Sujet : Elle est belle ma réforme ! demandez ma belle réforme...
Analyse du ridiculus mus :
Nina Catach, dans son excellent L’orthographe cite cette intervention de E. Jung :
« Seules ont réussi, et se sont imposées sans malaise, les réformes à objet limité, qui ne recherchaient pas de but supra-orthographique, comme l’unification d’un groupe de parlers, et qui ne tentaient pas de remplacer l’essentiel du code par un système idéal amenant de nombreuses modifications : il semble que plusieurs réformes partielles, séparées entre elles d’une génération à peu près, soient mieux tolérées que les opérations chirurgicales importantes. »
Ce point de bon sens étant rappelé, penchons-nous sur la dernière réforme, qui a déjà, dans l’indifférence générale, dépassé sa majorité légale.
Le texte complet figure au J.O. du 6 décembre 1990, mais PAS au B.O.E.N. Ce qui explique sans doute bien des choses ! Je ne cite cependant que le résumé publié sur le site www.orthographe-recommandée.info :
Les numéraux composés sont systématiquement reliés par des traits d'union.
Exemples : vingt-et-un, deux-cents, trente-et-unième
On s’interroge sur l’urgence et la nécessité de cette réforme, surtout quand on se souvient qu’en 1901 : « Le trait d’union ne sera pas exigé entre le mot désignant les unités et le mot désignant les dizaines », et qu’en 1976 : « On admettra l’omission du trait d’union. » Dans la pratique, c’est l’oubli du trait d’union qui domine, d’où l’absolution deux fois donnée à cette faute récurrente. Le bon sens voudrait donc que le trait d’union soit définitivement aboli, et non qu’on le rende obligatoire !
Georges Leygues signait ces lignes en 1901 :
« Les mêmes noms composés se rencontrent aujourd’hui tantôt avec le trait d’union, tantôt sans trait d’union. Il est inutile de fatiguer les enfants à apprendre des contradictions que rien ne justifie. L’absence de trait d’union dans l’expression pomme de terre n’empêche pas cette expression de former un véritable mot composé aussi bien que chef-d’œuvre, par exemple. Ces mots pourront toujours s’écrire sans trait d’union. »
Cette remarque vise les seuls noms composés, mais son bon sens pourrait la généraliser à tous les emplois du fameux trait d’union
Dans les noms composés du type pèse-lettre (verbe + nom) ou sans-abri (préposition + nom), le second élément prend la marque du pluriel seulement et toujours lorsque le mot est au pluriel.
Exemples : un compte-goutte, des compte-gouttes ; un après-midi, des après-midis
Là, vrai problème, mais nos réformateurs auraient dû franchir le pas, et déclarer ces mots composés invariables, une bonne fois pour toutes. Un compte-goutte, sans S, (et pourquoi pas ? après tout on peut ne compter qu’une goutte) des compte-goutte, un après-midi, des après-midi, un timbre-poste, des timbre-poste….
Cela leur aurait valu la reconnaissance des petits écoliers.
On emploie l'accent grave (plutôt que l'accent aigu) dans un certain nombre de mots (pour régulariser leur orthographe), et au futur et au conditionnel des verbes qui se conjuguent sur le modèle de céder.
Exemples : évènement, règlementaire, je cèderai, ils règleraient
Ouffffffff ! Rien à redire…
L'accent circonflexe disparait sur i et u. On le maintient néanmoins dans les terminaisons verbales du passé simple, du subjonctif, et dans cinq cas d'ambigüité.
Exemples : cout ; entrainer, nous entrainons ; paraitre, il parait
Coucou, il est plus là, coucou, le revoilà !
Ce point mériterait d’être sponsorisé par Aspro, tant il prépare les migraines de l’avenir : suis-je dans une terminaison verbale ? suis-je dans un des cinq cas d’ambigüité ?
Les bonnes règles sont celles qui ne souffrent pas d’exceptions : ou on les gardait tous, ou on les supprimait tous, ces ^ !
Les verbes en -eler ou -eter se conjuguent comme peler ou acheter. Les dérivés en -ment suivent les verbes correspondants. Font exception à cette règle appeler, jeter et leurs composés (y compris interpeler).
Exemples : j'amoncèle, amoncèlement, tu époussèteras
Font exception à cette règle… On réforme pour mettre de l’ordre dans le désordre, et on prévoit des exceptions ! N’y aurait-il pas un attachement compulsif aux exceptions ?
Les mots empruntés forment leur pluriel de la même manière que les mots français et sont accentués conformément aux règles qui s'appliquent aux mots français.
Exemples : des matchs, des miss, révolver
R.A.S.
La soudure s'impose dans un certain nombre de mots, en particulier dans les mots composés de contr(e)- et entr(e)-, dans les mots composés de extra-, infra-, intra-, ultra-, dans les mots composés avec des éléments « savants » et dans les onomatopées et dans les mots d'origine étrangère.
Exemples : contrappel, entretemps, extraterrestre, tictac, weekend, portemonnaie
La soudure s’impose… Cet article-ci a bien mérité d’Optic 2000.
Cette soudure rend plus difficile le décodage du mot, sa lecture. Curieusement, les auteurs, qui rendent obligatoires des traits d’union que plus personne ne pense à écrire les suppriment là où ils seraient utiles.
Simple à comprendre : ce ne sont pas les mêmes qui ont travaillé sur ces deux points.
Faute d’une doctrine uniforme du trait d’union, on pourrait envisager la possibilité d’aérer les grumeaux par de simples espaces ou des apostrophes.
Les mots anciennement en -olle et les verbes anciennement en -otter s'écrivent avec une consonne simple. Les dérivés du verbe ont aussi une consonne simple. Font exception à cette règle colle, folle, molle et les mots de la même famille qu'un nom en -otte (comme botter, de botte).
Exemples : corole ; frisoter, frisotis
Font exception… Quel amour de l’exception ! Puisqu’on fait le ménage, autant le faire à fond.
Le tréma est déplacé sur la lettre u prononcée dans les suites -güe- et -güi-, et est ajouté dans quelques mots.
Exemples : aigüe, ambigüe ; ambigüité ; argüer
R.A.S.
Enfin, certaines anomalies sont supprimées.
Exemples : asséner, assoir, charriot, joailler, relai
Charriot !
Mais ce n’est pas chaRiot, l’anomalie, l’anomalie c’est chaRRette, chaRRue et caRRosse. Il y avait là une bonne occasion d’unifier cette famille en éliminant une lettre double qui ne correspond plus à rien. Il fallait poser : chariot, charette, charue, carosse.
Et avec ça madame ? C’est tout, c’est bien tout ?
Noter que cette réforme n’est pas obligatoire, et qu’on acceptera l’une et l’autre orthographe.
Or, tous ces points (et quelques autres…) sont traités dans l’arrêté de 1976 (sauf le tréma et chariot).
Prenons que la réforme est une réédition de cet arrêté. Leurs destins sont d’ailleurs identiques : tout le monde s’en fout !