Sujet : L'ABC de la phonétique historique française
Ce sujet n'offre pas un cours, mais une simple initiation aux principales transformations phonétiques qui vont de l’étymon latin ou germanique à la forme moderne en passant par une ou deux étapes que la reconstruction des spécialistes a jugé significatives. Ces étapes seront accompagnées d’une datation établie pas les spécialistes.
Le processus des transformations n’est pas abordé afin de ne pas alourdir les articles.
Les exemples, en nombre limité, comportent une ou deux formes médiévales attestées si nécessaire. Ces dernières sont choisies de préférence dans les œuvres de la période qui va du XIème au XIIIème siècle, sans qu’il soit nécessaire de préciser le siècle à chaque fois. Il est bon de rappeler que la date d’attestation d’une forme est souvent largement postérieure à sa d’apparition dans la langue.
Aucun plan suivi n’est prévu, la progression « par sauts et par gambades » (Montaigne) m’ayant semblé préférable à une linéarité lassante. Il n’y aura qu’un objet par message et ceux-ci seront aussi succincts que possible.
Les formes phonétiques sont transcrites en API, plus familier aux lecteurs que les alphabets dits « des romanistes ».
La voyelle accentuée de l’étymon latin est portée en gras, et la quantité des voyelles n’est précisée que si c’est nécessaire.
Les datations sont empruntées aux ouvrages suivants :
- Gaston Zink, Phonétique historique du français, éd. PUF (1986/2013/2016) ;
- Geneviève Joly, Précis de phonétique historique du français, éd. A. Colin (1995/1999/2003/2004).
L’histoire de la langue, c’est bien sûr aussi celle de la morphologie et du lexique. Mais on ne peut tout traiter…
_________________________________________________________________________________
1° [k] suivi de [a]
a) à l’initiale de l’étymon,
b) derrière consonne :
[k] > [ʧ] (VIème-VIIème) > [ʃ] (début du XIIIème).
Ce traitement se rattache à un phénomène phonétique présent dans de nombreuses langues : la palatalisation.
Les dialectes d’oïl, à l’exception du picard et du haut normand, sont les seuls à présenter ce traitement.
Exemples :
a) carrum > char ; carum > cher ; caballum > cheval ; cantare > chanter ; capillos > cheveux…
b) collocare > coucher ; furca > fourche ; planca > planche ; musca > AF mosche > mouche…
Noter que la [a] ancien ne garde pas toujours son timbre originel (char, mais cher). Nous verrons ultérieurement pourquoi.
Notes :
1) Si, dans l’étymon, [k] + [a] est précédé d’une voyelle, le traitement est différent.
2) Le [ʃ] français, de son côté, peut avoir d’autres origines.
Le [k] demeure intact :
a) dans les mots de formation savante (dont certains datent du Moyen Age) :
Ex : catastrophe, cataracte, castrer, carte… ;
b) dans les mots empruntés aux dialectes et aux langues qui ne connaissent pas ce traitement.
Ex : cage (lat.), caillou (normanno-picard) ; cabane, cadeau, cap (provençal), causse (languedocien)…
Ex : cascade, caresse, carrosse (italien) ; carapace, casque (espagnol) ; caribou (algonquin)…
Attention :
On peut aussi avoir [ka] si le groupe provient du latin [kwa] : en ce cas, il s’écrit soit « qua », soit « ca ».
Ex : quat(t)uor > quatre ; quadratum > carré (anc. quarré).