Sujet : Réformer le participe passé
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L'Actualité, octobre 2020
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Bien avant Marot, dans la Chanson de Roland (extrême début du XIIème) :
- Ço sent Rollant la veüe ad perdue
- Vos lui avez tuz ses castels toluz
Dans Guillaume d'Angleterre (XIIème) :
- Neporquant les as salués
etc...
Et ce n'est pas une invention des clercs : en latin vulgaire, on trouve habeo scriptum (j'ai écrit), mais litteras quod habeo scriptas (les lettres que j'ai écrites). Au départ donc, comme en italien, les terminaisons de tous les participes se prononcent.
(J'ai remanié les exemples de manière à avoir le même verbe, mais je ne les ai pas inventés, ils proviennent d'inscriptions).
La chose que Marot a faite, c'est de formuler ces règles (dans un sonnet), et de concourir à leur systématisation.
Merci, Lévine, de ces précisions : il est toujours bon de regarder derrière les poncifs.
Depuis une dizaine d'années peut-être, on observe, en particulier dans les médias oraux, un renoncement croissant à l'accord du participe passé : « les décisions qu'il a pris », par exemple, devient presque la règle à la radio et à la télé.
Le sujet est si vaste et révolutionnaire, une telle réforme aurait de telles conséquences en d'autres domaines qu'on peut s'en inquiéter.
Je pense aux adjectifs. Si l'on en vient à « Les portes que tu as ouvert se sont refermé immédiatement », il faudra officialiser « les portes ouvert », « les fenêtres fermé », donc « une ministre fermé à l'informatique », donc aussi « une jeune fille tout petit », « une très grand pro », « il est d'humeur changeant », « j'ai trouvé porte clos », « des cartes routier », « des femmes enceint »...
Et il ne sera plus possible de substantiver d'adjectifs sur le modèle de « les religieuses hospitalières », « les dormeuses », « la vieille »...
Je ne crois pas donner dans l'outrance avec les exemples négatifs que je cite là. S'il ne s'agit pas d'un appauvrissement de la langue !
Ço sent Rollant la veüe ad perdue et Vos lui avez tuz ses castels toluz, dont je viens de voir qu'ils signifient « Vous lui avez enlevé tous ses châteaux » et « Roland sent qu'il a perdu la vue », évoquent, avec leurs participes en fin de proposition, l'ordre des mots allemand. Le français moderne a perdu cette habitude : dans ces phrases, les participes, accordés pourtant tout banalement avec les noms C.O.D. qui les précèdent, nous étonnent. On a affaire, en quelque sorte, à « Vous lui avez tous ses châteaux enlevés » et « Roland sent qu'il a la vue perdue ».
Si l’on choisissait au contraire d’accorder systématiquement le PP avec le COD quelle que soit l’ordre des mots de la phrase, on devrait dire : Je vous ai écrite une chanson. Vous avez prise de l’assurance. Il vous ont offerte une place de concert etc.
C’est pas gagné.
Cette « réforme », si d’aventure elle devait se faire, compliquerait tellement les choses que je me demande si la bonne attitude à adopter n’est pas « Il est urgent de ne rien changer » ?
Si l’on choisissait au contraire d’accorder systématiquement le PP avec le COD quelle que soit l’ordre des mots de la phrase, on devrait dire : Je vous ai écrite une chanson. Vous avez prise de l’assurance. Il vous ont offerte une place de concert etc.
C’est pas gagné.
Dans Roland, on y avait aussi pensé !
Li emperere ad prise sa herberge.
(= L'empereur a établi son campement)
Mais là, il y a sans doute des raisons de métrique.
Il fallait en profiter avant que Malherbe ne vienne !!!
Ronsard aussi y a pensé, et nous le savons tous :
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu cette vêprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au vôtre pareil.
Et Marot, donc :
Sur mes deux bras ils ont la main posée
Et Marot, donc :
Sur mes deux bras ils ont la main posée
Là, Marot applique scrupuleusement la règle qu'impose le C.O.D. antéposé au participe, tandis que dans « Qui ce matin avait déclose », cité par Abel Boyer, Ronsard anticipe en quelque sorte ce que glop imagine au message 4 (Si l’on choisissait au contraire d’accorder systématiquement le PP avec le COD quel que soit l’ordre des mots de la phrase, on devrait dire : Je vous ai écrite une chanson. Vous avez prise de l’assurance. Il vous ont offerte une place de concert etc.). Il est toutefois bon de remarquer que les verbes que nous propose glop sont transitifs directs, ce qui n'est pas le cas de déclore.
....ce qui n'est pas le cas de déclore.
Je crois pourtant que déclore est transitif direct.
Chover a écrit:....ce qui n'est pas le cas de déclore.
Je crois pourtant que déclore est transitif direct.
Vous avez raison ! J'y voyais faussement le contraire d'éclore ! La dernière phrase de mon message 9 doit être considérée comme nulle et non avenue !
Pour votre peine, Chover, expliquez-nous donc l'absence de ne pour accompagner point (v. 4).
Pour votre peine, Chover, expliquez-nous donc l'absence de ne pour accompagner point (v. 4).
Aux cours des nombreuses années qui se sont écoulées depuis que j'ai découvert, comme tout le monde, Mignonne, allons voir si la rose, j'ai eu spontanément en tête que Ronsard se passait de N' au début du vers 4 de la même manière qu'on le fait en français contemporain familier. Je ne me hasarderai pas à chercher une autre explication dans mes connaissances personnelles !
P'tit prof a écrit:Et Marot, donc :
Sur mes deux bras ils ont la main poséeLà, Marot applique scrupuleusement la règle qu'impose le C.O.D. antéposé au participe, [...]
Deux petites observations :
1) Dans l'exemple de Marot, on pourrait, à la rigueur, interpréter "posée" comme un adjectif (certes dérivé d'un participe passé) et accordé comme tel, comme par exemple s'il y avait : "Sur mes deux bras, ils ont la main fermement crispée".
Il est certes plus vraisemblable que Marot ait eu en tête un verbe conjugué avec participe passé.
2) la règle qu'impose le C.O.D. antéposé au participe
Je trouve l'énoncé des règles d'accord du p.p. conjugué avec "avoir" singulièrement imprécis sur un point. Le plus souvent, on se contente de parler de "placer avant", "antéposé", sans bien préciser par rapport à quoi. Vous écrivez "antéposé au participe". Est-ce bien la règle actuelle, ou faut-il dire "antéposé à l'auxiliaire "avoir" ? Autrement dit, le poète moderne qui écrirait selon une construction un peu inhabituelle :
J'ai chère Madame, vos plus beaux traits dessiné(s)
doit-il accorder "dessinés" ou laisser "dessiné" ?
Quelques éléments sur la question, d'une manière plus générale :
https://www.languefrancaise.net/forum/v … 780#p54780
https://www.languefrancaise.net/forum/v … 203#p91203
https://www.languefrancaise.net/forum/v … 203#p91203
https://books.google.fr/books?id=0WALAA … mp;f=false
Pour votre peine, Chover, expliquez-nous donc l'absence de ne pour accompagner point (v. 4).
Je l'ai toujours ressenti comme une construction semblable à l'usage positif de jamais : allons voir si jamais la rose a perdu.
Lévine a écrit:Pour votre peine, Chover, expliquez-nous donc l'absence de ne pour accompagner point (v. 4).
Aux cours des nombreuses années qui se sont écoulées depuis que j'ai découvert, comme tout le monde, Mignonne, allons voir si la rose, j'ai eu spontanément en tête que Ronsard se passait de N' au début du vers 4 de la même manière qu'on le fait en français contemporain familier. Je ne me hasarderai pas à chercher une autre explication dans mes connaissances personnelles !
Comme le dit Alco, ce phénomène se rattache à l'emploi positif de rien (< rem, "une chose"), personne, jamais, aucun.
En AF, pas, point, mie, gotte, etc... avaient aussi une valeur positive. C'est l'habitude de les employer avec l'adverbe négatif ne qui leur a donné une valeur négative.
Ex : "Je ne voi gote" : je ne vois (même) pas une goutte (objet très petit).
Dans la langue moderne, si ces mots sont employés sans ne, il y a deux possibilités d'appréciation :
- Dans une phrase déclarative ou injonctive, leur emploi est familier,
Ex : "J'ai pas de chance", "J'ai jamais dit ça", "Bouge pas !", etc...
- Dans une phrase interrogative et dans un contexte de doute, ou dans une interrogation oratoire, la tournure est recherchée dans le cas de pas et point, soutenue ailleurs :
Ex : "En distraire des troupes, serait-ce pas commettre une infidélité ?" (De Gaulle, cité par Grevisse).
Ex : "A-t-on jamais vu une telle insolence ?".
Dans la première phrase, il y a le souvenir lointain de la valeur positive de pas : = "Ne serait-ce pas, un tant soit peu, commettre une infidélité ?", mais la phrase doit être considérée comme négative.
Dans la seconde, la valeur positive est évidente : = "Avez-vous vu une fois (au moins)..."
La tournure est tout à fait indiquée dans le poème de Ronsard : au moment où l'on envisage l'état de la rose, il y a doute, mais peut-être espérance, d'où la révélation dramatique (et non tragique) qui suscite les interjections las ! las !
Illustration sonore (un classique, et un régal pour ceux qui, comme moi, l'ont chanté).
https://www.youtube.com/watch?v=yypxmK62RGk
Ah oui, joli !
Comme à beaucoup, probablement, les emplois positifs de « rien » et « jamais » me sont familiers depuis bien longtemps, tandis que ceux de « pas » et « point » me demandent un effort. À la manière dont vous avez posé votre question hier, Lévine, j'ai subodoré la subtilité mais, vous l'avez compris, c'est vous et Abel qui m'instruisez à propos du passage pourtant si connu de Ronsard. Je vous en remercie beaucoup.
Dans « Ai-je jamais oublié ton anniversaire ? » et « Il a été incapable de rien ajouter », on voit facilement un complément de temps d'oublier (jamais) et un C.O.D. d'ajouter (rien).
On dit que les négations « ne.. pas... » « ne... point » sont apparues avec l'ajout des noms « pas » et « point » à l'ancien « ne », à l'instar de gote dans Je ne voi gote, que vous mentionnez, Abel. Considérant ces noms comme des C.O.D. en l'absence de « ne », j'éprouve encore une certaine gêne avec « A point perdu cette vesprée », où je tends à voir à la fois le C.O.D. « point » avant « perdu » et le C.O.D. « cette vesprée » après ce même participe ! Je veux dire, bien sûr, si « N' » n'est pas sous-entendu !
[ ou faut-il dire "antéposé à l'auxiliaire "avoir" ? Autrement dit, le poète moderne qui écrirait selon une construction un peu inhabituelle :
J'ai chère Madame, vos plus beaux traits dessiné(s)
doit-il accorder "dessinés" ou laisser "dessiné" ?
Le poète moderne se permettrait peut-être même « Vos traits, chère Madame, que dessinés j'ai... », où j'accorderais alors le participe. J'en ferais donc (plutôt !) autant pour « J'ai, chère Madame, vos plus beaux traits dessinés ». Mais je l'admets, j'affirme, je ne raisonne pas !
Moderne, allez donc ! C'est la tournure Vos li avez tuz ses castels toluz, que j'ai signalée au début.
D'autre part, c'est l'antéposition par rapport au participe qui compte (dans la langue moderne).
Par ailleurs, on trouve aussi dans Aucassin et Nicolette :
"Li auquant dient que li cuens Garins de Biaucaire l'a faite mordrir."
="Certains disent que le comte G. de B. l'a fait assassiner" (il est question de Nicolette).
A vous lire, je me dis qu'il n'y a qu'une solution pour simplifier la règle : qu'il y ait toujours accord, c'est le plus logique mais ce serait difficile à faire appliquer à l'oral surtout. La force de l'habitude.
On entend en effet de plus en plus des accords non faits sur les participes irréguliers : ouvert, pris, mis, fait... paresse ou autre chose ? Je miserais sur autre chose...
Paradoxalement, on observe aussi l'accord de avoir fait + infinitif.
Paresse, pas vraiment, négligence sans doute. C'est un peu comme avec l'orthographe.
Dans un autre domaine, je remarque aussi dans les médias une certaine tendance à l'invariabilité partielle en genre et en nombre de "lequel".
L'absence d'accord ne concerne, il me semble, que les participes passés employés avec l'auxiliaire "avoir".
Cette porte que j'ai ouvert - il l'a pris (l' pour "la") - la veste que nous avons mis...
On n'entend jamais : la porte est ouvert - elle était pris d'une toux... - la veste a été mis sur la chaise.
Sans doute, le participe passé accompagné de "avoir" est reconnu comme une partie du temps composé formant lui même un tout qui n'a que faire des accords.
Pour ce qui concerne les verbes dont le passé composé utilise "être", je n'en ai pas trouvé dont l'irrégularité s'entendrait à l'oral, à part "mourir" ; mais "il est mort" est entendu comme un résultat, un état, plus que comme un temps composé.
Je pense que la langue évolue dans le sens de ne plus faire l'accord du participe passé pour les temps composés (avec "avoir"), où que se situe le COD, et ce, sans conséquence sur les autres empois du participe passé.
On n'entend jamais : la porte est ouvert - elle était pris d'une toux... - la veste a été mis sur la chaise.
J'ai eu l'occasion d'entendre l'absence d'accord dans des cas similaires. Certaines personnes ont un langage très relâché.
Ah oui? Je vais tendre mieux l'oreille.
J'entends souvent que y'a. C'est très laid. Même des personnes dites cultivées l'emploient parfois abondamment.
Je pense que la langue évolue dans le sens de ne plus faire l'accord du participe passé pour les temps composés (avec "avoir"), où que se situe le COD, et ce, sans conséquence sur les autres emplois du participe passé.
Comme Alco, je vous trouve un peu optimiste. Je puis vous assurer avoir entendu dans les grands médias oraux des formulations comme : Elle a été pris d'une sorte de folie...
Une bizarrerie, peut-être : tel journaliste connu qui se permet cela à l'antenne accordera probablement correctement le participe à l'écrit.
Oui c'est vrai, j'ai entendu cela déjà.
Seule l'orthographe — purement conventionnelle —est susceptible de réforme. L'usage ... use, modifie, sans intervention consciente et volontaire.
Personne ne pourra jamais réformer quelque usage que ce soit.
C'est vrai.
Et inversement : jamais je n'oublierai ce panneau revendicatif dans un quartier en rénovation
une rénovation à porter de nos bourses !
Une faute suicidaire.;.
Je puis vous assurer avoir entendu dans les grands médias oraux des formulations comme : Elle a été pris d'une sorte de folie...
On entend aussi beaucoup : « Elle s'est faite piéger. »
Mais peut-être, dans l'esprit du locuteur, cela s'écrit-il : « Elle s'est faite piégée. », ce qui nous donne, au pluriel : « Elles se sont faites piégées. »
Ceci en vertu de la règle selon laquelle « avec le verbe être, on accorde ». Imparable !
Je puis vous assurer avoir entendu dans les grands médias oraux des formulations comme : Elle a été pris d'une sorte de folie...
On entend aussi beaucoup : « Elle s'est faite piéger. »
Mais peut-être, dans l'esprit du locuteur, cela s'écrit-il : « Elle s'est faite piégée. », ce qui nous donne, au pluriel : « Elles se sont faites piégées. »
Ceci en vertu de la règle selon laquelle « avec le verbe être, on accorde ». Imparable !
Je vois plutôt là un auxiliaire être.
Ne verra-t-on pas un jour: Elle este piégée ?
Ça, par contre, ce n'est pas possible.
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