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forum abclf » Réflexions linguistiques » ne serait-ce que / fût-ce seulement

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Messages [ 23 ]

1 Dernière modification par éponymie (08-02-2023 10:10:14)

Sujet : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Décidément, je me pose des questions existentielles ce matin.

1 - Je le ferai ne serait-ce que pour t'ennuyer.

2  - Je le ferai serait-ce seulement pour t'ennuyer.

3  - Je le ferai fût-ce seulement pour t'ennuyer.

4  - Je le ferai ne fût-ce que pour t'ennuyer.

Quelles phrases sont irrecevables ? Et pourquoi ?

2 Dernière modification par Chover (08-02-2023 11:17:37)

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Le subjonctif imparfait « fût » ne me viendrait pas à l'idée dans de telles phrases, avec un verbe principal au futur.
En 1, on a la formulation classique.
La phrase 2 me paraît grammaticalement aussi correcte mais moins usitée.
Une virgule après « Je le ferai » ?

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

L'expression "fût-ce" est tellement figée qu'on la fait couramment coexister avec un futur. Bruno Dewaele approuve :
Il faudra bien que nous allions à cette réunion, fût-ce à notre corps défendant.
https://www.projet-voltaire.fr/regles-o … ou-fut-ce/

On en trouve maint exemple dans la littérature :
https://books.google.fr/books?id=bfZd6b44Xq4C&pg=PA63&dq=j%27irai+%22ne+f%C3%BBt-ce+que%22&hl=fr&newbks=1&newbks_redir=0&sa=X&ved=2ahUKEwikoNrD0IX9AhV4WaQEHfDwC3MQ6AF6BAgDEAI#v=onepage&q=j'irai%20%22ne%20f%C3%BBt-ce%20que%22&f=false


Voici même, pour le plaisir de notre ami germaniste 'Chover', un extrait de dictionnaire français-allemand ancien :
https://i.ibb.co/kh2F9KY/Capture-d-cran-2023-02-08-104554.jpg
https://books.google.fr/books?id=lhFdQsupQFwC&pg=PA821&dq=j%27irai+%22ne+f%C3%BBt-ce+que%22&hl=fr&newbks=1&newbks_redir=0&sa=X&ved=2ahUKEwjSkMzq0IX9AhUwTqQEHVhJCMA4ChDoAXoECAUQAg#v=onepage&q=j'irai%20%22ne%20f%C3%BBt-ce%20que%22&f=false

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

éponymie a écrit:

Décidément, je me pose des questions existentielles ce matin.

1 - Je le ferai ne serait-ce que pour t'ennuyer.

2  - Je le ferai serait-ce seulement pour t'ennuyer.

3  - Je le ferai fût-ce seulement pour t'ennuyer.

4  - Je le ferai ne fût-ce que pour t'ennuyer.

Quelles phrases sont irrecevables ? Et pourquoi ?

J'accorderais une préférence aux phrases 1 et 4.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Chover a écrit:

Le subjonctif imparfait « fût » ne me viendrait pas à l'idée dans de telles phrases, avec un verbe principal au futur.
Une virgule après « Je le ferai » ?

Pour vous faire plaisir, je mets un conditionnel (ça ne dérangera Bruno Dewaele non plus).

Chover a écrit:

Une virgule après « Je le ferai » ?

J'ai écrit vite fait mon message avant un début de leçon.

Je corrige :

1 - Je le ferais, ne serait-ce que pour t'ennuyer.

2  - Je le ferais, serait-ce seulement pour t'ennuyer.

3  - Je le ferais, fût-ce seulement pour t'ennuyer.

4  - Je le ferais, ne fût-ce que pour t'ennuyer.

La phrase 2 me semble si peu usitée que, toute correcte qu'elle soit, j'aurais tendance à l'exclure alors que la phrase 3 ne dérange pas du tout mes habitudes (si on peu parler d'habitudes pour un tel cas de figure). Je voulais voir un peu la perception d'autres personnes.

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

La formulation "quelles phrases sont irrecevables" m'a fait supposer qu'il y en a forcément qui sont incorrectes, la réponse de Chover va dans le même sens... Pourtant, elles me semblent toutes acceptables.
Pour appuyer mon ressenti d'un argument*, j'ai regardé dans le Bon Usage (1993):

L'imparfait du subjonctif peut, dans une sous-phrase ayant la valeur d'une proposition commençant par même  si, équivaloir à un conditionnel présent. Ce tour appartient à la langue littéraire, sauf avec fût-ce, plus répandu.

Un des exemples: "Ce recueil ne prétend apporter aucune révélation, mais simplement, avec le rappel des faits, PARÛT-il aujourd'hui fastidieux, la critique qu'en fit à l'époque un éditorialiste." (H. Beuve-Méry, dans le Monde, 1974)

*C'était avant de voir la réponse d'Abel Boyer, qui va dans le même sens.

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Donc, aux préférences personnelles près, tout passe. En relisant ce sujet, je digère aussi la phrase 4. Mais la 1 et la 3 restent mes favorites.

Merci à tous smile

8

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Qu'on me permette une petite précision : je n'ai pas dit qu'une des quatre phrases était irrecevable ou que le subjonctif imparfait me paraissait faux, mais seulement que ce mode ne me viendrait pas à l'idée en pareil cas, en particulier lorsque la principale est au futur.
Si l'on cherche, on trouvera probablement « fût-ce » après un futur. Toutefois, je constate dans l'exemple du Bon usage que vous citez, Nolwenn, que le verbe de la principale, prétend, est au présent.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Excusez-moi, Abel, dans l'extrait du dictionnaire allemand, on a bien un verbe principal au futur ! Et vous en citez plusieurs autres exemples !

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Oui, Chover, c'est bien parce qu'il y a un verbe principal au futur que j'ai donné l'extrait ! Cela illustre parfaitement mon propos.

11 Dernière modification par vh (08-02-2023 18:54:48)

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Je corrige :

1 - Je le ferais, ne serait-ce que pour t'ennuyer.
2  -Je le ferais, serait-ce seulement pour t'ennuyer.
3  -Je le ferais, fût-ce seulement pour t'ennuyer.
4  -Je le ferais, ne fût-ce que pour t'ennuyer.
.

Pour l'examen à l'oreille, je propose de prendre un exemple où l'indicatif futur et le conditionnel présent ne sont pas homophones :

1f - Nous le ferons, ne serait-ce que pour t'ennuyer.
2f  -Nous le ferons, serait-ce seulement pour t'ennuyer.
3f  -Nous le ferons, fût-ce seulement pour t'ennuyer.
4f  -Nous le ferons, ne fût-ce que pour t'ennuyer.

1c - Nous le ferions, ne serait-ce que pour t'ennuyer.
2c  -Nous le ferions, serait-ce seulement pour t'ennuyer.
3c  -Nous le ferions, fût-ce seulement pour t'ennuyer.
4c  -Nous le ferions, ne fût-ce que pour t'ennuyer.

Maintenant, quelles sont les phrases qui ne semblent pas correctes ?

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

J'espère ne choquer personne si je dis que tout me semble correct? Conditionnel, futur ou présent, je ne saisis pas ce que cela change à l'emploi de ce qui peut être qualifié de "forme figée"? (cf lien donné par Abel Boyer)
Les formes avec "seulement" me paraissent, justement, pas figées, donc un peu inhabituelles, mais pas incorrectes pour autant...

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Idem pour moi, les phrases avec seulement sonnent de façon inhabituelle, mais elles sont grammaticalement correctes. Les autres sont parfaites, au futur et au conditionnel.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

14 Dernière modification par Chover (09-02-2023 09:21:40)

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

vh a écrit:

Pour l'examen à l'oreille, je propose de prendre un exemple où l'indicatif futur et le conditionnel présent ne sont pas homophones :

1f - Nous le ferons, ne serait-ce que pour t'ennuyer.
2f  -Nous le ferons, serait-ce seulement pour t'ennuyer.
3f  -Nous le ferons, fût-ce seulement pour t'ennuyer.
4f  -Nous le ferons, ne fût-ce que pour t'ennuyer.

1c - Nous le ferions, ne serait-ce que pour t'ennuyer.
2c  -Nous le ferions, serait-ce seulement pour t'ennuyer.
3c  -Nous le ferions, fût-ce seulement pour t'ennuyer.
4c  -Nous le ferions, ne fût-ce que pour t'ennuyer.

Maintenant, quelles sont les phrases qui ne semblent pas correctes ?

Aucune ! En ce qui concerne ma pratique, conscient toutefois que les deux phrases n'ont pas le même sens, j'en reste à une nette préférence pour 1f et 1c.

Petite précision : on distingue oralement, en principe, « ferai » et « ferais ».

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Chover a écrit:

Petite précision : on distingue oralement, en principe, « ferai » et « ferais ».

Tout comme on distingue, en principe, "pomme" et "paume".

Je dois me contraindre pour faire entendre la différence à mes élèves, en leur précisant que ce n'est pas du tout ma parlure spontanée, tout comme celle de pas mal de Francophones. Précision que e je ne fais pas pour des gens qui vont travailler en Algérie ou en Afrique de l'Ouest.

Je veux bien qu'il y ait une prononciation standard,ce n'est pas inutile mais de là à en faire un carcan

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

éponymie a écrit:
Chover a écrit:

Petite précision : on distingue oralement, en principe, « ferai » et « ferais ».

Tout comme on distingue, en principe, "pomme" et "paume".

Je dois me contraindre pour faire entendre la différence à mes élèves, en leur précisant que ce n'est pas du tout ma parlure spontanée, tout comme celle de pas mal de Francophones. Précision que e je ne fais pas pour des gens qui vont travailler en Algérie ou en Afrique de l'Ouest.

Je veux bien qu'il y ait une prononciation standard, ce n'est pas inutile mais de là à en faire un carcan

« En principe », que j'ai utilisé à propos de « ferai » et « ferais », voulait bien dire ce qu'il voulait dire. En langage spontané, j'oublie souvent la différence. Il n'en va pas de même pour « pomme » et « paume », « cote » et « côte »… que je distingue nettement depuis toujours.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

17 Dernière modification par Chover (09-02-2023 15:56:40)

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Sur un tel fil, on peut soulever la question de savoir ce que devient cette sorte de phrase lorsqu'il s'agit d'exprimer une hypothèse dans le passé :
• « Je le ferais » se transforme bien sûr en « Je l'aurais fait »,
• « ne serait-ce que pour t'ennuyer » donne, je crois, soit « n'aurait-ce été que pour t'ennuyer », soit « n'eût-ce été que pour t'ennuyer ».
Mais on a vu sur un autre fil que le conditionnel passé deuxième forme, identique au subjonctif plus-que-parfait, dans la subordonnée (il s'agissait de celle avec « si »), s'accorde mal avec le conditionnel passé première forme dans la principale.
Donc : Je l'eusse fait, n'eût-ce été que pour t'ennuyer.

Pour les phrases de référence, cela peut-il avoir des incidences sur l'hypothèse dans le présent ?
Je crois n'avoir jamais vu ou entendu l'expression « conditionnel présent deuxième forme » à propos de « ne fût-ce que » : ne s'agit-il pas pourtant de cela ? Bien entendu, hors de la condition, cette forme verbale est nommée subjonctif imparfait.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Bonjour,

Je n'ai lu votre dernier message qu'aujourd'hui.

Pourquoi "Je l'aurais fait, n'eût-ce été que pour t'ennuyer" serait incongru ?

Quant à la dernière partie, une juxtaposition de conditionnels peut exprimer une subordination :


"Il voudrait t'ennuyer, il le ferait"

transposé au passé, nous pourrions utiliser les deux formes de conditionnel passé .

"Il aurait voulu t'ennuyer, il l'aurait fait" / "Eût-il voulu t'ennuyer, il l'eût fait"

Mais dans le contexte présent, une juxtaposition d'imparfaits du subjonctif ne peut pas fonctionner,

"Voulût-il t'ennuyer, il le fît" NON

Le temps simple n'a pas la valeur d'irréel et le terme deuxième forme pour le conditionnel s'applique à son usage dans la principale, dans la subordonnée qui exprime la condition, nous avons bien un plus que parfait du subjonctif, temps composé, pendant de l'imparfait, temps simple.

Mais peut-être que je n'ai pas compris le problème que vous posiez.

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

épo intéressé a écrit:

Pourquoi "Je l'aurais fait, n'eût-ce été que pour t'ennuyer" serait incongru ?

« Incongru » est peut-être un peu fort. Le subjonctif plus-que-parfait évoque la langue classique. J'ai simplement voulu rappeler qu'à l'époque, une règle (dont je ne connais pas l'origine) ou, pour le moins, l'habitude voulait ce mode à la fois dans la principale et dans la subordonnée de condition avec « si ». On lit par exemple sur ce site :

2. Le subjonctif plus-que-parfait peut avoir une valeur équivalente au conditionnel passé et à l'imparfait de l'indicatif dans des phrases présentant des faits hypothétiques. Cet emploi est par contre plutôt rare de nos jours.

Si le film eût été plus court, il eût été également moins bon.
Si j'eusse compris ce qu'elle voulait dire, j'eusse réagi tout autrement.

Ou, sur celui-ci :

Dans la langue littéraire, on exprime parfois la même idée au moyen du mode subjonctif. En effet, le plus-que-parfait de l’indicatif employé pour la condition et le conditionnel passé employé pour la conséquence peuvent tous deux être remplacés par le plus-que-parfait du subjonctif dans ce contexte.

Si j’eusse compris ce qu’elle voulait dire (condition non réalisée), j’eusse réagi tout autrement (conséquence non réalisée).
Si le film eût été plus court (condition non réalisée), il eût probablement été moins bon (conséquence non réalisée).

Mais je ne trouve plus un article où c'était encore plus explicite.

épo intéressé a écrit:

Quant à la dernière partie, une juxtaposition de conditionnels peut exprimer une subordination :

"Il voudrait t'ennuyer, il le ferait"

C'est sans doute moi qui suis en cause : de quelle « dernière partie » s'agit-il ?
Quoi qu'il en soit, je ne pense pas avoir contesté que deux propositions à l'apparence d'indépendantes pouvaient valoir une phrase conditionnelle complexe.

épo intéressé a écrit:

transposé au passé, nous pourrions utiliser les deux formes de conditionnel passé .

"Il aurait voulu t'ennuyer, il l'aurait fait" / "Eût-il voulu t'ennuyer, il l'eût fait"

Je constate que vous appliquez vous-même la règle que j'ai évoquée plus haut.

épo intéressé a écrit:

Mais dans le contexte présent, une juxtaposition d'imparfaits du subjonctif ne peut pas fonctionner,

"Voulût-il t'ennuyer, il le fît" NON

Vous avez bien compris que je n'employais l'expression « conditionnel présent deuxième forme » qu'à propos de « ne fût-ce que »… et avec des pincettes !

épo intéressé a écrit:

le terme deuxième forme pour le conditionnel s'applique à son usage dans la principale, dans la subordonnée qui exprime la condition, nous avons bien un plus que parfait du subjonctif, temps composé, pendant de l'imparfait, temps simple.

Je crois que de plus en plus de grammairiens récusent l'expression « conditionnel passé deuxième forme » mais, si on l'utilise, je me demande si on ne peut pas le faire aussi pour la subordonnée avec « si » : d'aucuns, dont je ne fais pas partie, n'ont pas d'objection à « si j'aurais su », qui va dans ce sens et qui aurait été employé jadis. Bon, j'avance cela sans totale certitude !

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Pour moi, conditionnel signifie "qui est soumis à condition ou hypothèse", valeur modale.

Le reste, c'est une valeur temporelle de futur dans le passé.

"L'aurait-il voulu, il serait entré en prépa sans problème"

Nous avons un futur - "hypothétique" parce qu'il était attendu par certains qui ne l'ont jamais  vu venir - dans le passé, et un conditionnel dont la condition ne s'est pas réalisée (dit aussi irréel).

Il paraît que beaucoup de grammairiens range le conditionnel dans l'indicatif, mettant ainsi au premier plan la valeur temporelle propre à l'indicatif, fort bien, mais ils auraient pu aussi changer définitivement son nom. "Futur du passé" pour le temps simple, "futur inaccompli" pour le temps composé (je sais, le conditionnel passé peut aussi avoir une valeur d'accompli), ou autre chose, tout ce qui pouvait permettre d'éviter de se satelliser sur la valeur modale de ces temps. On ne fait pas tant d'histoires pour certains usages du présent ou du futur de l'indicatif.

Au delà des terminologies fluctuantes, pour moi, une représentation grammaticale est valide à partir du moment où elle sait représenter de façon aussi simple qu'exhaustive un aspect de la langue, éclairant ainsi celui qui s'y frotte. Efficace donc.

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

épo intéressé a écrit:

Pour moi, conditionnel signifie "qui est soumis à condition ou hypothèse", valeur modale.

Le reste, c'est une valeur temporelle de futur dans le passé.

"L'aurait-il voulu, il serait entré en prépa sans problème"

Nous avons un futur - "hypothétique" parce qu'il était attendu par certains qui ne l'ont jamais  vu venir - dans le passé, et un conditionnel dont la condition ne s'est pas réalisée (dit aussi irréel).

Pour ma propre gouverne, je rappelle une évidence. Soit la phrase : Hier Paul m'a dit « J'irai au cinéma ce soir ». La partie entre guillemets étant rapportée au style indirect, on obtient : Hier Paul m'a dit qu'il irait au cinéma le soir », où l'on retrouve le verbe aller au conditionnel présent (grammaire traditionnelle) et son sens futur. La probabilité que Paul soit allé au cinéma hier soir est forte mais même si telle n'était pas le cas, je trouverais incontestable le futur dans le passé qu'on a là.

Je ne vois rien de tel dans « L'aurait-il voulu, il serait entré en prépa sans problème ». Si je dis « l'intéressé n'est pas entré en prépa, parce qu'il ne l'a pas voulu », où la notion de futur me paraît absente, je rends pourtant compte de la même réalité. Certes, vouloir entrer en prépa et y entrer effectivement sont imaginés comme ne se déroulant pas exactement au même moment : est-ce suffisant pour que l'on puisse parler de futur ?
Ou alors presque toutes les phrases hypothétiques contenant des conditionnels passés devront être considérées comme comportant un futur dans le passé ! Par exemple, « Si tu m'avais écouté, ça ne te serait pas arrivé », qu'on peut essayer d'expliquer ainsi : En un premier temps, tu ne m'as pas écouté ; puis ça t'est arrivé. Un futur un peu tiré par les cheveux, à mon goût.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

22 Dernière modification par éponymie (14-02-2023 17:51:07)

Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Chover a écrit:

Ou alors presque toutes les phrases hypothétiques contenant des conditionnels passés devront être considérées comme comportant un futur dans le passé ! Par exemple, « Si tu m'avais écouté, ça ne te serait pas arrivé », qu'on peut essayer d'expliquer ainsi : En un premier temps, tu ne m'as pas écouté ; puis ça t'est arrivé. Un futur un peu tiré par les cheveux, à mon goût.

Et pourtant, l'échelle temporelle dans le passé est bien respectée :

  1. je t'avais expliqué

  2. tu n'en as pas tenu compte

  3. ça t'est arrivé

Par rapport au moment (1), le moment (3) est bien un futur dans le passé puisque déclenché par (2), moment déclencheur de référence.

Le plus-que-parfait du moment (1) vous le retrouvez dans votre condition non réalisée (Si tu m'avais écouté), je ne vois pas en quoi la conséquence logique future (fait accompli exprimé avec un temps composé) ne peut pas se voir tout simplement comme un futur dans le passé. C'est bien ce qu'elle est il me semble.

Ce qui vous parait tiré par les cheveux me semble couler de source. Clair comme un miroir. Limpide. Non ?

P.S.: non, non, je ne vais pas me lancer dans un discours chrisorien sur votre conditionnement qui vous empêche de voir la vérité qui m'a été révélée (je suis terrifié à l'idée de pouvoir me comporter comme lui). Avant tout parce que même si je suis convaincu par mon raisonnement, je ne lui vois aucune utilité concrète pour faire appréhender à des élèves de façon plus intuitive l'irréel du passé. Sur le système verbal ma vision est souvent décalée par rapport à ce qui se lit habituellement mais c'est toujours pour la bonne cause. La grammaire n'est jamais qu'une théorie qui ne sera jamais parfaite. Que chacun prenne celle qui lui sied le mieux.

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Re : ne serait-ce que / fût-ce seulement

Je crois effectivement que chacun a avancé ses arguments. En toute amitié.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

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