Sujet : biau
Ceux qui ont les cheveux blancs, comme moi, entendirent peut-être dans nos campagnes "c’est bin biau" au lieu de « c’est bien beau ».
S’agissait-il d’un vestige de diphtongue française ou d’une métathèse bilatérale ?
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Ceux qui ont les cheveux blancs, comme moi, entendirent peut-être dans nos campagnes "c’est bin biau" au lieu de « c’est bien beau ».
S’agissait-il d’un vestige de diphtongue française ou d’une métathèse bilatérale ?
Effectivement, cela s'entend(ait).
Biau, comme iau, siau, etc. était la prononciation répandue, notamment dans les campagnes, de ce qui donne en français moderne beau, eau, seau.
"Bin", qui semble répondre au phénomène inverse, est encore utilisé, au moins comme interjection.
J'ai toujours écrit ben au lieu de bin. Il me semble que c'est plus proche de la variante bé (dans hé bé !) par exemple. Il y a aussi la variante ba (eh ba oui = eh ben oui = eh bien oui). Le é nasalisé peut facilement passer au a. J'ai un souvenir d'enfance, quand nous allions passer quelques jours chez mon arrière-grand-mère, dans le Nord : le nom De Coninck, je l'entendais « de Conack ».
« Eh ba oui » m'est nouveau, Alco !
Merci, glop, de m'avoir initié à la métathèse ! Si j'ai bien compris, il ne s'agit pas de cela avec « ben biau ».
« Biau » est une ancienne forme de « beau ». On le sait, les parlers campagnards conservent assez souvent des mots dans leur ancien état. En revanche, je ne trouve pas trace d'un passage par « ben » de « bien ». C'est plutôt l'inverse qui vaut : selon le Robert DHLF, « ben » n'est attesté que depuis le début du XIXe s. Toutefois pour une prononciation certainement plus ancienne.
La recherche dans le corpus imprimé recensé par Google donne quand même des occurrences de « ben » avant 1800, en particulier et sans aucun doute chez Molière :
Je me demande si ces occurrences sont fiables (il y a souvent des erreurs de lecture dans les documents anciens). Avez-vous quelques exemples concrets chez Molière ?
Ceux qui ont les cheveux blancs, comme moi, entendirent peut-être dans nos campagnes "c’est bin biau" au lieu de « c’est bien beau ».
S’agissait-il d’un vestige de diphtongue française ou d’une métathèse bilatérale ?
Pas de métathèse, biau est une forme phonétique.
(Je ne recours pas au signe spéciaux, j'espère que ce sera assez clair)
biau(s)/beau ont été obtenus à partir de nominatif bellus. Le e ne s'est pas diphtongué vu qu'il était en entrave, puis la géminée a disparu avec l'amuissement du u final (o en fait), laissant le l au contact du s. Il y a alors eu vocalisation (au XIème).
A ce moment, on obtient donc *beus. Comme dans tous les mots de formation comparable (château, rameau, pourceau...), un son de glissement [a] s'est introduit dans le passage de e à u ; on a eu alors *beaus le groupe au s'est monophthongué au XIIème.
A partie de beo, deux traitements :
- le traitement "populaire" et dialectal (ne pas confondre les deux) ferme le e en bio > byo (biau) (cf. fabliau),
- le traitement "savant" affaiblit le e en e central, ce qui mène à la monophtongaison [bo].
A signaler que le cas régime était normalement bel (qui survit en FM), mais que beau a été étendu à la fonction sujet en moyen français.
La réduction de bien à "ben", de rien à "ren", non vraiment justifiable, est comparable à celle de lève < lieve (cf. relief), mais non semblable. La première est considérée comme "vulgaire" par Oudin (cité par Fouché).
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