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forum abclf » Réflexions linguistiques » Comment établir une liste mondiale des onomatopées de la douleur ?

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Messages [ 5 ]

Sujet : Comment établir une liste mondiale des onomatopées de la douleur ?

Les onomatopées ne font pas l'objet d'analyses linguistiques poussées et il est même difficile d'obtenir une liste des onomatopées de la douleur dans les différentes langues du monde.

Je n'ai trouvé sur internet que des listes partielles en graphie latine par ordre alphabétique sans transcription phonétique.

Où peut-on trouver une liste plus complète accompagnée de l'écriture phonétique (API) ?  Merci aussi de corriger les fautes sans doute nombreuses.

•    Allemand, au ! aua !
•    Anglais, ow ! ouch !
•    Arabe, ahh, oukouk
•    Basque, ai! aupa!
•    Breton, aiou !, hañ !
•    Birman, aoe !
•    Bulgare, okh !(ох)
•    Chinois, Āiyō! Āiyō!
•    Catalan, ai ! ui !
•    Coréen, a ! aya !
•    Corse : ahi ! ai !
•    Danois, av !
•    Espagnol, ay !
•    Estonien, ai ! oeh!
•    Finnois, au ! auts !
•    Français, aïe ! ouille !
•    Galicien, ai !
•    Géorgien, oh !
•    Grec moderne, αχ (ach), οχ (och)
•    Hawaïen, auwe !
•    Hindi, aauch !
•    Hongrois, aú ! á !
•    Indonésien, aduh !
•    Islandais, atjs !
•    Italien : ahi ! ahia !
•    Japonais, itai ! ite !
•    Latin, heus !
•    Letton, ai ! ak !
•    Lituanien, ai ! oi !
•    Luxembourgeois, ach ! autsch !
•    Malais, aduh !
•    Malgache, oay ! ô !
•    Maori, aue !
•    Mongol, oö !
•    Népalais, ö’ui ! ähä !
•    Néerlandais, au !
•    Norvégien, ouff ! au !
•    Polonais, ała (awa), auć
•    Portugais, ai !
•    Samoan, oi!
•    Français canadien, ayoye
•    Roumain, ai !
•    Russ, oï, okh !
•    Slovaque, ach ! ou !
•    Soudanais, aduh !
•    Suédois, aj !
•    Tamoul, aiyo !
•    Turc, ah, ahh, of,
•    Ukrainien, oy!
•    Uropi, aw
•    Vietnamien, ôi !
•    Tiddish, aoy !
•    Zoulou, hawu

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme !

2 Dernière modification par Lévine (09-12-2022 10:26:55)

Re : Comment établir une liste mondiale des onomatopées de la douleur ?

Pour moi, toutes ces onomatopées (souvent empruntées), ne sont que des codifications.
Quand on a vraiment mal, on ne dit pas aïe, sans quoi toutes les langues auraient le même "mot".
Un chat siamois ne miaule pas en langue thaïlandaise.

En ancien français, ai sert à "signifier" (et non manifester) la douleur, mais aussi la joie, une exhortation, etc... (ai ore ! = "Allons-y !", "du nerf !"). Il est souvent associer à la particule mi : aimi : "las !"
La forme ainmi, avec la nasalisation, montre que cette "onomatopée" entre dans les lois phonétiques qui régissent tous les mots formés pareillement, onomatopées ou non.

En italien, ahi et ahimè sont les correspondants de aïe et AF aimi

En russe, ой signifie la douleur, mais aussi l'effroi, l'admiration, etc... Je peux même le faire suivre d'un élément modal, ой ли, pour signifier le doute. Quant à ох, il me semble davantage marquer le soulagement que la douleur, un peu comme ouf ! 

En finnois, auts (emprunté, aucun mot ne pouvant se terminer par -ts) signifie la douleur, mais aussi l'embarras et a presque autant de sens que ой  en russe.
 
Autrement dit, l'interjection subit le sort de toutes les unités linguistiques : la dérivation sémantique par l'usage. La plupart du temps, c'est le contexte qui va donner son sens à l'interjection : c'est une simple marque expressive, extra-linguistique au départ, incluse dans l'ensemble des signes d'une langue à l'arrivée, et fonctionnant quasiment comme eux. Au reste, les onomatopées sont un phénomène marginal.

On sait le parti qu'en a tiré Queneau dans l'une des variations des ses Exercices de style.

Pst ! heu ! ah ! oh ! hum ! ah ! ouf ! eh ! tiens ! oh ! peuh ! pouah ! ouïe ! aïe ! eh ! hein ! heu ! pfuitt !
Tiens ! eh ! peuh ! oh ! heu ! bon !

                                      R. Queneau, Interjections in Exercices de style, éd. Gallimard (coll. Pléiade).

Pourrait-on reconstituer l'argument de l'histoire à partir de ces données ? Je ne le crois pas ; les onomatopées ne sauraient fonctionner seules.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

3 Dernière modification par chrisor (09-12-2022 09:35:08)

Re : Comment établir une liste mondiale des onomatopées de la douleur ?

Merci Lévine pour votre longue réponse. Ce remerciement initial ne présage aucunement des récriminations ultérieures car comme je vous l'ai annoncé sur le fil sur Saussure, je ne me permettrai plus aucune remarque irrespectueuse même si on m'attaque agressivement. On peut ne pas être d'accord et respecter le point de vue de l'autre.

Je vais vous faire part de mon point de vue en commentant vos propos.

Lévine a écrit:

Pour moi, toutes ces onomatopées (souvent empruntées), ne sont que des codifications.
Quand on a vraiment mal, on ne dit pas aïe, sans quoi toutes les langues auraient le même "mot".
Un chat siamois ne miaule pas en langue thaïlandaise.


Je serais plus nuancé que vous. La douleur, comme vous le dites, s'exprime bien dans les langues par un langage déjà codé. Est-il vraiment arbitraire ou ne dépend-il pas du registre phonémique de la langue maternelle ? IL faudrait s'entendre sur le terme codification : pour vous je suppose qu'il s'agit d'une codification conventionnelle sociale que je peux accepter au point de vue du conditionnement mais qui repose en premier sur une réaction biologique :

Quand on a mal, on devrait extérioriser sa douleur par un cri qui permet une décharge à la fonction d'exutoire. Malgré la liste incomplète que j'ai présentée, on remarque que dans une majorité de langues, l'onomatopée codifiée de la douleur est le plus souvent initiée pat une voyelle ouverte essentiellement le [a] et secondairement le [o].

Le cri de douleur spontanée n'est pas une onomatopée, c'est comme vous l'écrivez, davantage une interjection avec vocalisation d: [a] ou [o].

L’interjection est liée à l'expression spontanée chargée de reproduire l’expression impérieuse d’une émotion humaine. On peut regretter la pauvreté des dictionnaires sur ces petits mots invariables, employés pour traduire une attitude affective du sujet parlant. Elles correspondent souvent à la vocalisation, qui récite toute la gamme de nos voyelles qu'elles chargent d'émotions diverses.

Mais l'onomatopée de la douleur est plus qu'une interjection exprimée par une seule voyelle ouverte. Certes le premier réflexe est l'émission d'un a ou o ou ou, mais l'intensité d'une douleur entraîne un serrement réflexe des mâchoires avec passage d'une voyelle ouverte à une voyelle fermée, qui varie selon les langues


Lévine a écrit:

Autrement dit, l'interjection subit le sort de toutes les unités linguistiques : la dérivation sémantique par l'usage. La plupart du temps, c'est le contexte qui va donner son sens à l'interjection : c'est une simple marque expressive, à peine extra-linguistique au départ, incluse dans l'ensemble des signes d'une langue à l'arrivée, et fonctionnant quasiment comme eux

Oui ces interjections  ont en général plusieurs sens si l’on s’en tient à leur orthographe, mais il ne s’agit pas d’une réelle polysémie, car chaque sens s'exprime par une tonalité émotive spécifique:   

Le "Ah!" français est une interjection expressive marquant un sentiment vif (plaisir, douleur, admiration, impatience...): “Ah ! Si les hommes voulaient s'aider ! Ah ! Si les femmes voulaient céder !” disait Labiche avec humour. C'est parfois une interjection d'insistance et de renforcement (ah ! que je souffre...). Il est évident qu’un ah de plaisir n’a pas la même tonalité qu’un ah de douleur ou d’impatience. Les langues orientales tonales jouent beaucoup sur cette variation de hauteur de son pour différencier leurs mots. Pour ce qui est du français, on peut observer que le ah de plaisir est plus long dans sa prononciation que le ah de désappointement ou de douleur, marquant l’acuité du mal. Le langage humain ne se limite pas à l'émission  d'une suitede phonèmes  ''désincarnés, si je puis dire.

Doublée, l'interjection ah marque la surprise ou la perplexité : Ah ! Ah ! Et redoublée “Ah ! Ah ! Ah !”, elle sert à transcrire le rire. Les mimiques d'accompagnement permettent de reconnaître le juste sens. “Ha !” sert à donner plus de force à l'expression ou exprime la douleur, la surprise. Han!l ibère la violence de l'effort.

“Oh !” est une interjection de surprise ou d'admiration, qui sert aussi à renforcer l'expression d'un sentiment quelconque.

Ces interjections ont des variantes et des utilisations différentes selon les régions de France. De même d’une langue à l'autre la transcription des bruits et cris de ce monde varie. Leur expression accompagnée de la mimique adaptée permet de mimer l'ensemble des émotions humaines, alors que leur contenu sémantique non émotif est assez pauvre. Seule l’oralisation leur donne un sens, ce sont des vocables. Mais l'onomatopée est-elle inférieure aux mots pour exprimer l'émotion ? Pas facile de mettre en mots ses émotions, même pour Victor Hugo : "Les mots manquent aux émotions" ce que confirme Montherlant : " Nos émotions sont dans nos mots comme des oiseaux empaillés".

Lévine a écrit:

En ancien français, ai sert à "signifier" (et non manifester) la douleur, mais aussi la joie, une exhortation, etc... (ai ore ! = "Allons-y !", "du nerf !"). Il est souvent associer à la particule mi : aimi : "las !"

La différence subtile que vous établissez entre manifester et signifier la douleur du  ai de l'ancien français, n'est-elle pas due simplement au fait que nous la connaissons que par de textes écrits ?

La frontière entre interjections et onomatopées reste floue. La définition même de l'onomatopée en fait une création de mots, alors que l'interjection reste essentiellement une vocalisation émotive, non ? 

Lévine a écrit:

En russe, ой signifie la douleur, mais aussi l'effroi, l'admiration, etc... Je peux même le faire suivre d'un élément modal, ой ли, pour signifier le doute. Quant à ох, il me semble davantage marquer le soulagement que la douleur, un peu comme ouf ! . En finnois, auts (emprunté, aucun mot ne pouvant se terminer par -ts) signifie la douleur, mais aussi l'embarras et au a presque autant de sens que ой  en russe.

 
Merci pour le russe et le finnois que vous connaissez bien. La caractéristique des interjections et de certaines onomatopées est bien leur polysémie. "Ouah !" en français peut marquer l'enthousiasme , le contentement, l'admiration, la joie, la surprise, alors que ouah ouah évoque l'aboiement du chien !

Ces vocalisations simples acquièrent un sens spécifique avec la mimique, la gestuelle, le contexte. Les interjections françaises avec toutes les voyelles témoignent tout de même que le phonème,  le plus souvent isolé ,ne peut pas vraiment être qualifié insensé. C'est en phonologie le plus petit segment phonique, mais affirmer qu'il est dépourvu de sens ne me semble pas juste., ne serait-ce que par les interjections ! Et que dire du a ou du ai de avoir, du  à, du au, du è de est (verbe être);du y, des ou et des où....


Lévine  a écrit:


Autrement dit, l'interjection subit le sort de toutes les unités linguistiques : la dérivation sémantique par l'usage. La plupart du temps, c'est le contexte qui va donner son sens à l'interjection : c'est une simple marque expressive, à peine extra-linguistique au départ, incluse dans l'ensemble des signes d'une langue à l'arrivée, et fonctionnant quasiment comme eux. Au reste, les onomatopées sont un phénomène marginal.

Je suis d'accord avec vous pour la première phrase. Je le suis beaucoup moins sur le caractère marginal que vous accordez aux onomatopées. Le Dictionnaire des onomatopées de Pierre Enckell et Pierre Rézeau comportent 550 pages. Pour ces auteurs la fonction de l'onomatopée est essentiellement de faire entrer dans la langue les bruits du monde et accessoirement d'exprimer la soudaineté ou la rapidité d'un procès. alors que l'interjection est une lexie-phrase tradiusant une attitude du locuteur: déception, : flût, merde, zut, dédain :peuh, dégoût : fi, pouah, encouragement :allons, hésitation : euh, indifférence :bah, bof, soulagement : ouf , surprise ou admiration : eh, hé, oh, ah, etc. Les auteurs répertorient plus de 1000 onomatopées issues de la littérature française, et rien que ce nombre (bien moindre qu'en japonais) ne saurait les qualifier de phénomène marginal. Vous savez en outre que je leur prête un rôle de briques dans la formation des mots et je remplacerai marginal par fondamental. Il est évident que nous sommes d'un avis totalement opposé.

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme !

Re : Comment établir une liste mondiale des onomatopées de la douleur ?

Je vois que vous êtes capable d'aborder une argumentation un peu plus consistante qu'à l'ordinaire. Cependant, afin d'éviter de créer une discussion qui courrait le risque de doubler le sujet que vous avez initié sur Saussure, j'en resterai là.
Je dirai simplement que le langage visant un but qui dépasse le plus souvent l'immédiateté, il est normal que les interjections perdent de leur fonction extra-linguistique dès lors qu'elle s'intègrent à un discours. C'est aussi en ce sens que je parle de "marginalisation", un peu comme, en phonologie, on parlerait de traits non pertinents (l'accent dit "tonique" en français, par exemple).

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

5 Dernière modification par chrisor (12-12-2022 23:20:47)

Re : Comment établir une liste mondiale des onomatopées de la douleur ?

Lévine a écrit:

Je vois que vous êtes capable d'aborder une argumentation un peu plus consistante qu'à l'ordinaire. Cependant, afin d'éviter de créer une discussion qui courrait le risque de doubler le sujet que vous avez initié sur Saussure, j'en resterai là.
Je dirai simplement que le langage visant un but qui dépasse le plus souvent l'immédiateté, il est normal que les interjections perdent de leur fonction extra-linguistique dès lors qu'elle s'intègrent à un discours. C'est aussi en ce sens que je parle de "marginalisation", un peu comme, en phonologie, on parlerait de traits non pertinents (l'accent dit "tonique" en français, par exemple).

J'ai initié ce post dans le but  que des intervenants qui connaissent les onomatopées de la douleur dans certaines langues puissent améliorer la liste présentée.Elle s'étoffera peut-être au fil du temps ?

Je ne tiens pas à doubler le sujet très long, abordé sur le fil de Saussure. J'aurais  tout de même souhaité solliciter ici vos compétences sur l'évolution du français pour savoir à partir de quand on est passé graphiquement de ahi à aïe.

Je comprends très bien ce que vous définissez sous le terme de marginalisation.  Nous avons donc  bien des points de vue diamétralement opposés. Vous savez que pour moi les mots restent liés au monde extra-linguistique par leurs séquences submorphémiques, qui sont à la fois des vestiges de mimes acoustiques issus des onomatopées et des idéophones représentant essentiellement des schèmes géométriques, extraits des aspects typiques ou caractéristiques des objets référents, mais aussi des émotions et sensations qu'ils suscitent.  Ce qui est marginal pour moi c'est le degré de conscience de motivation des ces submorphèmes... qui sont devenus de plus en plus inconscients en raison de la transmission de mots  déjà élaborés par la ou les générations précédentes.

Comme nous le suggérait Alfred de  Musset: « L’homme est un apprenti, la douleur est son maître, Et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert.[…]"  et pour moi le langage de la douleur participe au fondement même de la langue.  Raymond Queneau semblait l'admettre : « Les plaintes de la souffrance sont à l’origine du langage ».

Seriez-vous totalement insensible aux assonances "aille"  et "ouille" qui résonnent tels des cris de douleur vestigiaux, devenus fossiles pour notre conscience,  engendrés par nos blessures (entailles, se tailler, s’ébouillanter), nos activités belliqueuses (bataille, mitraille, baïonnette), nos outils ou objets dangereux (cisaille, maillet, bouilloire, douille), nos travaux et accords aléatoires (semailles, fiançailles, épousailles, retrouvailles), nos échecs (faillite, sur la paille), nos disputes (se brouiller, avoir maille à partie, se chamailler), et nos  enterrements (funérailles, dépouille, Ailleurs, aïeuls) ? 

Il vous est vraiment impossible d'entendre et d'admettre que ces ''aille'' et ces ''ouille'' correspondent bien à l'un des aspects des ces référents désignés, à l'une de leurs caractéristiques, à savoir une propriété  susceptible de provoquer la douleur ou d'exposer à son risque ?

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