dernière fois que j'ai voulu faire réparer mon mac à l'APR de Brest on m'a traité comme une merde parce que j'avais acheté mon mac sur le store et pas chez eux. Encore une fois de quelle SAV parlez-vous ? Il est vraiment temps à certains de retirer leurs ornières ! »
(http://www.macgeneration.com/news/voir/210642/macbook-air-core-i5-ou-core-i7#topComment ; xatigrou [31/07/2011 14:31])

2 Dernière modification par regina (01-08-2011 20:43:14)

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Au Moyen-Âge, une œillère  était un trou percé dans le heaulme pour y voir . Cet internaute est un érudit en histoire médiévale ou bien il compare ces gens à des bœufs wink Bien qu'il soit tombé dans une ornière.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

À ma connaissance, les œillères sont surtout ces espèces de demi-coques qu'on place contre l'œil du cheval pour lui éviter de voir tout ce qui se passe autour de lui (et notamment ce qui bouge) afin qu'il ne soit pas effrayé.
      En effet, comme toutes les proies potentielles, le cheval à les yeux placés de telle sorte qu'il a une vision presque à 360°.

http://img684.imageshack.us/img684/9990/oeillrecheval.jpg

      Cet accessoire est encore très utilisé dans les courses de chevaux. Comme il limite le champ visuel à une étroite bande dans une seule direction, le sens de l'expression « porter des œillères » est on ne peut plus clair : pas besoin de dico...

elle est pas belle, la vie ?

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Piotr a écrit:

À ma connaissance, les œillères sont surtout ces espèces de demi-coques qu'on place contre l'œil du cheval pour lui éviter de voir tout ce qui se passe autour de lui (et notamment ce qui bouge) afin qu'il ne soit pas effrayé.

C'est en effet le seul sens retenu lorsque ce mot est appliqué d'une manière métaphorique à l'homme.
Pour le cheval, le cheval d'attelage notamment, ces oeillères servent aussi, et surtout, à protéger les yeux d'une atteinte mécanique par le fouet.

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Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Surprise ! le mot « œillère » n'est pas dns le texte cité wink

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Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Retirer ses œillères et se tirer d'une ornière, bien que de sens différents, peuvent jouer sur le même registre: ne serait-ce pas cette idée qui aurait retenu votre attention? Car dans les deux cas on est piégé par l'étroitesse. De là, la personne a-t-elle confondu inconsciemment entre les deux expressions?

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Bé oui, c'est ce qu'il m'a semblé. Je me demande si c'est volontaire ou non.
retirer * ornières

8 Dernière modification par yd (02-08-2011 22:12:35)

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Nous en sommes réduits aux suppositions, mais tout me semble possible en particulier si cette personne n'a jamais vu une ornière de sa vie, ou un véhicule dont les roues sont prises dans des ornières. À expliquer suffisamment pour que la personne ancre une idée juste dans sa tête, j'imagine que cela puisse s'avérer plus difficile que pour des œillères. Peut-être encore cette personne, depuis l'enfance, s'est-elle inventée un sens au mot d'ornière, en le faisant venir d'orner: cela m'était arrivé personnellement avec d'autres mots, et si personne ne vous corrige je vous assure qu'on peut traîner ça fort longtemps. Compte-tenu de l'idée d'étroitesse dans les deux cas, à laquelle s'ajoute la ressemblance entre retirer et se tirer de, si personne dans l'entourage n'est en mesure de relever la confusion, il ne me surprendrait pas qu'on puisse en arriver à mélanger les images et les expressions respectives. Cette personne semble bel et bien ne pas du tout douter de l'expression qu'elle utilise.

22h10 après avoir consulté plus attentivement le lien: beaucoup de personnes utilisent de la même manière retirer ses ornières. L'erreur est plus difficile que je ne le croyais à expliquer. Assimileraient-ils si nombreux l'ornière à une œillère?

Fille légère ne peut bêcher.

9 Dernière modification par coco47 (03-08-2011 01:48:44)

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Pour avoir, dans ma jeunesse, beaucoup fréquenté d'ornières, je puis confirmer que, à la campagne, les ornières sont des sortes de sillons creusés par les roues des charrettes, plus ou moins profonds selon la dureté du sol. Lorsque les roues d'une charrette sont prises dans des ornières profondes, il est presque impossible de les en faire sortir : on risquerait de les fausser (les roues). Il faut, pour changer de direction, attendre une zone où la dureté du sol a empêché que soient creusées des ornières, une zone empierrée par exemple. D'où l'idée, appliquée aux comportements humains, d'une rigidité d'esprit, de l'impossibilité de changer de route, de l'incapacité de modifier son point de vue. (La question n'est pas celle de l'étroitesse — il existe des ornières plus ou moins espacées et les énormes camions des mines de cuivre à ciel ouvert du Brésil creusent des ornières au très grand « empattement » —, mais celle de la rigidité.)
On peut expliquer ainsi le glissement de ornières à œillères, il n'empêche que « retirer ses œillères » est plutôt cocasse. Ça me fait penser au très drôle « remettre les pendules à leur place ».

10 Dernière modification par yd (05-08-2011 09:15:47)

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Je n'ai pas voulu parler de l'«empattement*», c'est-à-dire de l'espacement entre deux ornières, mais bien de l'étroitesse de chaque ornière, qui intervient autant que sa profondeur: une ornière large pose moins de problèmes, puisqu'on a justement une chance d'en sortir en changeant de direction. Je pensais encore que l'idée d'étroitesse rendait compte, comme pour les œillères, de l'absence de marge pour changer de direction. Une ornière profonde et étroite peut aller jusqu'à bloquer la roue, et ceci justement d'autant plus qu'on essaiera de se mettre en travers.

* le 05 08 - 9h15 - il s'agît non pas de l'empattement mais de la voie - cf. le message de Pascalmarty qui suit

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

L'empattement c'est la distance entre l'essieu avant et l'essieu arrière d'un véhicule. Pour ce qui est de la largeur entre les roues gauche et droite on ne saurait parler que de voie.
Quant au fait que des gens confondent des mots qui ont une vague similitude sonore, cela vous étonne-t-il encore au point de devoir chercher des explications aussi compliquées ? wink

Au-delà du lit de lait de l'Aude élue, un énorme orme étendait sa sombre ombre.

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Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Pour l'empattement et pour la voie, vous avez parfaitement raison, je n'avais pas réagi. Quant au reste je vous le laisse.

Fille légère ne peut bêcher.

13 Dernière modification par Naïf (03-08-2011 15:11:22)

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

(Je ne devrais pas être là, mais je suis obligé de laisser une trace : je vais très certainement utiliser cette superbe donnée pour mon propre compte, bien sûr en renvoyant à ce fil, comme je l'ai déjà fait à/en d'autres occasions . Voici en quelques mots ce que j'en pense pour l'instant, réaction circonstancielle et qu'il faudrait étoffer).

D'abord, merci pour le traitement dénué de moquerie. C'était la condition pour qu'on approfondisse le sujet. Voici quelques compléments aux remarques stimulantes de yd :

A. "œillère" est un mot difficile à plusieurs égard.

1) Il est difficile à orthographier.

L’initiale fait hésiter pour les mêmes raisons que lorsqu’il s’agit d’écrire le non dérivé "œil". La gemellité bien connue de "œil" et "œuf" suggère à certains un "u" incongru.

La notation du son [J] est une des difficultés du français : ï, i, ILL, LL, y...

2) Pour la finale du mot, la difficulté orthographique rejoint une difficulté de forme :

Replacé dans la série qui contient également "têtière", "jambière" et "(sous-)ventrière", ce mot présente donc un suffixe commençant par le son [j-]:
"-i-ère"
Or "œil" présente lui-même un [j]. La suffixation entraîne dans ce cas l’absorption du [j] initial. Bref, "œil" + "-ière" => "œillère" implique ceci :

[œj] + [jEr] => non pas * [œjjEr], mais [œjEr]. Un [j] manque à l'appel.

Nota bene. Il existe plusieurs façon de rendre compte de ce phénomène, et même de l'exposer (identification et épellation du suffixe etc.). Cela nous entraînerait loin de notre sujet.

La notation de cette absorption nécessite un redoublement qui est une des difficultés orthographiques notoires des écritures alphabétiques. En particulier parce que la frontière entre les deux constituants du mot ainsi construit devient non localisable :
"œil-lère" ?
"œill-ère" ?
"œi-llère" ?
Question qui rejoint le point précédent, mais dans le sens inverse (reconnaissance de l'écrit) : qu'est-ce qui note [J] ? Pourquoi est-ce différent dans "œil" et dans "œillère" ? Questions que se pose, qu'il le veuille ou non, celui qui doit écrire ces mots et peine à le faire. Aucune de ces difficultés n'est présente dans "ornière".

B. "œillère" est phonétiquement très proche de « ornière »

La seule différence vraiment irréductible entre ces deux mots suffixés pareillement, c’est la différence entre deux séquences qui ont un air de famille phonétique – la sonante  [J] d'une part, la séquence de sonantes [RN] d'autre part:

oeILLère / oRNière.

L’initiale [œ] de "œillère", ou plutôt de sa base, quant à elle, alterne par ailleurs avec « o » : œil / oculaire - oculiste - ocelle etc. Cf. aussi "œuf / oval", "cœur / cordial".

D’où les rapprochements indiqués par yd, que chacun peut poursuivre à son gré (nos "grés" respectifs n'étant bien sûr que partiellement congruents) :

- "orner, or" => ce qui capte le regard
- "oral, orifice, urne" => trou

C. Des associations de sens partagées : canaliser / bloquer / empêcher (d’où « retirer »)

L’association relevée par yd est en outre soutenue par le procédé de suffixation :

- une têtière est ce qui soutient le mors du cheval
- une jambière protège (et, du coup, enserre / entrave) la jambe
- une ventrière – idem.

ENVOI : Une remarque conclusive sur la méthode.

On pourrait rétorquer :

1) "Impossible/Inutile de prouver la pertinence de ce faisceau de données pour expliquer la confusion en jeu" (cf. la réaction de pascalmarty, au demeurant très naturelle)
2) de toute façon, impossible de prévoir que certains emplois de "œillère" se trouvent captés par "ornière".

Il est exact que ce fait relève de la contingence ; tout au plus pouvait-on savoir a priori que "ornière" était un meilleur candidat que "geôlière" ou "arrière". Mais personne ne se serait jamais posé la question si la confusion n'avait pas été attestée.

Tel est le lot commun de toutes les études impliquant des phénomènes historiques, au sens large d'événements prenant place dans une suite chronologique ouverte  (l'histoire des sciences de l’homme donc, mais aussi les sciences de la vie, la géologie, la météorologie…) : le fait contingent, qu’on observe (si on le veut bien ! il faut être à l’affût) crée un précédent, et engendre du coup, en lui-même, les règles qui permettent de rendre compte de sa survenue.

La trouvaille de gb est un beau cas d'école.

14 Dernière modification par coco47 (05-08-2011 04:26:05)

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

yd a écrit:

Je n'ai pas voulu parler de l'«empattement», c'est-à-dire de l'espacement entre deux ornières, mais bien de l'étroitesse de chaque ornière, qui intervient autant que sa profondeur: une ornière large pose moins de problèmes, puisqu'on a justement une chance d'en sortir en changeant de direction. Je pensais encore que l'idée d'étroitesse rendait compte, comme pour les œillères, de l'absence de marge pour changer de direction. Une ornière profonde et étroite peut aller jusqu'à bloquer la roue, et ceci justement d'autant plus qu'on essaiera de se mettre en travers.

D'accord, je vous comprends. Mais je pense quand même que, étroite ou non, l'ornière trace un chemin dont on ne peut sortir, du moins au sens figuré, et que c'est là l'idée qu'expriment les expressions à base d'ornières : rester dans des ornières, suivre des ornières, etc.
Et bravo à YD pour sa rectification à propos de l'empattement ! Toutes mes confuses.

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

coco47 a écrit:

Et bravo à YD pour sa rectification à propos de l'empattement ! Toutes mes confuses.

C'est Pascalmarty qu'il faut complimenter pour son savoir et Yd pour son fair-play (franc-jeu pour les obsessionnels du French only). big_smile

« Jeunesse, folies. Vieillesse, douleurs ». Proverbe rom.

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Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

Bookish Prat a écrit:
coco47 a écrit:

Et bravo à YD pour sa rectification à propos de l'empattement ! Toutes mes confuses.

C'est Pascalmarty qu'il faut complimenter pour son savoir et Yd pour son fair-play (franc-jeu pour les obsessionnels du French only). big_smile

Au temps du plomb, quand un typo laissait tomber sa galée et que les caractères se mélangeaient sur le sol de l'atelier, il ne restait qu'à tout remettre dans le plomb en fusion. On disait que le texte composé était « tombé en pâte ». Par extension, quand quelqu'un n'allait pas bien, qu'il était déprimé, qu'il pétait les plombs (si j'ose dire), on disait qu'il « tombait en pâte » (mais ça ne se disait pas pour un cancer ou une cirrhose — la cirrhose était la maladie professionnelle la plus courante chez les ouvriers du livre). Tout ça pour dire que j'étais presque tombé en pâte quand j'ai confondu Yd et Pascalmarty. Peut-être suis-je trop empâté du cerveau…

Re : Ornières, vous avez dit ornières ?

coco47 a écrit:

Peut-être suis-je trop empâté du cerveau…

Que nenni, cher Coco47 ! Nous autres, les insomniaques, sommes généralement de l'autre bord : celui des stakhanos de la gamberge. Aux p'tites heures, c'est bien normal, on s'emmêle un peu avec les prénoms tellement inventifs (Tabata, Brad, Mamadou...) des p'tits neveux /p'tites nièces alors, les pseudos des abéciens !... big_smile

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