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forum abclf » Réflexions linguistiques » Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

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Messages [ 19 ]

Sujet : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Je sais toujours Τι, et jamais Πώs. Je connais les compléments d’objet et jamais les compléments circonstanciels. Donc non, je ne suis pas omniscient : je découvre les adverbes au fur et à mesure et ils me sidèrent. On a raison de dire que le diable est dans les détails.

Ne connaissant pas le grec, est-ce que quelqu'un pourrait expliquer?

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Le début signifie : "Je sais toujours "quoi ?", et jamais "comment ?"

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Merci Levine.

En voici la source: http://www.didion.my.be/2019/08/31/soif/

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Ce passage d'Amélie a suscité de nombreux commentaires :

Entre autres coquetteries, Amélie Nothomb nous gratifie par deux fois de deux mots grecs qu’elle se dispense de traduire : Jésus prétend connaître toujours τι et jamais πώς (je sais toujours « quoi ? » et jamais « comment »)[8]. « Je connais les compléments d’objet et jamais les compléments circonstanciels », précise-t-il pour le lecteur qui n’aurait pas bien saisi le sens des caractères grecs. Outre le fait qu’à cette époque les notions de complément d’objet et complément circonstanciel sont totalement inconnues[9], il est curieux d’entendre Jésus parler en grec, et de surcroît en grec moderne (Amélie Nothomb accentue ces deux mots tels qu’ils s’écrivent dans le grec d’aujourd’hui, et non avec l’accentuation du grec ancien). On admet généralement que la langue maternelle de Jésus était l’araméen, qu’il connaissait bien sûr l’hébreu et que le grec, langue administrative et de communication de l’empire romain dans sa partie orientale, ne lui était pas inconnu[10]. Mais pourquoi diable le Jésus du roman, qui sait très bien qu’il s’adresse à des lecteurs français (il cite sans les nommer Malherbe, Valéry et Proust, et se livre à des considérations oiseuses sur le français « langue de l’humour » pour caser l’inévitable mot fétiche : « pneu »[11]) se met-il tout à coup, dans l’angoisse supposée de sa prochaine exécution, à recourir au grec moderne ? Amélie Nothomb ne pouvait-elle pas, si elle tenait à une touche de couleur locale linguistique, s’offrir les services d’un spécialiste de l’araméen[12] ?

https://blogs.mediapart.fr/f-picard/blo … ie-nothomb

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

La notion de "complément d'objet" est en germe dans l'appellation "cas direct" de la déclinaison latine, cela dès Varron (De lingua latina, 1er siècle avant J.-C.).

Varron a écrit:

Itaque novis nominibus allatis in consuetudinem, sine dubitatione eorum declinatus statim omnis dicit populus; etiam novicii servi empti in magna familia cito omnium conservorum nomina recto casu accepto in reliquos obliquos declinant.


C’est pourquoi, lorsque de nouveaux mots s’introduisent dans la langue, tout le monde les décline aussitôt sans difficulté. Ne voit-on pas, dans les maisons dont le domestique est fort nombreux, les esclaves nouvellement achetés faire passer par tous les cas obliques les noms de leurs compagnons, aussitôt qu’ils connaissent le cas direct ?

                                                                               M. Nisard, site remacle.org

Je chercherai ultérieurement ce qui concerne les compléments circonstanciels.

Il y aurait aussi des choses à dire sur le grec, mais :
1) Je n'ai pas lu Soif, je m'abstiens donc de parler de son commentaire,
2) Je n'ai pas le temps !

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Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Merci, Abel Boyer et Lévine. C'est un plaisir de s'instruire ainsi.

Une autre erreur, je crois, d'Amélie NOTHOMB : tous les compléments de manière ne sont pas circonstanciels. Dans « se conduire correctement » par exemple, « correctement », qui répond à la question « Comment ? », fait pour ainsi dire partie du verbe, on ne peut le placer en tête de phrase : il s'agit bien d'un complément essentiel.
Toutefois, les compléments circonstanciels de manière sont majoritaires.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Oui, mais tout dépend de la langue envisagée, car pour ce qui est du complément de moyen ou de manière, la distinction circonstanciel/essentiel ne peut s'opérer par l'ordre des mots dans les langues anciennes.
Ce que j'ai omis de dire, c'est que Varron est l'héritier de grammairiens grecs dont le saint patron est Aristote (mort en -322). A l'époque de J.-C., la grammaire analytique était donc déjà bien constituée. Ce que j'ai envie de critiquer, ce n'est pas Amélie, c'est bien plutôt le commentaire posté par Abel.

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Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Le commentaire posté par Abel n'est évidemment pas d'Abel mais de Mediapart et je n'ai aucune compétence pour juger de sa pertinence de fond. Juste quand même une citation :

« La notion moderne de circonstant apparue dans Lucien TESNIÈRE (1959) est l'héritière de la tradition scolaire du complément circonstanciel, elle-même née au dix-huitième siècle». Il* ajoute: «On ne trouvera donc nulle part dans la tradition grammaticale grecque l'élaboration d'un concept qui lui correspondrait un tant soit peu. Cela n'a rien d'étonnant, car il s'agit là d'un concept, avant tout, syntaxique. Or les grammairiens grecs se sont peu préoccupés de définir et de distinguer des types de constructions syntaxiques. »

*Louis BASSET, Autour du circonstant en grec ancien, in : Autour du circonstant, p. 11.
Donc le commentaire ne se tromperait pas tant que ça... Mais cela va bien au-delà de mes connaissances et surtout de la question initiale de Pfinn. Il reste qu'on peut s'interroger sur les raisons qui ont pousser Amélie Nothomb à introduire, sans explications, deux mots grecs dans son texte. Faudra-t-il désormais lire Amélie Nothomb avec son Bailly sous le coude ?

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Oui, bien sûr, ce n'était pas une attaque personnelle ! 

D'autre part, je n'évoquais pas le complément circonstanciel, mais la seulement la distinction entre "cas directs" et "cas obliques" dans les langues anciennes, à l'origine des désignations modernes de "complément (d'objet) direct"/ "complément (d'objet) indirect".
Par ailleurs, il est évident que l'auteur fait des anachronismes, mais en toute connaissance de cause.

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10 Dernière modification par pfinn60 (29-09-2020 07:56:38)

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Moi, j'ai lu SOIF cinq fois.  Ceci n'est pas une justification des mots grecs mais une explication suppositionnelle.  Elle a lu les oeuvres d'Homère pendant ses études.

wikipedia francais: Après une lecture du philologue, philosophe et poète Friedrich Nietzsche et une étude de l’intransitivité chez Georges Bernanos11,8, Amélie Nothomb obtient une licence en philologie romane à l'Université libre de Bruxelles, et envisage un moment la carrière d'enseignante, passant et obtenant l'agrégation12,13.

Pour en savoir plus, il faudrait demander à Albin Michel qui publie ses romans.

11 Dernière modification par Lévine (28-09-2020 18:48:06)

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Bien sûr. Amélie Nothomb n'a pas autant d'années de grec que moi, mais tout de même ! lol

Par contre, il faudrait savoir pourquoi notre auteure a utilisé le grec moderne. Le grec de la Septante est du grec tardif, mais celui-ci conserve évidemment l'accentuation classique fixée par les Humanistes (car les Anciens ne la notaient pas) :

- grec classique : τί - πῶς
- grec moderne : τι - πώς

Et c'est même du grec contemporain, vu que jusqu'aux années 70, on notait encore les esprits et les accents hérités des textes antiques, et que (doit) connaît(re) tout helléniste.

Si nous lisions Soif ?

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12 Dernière modification par pfinn60 (30-09-2020 15:47:45)

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

On aurait dû en signaler le sens dans une note sous paginale.  La traduction en anglais est censée paraître en avril 2021.  Comment est-ce que l'éditeur américain va le représenter?  Allez savoir.

13 Dernière modification par Lévine (30-09-2020 18:55:13)

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Il est possible aussi que le grec moderne ne soit pas imputable à l'auteur, mais à l'éditeur.

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Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

D'ailleurs, si on choisit une langue sur microsoft word, le grec moderne seul s'affiche.  Je sais que l'auteure écrit tout à la main et puis envoie ses manuscrits chez Albin Michel où ils les transforment en roman.  Pour ceux ou celles qui ne s'y connaissent pas, un symbole du grec ancien pourrait plausiblement ressembler à celui du moderne.

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Lévine a écrit:

Il est possible aussi que le grec moderne ne soit pas imputable à l'auteur, mais à l'éditeur.

Tu veux dire qu'Amélie ne relit pas les épreuves avant le tirage définitif ?

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Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Abel, je vous donne raison.  Il faut soit écrire à Albin Michel soit lui écrire à elle.  En juillet, je lui ai envoyé une lettre écrite à la main (elle n'a pas d'email) et en août elle a répondu.  Vraiment sympa et chaleureuse.

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Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Je ne sais pas, Abel. Ce que je remarque aussi bien souvent, c'est que le grec est mal retranscrit : on a des esprits au lieu des accents, les accents sont verticaux (comme ici du reste) ou ils manquent. Je ne peux pas croire à une confusion de langues ; pour une helléniste, c'est impensable, d'autant qu'on est dans du vocabulaire basique. 

pfinn, avez-vous le 06 d'Amélie ? Euh non, je voulais dire que peut-être vous pourriez lui demander en lui disant qu'il y va de la vie de certains abéciens ?
Dans son livre, y a-t-il une évocation de la Grèce moderne ? de Byzance ?

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18 Dernière modification par pfinn60 (01-10-2020 11:43:30)

Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Dans son livre, y a-t-il une évocation de la Grèce moderne ? de Byzance ?

Pas que je sache.  Pourtant, dans Les Aérostats, elle parle de l'Iliade et en fait une analyse intéressante.  Elle mentionne aussi un fait divers: un certain homme avait critiqué cette oeuvre d'Homère et une foule l'a pendu.  Sa façon de dire (selon cet humble lecteur), que même s'il n'y avait pas de palmarès des livres, on peut en déduire que l'Iliade avait la côte à cette époque.

Dans L'hygiène de l'assassin  Elle a toute une discussion sur l''origine du mot - métaphore.

Ailleurs, elle fait allusion au mythe de Sisyphe et pas mal de références au latin. "Le latin n'a jamais de pléonasmes."  INRI.

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Re : Une citation du roman SOIF d'Amélie Nothomb -

Merci. J'ai lu L'hygiène de l'assassin. L'argument est original, mais j'ai moyennement apprécié l'ensemble. En littérature, il me faut d'autres épices...

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