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Le forum d'ABC de la langue française

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Messages [ 1 à 50 sur 61 ]

1

Sujet : Mords-moi le noeud

est-il possible de savoir d'où vient l'expression argotique:" mords moi l'noeud"?



Merci

2

Re : Mords-moi le noeud

Possible ?



Pas vraiment selon moi.



Noeud, oui, on dit pouvoir trouver approximativement la date d'apparition si l'on est bien outillé ;

mais l'expression « mords moi le noeud » qui, je crois, ne signifie rien de bien précis (réponse ironique pour dire non ? ; expression de défi humoristique ?), c'est une autre paire de manches. On peut imaginer que c'est assez récent, vu le type de vulgarité, mais bon, c'est au pifomètre...

(Pas encore rencontré donc absent de mon dico pour le moment.)



Gb.

3

Re : Mords-moi le noeud

Merci pour cette réponse, même si elle ne m'apporte aucun renseignement. C'est sur qu'elle est vulgaire, mais je me posais la question de ce qui pouvait être à l'origine de cette expression argotique.

4

Re : Mords-moi le noeud

ça a été, à une époque, "mords moi le doigt", et j'ai entendu parler d'une histoire de "mormoëlle d'oie" (un type particulier de moëlle?)

5

Re : Mords-moi le noeud

Celle contenue dans l'os à moëlle ?

6

Re : Mords-moi le noeud

aucune idée, de toute façon l'os à moëlle d'une oie c'est assez moyen. Je ne suis pas sur que ça ne soit pas une blague. Si quelqu'un a une idée sur la question...

7

Re : Mords-moi le noeud

Hey, bijour everybody!!! smile
Alors j en ai une bonne pour vous, l origine de "a la mords moi le noeud" est tres vulgaire c pourquoi je ne vais pas m etaler sur le sujet mais son sens c est : faire qqch tres mal "a la rage" et le "a la mords moi le noeud" ca signifie (sachant que le noeud est le gland du pénis^^), se faire mordre le gland pendant une fellation.
Donc l explication finale est que faire qqch a la mords moi le noeud c faire qqch ossi mal ke si une meuf te mordai pdt la fellation voila.
Allez See Ya Later!

Re : Mords-moi le noeud

On trouve plusieurs expressions commençant par « à la mords-moi » suivi du nom d'une partie du corps : le doigt, l'œil, le pif, le chose... Nœud est à l'évidence une référence obscène, plus récente que les autres. Le sens est toujours : faire quelque chose à la mords-moi-le doigt « n'importe comment, sans soin ». Une combine à la mords-moi-le-doigt est une affaire louche ou peu sûre. Le dictionnaire d'argot ne donne pas d'explication sur l'origine de l'expression.

Jacques

9

Re : Mords-moi le noeud

DaFRenchHacker a écrit:

Alors j en ai une bonne pour vous, l origine de "a la mords moi le noeud" est tres vulgaire (...) mais son sens c est : faire qqch tres mal "a la rage" et le "a la mords moi le noeud" (...) c faire qqch ossi mal ke si une meuf te mordai pdt la fellation voila.

Oui, ça tient la route.
La question serait maintenant de savoir quelle est la première expression : «à la mords-moi le nœud» ou «à la mords-moi le doigt» ? si nœud est premier, on peut imaginer que doigt, par exemple, qui le remplace est un effet linguistique de la pudeur.
Oui, il existe sûrement une tripotée d'expressions empruntant la forme : «à la mords moi»+partie du corps, rejetons d'un même modèle (mais google donne bien la préférence à «à la mords moi le nœud» (+90%) : il faudrait des attestations datées : laquelle a donné naissance aux autres.
Vous suggérez, Lardenais, que «à la mords moi le noeud» n'est pas première. Pour ma part, je ne sais pas, mais je vois bien les choses commençant par noeud et l'expression être «adoucie» par le suite. En fait, je vois bien : «à la mords moi le nœud» comme origine des autres (à défaut de preuve du contraire).

Déjà, noeud = sexe, quelle date ? Esnault donne 1835 ; Guiraud ne donne pas de date dans son Dictionnaire érotique, et je crois que tout le monde recopie, comme d'habitude, trois fois hélas, Esnault.
Les paris sont ouverts :
attestions anciennes de nœud = (tête de) sexe masculin & à la mords moi-le + qqchose activement recherchées.

Gb.

Re : Mords-moi le noeud

D'après les dictionnaires « à la mords-moi le nœud » serait de création plus récente. Mais sait-on jamais ?

Jacques

11

Re : Mords-moi le noeud

Au pifomètre, je dirais aussi cela. Mais j'aimerais avoir des attestations, anciennes de préférence.
C'est un de mes grands regrets que les dictionnaires en général et les dictionnaires d'argot en particulier ne donnent pas mieux la date à partir de laquelle une entrée est attestée. Esnault le fait, et son dictionnaire d'argot est à mon avis l'un des meilleurs : il date toutes ses entrées. Malheureusement ses successeurs se contentent de le recopier. Je me demande si Colin et al., qui prennent sa suite chez Larousse, ont ajouté quelque chose. Il faudrait faire la comparaison...
Gb.

Re : Mords-moi le noeud

En ce qui concerne les dictionnaires en général, Robert donne les dates. Il ne s'agit pas de dates d'entrée, puisque certaines remontent bien avant l'apparition du Robert, mais de celle à partir de laquelle l'existence du mot est attestée.
Le dictionnaire d'argot donne « à la mords-moi le jonc 1910 » et « à la mords-moi le doigt 1922 ». En me fondant sur mes souvenirs, l'apparition de nœud est plus récente. Postérieure à 1955 au moins. Quant à jonc, on peut soupçonner que c'est déjà une forme triviale (au sens véritable  de ce mot, c'est-à-dire bas et vulgaire, et pas à celui que l'on trouve dans Trivial pursuit, qui est repris en français dans une acception erronée) .

Jacques

13

Re : Mords-moi le noeud

Bonjour,
La première fois que j'ai entendu cette expression, que j'ai eu bien des peines à retranscrire, c'était dans le film " L'aube de l'apocalyse"
Cette expression était associée à un PC : un ordinateur à la mords-moi le noeud
La signification m'a semblé être : peu fiable, à côté de la plaque, en fin de vie
A+
Christian

tesson a écrit:

ça a été, à une époque, "mords moi le doigt", et j'ai entendu parler d'une histoire de "mormoëlle d'oie" (un type particulier de moëlle?)

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Re : Mords-moi le noeud

Lardennais :

Le dictionnaire d'argot donne « à la mords-moi le jonc 1910 » et « à la mords-moi le doigt 1922 ».

Je viens de tomber sur un à la mords-moi-le-jonc dans Colette:

— Au temps ! crie Brague. Tu l'as encore raté, ton mouvement! En voilà une répétition à la mords-moi-le-jonc! Tu ne peux donc pas être à ce que tu fais?

C'est dans La Vagabonde, roman paru en 1910 (à la page 137 de l'édition de la Pochothèque).

15

Re : Mords-moi le noeud

Et "à la bouffes-moi-le-cul"? Ne pourrait-on lancer cette expression?

16

Re : Mords-moi le noeud

Le «s» en trop, ce n'est pas une faute sur l'impératif, mais forcément un lapsus indiquant publiquement, par la marque du pluriel, la grande de quantité de fantasmes pluriels qui vous habitent, Molina ?

Torsade de Pointe a écrit:

Je viens de tomber sur un à la mords-moi-le-jonc dans Colette:
— Au temps ! crie Brague. Tu l'as encore raté, ton mouvement! En voilà une répétition à la mords-moi-le-jonc! Tu ne peux donc pas être à ce que tu fais?
C'est dans La Vagabonde, roman paru en 1910 (à la page 137 de l'édition de la Pochothèque).

Vous avez la même attestation que le TLFi s.v. [tlfi]mordre[/tlfi], reprise par le dictionnaire cité par Lardenais (probablement Colin, Mével).
Pas si facile de trouver de nouvelles attestations à cette époque, surtout chez les classiques, d'autant que Colette a dû être passée à la moulinette. Mais ce serait bien si l'on pouvait avoir la possibilité d'enrichir le TLFi de ses trouvailles (avec qqchose à gagner à la clé quand même).

17 Dernière modification par Molina (08-04-2006 08:48:33)

Re : Mords-moi le noeud

"la grande de quantité" je ne crois pas non plus à une faute de frappe, mais à un lapsus qui révèle la même chose que pour Molina, en plus grande quantité encore...
Mais je veux bien vous expliquer ce "s" à bouffe et vous verrez que Freud, pour une fois, n'y est pour presque rien dans cette histoire de cul. J'ai lu "mords-moi-le-noeud", où mords prend un "s", je me suis donc dit qu'il fallait mettre un "s" à bouffe aussi, donc ce "s" révèle tout simplement mon ignorance profonde de l'orthographe d'abord, et seulement après, si cela vous amuse, la profusion de mes fantasmes. A vous maintenant d'expliquer publiquement votre "grande de"...

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Re : Mords-moi le noeud

Je conçois que d'aucuns trouvent ce type de sujet  "b.....t", mais je me demande si ce forum est vraiment le lieu idéal pour multiplier les messages à caractère sexuel, pour ne pas dire vulgaire (entre les histoires de M. Dupanloup dans une autre rubrique et les "à la mors-moi le ...", on a le choix !). Plutôt que de prendre le prétexte de la langue française pour s'étendre sur le sujet, nous pouvons peut-être conseiller à ceux que cela intéresse des sites ou forums plus en adéquation avec leur tempérament ? lol:lol::lol:

Laurence

19

Re : Mords-moi le noeud

Je comprends, quelqu'un qui écrit "je conçois que d'aucuns", ne peut se permettre d'écrire bandant et noeud... Et pourtant le noeud bande Laurence! Sinon comment serions-nous là à philosopher?!

20

Re : Mords-moi le noeud

Molina a écrit:

Je comprends, quelqu'un qui écrit "je conçois que d'aucuns", ne peut se permettre d'écrire bandant et noeud...

Non, Molina ! Quand ce serait la récré, ce n'est pas une raison pour que chaque interlocuteur se dispense d'écrire dans le registre qui lui convient, n'en déplaise aux obligeurs de danser en rond.
  Et si Laurence conçoit que d'aucuns trouvent à ce fil leur plaisir épistolaire (et plus si affinités), d'autres peuvent bien admettre que Laurence trouve son propre plaisir à rédiger sa contribution comme elle l'entend, et nul censeur ne peut se tenir pour autorisé à la critiquer sur ce point.
  Et merci pour elle.

elle est pas belle, la vie ?

21

Re : Mords-moi le noeud

Je ne pensais pas que mon ton faussement offensé et volontairement pédant aurait été pris au sérieux.
On ne peut donc pas plaisanter 5 mn !!!

Laurence

22

Re : Mords-moi le noeud

Piotr et Molina se sont faits berner par le petit plaisantin de Laurence qui raffole en fait des "mords-moi-le-noeud" et des Bali-Balo et qui faisait semblant d'être outré, pédant et de s'autocensurer! Bien joué Laurence!

Au fait, cher piotr, je ne suis pas un censeur, un moqueur si vous voulez, mais pas un censeur, ce n'est pas la même chose, non?

Re : Mords-moi le noeud

Petite digression :
un (ou une ? Laurence est un prénom épicène, d'où la lourde erreur de jugement du pauvre Jocelyn de Lamartine...) écrit, très XIXe, « b... t ».

Je me suis toujours interrogé sur cet hypocrite usage des points de suspension : le rédacteur connait le mot, mais il ne veut pas l'écrire pour ménager la pudeur du lecteur. soit.
Mais en même temps, il ne doute pas un instant que le lecteur reconnaitra le mot à son initiale. Ils le connaissent donc tous les deux, qui choque qui ?

J'ajoute que dans mon innocente enfance, me heurtant à des termes ainsi censurés, je me plongeais dans des conjectures, des abimes de réflexion que le mot propre ne m'eût pas inspirés.

Bref, c'est de l'hypocrisie pure et simple, et vive notre temps où l'on écrit chat en toutes lettres !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

24

Re : Mords-moi le noeud

Gb a écrit :

Vous avez la même attestation que le TLFi s.v. mordre, reprise par le dictionnaire cité par Lardenais (probablement Colin, Mével).

Oui, effectivement. Mais au-delà de la coïncidence, il peut paraître incongru que le TLF se serve des romans de Colette comme corpus source de la langue populaire et argotique.

Quoique…

Colette, au cours de l’année 1907, a été artiste de music hall, plus exactement a joué des pantomimes. Elle a donc fréquenté le milieu assez gouape du café-concert et a eu tout le loisir d’entendre la parlure de ce milieu. Le roman La Vagabonde contient d’ailleurs plusieurs échantillons de ce parler, toujours sous la forme de dialogues, p.ex. dans ce passage que je vous copie:

Brune et vive, couverte de bijoux, la Patronne (de la salle de café-concert, TdP) trône, ce soir comme tous les soirs, au contrôle. Ses yeux brillants et agiles voient tout, et les garçons de salle ne se risquent pas à oublier, le matin, la poussière des coins sombres. Ils foudroient en ce moment, ces terribles yeux, un authentique, costaud et consi¬dérable apache venu pour acheter le droit d'occuper, contre la scène, un des meilleurs sièges cannés, ceux du premier rang, ceux où l’on se carre en crapaud, les bras sur le balcon, le menton sur les mains croisées.
La Patronne le rembarre sans tumulte, mais de quel air de dompteuse!
- Rentre tes quarante-cinq sous, et file!
Le costaud, bras ballants, se balance comme un ours:
- Pourquoi ça, Madame Barnet? Quoi que j'ai fait?
- Oui, oui, «quoi que j'ai fait? »! Tu crois que je ne t'ai pas vu, samedi dernier? C'est toi qui étais au fauteuil un de la galerie, hein?
- Si on peut dire !
- C'est toi qui t'es levé pendant la pantomime, hein? pour dire: «Elle me montre qu'un nichon, je veux y voir les deux! j'ai payé deux linvés \ un par nichon!»
Le costaud, cramoisi, se défend, une main sur le coeur:
- Moi! moi! Voyons, Madame Barnet, je sais me tenir, je sais que c'est pas des choses à faire! Je vous promets, Madame Barnet, que c'est pas moi qui ...
La reine de 1'Empyrée étend une dextre impitoyable, etc.

25 Dernière modification par gb (09-04-2006 00:55:56)

Re : Mords-moi le noeud

Torsade de Pointe a écrit:

il peut paraître incongru que le TLF se serve des romans de Colette comme corpus source de la langue populaire et argotique.

Je ne sais plus si c'est le TLF(i) ou le Grand Robert qui, pour, disons, le français familier des années 60-70, convie Sartre.
Ce n'est pas ridicule : on trouve des choses intéressantes chez Sartre, comme chez Colette ou chez Proust évidemment.
La question sans fin que vous posez, c'est : qu'est-ce que la langue populaire, qui l'emploie et où la trouve-t-on. Quelles sont les sources où la trouver ?
Indiscutablement, vous  levez un lièvre : pourquoi chercher chez les auteurs lardagetmichardisés ce qu'on trouverait en plus grand quantité ailleurs, dans la «sous/para-littérature»... Mon vieux démon me souffle bien quelque chose...
Les excursions dans le langage familier, vulgaire, argotique, etc., c'est toujours ou presque avec la caution d'une autorité qu'elles sont faites. Autant dire qu'on est loin de la première main. C'est un peu comme si on partait à la pêche... chez le poissonnier.
--
«à la mords-moi le jonc», attesté chez Colette, semble avoir été absent du TLF, et ajouté a posteriori dans le TLFi quand il a été relevé dans un numéro des DDL (chercher «mords» dans BHVF) en 1989 par A. Rétif (quelques années plus tôt, et vous enrichissiez le TLFi, TdP).

26

Re : Mords-moi le noeud

Les DDL (=BHVF) ont fait une erreur en retenant en 1989 la citation proposée par A. Rétif.
Tout l'alinéa des mords-moi-le, y compris la citation de Colette, figurait déjà en 1985 dans le tome XI du TLF, p. 1076.

Cela dit, il est exact que le corpus du TLF ne  brille pas par l'audace. Mais son mérite, en l'occurrence, est d'avoir signalé cette attestation, ce qu'un dictionnaire plus conformiste n'aurait peut-être pas fait.

C'est en 1985 aussi qu'a été publiée la deuxième édition du Grand Robert, laquelle n'atteste que mords-moi-le-doigt 1916 d'après Cellard-Rey (le dictionnaire ajoute une "var. sexualisée" tout de son cru, c'est-à-dire sans exemple ni référence : "A la mords-moi le noeud, le chose...").

27

Re : Mords-moi le noeud

TLF/ TLFi /DDL /BHVF: quarté gagnant à la "mords-moi-le noeud"? Y a-t-il, oui ou non, un non partant? Combien fait le quarté dans le désordre? Sartre était-il dans les tribunes pour voir la course?  Colette, c'est sûr...

28

Re : Mords-moi le noeud

Pour répondre à P'tit Prof, je ne pense pas que le prénom Laurence soit, de nos jours, épicène. Il l'a peut-être été à une époque. Il est masculin chez nos amis anglo-saxons, mais en français il est féminin.
Par ailleurs, contrairement à ce que pense Molina, on peut ne pas être outré ou choqué sans pour autant être fou de quelque chose.;)

Pour en revenir au sujet, je maintiens que cela commence à devenir lourd, dans un forum sur la langue française. Je peux donner mon avis, non ?

Laurence

29

Re : Mords-moi le noeud

Laurence, vous plaisantez encore, mais je ne me ferais pas avoir cette fois-ci!

30

Re : Mords-moi le noeud

Ici, quelqu'un demande qu'on parle moins de termes relevant de la sexualité.

Presque simultanément, dans un autre rubrique, quelqu'un demande qu'on parle moins de grammaire.

Peut-on demander à ces deux intervenants (et à d'autres, pourquoi pas) de fournir la liste des sujets qu'ils autorisent ?

31

Re : Mords-moi le noeud

Votre pantalon est-il si large que ça Molina, que vous voulez vous faire remonter les bretelles ? On peut dire ce qu'on veut, mais il faut un alibi : que ça ajoute quelque chose au sujet smile

il est exact que le corpus du TLF ne  brille pas par l'audace. Mais son mérite, en l'occurrence, est d'avoir signalé cette attestation, ce qu'un dictionnaire plus conformiste n'aurait peut-être pas fait

Tout à fait d'accord, le TLFi va dans le bon sens en s'ouvrant au lexique familier.
Mon plus grand regret à son sujet, c'est qu'il soit arrêté je crois, alors qu'un dictionnaire n'est jamais fini : avec la version électronique, il aurait été envisageable de l'enrichir continuellement, de le mettre à jour, de compléter les dépouillements, etc. pour ne pas en faire un dictionnaire historique (i.e. du passé).

32

Re : Mords-moi le noeud

L'intention était bien, aux temps héroïques, de faire du TLF "le dernier dictionnaire papier", faisant place ensuite à une version informatisée, ouverte à toutes les améliorations et mises à jour, dynamique, interactive...

C'était un beau rêve. Les patrons du CNRS y ont mis fin, empêchant même la publication d'un volume de compléments et suppléments qui avait été prévu.
Tous les lexicographes du français le déplorent aujourd'hui encore.

A ma connaissance, il existe un seul projet d'amélioration du TLF : il consiste en une refonte des notices diachroniques (c.à d. historiques), afin d'y intégrer le plus possible de nouvelles données. Mais je ne sais pas du tout s'il va effectivement être mis en oeuvre, ni sous quelle forme il pourrait l'être. 

Si je ne me trompe, l'Oxford English Dictionary, entreprise privée et non étatique lancée il y a 150 ans, en est aujourd'hui à sa troisième édition revue, corrigée et augmentée. La France a créé je ne sais combien de commissions, de hauts comités et de délégations à la langue française, mais elle ne sait pas entretenir et faire vivre ce patrimoine qu'est le Trésor de la Langue française.

33

Re : Mords-moi le noeud

"Votre pantalon est-il si large que ça Molina, que vous voulez vous faire remonter les bretelles ? On peut dire ce qu'on veut, mais il faut un alibi : que ça ajoute quelque chose au sujet"

Pouvez-vous alors me préciser quel est le sujet? La problèmatique? Quels sont les enjeux? Ce qu'ils impliquent? Etc.

Quant à votre lapsus qui faisait pendant au mien, j'attends toujours votre explication ou interprétation, mais peut-être que ce sujet que vous avez lancé en l'air n'était pas sérieux et ne mérite pas qu'on y ajoute quelque chose.

34

Re : Mords-moi le noeud

Pierre Enckell a écrit:

L'intention était bien, aux temps héroïques, de faire du TLF "le dernier dictionnaire papier", faisant place ensuite à une version informatisée, ouverte à toutes les améliorations et mises à jour, dynamique, interactive...
C'était un beau rêve. Les patrons du CNRS y ont mis fin, empêchant même la publication d'un volume de compléments et suppléments qui avait été prévu.

À qui appartient le TLFi ? Juridiquement je l'ignore, mais -puisqu'elle l'a payé- je plaiderais pour la nation, si ce mot signifie encore quelque chose. Elle pourrait donc s'en ressaisir, sortir tous les articles, et remettre l'ensemble dans un wiki, avec modération et comité d'évalation, ou quelque chose du même genre (un machin qui autorise l'édition des articles, qui conserve les versions et les auteurs des modifications, grosso modo), ce qui permettrait un enrichissement constant et surveillé, par de nombreux contributeurs. Le rêve des temps héroïques est un jeu d'enfant aujourd'hui. Il suffirait de le faire. Et ça ne coûterait pas cher. Il faudrait oser.

35

Re : Mords-moi le noeud

Le copyright du TLF appartient au CNRS, organisme qui se montre jusqu'à présent excessivement jaloux de ses possessions. Il n'accepte les contributions extérieures que s'il peut se les approprier. C'est l'Administration dans toute sa splendeur.

36

Re : Mords-moi le noeud

Ah! si Molière était toujours vivant!

Re : Mords-moi le noeud

C'est Courteline qui a dénoncé les méfaits de l'Administration, qui n'existait pas sous l'Ancien Régime.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

38

Re : Mords-moi le noeud

Le soi-disant censeur s'est fait censurer. Comment fait-on pour obtenir le statut de modérateur/censeur? Car c'est bien pratique, dès qu'on est mis en difficulté ou dans l'embarras par un message il suffit de l'effacer pour se tirer d'affaire! C'est expéditif mais efficace, et j'aimerais profiter de ce passe-droit.

39

Re : Mords-moi le noeud

Cher Molino,

Est-ce vous qui étiez Molina jusqu'à hier ? On a vu apparaître sous ce nom, deux fois de suite au moins, une remarque sarcastique. Je ne sais pas s'il fallait la supprimer (j'ai cru que c'était le fait de l'auteur lui-même, saisi par le repentir), mais ne pensez-vous pas que la justification d'un forum tel que celui-ci est de faire avancer le schmilblick ? Toute critique ou question est sûrement acceptable, du moment qu'elle est argumentée ; et même, j'imagine, la remise en cause de certains sujets. Encore faut-il que les intéressés puissent y répondre. Mais comment répondre à une invective ? Un forum n'est pas un concours d'engueulades.

40

Re : Mords-moi le noeud

C'est moi qui ai supprimé le message (je ne peux pas le déplacer) : moins pour la censure (attendez un peu pour mériter le titre de martyr), que pour éviter que le sujet ne parte vainement dans tous les sens.
Vous pouvez contester, critiquer, et dire à peu près ce que vous voulez, sauf les attaques personnelles et tout ce qui est vraiment pas sympa, mais dans une autre rubrique.
Si vous voulez en faire un sujet de discussion, soit, mais ailleurs.

41

Re : Mords-moi le noeud

C'était pour éviter justement que le sujet ne parte vainement dans le sens d'un "enculage de mouches" que je me suis permis d'être un peu sarcastique. Mais si j'ai bien compris il y a une rubrique réservée aux méchants bonshommes qui viennent troubler les discussions sympathiques des esprits conciliants.  Mais je n'ai rien finalement contre les "enculeurs de mouches", pourvu qu'ils ne se prennent pas au sérieux et sachent rire avec les moustiques qui viennent leur piquer les fesses.

42

Re : Mords-moi le noeud

Gb a écrit :

La question serait maintenant de savoir quelle est la première expression : «à la mords-moi-le-nœud» ou «à la mords-moi-le-doigt» ? si nœud est premier, on peut imaginer que doigt, par exemple, qui le remplace est un effet linguistique de la pudeur.
(…) je vois bien les choses commençant par noeud et l'expression être «adoucie» par le suite. En fait, je vois bien : «à la mords moi le nœud» comme origine des autres (à défaut de preuve du contraire).

Cette discussion sur l’antériorité ou non de à la mords-moi-le-noeud par rapport à ses variantes m’a fait songer au cas du doublet se fiche et se foutre. Voici ce qu’en dit le Grand Robert (à l’art. ficher):

Fiche est généralement présenté comme un euphémisme de foutre, mais J. Cellard et A. Rey (Dict. du français non conventionnel) considèrent que, le sens premier de foutre étant resté très vivant jusqu'au XIXe siècle, foutre, dans ses emplois figurés (1797), a été employé au contraire pour renforcer fiche, devenu anodin.

Un cheminement semblable a pu donner naissance aux différentes variantes de à la mords-moi-le-noeud, c’est-à-dire qu’on aurait eu d’abord à la mords-moi-le-doigt (ne serait-ce pas, du reste, une allusion à quelque jeu d’enfants?), et ensuite, ce doigt ayant été jugé trop banal, trop usé, il a été remplacé par quelque chose de plus inhabituel (jonc) ou de vulgaire (noeud).

Quant à la légitimité de Colette comme source du parler populaire, il est vrai que Colette est issue de la petite bourgeoisie provinciale, et que le langage populaire n’apparaît que très rarement dans son oeuvre. Certains auteurs, tels Queneau et Céline, ont usé du langage populaire beuacoup plus abondamment, cependant, aucun de ces deux auteurs n’était véritablement d’origine populaire: les parents de Queneau p.ex. étaient, si mes souvenirs sont bons, des enseignants, et de plus, Queneau est né au Havre; Céline, lui, était médecin. Bien sûr, Queneau et Céline connaissaient bien la langue populaire, et l’appréciaient (au point d’en faire en quelque sorte un matériau littéraire, ou pour parler irrévérencieusement, leur fonds de commerce), mais c’est aussi vrai, dans une certaine mesure, pour Colette.

Qu’est-ce qui fait qu’une source littéraire est plus légitime qu’une autre au regard de la langue populaire? Il faudrait, dans l’idéal, que l’auteur soit issu du peuple, voire ait un passé de délinquant, et se soit mis à écrire des livres dans la langue de son milieu. Je me souviens d’une remarque de Queneau dans Bâtons, chiffres et lettres, soulignant que les auteurs issus de milieux populaires s’appliquaient en général à écrire dans une langue très châtiée (je crois que Queneau citait comme exemple Jules Michelet), alors que ceux qui se risquaient à utiliser la langue populaire appartenaient souvent à la bourgeoisie. Mais Bâtons, chiffres et lettres date de 1965, et depuis, il y a eu au moins Alphonse Boudard pour faire mentir cette thèse de Queneau. J’ignore par ailleurs quelles sont les origines des autres écrivains ayant utilisé la langue verte ou populaire: Carco, Le Breton, Simonin, Dard, etc. Je dois avouer que hormis Boudard, j’ai très peu lu la littérature argotique.

Re : Mords-moi le noeud

Carco était d'un milieu fort académique : il est le frère de Jérôme Carcopino, le distingué latiniste auteur de la Vie quotidienne à Rome sous l'Empire et de Virgile ou le mystère de la quatrième églogue.
Frédéric Dard était de bonne bourgeoisie lyonnaise, tombée dans la débine.
Pour Simonin ou Le Breton, je sais que leurs prétentions à la voyouserie faisait rire les vrais voyous...

Albertine Sarrazin avait un bac B, latin langue vivante, mais ses séjours en prison lui ont donné du vocabulaire.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

44

Re : Mords-moi le noeud

TdP a écrit:

Cette discussion sur l’antériorité ou non de à la mords-moi-le-noeud par rapport à ses variantes m’a fait songer au cas du doublet se fiche et se foutre

Oui, il est possible que le cheminement soit celui que vous suggérez. Mais pas certain non plus : en fait, je crois qu'on n'a pas grand chose sur les origines de l'expression qui nous permette de miser beaucoup. C'est un peu hasardeux. Un jour, peut-être, on pourra interroger un moteur de recherche et avoir immédiatement des attestations pour le XIXe siècle. Pour le moment, il y a de grosses lacunes.

Pour le reste, la question de l'authenticité du lexique «populaire» de tel ou tel auteur, je suis plus circonspect.
Croire qu'un auteur doive appartenir au «peuple» (en admettant que ce mot employé ainsi veuille dire autre chose que ce qu'il dit dans la biographie de Thorez), ou avoir fait de la prison, volé des autoradios, pour gagner son certificat d'authenticité lexicale ça me semble très très suspect. C'est du nanan pour la pub, mais plus sérieusement, ça n'est au mieux qu'une vague présomption, un indice.
Ce raisonnement revient à dire qu'un bourgeois nanti des beaux quartiers est voué à ignorer le «peuple» et les différentes facettes de la «culture populaire». Je n'y crois pas.
Cette sorte de déterminisme sociologique (le bourgeois parle bourgeois et ne peut pas parler peuple, sauf par imitation, flagornerie ou moquerie ; le peuple parle peuple, et plus il parle mal plus il est authentique (d'où les excès de ses imitateurs, qui ne manquent pas un siau d'eau ni un collidor) -on peut pousser le raisonnement au bout, dans l'absurde où il ne demande qu'à se jeter : l'auteur le plus authentiquement populaire, c'est l'analphabète (et tous ceux qui écrivent sont des traîtres)- a une drôle de conséquence : pour savoir si le lexique d'un texte est «authentique», on n'a plus besoin d'étudier le lexique (c'est pratique, parce que c'est difficile), mais il suffit de regarder la biographie de l'auteur, ses papiers, voire sa carte du parti.
Or, comment déterminer si un auteur est «populaire» ? Il est né dans le peuple ? mais il l'a quitté puisqu'il emploie des imparfaits du subjonctif, qu'il sait écrire, que son lectorat n'est pas populaire, etc. On n'en sort jamais et on n'a toujours pas regardé le lexique.
C'est ce qui se passe avec Céline, Colette, Marcel, et tous les autres : au lieu de chercher dans le texte s'il y a imitation lexicale faite à coups de dictionnaires ou si c'est naturel, d'essayer de travailler là-dessus, on va chercher dans la raison biographique, en amont donc, sans s'occuper du texte.
De mon point de vue, il est très risqué de dire : tel est médecin donc il n'est pas populaire donc il ne connaît pas le lexique populaire. Passe à la rigueur pour dire qu'il n'est populaire (du peuple). Mais c'est tout. Après, on tire des plans sur la comète. Un médecin, ce n'est pas le Vidal : il rencontre du monde, a été étudiant, a chanté des chansons cochonnes, si c'est un homme il a peut-être fait son service militaire, etc. etc. Même chose avec la licence de latin : on peut être même agrégé de latin, ne pas être «du peuple» et parler comme quelqu'un qui n'est pas agrégé de latin.

En fait, pour moi, je ne crois pas du tout à l'imperméabilité sociale, support nécessaire du raisonnement qui valide ou invalide l'authenticité du texte d'après la seule biographie de l'auteur.
Avoir été une frappe, ou avoir graissé des machines ne suffit pas à prouver l'«authenticité» du lexique d'un écrivain.

On sait bien que les petits bourgeois, d'origine populaire, par exemple, sont souvent très stricts en matière de langage, qu'ils collectionnent les manuels de savoir-vivre et sont compassés, passent leur temps à se retenir ; en revanche, les élites, les nantis, les intellectuels, les artistes, les curieux, etc. -ça fait beaucoup de monde- s'intéressent à la «culture populaire» (l'exotisme social marche toujours très fort) et vivent probablement plus avec qu'on ne le croit (probablement moins aujourd'hui, c'est fort possible, depuis qu'on a définitivement jeté le «peuple» au bout du RER (mais on pourra transformer les ateliers en lofts)). Mais la mixité sociale, le monde mêlé, il existait : bordels, domesticité, commerces, spectacles, etc. Il suffit de relire Zola, ou Balzac ou des livres d'histoire, genre Arlette Farge, Louis Chevalier...

Cette analyse contestable à mon goût a deux sources au moins :
-d'une part la représentation héroïco-mythologique de l'écrivain telle qu'on la trouve dans les manuels de littérature, moins hommes que surhommes (l'écrivain, cet animal à part), hors de l'humanité, comme au-dessus du monde, intouchables... Des hagiographies. (Il y a un texte de Barthes fameux à ce sujet dans l'excellent Mythologies, sur Gide ou Camus je crois, je ne sais plus, tel que les journalistes le (re)présentent pour les masses, à la recherche de son inspiration, etc.)
-d'autre part, le sociologisme non surveillé de la linguistique qui parle de «français populaire» sans avoir défini de quoi il s'agissait, alors qu'il s'agit généralement de français familier, c'est-à-dire de français parlé par tout le monde, peuple ou pas peuple. (La dernière personne, par exemple, à qui j'ai entendu dire : «qui n'y comprennent que pouic», c'était un notaire, dans l'exercice de ses fonctions.)

Je suis bien d'accord : il y a un paradoxe à dire que tel écrivain, admettons, pas du tout «populaire», parle, écrit, utilise un lexique «populaire» : comment le connaîtrait-il, ce lexique ? Vite sa biographie : a-t-il traîné ses guêtres ou autre chose dans un endroit malpropre, a-t-il tué, au moins volé ? Non ? Rien ? Pas de certificat de mauvaise conduite ? Il n'a même pas piqué dans le porte-monnaie de ses parents pour s'acheter des carambars ? Alors c'est un foutu rigolo. On tient un faux populo ! Un populo-dry.
La bonne question, c'était avant qu'il fallait la poser : qu'est-ce que c'est que ce «français populaire» dont on parle tout le temps et que même le pas-peuple utilise ? Une invention ? Un concept incontrôlable ?Un fourre-tout pratique ?

Pensons-y : qui va chez Bruant ? Qui va au bordel (à l'époque où ils existaient) ? Qui écrit des dictionnaires d'argot et qui les lit (il y a en énormément, signe de l'intérêt qu'ils suscitent) ? Qui lit Vidocq, les Mystères de Paris ? les polars, la Série Noire ? Qui écrit les mazarinades ? populaires Rabelais, Saint-Simon ?

Sans doute, il ne faut pas pousser le bouchon trop loin et se priver des indices : avoir été truand ou bandit, avoir fait de la prison (Simonin, Le Breton, Genet, etc.), avoir tué ses père et mère, ça aide et il serait idiot de l'ignorer quand on veut évaluer l'authenticité d'une source. Assurément.
Mais ça aide surtout pour vendre sa camelote, ça, c'est certain.
La 4e de couverture ni le journaliste de base ne manqueront jamais de servir l'argument massue : ce que vous allez lire, c'est du pur sucre, du vrai du vrai, une langue 100% certifiée corrompue par 5 ans de taule et 10 ans misère. Elle a son AOC (appellation d'origine carcérale). L'auteur est tatoué, il attrapé la vérole à la Santé, l'a refilée à Fresnes, donc c'est un auteur authentique dont le lexique, vous pouvez le croire, c'est pas du toc.

smile

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Re : Mords-moi le noeud

Vous prêtez à mes propos une dimension politique que je n’avais nullement l’intention d’y mettre. La discussion avait commencé avec mon étonnement (passager) face au fait qu’une phrase de Colette avait été choisie comme illustration d’une expression populaire. J’avais ensuite fait remarquer d’une part que les auteurs qui passent habituellement pour «légitimes» dans le domaine de la langue populaire étaient en réalité souvent des gens issus des couches sociales plus aisées, et d’autre part que les auteurs issus des milieux populaires s’efforçaient au contraire de manier une langue académique. S’il y a déterminisme social, ce serait plutôt dans ce paradoxe-là qu’il réside!

Cela dit, chers intervenants d’à la mords-moi-le-noeud, ce n’est quand même pas une hérésie que d’indiquer que les personnes les mieux à même de nous dire à quoi ressemble la langue populaire sont sans doute les gens issus de milieux populaires où cette langue est en quelque sorte le langage quotidien. Du reste, pour avoir de la crédibilité sur ce plan, il n’est pas nécessaire d’avoir assassiné ses père et mère, ou commis des braquages sanglants, ni même d’être, ou d’avoir été, un petit délinquant. Je ne pense pas qu’on puisse faire coïncider la langue populaire avec le simple registre familier, connu de tout locuteur; la notion de langue populaire implique bien davantage au plan du vocabulaire, de la syntaxe, de l’attitude face à la norme, du système de références, etc. C’est un peu comme pour une langue étrangère: un locuteur natif la connaîtra toujours mieux, et pourra l’enseigner avec plus de sûreté, que quelqu’un qui l’a apprise en second lieu. Voilà tout ce que j’avais dit! Je n’ai rien dit sur la panne de l’ascenseur social, et moins encore, je ne me suis félicité de cette panne!

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Re : Mords-moi le noeud

J'aimerais bien connaître un seul locuteur "natif" de français populaire capable de dire ou d'enseigner ce qu'est cette variété du français. Aucun ne s'est manifesté jusqu'à présent, à ma connaissance. Et s'il existait, il ne pourrait que témoigner du français populaire contemporain.
La question soulevée à propos de l'origine de "mords-moi-le ..." renvoie à une époque antérieure à 1920 (disons), sur laquelle les seuls documents dont nous disposons sont des textes d'écrivains. Or, le français populaire est une forme orale et, dans l'absolu, toute connaissance à propos de son histoire serait donc impossible.
Mais il s'est trouvé des auteurs - leurs origines sociales importent peu - qui ont cherché à transcrire plus ou moins fidèlement ce qu'ils entendaient dans la rue, au café, au marché... Ce sont là, qu'on le veuille ou non, nos seuls témoins. Le travail de l'historien de la langue consiste à trouver, classer, trier, analyser ces données pour déterminer, par exemple, l'histoire respective de "fiche" et de foutre" à laquelle se réfère Torsade de Pointe. Tous ceux qui étaient capables de dire au 18e siècle "à quoi ressemble la langue populaire" sont morts, et les seuls témoignages qui nous en restent sont des textes qu'ils n'ont pas écrits.

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Re : Mords-moi le noeud

Ah, mais je ne prête aucune dimension politique à vos propos, TdP. Excusez-moi si je me suis mal exprimé, ce n'était pas mon propos.

Mais sur le second paragraphe, vraiment, j'ai des doutes. Je n'y peux rien, c'est comme ça, c'est instinctif. Je ne dis pas que vous ayez tort, mais pour ma petite cuisine personnelle, je ne vois pas les choses ainsi. Le français populaire, marqué pop. dans les dictionnaires, est-il vraiment l'apanage des classes populaires ? Sincèrement, je n'en sais rien. Le «peuple», c'est bien général.
Pour moi, je pense qu'il ne serait pas impossible que ce qu'on appelle le «parler populaire» soit le parler du «peuple» tel que se l'imaginent ceux qui en parlent. Un étiquetage parfois un peu facile (on sait tous que tel mot marqué pop. dans tel dico est marqué fam. dans un autre).
C'est ma façon de voir, elle n'est sûrement pas parfaite. Je veux dire qu'on trouvera sans peine des gens «du peuple» qui n'emploient pas le «langage populaire», et des gens du «pas-peuple» qui l'emploieront parfaitement. Et je récidive : il ne suffit pas d'être du «peuple» pour être une source intéressante du «lexique populaire» ni d'avoir fait de la prison pour connaître de l'argot. Ça peut aider, et je ne dis pas le contraire mais ça me paraît insuffisant. D'où mes doutes. C'est tout, ma position s'arrête là.
Enfin je suis d'accord avec vous : tout n'est pas seulement oral ou familier. Il y a d'autres strates. Il y un langage familier très courant, et des gradations dans la grossièreté, la trivialité ou la vulgarité, des variations grammaticales et des accents qui ne sont pas les mêmes.  D'accord.
Je plaiderais pour le «colloquial» anglais plutôt que pour le «populaire» français.

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Re : Mords-moi le noeud

Nouvelles attestations, trouvées dans Le Poilu tel qu'il se parle (1919) de Gaston Esnault. C'est le travail le plus riche qui soit sur le français argotique et populaire de 14-18, avec des termes et locutions relevés dans une foule de publications et surtout d'après des témoignages authentiques communiqués à l'auteur.

Donc, p. 359, Esnault cite (j'abrège) :

"des zigotos à la mords-moi-le jus" (1918)

"un zigoto à la mords-moi-le noeud", "faire qch. à la mords-moi-le-noeud", "à la bouffe-moi-le-noeud" (tous 1918)

"une idée à la graisse d'hérisson et à la mormoelle-d'oie" (1916, Barbusse), "une idée à la mords-moi-le-doigt" (1918)

Esnault s'interroge sur la forme et le sens, sans apporter d'explication satisfaisante. Apparemment, la locution et ses variantes ont dû se populariser durant cette période, et ne peuvent être beaucoup plus anciennes.

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Re : Mords-moi le noeud

Toujours Esnault ! 46 ans plus tard, dans son Dictionnaire historique des argots français, il signale, p. 438 :

A la vise-moi-la, sans sérieux (Laval, 1890) est syn. de à la mords-moi-le-pif (Dijon, 1908) [ou l'un des nombreux équivalents ultérieurs de pif].

Ce type de datations, assez fréquent chez Esnault, est difficile à interpréter. S'agit-il de textes imprimés localement ? ou de souvenirs de personnes ayant employé tel terme à telle date dans tel lieu ? Voilà en tout cas des éléments complémentaires sur l'histoire de cette locution.

50 Dernière modification par Papageno (09-05-2006 16:23:04)

Re : Mords-moi le noeud

Histoire d'apporter un peu d'eau a vos moulins, je voulais juste paraphraser Roberto Arlt qui, interrogé par un journaliste surpris de son ignorance profonde du lunfardo (l'argot "populaire" de Buenos Aires), expliqua qu'il était issu d'un milieu pauvre, qu'il avait commence a travailler très jeune et n'avait donc pas eu le temps d'étudier ces choses-la. Borges citait cet exemple pour étayer sa thèse d'un argot argentin appris par le peuple via les tangos écrits par des auteurs bourgeois.

la source pour les hispanophones:

Imparcialmente me tienen sin cuidado el Diccionario de la Real Academia, dont chaque édition fait regretter la précédente, según el melancólico dictamen de Paul Groussac, y los gravosos diccionarios de argentinismos. Todos, los de este y los del otro lado del mar, propenden a acentuar las diferencias y a desintegrar el idioma. Recuerdo a este propósito que a Roberto Arlt le echaron en cara su desconocimiento del lunfardo y que replicó: "Me he criado en Villa Luro, entre gente pobre y malevos, y realmente no he tenido tiempo de estudiar esas cosas". El lunfardo, de hecho, es una broma literaria inventada por saineteros y por compositores de tangos y los orilleros lo ignoran, salvo cuando los discos del fonógrafo los han adoctrinado.

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