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forum abclf » Pratiques linguistiques » Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

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Messages [ 23 ]

Sujet : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Dans un fil du 24 janvier, j'avais remarqué se rater dans le sens "rater qch.", et on m'a fait remarquer que c'était une forme moderne assez courante. Je trouve deux emplois similaires à propos de l'Algérie :

je me le mange / je me les aurais mangés (Musette, Cagayous, pochades algériennes, 1895, p. 20 et 59.)

Manger est employé ici dans le sens "battre", comme dans manger le nez à qqn, etc. Autre exemple :

Je ne sais pas comment que je ne me l'ai pas mangé ! (Montherlant, Il y a encore des paradis (livre sur Alger), 1935, p. 67.)

Autre verbe :

on se croit c'est des couyons (Musette, Cagayous antijuif, 1898, p. 95.)

Dans tous ces cas, le pronom réfléchi est superflu par rapport au français "central". S'agirait-il d'un régionalisme ? Je n'ai pas l'ouvrage de Lanly, Le français d'Afrique du Nord, ni aucun texte de littérature pied-noir, pour pouvoir en juger.

2 Dernière modification par regina (06-02-2011 18:35:58)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Dans le sud-ouest de la France, c'est chose habituelle, quotidienne dans les expressions et dans le sud-est , peut-être un peu moins, mais cela  reste tellement courant qu'on n'y fait même pas attention.


Je me prends le vélo, je me prends un morceau de pain, je me le coupe et je me le mange. Celui-là, je vais me le faire, me le farcir, je vais me le ficher à la porte, etc.

Le locuteur ne distingue pas toujours entre je me prends un coup par la figure et je vais me le chercher, me le lire, me l'écouter.

Sur internet, on trouve de nombreuses références qui n'ont même pas l'air d'être méridionales, d'ailleurs.

Au hasard:

Je vais me le regarder. Je vais me le choper. Je vais me le voir très prochainement. Je vais me le tester à la prochaine séance. Celui-là, je vais me le matez ( sic). Je vais me le relire pour le plaisir. Je vais me le récupérer. Me le tenter. Me le fumer plus tard, ce cigare.

On peut compliquer encore avec :

je vais te me le ficher à la porte.  Je te me le prendrai.  Je te me le montre.

Ce sont des explétifs d'insistance, non? 

Autour de moi, de l'ouest à l'est, je n'ai entendu que ça smile Je te le vous certifie wink

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Merci Regina !

Encore une attestation pied-noir[e] :

RORO […] Et tant qu’à la petite, avant que j’ la marie…
Tu peux te la garder ! (Edmond Brua, La Parodie du Cid (1942), dans Œuvres soigies, 2002, p. 85.)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

(Musette, Cagayous antijuif, 1898, p. 95.)

On est prié de ne pas déposer d'ordures sur le forum.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

5 Dernière modification par Pierre Enckell (06-02-2011 22:30:05)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

P'tit prof a écrit:

On est prié de ne pas déposer d'ordures sur le forum.

Cagayous antijuif est cité cinq fois par le TLF (besef, carré, castagne, pataouète, raboter - le même nombre de fois que Bagatelles pour un massacre de Céline (hollywoodien, m'as-tu-vu, pêche, pédantesque, sous-) ; je ne pense pourtant pas que ce dictionnaire puisse être considéré comme un réceptacle d'ordures.

J'ai eu le tort, l'année passée, de citer ici, sans penser à mal, une phrase de ce même ouvrage de Musette qui avait des relents antisémites ; cela a choqué ; je m'en suis excusé. Le cas n'est pas le même aujourd'hui, me semble-t-il.

Qu'une citation véritablement raciste soit exclue d'un recueil lexicographique, je le comprends (sinon pour illustrer des mots français odieux comme youtre, bicot, etc.) ; mais tenir compte de l'idéologie d'un ouvrage pour condamner une citation où cette idéologie n'est pas présente, je trouve que c'est aller un peu loin.

Si c'est nécessaire, je développerai ce point de vue, mais il me semble en avoir assez dit.

6 Dernière modification par regina (06-02-2011 23:57:26)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

L'arrivée  massive des Pieds-noirs en France se situe en 1962 et ne peut, à mon avis, avoir influencé l'usage de cette tournure en France métropolitaine.  En tous cas, dans la région toulousaine où je vivais, elle était usuelle bien avant cette date et la présence des Français d'Algérie.  Peut-être faudrait-il regarder du côté de la langue occitane, puisque le francitan porte essentiellement l'influence de la langue d'oc.

En supposant que ce soit à l'origine une tournure propre au sud de la France?

Enfin, Pierre, je reprends votre dernière citation:

Tu peux te la garder !

Est-ce que vraiment, cette expression ne se dit pas partout en France? En cas de réponse négative, et bien, je le découvre, car c'est une des phrases que j'ai certainement prononcées un très grand nombre de fois.

Lors de disputes enfantines: « Ta poupée, non merci, tu peux te la garder. »

Lorsqu'on est en colère: «Ton explication, tu peux te la garder, tes excuses, tu peux te les garder »

http://www.google.com/search?hl=fr& … l=&oq=

On peut même y ajouter « et t'en faire des confettis »  ( ce qu'on disait dans mon coin), mais sur Google on trouve:

Alors tes leçons de démagogie tu peux te les garder et t'en faire un jolie ( sic)  dentier pour ton prochain entretien

Quant à tes distingos foireux sur le suicide à la japonaise, tu peux te les garder et t'en faire un kimono.

( 2009)

cette ode proprement répulsive à la purifiante potence, sûr que ta « vraie » révolution, tu peux te la garder et t'en faire du bouddhin,

La langue ne cesse d'innover big_smile  Joli, l'amalgame entre le boudin et Bouddha roll


P.S. La première attestation sur Google livres est de 1957 , chez René Barjavel, né dans la Drôme.


http://www.google.fr/search?tbo=p&t … amp;num=10


Dix minutes plus tard: non, mieux , 1950 chez Jacques Audiberti qui a grandi à Antibes.

Vous pouvez vous les garder, vos deux francs.

dans les Cent jours .

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

7 Dernière modification par Pierre Enckell (07-02-2011 00:09:14)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

regina a écrit:

Enfin, Pierre, je reprends votre dernière citation:

Tu peux te la garder !

Est-ce que vraiment, cette expression ne se dit pas partout en France? En cas de réponse négative, et bien, je le découvre, car c'est une des phrases que j'ai certainement prononcées un très grand nombre de fois.
[...]
P.S. La première attestation sur Google livres est de 1957 , chez René Barjavel, né dans la Drôme.

Ben oui, j'ai aussi cherché, de même que pour la forme avec vous, sans résultat avant 1950 sinon la citation de Brua (Gallica ne sert à rien, en l'occurrence). Ce que Grevisse dit (13e éd., § 647 e) du pronom explétif ne correspond pas vraiment à ce qui m'intéresse : ce sont souvent des formes toniques (lui...), les formes atones (me, te...) ne figurant dans ses exemples que dans les cas doubles (te vous...).

Il me semble que "mes" emplois (en tout cas se rater, se croire...) n'ajoutent pas de force à la phrase comme chez Grevisse, et qu'il s'agit plutôt d'une sorte de tic de langage, sans doute méridional, mais fort peu représenté dans l'imprimé.

8 Dernière modification par regina (07-02-2011 00:21:37)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Et voici une attestation en langue occitane, prise dans un conte:

« Aquí un rat : garda-lo-te, e quand lo paire te dirà : « Fai-me veire lo det pichonet, li faràs veire la coa del rat

Traduction:  Voici un rat : garde le toi bien et quand le père te dira: « Fais moi voir le petit doigt, tu lui feras voir la queue du rat»

Non, pas un tic de langage, une influence persistante ( le substrat linguistique) de l'occitan sur le français régional, qui dans ce cas particulier, semble avoir conquis l'hexagone.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Se croire: Sauf erreur de l'auteur que je cite, en voici l'origine:


"Il se croit d'être malade", "Tu te crois d'être savant", "Il se croit d'être fort", sont des
expressions typiquement francitane. En occitan, on a en effet : Se crei d'èstre malaut (ou :
fatigat), Te crèses d'èstre sabent, Se crei d'èstre fòrt (pr : sé créï dèstre malaou, fatiga ; té
crèzés dèstré sabén ; sé crèï dèstré for). En français,on aura : "Il croit être malade", "Tu crois
être savant", "Il croit être fort".

http://www.amesclum.net/Francitan%20PDF … an%20F.pdf  Page 19.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Pierre Enckell a écrit:

une sorte de tic de langage, sans doute méridional, mais fort peu représenté dans l'imprimé.

Pardon de me citer moi-même. J'aurais dû consulter Les Gasconismes corrigés de Desgrouais, qui dès sa première édition (Toulouse, Jean-Jacques Robert, 1766, avec privilège du Roi), donne des exemples qu'il considère comme fâcheux :
Que ferez-vous d'un si gros morceau de pain ? Je me le mangerai.
Je me les prendrai pour moi.
Madame une telle s'est accouchée.
Les gens qui se sont querellés ou battus, disent, pour s'excuser, C'est lui qui m'a commencé.
Je m'ai perdu mon livre, ou, je me suis perdu mon livre.
(pages 192-195).
Il devait en entendre au collège royal, le professeur Desgrouais !
J'ajoute qu'il met dans le même sac des phrases comme Ils se sont long-temps disputés ou Je me suis acheté un manteau, et écrit encore on ne doit point dire se résumer ; toutes formes qui devaient paraître fautives aux grammairiens d'alors.

11 Dernière modification par regina (07-02-2011 01:14:24)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Merci pour ce livre que je découvre et qui m'impressionne!

Car ces gasconismes ont pour une grande part perduré; en feuilletant le livre que vous citez, je retrouve nombre d'expressions, des travers pour les grammairiens de la norme , qui sont toujours d'usage à Toulouse. On continue à y prononcer oignon comme  dans oie , on s'y fait, on parle du gros de l'hiver , la gigue y est encore un gigot , on parle d'une panière, on prononce année avec un h aspiré et le an comme dans manche , etc.

Pire: ces Francitans osaient dire illéttré alors que paraît-il ce n'était pas français ( seul ignorant était admis )  smile

http://books.google.com/books?id=lDcLAA … mp;f=false

Sérieusement, s'il en était besoin, ce livre atteste de la force de ce substrat linguistique ( la langue occitane) encore aujourd'hui. S'il vous plaît, ne parlez pas de tic de langage smile

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

12 Dernière modification par Pierre Enckell (07-02-2011 01:33:04)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

regina a écrit:

S'il vous plaît, ne parlez pas de tic de langage smile

Le ferai plus ! Promis-juré !

Quant au livre de Desgrouais, la deuxième édition (posthume?) : Toulouse, Crosat, 1768, est beaucoup plus riche encore, avec ses xxiij-512 p.

Pour le français du Midi (puisque c'est le français qui est "ma" matière, et non l'occitan), je fais aussi usage de [Boissier de Sauvages], Dictionnaire languedocien-françois, Nîmes, Gaude, 1756, 492 p., et de sa deuxième édition, ibidem, 1785, deux tomes de xl-388 et 395 p., laquelle contient une immense quantité de riches précisions techniques, botaniques, zoologiques, folkloriques, ethnographiques, etc., que l'on n'a jamais été y chercher, à ma connaissance : il y aurait là matière à une belle thèse.

13 Dernière modification par Pierre Enckell (07-02-2011 11:00:26)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

regina a écrit:

la gigue y est encore un gigot

Voir cependant l'abbé de Sauvages, 2e édition, JHIGÔ :

http://books.google.fr/books?id=awcTSi_ … mp;f=false

où le Ô est peut-être mis comme forme non muette du E final. La principale différence avec le français central serait donc le genre.

14 Dernière modification par regina (07-02-2011 21:01:56)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Peut-être pas si simple smile

Actuellement, le Tlfi recense  le mot gigue non seulement pour la cuisse de chevreuil mais pour celle d'autres animaux et donne pour synonyme gigot et cuissot.

Gigue:

En partic. Cuisse de certains animaux et plus particulièrement du chevreuil. Synon. cuissot, gigot.
Dîné chez Gaudin et mangé copieusement ce que Louis XVIII appelait si royalement de la Gigue (BARB. D'AUREV., Memor. 1, 1838, p. 201). Elle attrape [le mouton] le plus proche par la gigue, et, des ciseaux qui pendaient à son devantier, coupe autant de laine que S. Pierre en veut prendre (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 287).

De nombreux dictionnaires attestent d'un substantif féminin en occitan, avec des variantes dialectales, d'où des prononciations différentes qui variaient selon les villages et d'un dialecte occitan à l'autre, si bien qu'on pouvait entendre ô ( peut-être prononcé entre le o et le e ) ou ailleurs une terminaison en a.

Voici un autre recueil lexical concernant l'occitan en usage à Montpellier avant 1910, dans lequel le gigot correspond à un substantif féminin giga .

http://www.jfbrun.eu/lengadoc/lexoc.htm


Rien d'étonnant que les occitanophones aient utilisé le terme gigue féminin , lorsqu'ils sont petit à petit passés au français.  Et là aussi, en fonction des différents accents, la prononciation finale devait différer.

Cependant, il est possible que deux mots aient coexisté, car d'autres dictionnaires occitan-français attestent un  gigòt masculin, d'autres une terminaison en o et le substantif féminin.

Ici: page 384: gigo: substantif féminin  :
http://www.archive.org/stream/dictionna … 4/mode/2up

Ici pour le département de l'Aveyron: gigo, féminin.
http://www.archive.org/stream/dictionna … 8/mode/2up


Enfin, significatif, Frédéric Mistral dans son Tresor dou Felibrige recense deux mots à égalité et synonyme:

- gigo : substantif féminin ( avec des variantes digo ou gingo )  et gigot ou digot : substantif masculin., le premier qu'il traduit en français par gigue, jambe ou jambe et cuisse, avec des exemples concernant aussi bien le boeuf que le mouton, et le second qu'il traduit uniquement par cuisse de mouton, gigot.

D'où il s'ensuit que dans le sud, la gigue s'emploie au fond encore pour toute cuisse d'animal bovin , ovin ou caprin, tandis que le gigot a un sens plus restreint, ne se rapportant qu'au mouton et tout compte fait, on retrouve la définition du français standard du TLFi smile

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Pierre Enckell a écrit:

Dans un fil du 24 janvier, j'avais remarqué se rater dans le sens "rater qch.", et on m'a fait remarquer que c'était une forme moderne assez courante. Je trouve deux emplois similaires à propos de l'Algérie :
je me le mange / je me les aurais mangés (Musette, Cagayous, pochades algériennes, 1895, p. 20 et 59.)
Manger est employé ici dans le sens "battre", comme dans manger le nez à qqn, etc.
(...)

Est-il certain que tous ces exemples soient assimilables ?
Dans le contexte familier, il me semble que la forme réfléchie est parfois plus naturelle que la forme non réfléchie. Ainsi, avec prendre (=recevoir, subir) : Il s'est pris une gifle/une prune/une soufflante/une averse ... Le TLFi ne cite pas cette forme alors qu'elle me semble très usuelle. Le pronom réfléchi me paraît dans ces cas fam. (ou oral) et expressif.
Du côté de : « rater » / « se rater ». On peut dire : « Le fou volant a raté sa cascade, il s'est blessé. » ou « Il a fait sa cascade et il s'est raté » ; mais pas « Il s'est raté la cascade ». Dans ce cas, le pronom réfléchi n'est pas supprimable, donc pas superflu. Non ?

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

gb a écrit:

On peut dire : [...] « Il a fait sa cascade et il s'est raté » ; mais pas « Il s'est raté la cascade ». Dans ce cas, le pronom réfléchi n'est pas supprimable, donc pas superflu. Non ?

Comme cet emploi ne m'est pas familier, je ne sais si "Il s'est raté la cascade" est impossible ou non. Si c'est vraiment le cas, il pourrait s'agir d'une exception par rapport aux autres verbes cités, manger, croire, garder et le prendre que vous leur avez ajouté, sans parler de ceux cités par Desgrouais, plus haut.

Quoi qu'il en soit, cela m'a tout l'air d'un beau sujet. Serait-il possible que des linguistes compétents ne l'aient pas déjà traité ?

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Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Pierre Enckell a écrit:

Pardon de me citer moi-même. J'aurais dû consulter Les Gasconismes corrigés de Desgrouais, qui dès sa première édition (Toulouse, Jean-Jacques Robert, 1766, avec privilège du Roi), donne des exemples qu'il considère comme fâcheux :
Que ferez-vous d'un si gros morceau de pain ? Je me le mangerai.

Cf. aussi "Les Provençalismes corrigés", au paragraphe allant du bas de la page 37 à la page 38. La situation est un peu différente toutefois.

18 Dernière modification par regina (13-02-2011 13:22:27)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Chers amis parisiens smile Il ne me viendrait pas à l'idée de vous reprocher de consulter des dictionnaires réalisés par des francophones pour étudier la langue erronée des  Méridionaux, il y a plusieurs siècles ( XVIII[sup]e [/sup], si je ne me trompe). Un bon tiens, vaut mieux que deux tu l'auras...

Mais enfin, il vous suffisait de consulter le dictionnaire de Mistral ( Tresor de Lou Felibrige ) ou des dictionnaires rédigés également par des occitanophones et tenir compte des Français d'aujourd'hui , non illettrés, vivant dans ces contrées sauvages et vous citant des ouvrages réalisés sur place, tel le Dictionnaire de l'Académie de Marseille, plus les citations directes en langue occitane, pour juger SUR PIÈCE big_smile

À moins, bien sûr de vouloir vous lancer dans une longue étude historique pour voir l'évolution propre à chaque tournure, en fonction de chaque variante dialectale big_smile Seriez-vous encore parisiano-centrés? wink


P.S: En version originale, mise à jour, actuellement, on ne dira plus: je m'otai la perruque, il me tirait la jupe ou il me salissait les bas, mais, je me suis attrappé une de ces grippes,   la belle-mère, je vais me l'empéguer, me la supporter encore longtemps?, il se lève l'âme, il se bouge le cul , de même que le sportif ne mouille pas sa chemise, il se mouille la chemise, et ainsi de suite.

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Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Chère Regina, ceux qui veulent parler de l'occitan feraient mieux, c'est certain, de consulter et de citer des textes et des dictionnaires occitans.

Moi, c'est sur le français que je travaille. Pas seulement sur le français parisien, mais si possible sur toutes les formes régionales que notre langue peut prendre. Projet démesuré, sans doute : j'ai déjà laissé complètement de côté le français du Québec et les divers français d'Afrique (sauf d'Afrique du Nord), que je ne connais pas. Mais les français de l'Hexagone (auxquels j'ajoute ceux de Belgique et de Suisse romande) sont, à eux seuls, d'une grande richesse et  d'une grande variété. Le très gros Dictionnaire des régionalismes de France n'en représente qu'un petit échantillon.

Je pratique depuis assez longtemps Sauvages (1756 et 1785), dont j'ai parlé précédemment, en tâchant de lire chaque article afin d'y trouver des tournures ou des mots français intéressants : la moisson, déjà commencée par Pierre Rézeau, est assez riche.
Desgrouais est une autre affaire : il critique le français de Toulouse, et ce faisant nous offre sans le vouloir toute une gamme de termes et de locutions qui n'avaient souvent pas été repérés aussi tôt. C'est le même cas que les nombreuses "cacographies" du 19e siècle, "Ne dites pas... mais dites...", souvent publiées au nord de la Loire, où c'est le "dites pas" qui est seul intéressant pour lers historiens du français familier et populaire.

Bien sûr, si l'on veut chercher l'origine de tel ou tel terme du français du Midi, il est indispensable de chercher en premier lieu dans les dictionnaires tel celui de Mistral ; et de là au latin ; et de là ... Mais c'est alors de l'etimologia remota selon le terme italien adopté par les linguistes français, et non pas de l'etimologia prossima, qui se préoccupe essentiellement de l'histoire du mot dans la langue à laquelle il appartient.

20 Dernière modification par regina (13-02-2011 15:06:44)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Chère Regina, ceux qui veulent parler de l'occitan feraient mieux, c'est certain, de consulter et de citer des textes et des dictionnaires occitans.

Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Il s'agit bien dans mon esprit de comprendre ce qui est spécifique dans des tournures francitanes ( français régional inspiré de la langue d'oc), or vous vous posiez la question de l'emploi de ces réfléchis, leur attribuant d'abord une origine nord-africaine ( pire , vous parliez de tics de langage grr... gare, qu'à demi pardonné smile ), et j'ai cherché  à montrer, par des exemples venus de la langue occitane , qu'il s'agissait d'un calque de tournures syntaxiques propres à l'occitan et passées dans le français régional du sud.

La consultation de Mistral vous l'aurait confirmé, puisqu'il ne s'agit pas d'un dictionnaire unilingue mais occitan ( ou provençal) -français.

Quant aux dictionnaires de français régional, il y a comme vous le signalez l'énorme travail réalisé par Pierre Rézeau, mais il s'intéresse à tous les régionalismes et n'est de loin, pas exhaustif.

Et par ailleurs, vous avez des myriades de lexicologues, parfois amateurs, parfois tout à fait crédibles, parfois les deux, qui publient sur papier ou en ligne des lexiques, études spécialisées et restreintes à des régions particulières, spécialement dans le vaste territoire qui intéresse le francitan ( je rappelle, forme régionale du français).

Encore une fois, oui, la consultation et les références anciennes sont une aide indispensable pour le lexicologue, mais si vous vous intéressez aux tournures d'aujourd'hui, il me semble dommage d'ignorer ce qui se fait actuellement, sur le terrain de l'étude du lexique régional, ouvrages dans lesquels vous trouvez souvent l'explication ou le lien avec la forme occitane qui  est à l'origine de telle ou telle tournure. smile

J'ai cité le Dictionnaire de l'académie de Marseille, mais il y en a tant d'autres. Ci-joint tout une liste de recueils lexicographiques , dédiés au parler des différentes régions francophones , dont certains ne sont pas si anciens. Vous y figurez également smile

http://andre.thibault.pagesperso-orange … raphie.pdf  Chapitre 3.1.2

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

regina a écrit:

( pire , vous parliez de tics de langage grr... gare, qu'à demi pardonné smile )

Seriez-vous réellement capable de me mordre, Regina, et si je m'aventure au sud de Lyon sera-ce à mes risques et périls ?

Oui, je connais cette excellente liste de Thibault, qui met cependant à peu près tout sur le même plan, qui doit atterrer ses étudiants en Sorbonne ("M'sieu, lesquels on doit lire ?").

22 Dernière modification par regina (13-02-2011 16:18:59)

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

Promis, cher Pierre, si vous vous aventurez un jour, au sud la ligne de démarcation, ce qui me ferait le plus grand plaisir, j'enlèverai mon dentier big_smile

Quant à André Thibault, voilà qu'une fois de plus, c'est vous qui montrez la canine à l'enseignant wink

Cet universitaire ne se contente pas de fourguer à ses étudiants cette longue liste indigeste, il tient à jour très consciencieusement un site universitaire à destination de ses petits protégés estudiantins, avec des rubriques, cours et explications en ligne pour chaque niveau d'études et très certainement, les conseils adéquats concernant les ouvrages à étudier.

Par ailleurs, il dirige des étudiants au niveau Master 1 et Master 2 en Francophonie et variétés du français  , ce qui correspond aux anciennes dénominations maîtrise et DEA ( Diplôme d'études approfondies) dont le but était et reste une première approche de la recherche. À ce niveau, l'étudiant se choisit ( encore un régionalisme? wink ) un sujet de mémoire, qu'il développera en Master 2 et qui peut  déboucher par la suite, sur une thèse de doctorat, ce qui suppose que ces étudiants soient et sont alors à même de distinguer dans cette longue liste ce qui est d'ordre généraliste et ce qui correspond plus particulièrement au sujet de recherche qu'ils ont choisi. Le tout supervisé par un directeur de mémoire ou thèse, certainement pas avare de conseils smile

http://andre.thibault.pagesperso-orange.fr/

Personnellement, je dis « chapeau !» à ce monsieur pour la clarté, le suivi, les conseils pédagogiques et la disponibilité dont il fait preuve pour les futurs linguistes  avérés smile

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : Réfléchi superflu (se rater, se manger, se croire)

regina a écrit:

Promis, cher Pierre, si vous vous aventurez un jour, au sud la ligne de démarcation, ce qui me ferait le plus grand plaisir, j'enlèverai mon dentier big_smile

Quant à André Thibault, voilà qu'une fois de plus, c'est vous qui montrez la canine à l'enseignant wink

Pas à l'enseignant, oh là la ! A la mentalité supposée de quelques étudiants flemmards !

Je connais André Thibault, nous avons bien sympathisé lors d'un colloque il y a quelques années, et j'apprécie la clarté de  son expression même sans avoir jamais assisté à aucun de ses cours. Je pratique souvent son Dictionnaire suisse romand dont il a dirigé les travaux parce que excellent linguiste, bien entendu, mais surtout parce que Québecois, et donc plus apte qu'un Suisse à saisir les particularités locales*. Je ne peux pas me targuer de son amitié, sinon à la manière universitaire du "Cher ami", mais j'ai beaucoup de respect pour lui. C'est un des meilleurs spécialistes de la langue qui soit aujourd'hui en France.

Maintenant, j'ai probablement eu tort d'émettre dans le contexte d'Abc une (unique!) restriction sur sa liste. Si je l'avais fait auprès d'autres linguistes, on aurait pu m'approuver ou me désapprouver, mais personne n'y aurait vu une quelconque attaque. Ici, quand le contexte n'est pas explicite, cela peut être mal interprété. Mais la plupart des abéciens - dont je suis heureux de faire partie - savent sûrement que je m'occupe du vocabulaire français depuis à peu près un tiers de siècle. Cela m'a valu de rencontrer, entre autres, plusieurs des auteurs cités dans la liste de Thibault, à qui il m'est parfois arrivé, moi infime ver de terre sans diplôme, de faire des remarques qu'ils ont bien voulu considérer comme justifiées. 

Excusez-moi, s'il vous plaît, d'avoir tant parlé de moi. Il m'a semblé que c'était nécessaire pour clarifier mes propos.


* ce n'est pas toujours le cas. Le dictionnaire correspondant des belgicismes a été élaboré par un Belge, celui du québecois par un Canadien. Plusieurs dictionnaires du (des) français régionaux du Midi ont pour auteur(s) des Méridionaux. Il y a des exemples contraires : le vieux M. Valdman, qui durant toute sa vie a étudié le créole antillais et enseigne aux Etats-Unis, est fils d'un petit artisan de Noisy-le-Sec ; je l'ai entendu raconter avec simplicité l'émouvante histoire de sa fuite vers l'Espagne pendant l'Occupation... Notons d'ailleurs à ce propos la part des germanophones au sommet de la linguistique/lexicographie française : Walther von Wartburg, Kurt Baldinger, Frankwalt Möhren, pour ne citer que quelques contemporains.

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