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Messages [ 17 ]

Sujet : dérive argotique

L’expression avoir la dalle en pente (avoir faim) a été écourtée pour donner avoir la dalle.
De La dalle en pente qui symbolisait le gosier incliné, on en est ainsi venu à la dalle simple qui symbolise la faim et, pour venir à bout de cette faim, on la casse.
Mais la tentation de comparer ensuite cette dalle que l’on casse à la croute du pain donna une occasion inespérée au casse dalle pour prendre la place le casse-croute.

Je ne prétends pas pouvoir prouver cela mais j’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Je suppose que bien D’autres expressions argotiques ont dû évoluer aussi bizarrement.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

2 Dernière modification par vh (20-06-2017 19:10:58)

Re : dérive argotique

Autre sens de dalle :

(avoir) de la dalle au flaquet [dans le gousset] : avoir de l'argent dans la poche
(cf. Vidocq, Mém., t. 3, 1828-29, p. 295).

dalle : v arg. tune, argent, piece de 5 ou  6 francs

3 Dernière modification par éponymie (20-06-2017 19:38:29)

Re : dérive argotique

Un coup de GL  et on constate que casse-croute et casser la croute semblent faire leur apparition au tout début des années 1910, tout comme l'expression avoir la dalle en pente.

Casser la dalle et casse-dalle sont effectivement infiniment plus récents (années 70).

Qu'un hybride soit né de casser la croute et avoir la dalle (en pente) et que du coup le casse-croute devienne le casse-dalle ne serait pas surprenant.

P.S.: à noter que Casse-croute était un personnage de théatre depuis la fin du XVIIIe. Je ne sais pas s'il y a un lien.

4 Dernière modification par éponymie (20-06-2017 19:54:50)

Re : dérive argotique

Oh, oh :

- Magne-toi le cul je lui conseille. Oublie pas le casse-dalle qui attend.

Bertrand Blier, Les Valseuses.

Ce terme est un mélange de casse-croûte ou casse-graine (voir les mots croûte et graine) et de se rincer la dalle qui signifie « boire » : dans le casse-dalle, il y a, en principe, à boire et à manger.

(Les Mots de la cuisine et de la table)

Les premières traces de casse-dalle sur GL sont de 1972, justement la date de parution du roman de Bertrand Blier, le film est de 1974.

Glop, l'explication est "littéraire". Trop court ce fil, moi qui pensais qu'une longue aventure allait commencer.

Ce n'est pas une dérive mais une invention qui a pris.

P.S.: super ! C'est la première fois que je réussis à enrichir une notice de bob tout seul comme un grand. Comme je ne pensais pas y arriver, le résultat n'est pas jojo, mais bon, c'est déjà ça.

http://www.languefrancaise.net/Bob/39384

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Re : dérive argotique

Glop a écrit:

L’expression avoir la dalle en pente (avoir faim)

    Ça vaut ce que ça vaut, mais j'ai toujours entendu cette expression, « avoir la dalle en pente », utilisée pour signifier « se livrer à la boisson avec intempérance », ce que d'ailleurs confirme Bob.

    Dans ma jeunesse donc cohabitaient deux expressions : avoir la dalle en pente (le gosier en pente) = picoler, et avoir la dalle = avoir les crocs.
    Il me semble facile de trouver une étymologie simple  (trop simple ?) à la première : je revois l’image que j'avais dans ma jeunesse du soiffard faisant couler le vin dans sa gorge comme de l'eau sur une dalle...
     Je trouve beaucoup moins aisé d'expliquer la seconde, qui d'ailleurs date de bien avant 1972, du moins à l'oral.

     Y a-t-il un lien sémantique entre les deux expressions ? Aujourd'hui encore, je suis bien incapable de répondre.

elle est pas belle, la vie ?

Re : dérive argotique

Là aussi, GL permet de voir que avoir la dalle au sens de avoir faim apparait après-guerre.

Le DHLF date avoir la dalle en pente de 1879 et se rincer la dalle de 1869, casse-croute de 1803 et casse-grain de 1940. Le sens argotique de gorge, gosier pour dalle date de la seconde moitié du XVe (à l'origine il s'agissait d'une rigole pour l'écoulement des eaux à bord d'un navire).

https://books.google.fr/books?id=Pi8wQT … mp;f=false

Re : dérive argotique

Toujours dans le DHLF : crever la dalle apparait en 1870 plus ou moins contemporainement de crève-la-faim. On comprend assez bien le passage a avoir la dalle.

8 Dernière modification par aCOSwt (21-06-2017 01:13:41)

Re : dérive argotique

éponymie a écrit:

Le DHLF date ... casse-croute de 1803

Nous n'avons pas le même ou, suivant votre manie... hmmm... droit, pardon!..., vous n'en avez lu que le dixième... zappant évidemment, et comme d'hab', la partie qui explique tout :

«... Le verbe (casser ndaCOSwt) a fait fortune en emploi familier dans d'innombrables locutions : d'après le sens ancien de "manger" (1561)...»

Anyway! Assuré qu'il y a, dans le panier suspect, de quoi casser la graine, il se trouve que je dise — avec Ylou — que votre dalle ou votre croûte... wink

Non sunt multiplicanda entia sine necessitate!

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Re : dérive argotique

éponymie a écrit:

Toujours dans le DHLF : crever la dalle apparait en 1870 plus ou moins contemporainement de crève-la-faim. On comprend assez bien le passage a avoir la dalle.

Crève-la-faim: singulière construction où l’article la s’est substitué à la préposition de.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

10 Dernière modification par éponymie (21-06-2017 07:14:48)

Re : dérive argotique

aCOSwt a écrit:
éponymie a écrit:

Le DHLF date ... casse-croute de 1803

Nous n'avons pas le même ou, suivant votre manie... hmmm... droit, pardon!..., vous n'en avez lu que le dixième... zappant évidemment, et comme d'hab', la partie qui explique tout :

«... Le verbe (casser ndaCOSwt) a fait fortune en emploi familier dans d'innombrables locutions : d'après le sens ancien de "manger" (1561)...»)

Ah oh ! comme diraient les Romains : je ne m'intéressais qu'à casse-croûte qui date de 1803 et d'instrument pour casser les croûtes de pain dur a pris, à partir de 1898 (pas franchement en contradiction avec l'hypothèse de datation de mon message 3), celui de petit repas sommaire.

C'est vous qui n'avez pas suffisamment lu : le sens ancien de casser pourrait éventuellement et à la rigueur être pour quelque chose dans cette histoire mais il n'est pas absolument nécessaire pour expliquer casse-croûte. Alors ne diffamez ni désinformez et allez bavassez avec votre copine Ylou dans un autre fil. M'enfin tongue

Et je suis désolé, je n'ai pas le temps de faire les recherches Gallica que j'adore et me contente de piocher des infos dans un dico (mais vous ne faites guère mieux que moi en l'occurrence), infos qui me semblent par ailleurs relativement suffisantes dans le cas qui nous intéresse.

glop a écrit:
éponymie a écrit:

Toujours dans le DHLF : crever la dalle apparait en 1870 plus ou moins contemporainement de crève-la-faim. On comprend assez bien le passage a avoir la dalle.

Crève-la-faim: singulière construction où l’article la s’est substitué à la préposition de.

C'est ce que dit le DHLF effectivement, je crois que le passage du verbe au nom y est pour quelque chose : de il crève de faim à c'est un crève-la-faim.

La faute au siège de 1870 tout ça ?

Re : dérive argotique

Un très rapide visite dans Gallica confirme le casse-croûte instrument (utilisé par les vieillards édentés nous dit l'Académie), puis le casse-croûte relais routier et vers le début des années 1880, l'apparition du casse-croûte moderne.

Il faudrait éclaircir si le second vient bien du premier comme semble l'écrire Alain Rey ou s'il vient de l'acception ancienne du verbe casser. Mais si  tel était le cas, pourquoi manger la croûte ? Il se pourrait bien que le DHLF ait raison.

Le passage du casse-croûte relais routier au casse-croûte repas semble couler de source.

12 Dernière modification par Roland de L. (19-09-2020 10:39:11)

Re : dérive argotique

Je réveille cet autre fil, riche des trouvailles de P. Enckell (Dictionnaire historique et philologique du français non conventionnel, 2017).

"Cassons la croûte" apparaît à la fin du XVIIIème s. dans la pièce "L'enrôlement supposé", de Guillemain, représentée en 1781 (Scène IX) :
https://books.google.fr/books?id=ClpXAA … mp;f=false

Rien chez Enckell sur "casser la dalle", hélas...

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Re : dérive argotique

« Casser la croûte » est passé, je crois, du sens « manger léger, rapidement » à « prendre un repas ».
Dans la région brestoise, il n'a pas suivi aussi nettement cette évolution ; il s'y oppose à « manger chaud » et fait référence au pain en tranches sur lesquelles ou entre lesquelles on place des aliments froids et dont on se satisfait quand on ne veut pas cuisiner. « Je fais de la soupe ? — Non, on va casser la croûte. »

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

14 Dernière modification par Ylou (22-09-2020 17:13:00)

Re : dérive argotique

On pourrait peut-être rapprocher ces expressions de cette autre : "que dalle".
Voici ce qu'en dit Wiktionnaire :       

Le dalle germanique (argent), vaut 5 francs, 75 centimes. — (J. Peuchet, Dictionnaire universel de la géographie commerçante, volume 1, 1798, page 196)
    (Argot ancien) (Par extension) De l’argent. → voir que dalle
        Ils font payer cinq livres à l’entrée et nous on touche que dalle. — (Roopa Farooki, Le choix de Goldie, gaia, 2014)

Dérivés

    (Argot ancien) avoir de la dalle : avoir de l’argent
    richedalle
    que dalle

Il faudrait expliquer comment on passe de l'idée de rien à l'idée de faim.
Je n'ai rien à me mettre sous la dent ---> je n'ai que dalle à me mettre sous la dent ---> j'ai que dalle ---> j'ai la dalle (avec contamination de "la dalle en pente") ?

Je sens que vous allez me dire que mon explication est hautement fantaisiste.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

Re : dérive argotique

Ylou a écrit:

Le dalle germanique (argent), vaut 5 francs, 75 centimes. — (J. Peuchet, Dictionnaire universel de la géographie commerçante, volume 1, 1798, page 196)

Je ne connaissais pas ce dalle qui doit être parent du thaler et du dollar.

16 Dernière modification par Chover (23-09-2020 09:41:02)

Re : dérive argotique

Abel Boyer a écrit:

Je ne connaissais pas ce dalle qui doit être parent du thaler et du dollar.

Moi non plus ! Ce qui ne vous apporte rien, sinon, peut-être, la confirmation de la rareté du mot, du fait de l'intérêt que je porte depuis longtemps (comme amateur !) aux vocables apparentés à l'allemand das Tal, la vallée.
Ce « dalle »-là pourrait dériver du néerlandais het dal, de même sens que l'allemand, nonobstant les a longs de dal et Tal.
L'étymologie de dollar est incertaine. La parenté avec Thaler ou Taler est toutefois très vraisemblable.
Beaucoup de toponymes allemands et néerlandais sont formés avec dal et Tal (plus anciennement Thal). Une ville de l'actuelle République tchèque s'appelait jadis Sankt-Joachimsthal (Val-de-Saint-Joachim). Elle émettait le « florin de Sankt-Joachimsthal », appelé localement Sankt-Joachimsthaler Gulden, qui fut progressivement nommé Joachimsthaler Gulden, puis Joachimsthaler, et enfin Thaler, noté parfois Taler.
C'est par l'intermédiaire des Pays-Bas espagnols, puis du Mexique, que Thaler serait arrivé aux États-Unis, tout en subissant quelques modifications.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

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Re : dérive argotique

Le « dalle » de « que dalle » pourrait, selon certains, avoir une autre origine, qui trouverait son sens dans l'expression « n'y voir plus que dalle ». Ce serait un emprunt au breton dall, aveugle. Les emprunts au breton sont rares (bijou, par exemple) et il faudrait retrouver « que dalle » dans un contexte ancien pour savoir si le verbe associé a d'abord été « voir ».

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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