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Le forum d'ABC de la langue française

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forum abclf » Parler pour ne rien dire » Le français à l'Assemblée nationale

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Messages [ 23 ]

Sujet : Le français à l'Assemblée nationale

C'était jeudi dernier. À l'Assemblée nationale, la députée normande lit un texte très court et la faute de liaison qu'elle y commet est relevée à juste titre, me semble-t-il, le sujet étant ce qu'il est, par le garde des Sceaux. Le français de ce dernier me paraît certes lui-même médiocre mais il a l'excuse de l'improvisation : je ne ferais pas forcément mieux en pareil cas !

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Je voudrais également vous dire que vous avez présenté votre amendement, et que vous avez dit : « Il devra-t-être. » Il y avait un « t » de trop, et pourtant, votre amendement, nous l’examinons.

Cette faute de liaison est d'ailleurs classique et on se demande pourquoi le génie de la langue française, qui hait les hiatus et a trouvé bon d'imposer un "t" de liaison dans "devra-t-il", n'a pas été plus conséquent et n'a pas aussi imposé un "t" de liaison dans "devra-t-être". Évidemment, la pique du garde des Sceaux est plaisante, compte tenu de la nature de l'amendement présenté.

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Bonjour,

Abel Boyer a écrit:

[ ... ] on se demande pourquoi le génie de la langue française, qui hait les hiatus [ ... ]

Le nombre de fois où ce génie ne sort pas de sa lampe...

"il y a", "je le lui achète", "nous y allons". Et il y en une brouettée d'autres. Et si on va dans le groupe nominal, on se retrouve avec les hiatus obligatoires devant le h dit aspiré.

Abel Boyer a écrit:

et a trouvé bon d'imposer un "t" de liaison dans "devra-t-il", n'a pas été plus conséquent et n'a pas aussi imposé un "t" de liaison dans "devra-t-être".

Parce que la liaison est obligatoire entre le pronom sujet et la forme verbale conjuguée ou ce qui précède la forme verbale conjuguée . Dans le groupe verbal, c'est la seule qui résiste encore contre vents et marées. Dans ce cas, le génie est cohérent.

En voulant user un langage châtié, elle a dit "nous parait_être" qui a fatalement contaminé son "devra être" : elle ne consulte pas le génie tous les jours probablement.

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4 Dernière modification par éponymie (21-09-2020 11:27:29)

Re : Le français à l'Assemblée nationale

le génie souffle probablement où il veut...

Une liaison obligatoire qui saute chez le deuxième intervenants : "des imminents [sic et re-sic] députés".

Mais au moins lui ne se bat pas pour le français écrit correct à tout prix.

P.S.: j'oubliais d'écrire que, faute d'élision, dans ce cas il aurait fallu la liaison. Comme quoi, quand "les règles" commencent à sauter, tout se délite.

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Re : Le français à l'Assemblée nationale

Bonjour éponymie !
____________________

Au XIIème siècle, on ne connaît pas le -t- euphonique (tout en évitant l'hiatus le plus souvent) :

Tex .xxx. fois a il jehui josté. (= Aujourd'hui, il s'est bien lancé trente fois à l'attaque !)

                                                                          (Raoul de Cambrai, v. 3930)

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Bonjour !

Et si on l'avait connu sans l'écrire ?

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7 Dernière modification par Lévine (21-09-2020 21:53:21)

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Bonne remarque évidemment.

Difficile de répondre : l'orthographe est surtout phonétique aux XII-XIIIème siècles, mais elle prend aussi en considération l'étymologie à mesure qu'on prend conscience de l'évolution de la langue. Il y a donc des graphies conservatrices. C'est le cas pour la 3PS du verbe avoir, at (ou ad) qu'on trouve jusqu'à la Chanson de Roland. Ces graphies ont ensuite disparu pour s'adapter à la réalité phonétique, mais rien n'empêche de penser, en effet, qu'on restituât oralement d'anciens sons afin d'éviter l'hiatus. On a un cas similaire avec la conjonction et qui, dans des parlers régionaux, se prononce ed (comme au XIème) devant certains mots à initiale vocalique, mais dans le cas présent, le -t reste évidemment noté.

Ce point serait à creuser...

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Le français à l'Assemblée nationale

Merci à tous.
Je crois aussi que notre langue ne se comporte pas de manière égale à l'égard de tous les hiatus.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Le français à l'Assemblée nationale

En y pensant un petit peu, il me semble surtout que notre langue ne se détermine pas par rapport au hiatus (et que son génie s'en fiche), le fait qu'il y en ait un ou non ne devrait être qu'une conséquence.

Si nous disons "un bel homme", n'est-ce pas parce que un bellu latin tardif n'a pas pu évoluer en beau du fait qu'il n'était pas en fin de groupe plutôt que parce que "la langue" tendait à l'élégance (l'euphonie) ? Les groupes verbaux avec pronoms complèments devrait suffire à démontrer que le hiatus ne fait pas peur, tout comme les liaisons "interdites" devant les h dits aspirés.

Et les velours et autres pataquès s'expliqueraient plus par un panurgisme langagier que par deux voyelles qui ne sauraient se cotoyer.

Ce ne sont que des cogitations, toute contestation argumentée sera bienvenue.

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Re : Le français à l'Assemblée nationale

D'accord pour les hiatus.
Je ne vous suis pas en ce qui concerne l'interdiction des liaisons devant les h dits aspirés : fut un temps pas si éloigné à l'échelle de l'évolution de la langue où ces h étaient produits oralement (une expiration en réalité), ce qui rendait inenvisageable la liaison. En 2020, quelques personnes (dont je ne fais pas partie !) prononcent encore « haras », « hanche »... avec un phonème initial étranger à « ara », « anche »...

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

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Re : Le français à l'Assemblée nationale

Je remarque que l’on boude parfois le t qui pourrait servir à la liaison* alors que l’ajout d’un t est fréquemment utilisé lorsqu’il s’agit de tenir à distance le a et le i. Est-ce bien rationnel ?

*Un court instant

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Le "t" est ajouté pour éviter un hiatus. Dans "court instant", même prononcé sans le "t", il n'y a pas d'hiatus puisqu'on fait l'enchaînement avec le "r".

13 Dernière modification par glop (23-09-2020 13:01:21)

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Oui mais je trouve amusant de voir que lorsque l’on a un t à disposition, on n’en veut pas toujours (Il est mort à la guerre) alors que s’il est absent on l’appelle à la rescousse (laboure-t-il sont champs).

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Abel Boyer a écrit:

Le "t" est ajouté pour éviter un hiatus. Dans "court instant", même prononcé sans le "t", il n'y a pas d'hiatus puisqu'on fait l'enchaînement avec le "r".


Oui, comme pour nord-est.

Pour reprendre l'idée énoncée plus haut : le hiatus n'y serait pour rien, il n'y aurait qu'habitude langagière générée par les finales consonantiques (longtemps prononcées qui ont ensuite généré les liaisons et - par contamination non considérée fautive - notre t épenthétique de la troisième personne du singulier) de nombreux verbes.

Concernant la remarque de Chover : à l'échelle de la langue, le temps des finales consonantiques prononcées n'est pas non plus si éloigné, c'est ce qui explique nos liaisons. Les " règles" énoncées pour décrire un phénomène et normer le langage sont valables pour un état de la langue à un moment donné.

Concernant la réalisation du h initial, on en distingue effectivement 4 différentes, je vous conseille la lecture du fil "de Hollande ou d'Hollande" pour ce point précis (compliqué d'aller chercher un lien avec un smartphone, mais il devrait être facile à trouver). Mais le hiatus me semble quand même majoritaire de nos jours.

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Re : Le français à l'Assemblée nationale

éponymie a écrit:

Concernant la réalisation du h initial, on en distingue effectivement 4 différentes, je vous conseille la lecture du fil "de Hollande ou d'Hollande" pour ce point précis (compliqué d'aller chercher un lien avec un smartphone, mais il devrait être facile à trouver).

Fil que j'ai cité il y a quelques jours (premier lien) :
https://www.languefrancaise.net/forum/v … 86#p193586

16 Dernière modification par Chover (23-09-2020 14:27:28)

Re : Le français à l'Assemblée nationale

glop a écrit:

lorsque l’on a un t à disposition, on n’en veut pas toujours (Il est mort à la guerre)

Inutile de préciser qu'au moins une des raisons en est le risque de confusion avec le féminin : imaginez « Martin est mort à la guerre » où « mort à » serait prononcé [mɔʁta] !

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Le français à l'Assemblée nationale

En français moderne ce qui détermine une liaison obligatoire, c'est, d'une part, une forme verbale conjuguée (présente dans "laboure-t-il"), d'autre part, un substantif (mort, dans votre cas, n'est pas un substantif).

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Re : Le français à l'Assemblée nationale

Dans « petit enfant », « gros homme »..., la liaison n'est-elle pas quasiment obligatoire, malgré la nature de « petit » et « gros », adjectifs ?

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Oui, ils se lient au substantif qui suit.
Mais il n'y aurait pas de liaison naturelle dans "il est petit / en apparence", "un homme gros / et impotent". Bien sûr, il y a des liaisons traditionnelles parfois qui viennent troubler l'ordre des choses "gros_et gras". Cela dit, "gros", même lié, ne se confond pas avec le féminin "grosse".

20 Dernière modification par éponymie (24-09-2020 11:42:53)

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Chover a écrit:

Dans « petit enfant », « gros homme »..., la liaison n'est-elle pas quasiment obligatoire, malgré la nature de « petit » et « gros », adjectifs ?

Justement. parce qu'il y a un substantif.

Le substantif et la forme verbale conjuguée sont déterminants pour qu'il y ait une liaison en principe obligatoire. Ils la déterminent. Toutes les autres liaisons sont facultatives (je ne la fais pas dans gros et gras) voire interdites.

Dans le groupe nominal elle l'est entre toutes les composantes qui précèdent le substantif et - bien entendu - avec le substantif lui-même.

Dans le groupe verbal, elle l'est entre la forme verbale conjuguée et le pronom sujet et les pronoms compléments qu'ils la précèdent ou non. C'est tout. Si nous avons des adverbes qui précèdent le verbe, la liaison reste facultative (par exemple dans"ce n'est pas bien de ne pas écouter").

P.S. : pour le "mort à la guerre" de glop, même s'il y avait substantivation de l'adjectif, la liaison resterait facultative pour deux raisons. L'enchainement avec le r prime, nous sommes après le substantif.

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Re : Le français à l'Assemblée nationale

Je suis un peu perdu !
Quoi qu'il en soit, vous m'étonnez à propos de « mort à la guerre », à propos de quoi vous écrivez que « la liaison resterait facultative » : je la considère comme ridicule et quasiment interdite. Et « nous sommes après le substantif » semble signifier que cette question de la liaison se pose différemment selon que dans « mort à la guerre », « mort » est un adjectif ou un substantif : je trouve cela curieux, mais il s'agit de la réaction du simple amateur que je suis.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

Re : Le français à l'Assemblée nationale

Encore une fois, avec un adjectif seul, aucune liaison ne peut être obligatoire.

Ensuite j'ai écrit trop vite : facultative parce que, de toute façon après le substantif (groupe nominal : "un mort à la guerre"), quasiment interdite à cause de l'enchainement avec le r qui prime dans la langue moderne.

Quelque part, on a parlé de la liaison qui se faisait, se fait encore chez certains, dans "mort-aux-rats"

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Re : Le français à l'Assemblée nationale

Abel Boyer a écrit:

Oui, ils se lient au substantif qui suit.
Mais il n'y aurait pas de liaison naturelle dans "il est petit / en apparence", "un homme gros / et impotent". Bien sûr, il y a des liaisons traditionnelles parfois qui viennent troubler l'ordre des choses "gros et gras". Cela dit, "gros", même lié, ne se confond pas avec le féminin "grosse".

L'absence de ce risque de confusion explique peut-être que d'aucuns, minoritaires, qui soignent leur élocution, font la liaison, finalement, dans « gros et impotent » : difficile de le leur reprocher ! D'ailleurs, si on ne fait pas ladite liaison, on est en présence d'un double hiatus... phénomène à propos duquel on a vu toutefois plus haut qu'il est parfois bien toléré !

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

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