Passer au contenu du forum

forum abclf

Le forum d'ABC de la langue française

Mise à jour du forum (janvier 2019)

Remise en l'état – que j'espère durable – du forum, suite aux modifications faites par l'hébergeur.

(Page 1 sur 2)

forum abclf » Réflexions linguistiques » Anacoluthe ?

Flux RSS du sujet

Messages [ 1 à 50 sur 60 ]

1 Dernière modification par Ylou (01-12-2020 18:00:55)

Sujet : Anacoluthe ?

Comme si elle était devenue brûlante, subitement, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre.
On persiste à dire que cette phrase comporte une anacoluthe parce que "elle" nous fait attendre un sujet qui serait le référent.
Je ne vois qu'une proposition subordonnée placée avant la principale.
Qu'en dites-vous ?

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

Re : Anacoluthe ?

En effet, pas d'anacoluthe. Ce serait le cas s'il était écrit "Devenue brûlante... "

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

3

Re : Anacoluthe ?

Serait-on en présence d’une prolepse ou d’une hyperbate ?

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : Anacoluthe ?

Ni l'un ni l'autre : ce n'est pas une hyperbate puisque "elle" est naturellement relié au référent que l'on attend dans la proposition qui suit ; ce serait le cas si l'on avait "Tony" dès le début de la phrase, par exemple. Ce n'est pas une prolepse puisque ce n'est pas l'objet qui est mis en anticipation, mais un pronom.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

5

Re : Anacoluthe ?

La formulation consistant à postposer, dans une même phrase, un nom au pronom qui le représente n'est pas si rare en français : L'ayant vu trop tard, j'ai buté sur un caillou.
Je crois que votre phrase, Ylou, paraîtra plus familière si l'on déplace « subitement » : Comme si elle était devenue brûlante, Tony a subitement lâché son épée... À moins que l'adverbe concerne le verbe devenir, mais cela me semble moins probable : Comme si elle était devenue subitement brûlante, Tony a lâché son épée.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

6

Re : Anacoluthe ?

Merci beaucoup !

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

7 Dernière modification par Chover (02-12-2020 10:14:32)

Re : Anacoluthe ?

Je ne doute pas, Ylou, que vos remerciements s'adressent essentiellement à Lévine.

De grands écrivains ont eu recours à l'anacoluthe, certains volontairement, d'autres non.
Elle est caractérisée, il me semble, par l'absence d'un tronçon de phrase nécessaire à l'analyse grammaticale traditionnelle. Ce n'est pas le cas, par exemple de « En lâchant son épée, Tony a vu qu'elle était endommagée », ce serait le cas de « En lâchant son épée, elle était endommagée », où fait défaut le verbe dont le gérondif « En lâchant son épée » est normalement complément.

L'anacoluthe que vous avez citée, Lévine (Devenue brûlante, Tony a subitement lâché son épée), a la particularité qu'on peut la corriger par le simple déplacement de la participiale : Tony a subitement lâché son épée(,) devenue brûlante. La plupart du temps, pour procéder à la correction, on a recours à un ajout, comme on le voit avec « Son épée devenue brûlante, Tony l'a subitement lâchée ». Ou avec « Je l'ai retrouvé à l'endroit où je l'avais laissé », qui veut améliorer « Je l'ai retrouvé où je l'avais laissé ».

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

8 Dernière modification par glop (02-12-2020 15:15:26)

Re : Anacoluthe ?

J’ai bien du mal à digérer la construction de cette phrase parce-que la proposition "(il) a posé son genou à terre" est rattaché à la précédente par la conjonction de coordination "et" d’une étrange façon.
Je pense (à tort ou à raison) que la construction devrait pouvoir résister à la suppression de l’une des deux propositions mais la phrase [Comme si elle était devenue brûlante, subitement, Tony a posé un genou à terre.] ne répond pas à cette exigence.
Il me semble que la répétition du sujet rétablirait un tant soit peu l’équilibre.
Comme si elle était devenue brûlante, subitement, Tony a lâché son épée et (il) a posé un genou à terre.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

9

Re : Anacoluthe ?

Je vous suis : la subordonnée « Comme si elle était devenue brûlante » ne me paraît compléter que « Tony a lâché son épée ». Je préfère aussi voir une indépendante dans « a posé son genou à terre », une indépendante que, comme vous, je trouve plus pertinent de lier par « et il », voire « puis il », à la principale « Tony a lâché son épée ».

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

10

Re : Anacoluthe ?

Pas moi, mais il ne faut pas oublier que cette phrase se conçoit mal sans contexte.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

11 Dernière modification par Ylou (03-12-2020 07:28:05)

Re : Anacoluthe ?

Chover a écrit:

Je ne doute pas, Ylou, que vos remerciements s'adressent essentiellement à Lévine.
[...]

Elle est caractérisée, il me semble, par l'absence d'un tronçon de phrase nécessaire à l'analyse grammaticale traditionnelle.  [...]

L'anacoluthe que vous avez citée  [...]a la particularité qu'on peut la corriger par le simple déplacement de la participiale [...]La plupart du temps, pour procéder à la correction, on a recours à un ajout


Elle berce et sourit à son enfant.  Le roman n’est pas pressé comme au théâtre. Ma foi sur l’avenir bien fou qui se fiera.
Dans ces exemples, on a seulement une erreur de construction : ils sont cités ici : https://www.laculturegenerale.com/anaco … n-exemples

Je me demande s'il est intéressant de leur donner le nom d'anacoluthe. Quelle intention peut-il y avoir dans le choix de ces constructions erronées ? car, une figure de style est choisie pour un créer un effet, (même si le résultat se fige parfois avec le temps).

Quant à mes remerciements, ils s'adressent aussi à vous Chover.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

12 Dernière modification par Lévine (03-12-2020 09:32:23)

Re : Anacoluthe ?

Ce ne sont absolument pas des anacoluthes, mais des erreurs dans la rection des verbes ou la construction de tel groupe dans sa proposition (ex. 2). Aucun effet de style : des négligences relevées ici ou là ou des exemples fabriqués.
L'anacoluthe est surtout dans la rupture de construction d'une proposition à l'autre ou d'un groupe détaché, participial surtout, par rapport au reste de la phrase. Toute incorrection ne peut être appelée anacoluthe. Il faut d'autre part que celle-ci soit volontaire pour que l'on parle de figure.

Après boire, l'homme qui regarde la table et qui soupire, c'est qu'il va parler. (Giono, Un de Baumugnes)

On voit le rapport que celle-ci entretient ici avec la prolepse.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

13 Dernière modification par Chover (05-12-2020 09:17:16)

Re : Anacoluthe ?

Ylou a écrit:

Elle berce et sourit à son enfant.  Le roman n’est pas pressé comme au théâtre. Ma foi sur l’avenir bien fou qui se fiera.
Dans ces exemples, on a seulement une erreur de construction : ils sont cités ici : https://www.laculturegenerale.com/anaco … n-exemples

Je me demande s'il est intéressant de leur donner le nom d'anacoluthe. Quelle intention peut-il y avoir dans le choix de ces constructions erronées ? car, une figure de style est choisie pour un créer un effet, (même si le résultat se fige parfois avec le temps).

Je fais aussi la différence entre erreur de construction et anacoluthe :
• Si l'on me demande d'analyser grammaticalement « Elle berce et sourit à son enfant », je dispose, je crois, de tous les éléments dont j'ai besoin pour indiquer la nature et la fonction de chaque mot.
• Ce n'est pas le cas avec « La discussion a été vive en mangeant », où je ne trouve pas le verbe que complète le gérondif, à moins que ce soit la discussion qui mange (Correction : La discussion a été vive, que nous avons eue en mangeant ; ou, peut-être mieux : La discussion que nous avons eue en mangeant a été vive).
Or tout le monde ou presque accepte aujourd'hui « L'appétit vient en mangeant ». Dans la majorité des cas, l'anacoluthe ne nuit pas à la compréhension de la phrase qui la contient, quand elle ne se fait pas totalement oublier. Mais il m'arrive, en la présence de certaines d'entre elles, de chercher pendant quelque temps ce que leur auteur a voulu dire ou d'hésiter entre deux interprétations.
Au moment de publier cela, je découvre votre message, Lévine. Je ne pense pas que nous nous contredisions l'un l'autre !

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

14

Re : Anacoluthe ?

En effet. Dans "l'appétit vient en mangeant", on a en fait un latinisme : "en mangeant" signifie en fait "par le [fait de] manger" (edendo, gérondif à l'ablatif).

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Anacoluthe ?

Je ne suis pas persuadé. C'est la même construction que "la fortune vient en dormant", où le sens me semble plus "pendant qu'on dort" que "par le fait de dormir".
https://fr.wiktionary.org/wiki/la_fortu … en_dormant

16

Re : Anacoluthe ?

Il n'y a pas toujours une grosse différence entre les valeurs circonstancielles.
Mais je voulais surtout rappeler que le gérondif ne renvoyant pas au sujet est une tournure "ancienne", et qu'elle ne constituait pas une incorrection dans ces cas précis.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

17 Dernière modification par glop (03-12-2020 20:47:59)

Re : Anacoluthe ?

Tant il est vrai que la "prise en passant" n’a aucun secret pour un joueur d’échecs, quelle que soit sa nationalité, alors qu'elle ne dit rien à un joueur de poker.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

18

Re : Anacoluthe ?

J'avoue avoir hésité à placer dans la phrase "quelle que soit sa nationalité".

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

19

Re : Anacoluthe ?

Il est à noter qu'en russe, il n'y a pas de gérondif dans l'expression équivalente.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

20

Re : Anacoluthe ?

L'allemand possède le participe présent mais ignore également le gérondif dans le sens qu'a ce mot en grammaire française.

« En mangeant », dans « L'appétit vient en mangeant », me paraît aussi plus proche de « pendant qu'on mange ». D'ailleurs, j'aurais pu tout aussi bien, pour illustrer l'anacoluthe, choisir une subordonnée infinitive de temps : des phrases comme « La discussion a été vive avant de manger » ou « Au moment de partir, il s'est mis à pleuvoir » s'entendent et se lisent.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

21

Re : Anacoluthe ?

Attention, je n'ai pas dit que le russe ne possédait pas de gérondif ; j'ai simplement dit qu'il ne s'utilisait pas dans l'expression correspondant à "prise en passant" dans le vocabulaire des échecs.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

22 Dernière modification par Chover (05-12-2020 09:08:26)

Re : Anacoluthe ?

Pardon. Je vous ai mal lu. Et mes connaissances très insuffisantes du russe sont un peu en cause : j'ai essayé de me rappeler, en vain, ce que j'aurais pu apprendre jadis sur son gérondif. Sans que nous nous lancions dans de longues considérations sur cette langue, pourriez-vous donner un exemple ? (J'espère ne pas vous importuner, parce que, à vrai dire, dans cette situation, il me faudrait beaucoup de temps pour écrire ici une phrase courte en alphabet cyrillique. J'avais jadis affecté les touches de mon clavier AZERTY à de tels caractères, en y collant de petites étiquettes ; je ne sais plus quelle petite manœuvre suffisait, mais mon manque d'expérience et la grande rareté des occasions de l'améliorer m'avaient conduit à ne pas renouveler les étiquettes quand elles ont été usées.)

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

23 Dernière modification par Lévine (04-12-2020 12:50:51)

Re : Anacoluthe ?

La syntaxe du gérondif est délicate...

Voici deux exemples :

Ужиная, мы лучше познакомились.
Tout en dînant, nous avons mieux fait connaissance (comme quoi il n'y a pas que l'appétit qui vient en mangeant).

Я вышел из ГУМа, ничего не купив.
Je suis sorti du GOUM en n'ayant rien acheté (c'est un exploit !). 

Vous remarquerez :
- l'invariabilité du gérondif, qui ne se confond donc pas avec le participe.
- l'application au gérondif du système aspectuel. Par exemple, si j'utilise le présent dans mon exemple 1, c'est pour bien montrer la simultanéité des deux actions. C'est pourquoi je rajoute "tout" en français.
- l'emploi obligatoire de la virgule à l'écrit.


J'utilise un clavier spécial sur mon PC, de même qu'en grec, mais vous pouvez recourir au "clavier Lexilogos". Vous sélectionnez les lettres pour former votre phrase dans la fenêtre et vous copiez-collez l'ensemble.

https://www.lexilogos.com/clavier/russkij.htm

Comment traduirait-on mes phrases en allemand (après, on clora le HS !)?

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

24

Re : Anacoluthe ?

Mon apprentissage du russe n'a pas dû m'amener à découvrir de tournures comme Ужиная et ничего не купив. Merci.
Während wir zu Abend aßen, haben wir uns besser kennengelernt et Ich habe das Gum verlassen, ohne etwas gekauft zu haben ne nécessitent pas (ne nécessitent plus) de traductions !

En illustration de l'anacoluthe, j'ai souvent vu citer la phrase de PASCAL Le nez de Cléopâtre, s'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé : incapable d'indiquer la fonction grammaticale du groupe Le nez de Cléopâtre, je ne contesterai pas qu'il s'agisse là d'une anacoluthe. Mais j'observe que cela tient à une simple virgule : Le nez de Cléopâtre ? S'il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

25 Dernière modification par Lévine (05-12-2020 10:06:59)

Re : Anacoluthe ?

En grec ancien, la tournure "Le nez de Cléopâtre..." est courante, surtout chez Thucydide. On l'appelle très justement "nominativus pendens" (nominatif pendant).

Le gérondif russe est courant à l'écrit parce qu'il est très commode (un mot pour cinq en allemand) et qu'il n'est pas considéré comme lourd ; j'ai mis une minute à en trouver un dans un texte "moderne" pris au hasard !

Merci pour les traductions.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

26 Dernière modification par Chover (06-12-2020 11:17:08)

Re : Anacoluthe ?

Une « belle » anacoluthe me parvient ce matin. Je vous livre la phrase avec sa ponctuation, si je puis dire, et sa faute d'accord : En vieillissant la liste de Noël raccourcit car les choses que l'on souhaite ne s'achète pas.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

27

Re : Anacoluthe ?

Oui, mais il me semble admis que le gérondif puisse renvoyer à un indéfini. Certes, "on" n'est pas sujet, mais malgré tout...

Chover, je profite de votre présence pour vous dire que si vous voulez vous remettre un jour au russe, je me ferai un plaisir de vous aider. Il suffira de me contacter par l'intermédiaire du forum.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

28

Re : Anacoluthe ?

Lévine a écrit:

Oui, mais il me semble admis que le gérondif puisse renvoyer à un indéfini. Certes, "on" n'est pas sujet, mais malgré tout...

Vous m'étonnez : sauf erreur de ma part, l'anacoluthe n'a rien à voir avec « car les choses que l'on souhaite ne s'achètent pas ». Si l'auteur de la phrase s'en était tenu à  « En vieillissant, la liste de Noël raccourcit », la tournure aurait, à mon sens, pareillement comporté la rupture dans la construction. On aurait alors pu penser à d'autres personnes pour l'améliorer : Tandis que je vieillis, ma liste de Noël raccourcit. Tandis que tu vieillis, ta liste...

Lévine a écrit:

je profite de votre présence pour vous dire que si vous voulez vous remettre un jour au russe, je me ferai un plaisir de vous aider. Il suffira de me contacter par l'intermédiaire du forum.

Merci. C'est très aimable de votre part, votre proposition me touche beaucoup. Pour de nombreuses raisons et à mon grand regret, il m'est impossible d'y donner suite. Mais sur ce forum nous aurons peut-être encore l'occasion, vous et moi, d'évoquer ou de citer la belle langue russe, et vous de réagir à mes considérations modestes la concernant.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

29 Dernière modification par Lévine (06-12-2020 21:58:50)

Re : Anacoluthe ?

J'ai bien compris que l'anacoluthe concernait la partie de la phrase que vous dites ; si je fais intervenir le "on" de la proposition suivante, c'est pour montrer que dans l'esprit du locuteur, le gérondif s'y rapporte.
Bien sûr, il eût mieux valu écrire, soit :

A mesure que l'on vieillit, la liste de Noël se raccourcit..., soit :

En vieillissant, on voit la liste de Noël se raccourcir...
_______________

Oui, la belle langue russe, patrimoine familial bien plus précieux que des domaines ou des richesses...

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

30

Re : Anacoluthe ?

Nous sommes d'accord.

Lévine a écrit:

Le gérondif russe est courant à l'écrit parce qu'il est très commode (un mot pour cinq en allemand)

Une commodité dont le russe aurait tort de se priver !
Mais il me faut signaler, pour la pertinence de la comparaison, que deux des cinq mots contenus dans Während wir zu Abend aßen (mot à mot : Pendant que nous au soir mangions) concernent le cas particulier de la traduction de dîner. On peut dire qu'en général ce sont trois mots allemands qui correspondent aux deux (ou trois, si l'on utilise « tout ») du gérondif présent français : Während ich lese, vergesse ich meine Sorgen, En lisant, j'oublie mes soucis.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

31

Re : Anacoluthe ?

Oui, j'y ai pensé en l'écrivant, mais c'était pour mieux faire ressortir la supériorité de la langue russe wink.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

32 Dernière modification par Chover (08-12-2020 09:34:45)

Re : Anacoluthe ?

Ylou a écrit:

Comme si elle était devenue brûlante, subitement, Tony a lâché son épée et a posé un genou à terre.

glop a écrit:

Serait-on en présence d’une prolepse ou d’une hyperbate ?

Lévine a écrit:

Ni l'un ni l'autre : ce n'est pas une hyperbate puisque "elle" est naturellement relié au référent que l'on attend dans la proposition qui suit ; ce serait le cas si l'on avait "Tony" dès le début de la phrase, par exemple. Ce n'est pas une prolepse puisque ce n'est pas l'objet qui est mis en anticipation, mais un pronom.

La prolepse qui me parait la plus répandue et la plus simple à comprendre, la seule mentionnée dans certains dictionnaires, m'est familière depuis assez longtemps. Elle consiste à anticiper une remarque critique de l'interlocuteur: Tu vas dire que je ne fais aucun effort, mais j'ai plus de difficultés avec les autres acceptions du mot. Je vois cette phrase sur la Toile : « Regarde cette auto, comme elle est belle », où le C.O.D. « cette auto » est présenté comme proleptique. Je suppose qu'une formulation non proleptique consisterait à dire « Regarde comme cette auto est belle ».

Vous m'avez fait découvrir l'hyperbate, à propos de laquelle je lis sur Wikipédia qu'elle « consiste à ajouter un mot ou un syntagme ainsi mis en évidence à une phrase qui paraît finie ». Il m'arrive d'y recourir, sans le savoir jusqu'à présent : Je vois le train partir, qui ne m'a pas attendu ! Mais il me semble que, pour certains, l'hyperbate consiste plus simplement à postposer le sujet au verbe, après qu'on lui a antéposé, par exemple, un adverbe : « Là court un clair ruisseau » (Larousse). Sans doute à cause de l'allemand, je suis toujours gêné à voir qu'on considère plus « normal » que le sujet précède le verbe. J'évite de parler d'inversion : « Un court ruisseau court là » me serait moins « naturel ».

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Anacoluthe ?

Chover a écrit:

Sans doute à cause de l'allemand, je suis toujours gêné à voir qu'on considère plus « normal » que le sujet précède le verbe.

Ben quand même ! Je serais étonné que dans "le chat mange la souris", vous envisagiez que ce soit la souris qui mange le chat ! Il y a bien un ordre naturel caractéristique du français (et d'autres langues sans déclinaison), même s'il va sans dire qu'il y a beaucoup d'exceptions à cet ordre. Je n'irai pas jusqu'à prétendre comme Rivarol que cet ordre a engendré la clarté et la prééminence qu'on a jadis attribuées à notre langue.

34 Dernière modification par Lévine (07-12-2020 12:13:45)

Re : Anacoluthe ?

Oui, cela me fait penser à la grammaire de Port-Royal.

Néanmoins, sans aller jusqu'à utiliser l'adjectif "naturel", qui peut prêter à confusion, je dirais que même dans les langues à flexion, on doit s'attendre à voir le thème (ce dont on parle) placé avant le prédicat (ce qu'on en dit).

Je viens de faire le test sur le début d'un roman finlandais : dans la première page, plutôt descriptive, la quasi-totalité des phrases commencent par le sujet (je ne tiens pas compte des éventuels c. circ.). Or le finnois utilise couramment treize cas. C'est dire qu'on pourrait mettre les mots dans un chapeau et faire une phrase avec le résultat du tirage : cette dernière serait théoriquement compréhensible.
_____________

Chover, attention à ne pas confondre figure de style et figure de rhétorique. Il arrive qu'un même désignation, comme le terme prolepse, renvoie à des réalités fort différentes. C'est aussi le cas de l'hyperbate, surtout utilisée en rhétorique, d'ailleurs.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

35

Re : Anacoluthe ?

Abel Boyer a écrit:
Chover a écrit:

Sans doute à cause de l'allemand, je suis toujours gêné à voir qu'on considère plus « normal » que le sujet précède le verbe.

Ben quand même ! Je serais étonné que dans "le chat mange la souris", vous envisagiez que ce soit la souris qui mange le chat !

Je n'ai pas exactement voulu dire cela. C'est le terme « inversion » qui me gêne, ou alors on en relève une dans « Peut-être il viendra demain » comparé à « Peut-être viendra-t-il demain », beaucoup plus fréquent. On sait bien aussi que l'ordre de mots sujet-verbe-complément est plus ou moins mis à mal dans une phrase avec un substantif C.O.D. en tête que l'on reprend par un pronom, comme « La souris, le chat la mange ». « Inversion » me paraît entériner une référence absolue, une règle figée, universelle, sans exceptions, là où les choses sont un peu plus fluctuantes. Je préfère constater que dans tels cas le sujet précède le verbe et que dans tels autres, bien sûr moins nombreux, il lui est postposé.

Lévine, ma remarque sur les acceptions de « prolepse », autres que celle que je pense bien comprendre, tend à montrer que je ne confonds pas l'une et les autres ! Je n'aurais pas dû mettre en gras « Tu vas dire que je ne fais aucun effort », cela pouvait signifier que j'imaginais uniquement une valeur stylistique du mot. Par ailleurs, je préfère ne pas le taire, je m'interroge encore sur l'hyperbate évoquée interrogativement au début de ce fil.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

36 Dernière modification par Lévine (07-12-2020 17:54:14)

Re : Anacoluthe ?

Je ne me serais pas permis de dire que vous confondiez les deux. Ma remarque visait à la clarté de la discussion.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

37 Dernière modification par Ylou (08-12-2020 17:44:01)

Re : Anacoluthe ?

Tu vas dire que je fais aucun effort est une prolepse oratoire. Elle procède de la rhétorique
Vous objectez qu’on peut s’échapper d’une prison ? Faites mieux votre ronde. V. Hugo

L'herbe, depuis quelle existe je la secoue aussi (du Bouchet) , n'est pas du même ordre car le procédé ne touche que la syntaxe. c'est une prolepse grammaticale

Regarde cette auto, comme elle est belle : n'est-ce pas une anacoluthe ?
Regarde cette auto, elle est belle serait une phrase neutre.
Il y a une rupture de construction : on passe d'une injonction à une proposition de forme exclamative.
Je ne parviens pas à analyser très précisément cette rupture syntaxique.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

38

Re : Anacoluthe ?

Pardonnez-moi de vous contredire, mais il s'agit dans tous les cas d'une prolepse. S'il y a exclamation, celle-ci est indirecte. C'est la transformation de la phrase de base Regarde comme cette auto est belle.
Si je mets un point d'exclamation à la phrase, ce sera à cause de l'impératif, non de l'exclamative.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

39

Re : Anacoluthe ?

Exact.
Ne vous en faites pas Lévine, je n'ai pas du tout besoin de vous pardonner. Je réfléchis avec vous et c'est ce qui est intéressant ; et là franchement, j'avais dit une bêtise. hmm

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

40 Dernière modification par Lévine (08-12-2020 22:35:20)

Re : Anacoluthe ?

Il n'y a même pas de prolepse si l'on considère que la phrase se compose de deux indépendantes sans lien explicite.

Supposez, Ylou, au nom très claudélien, que nous sommes sur un navire, et que nous longeons, de nuit, la côte de Chine. Nous voyons les lumières d'un village :

- Lévine d'une voix rêveuse : Regardez, Ylou, ces lumières... Une pause. Comme elles sont belles !

- Ylou : C'est Fou-Tchéou !

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

41 Dernière modification par Chover (09-12-2020 10:43:17)

Re : Anacoluthe ?

On s'y croirait, Lévine !

Ylou a écrit:

Regarde cette auto, comme elle est belle : n'est-ce pas une anacoluthe ?
Regarde cette auto, elle est belle serait une phrase neutre.
Il y a une rupture de construction : on passe d'une injonction à une proposition de forme exclamative.
Je ne parviens pas à analyser très précisément cette rupture syntaxique.

Je l'ai indiqué plus haut : il me semble que la « rupture de construction » qui constitue l'anacoluthe correspond à l'absence d'un élément grammaticalement nécessaire à l'analyse d'un élément présent. Or dans « Regarde cette auto, comme elle est belle », je crois pouvoir indiquer la nature et la fonction de chaque mot. Ce n'est pas le cas dans « L'herbe, depuis quelle existe je la secoue aussi », où je vois à la fois une anacoluthe (absence, par exemple, du verbe dont « l'herbe » pourrait être sujet) et une prolepse grammaticale. Je ne crois pas que l'une exclue l'autre mais je ne suis pas un professionnel de la langue ! En outre, une telle phrase, proche du langage parlé, mais rappelant « Le nez de Cléopâtre... » que j'ai cité plus haut, perd, je pense, ces deux caractéristiques si on substitue « L'herbe ? » à « L'herbe, ».

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

42 Dernière modification par Roland de L. (09-12-2020 12:53:05)

Re : Anacoluthe ?

Une petite pause dans vos débats très sérieux ?

https://1.bp.blogspot.com/-IdzqI7jfnTM/XcW2TXrJtII/AAAAAAAAekE/kIzXjxjI5uYAirRYpkOnX77EFz3Ilm7NgCLcBGAsYHQ/s640/anacoluthe-capitaine-haddock-e1458331689970.jpeg

43

Re : Anacoluthe ?

Oui, mais ce que je remarque, c'est que ni le capitaine Haddock ni les Dupondt n'observent les gestes barrières !

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

44

Re : Anacoluthe ?

Lévine a écrit:

I
Supposez, Ylou, au nom très claudélien, que nous sommes sur un navire, et que nous longeons, de nuit, la côte de Chine. Nous voyons les lumières d'un village :

Je connais mal Claudel, Lévine, pouvez-vous me dire en quoi "Ylou" est un nom claudélein ?

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

45 Dernière modification par Lévine (09-12-2020 21:31:53)

Re : Anacoluthe ?

Déjà, je dois dire qu'il m'arrive de dériver un peu parfois...

Ylou m'a simplement fait penser à Ysé et au voyage maritime du Partage de midi.

Et Claudel... c'est la Chine (cf. Connaissance de l'Est).

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

46

Re : Anacoluthe ?

On m'écrit : « Afin de mieux vous connaître, vous pouvez indiquer les patronymes de vos ancêtres ». Je n'ai pourtant pas dit à mon correspondant que je souhaitais mieux me connaître ! lol

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Anacoluthe ?

Incontestablement.
Je suppose néanmoins que le contexte établissait clairement le désir de votre correspondant (son désir à lui !) de mieux vous connaître (à des fins commerciales, probablement ! wink  ) et qu'il proposait un moyen pour cela. J'ignore si la phrase prise dans son contexte comportait la moindre ambiguïté.
Je crois que la fonction de communication de la langue doit se juger globalement et non élément par élément. Globalement, ça marche généralement pas mal, même à l'oral, malgré -- par exemple -- la présence de nos nombreux homonymes dans la langue qui, si on les prend individuellement, sont une source terrible d'ambiguïté.

48

Re : Anacoluthe ?

Abel Boyer a écrit:

Je suppose néanmoins que le contexte établissait clairement le désir de votre correspondant (son désir à lui !) de mieux vous connaître (à des fins commerciales, probablement ! wink  )

Exactement.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

49

Re : Anacoluthe ?

Un homme de soixante-dix ans s'adresse à un médecin hospitalier : « Bien que retraité vous avez tout mon soutien et ma solidarité ».

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Anacoluthe ?

Oui, une de celles à proscrire puisqu'elle entraîne une ambiguïté, même si le contexte permet de lever celle-ci.

Messages [ 1 à 50 sur 60 ]

forum abclf » Réflexions linguistiques » Anacoluthe ?