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forum abclf » Réflexions linguistiques » Mots de couleur

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Messages [ 101 à 150 sur 217 ]

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Re : Mots de couleur

Je n'avais pas vu cela. Ce qui est curieux, c'est qu'à ma connaissance, il n'y a pas de cochon en tant que personnage dans le Roman de Renart.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Mots de couleur

Je souhaiterais passer ici en revue quelques adjectifs de couleur usuels en ancien français (XIème-XIIIème siècles), mais soit devenus plus rares ou d’usage plus restreint dans la langue moderne, soit purement et simplement disparus(1).

Si l'étymologie du mot est établie de façon sûre, j’indiquerai son évolution phonétique.

Sauf indication contraire, les exemples sont tirés d’œuvres éditées par la librairie Honoré Champion (coll. Classiques français du Moyen Age). Ils ne seront pas traduits ; dans la plupart des cas, des notes me semblent suffire. 

On comprendra qu’il ne s’agit nullement d’un travail approfondi, qui supposerait de multiples lectures critiques, mais un exposé qui se limite à l’essentiel. Ce faisant, quelques-unes des difficultés qui se posent aux traducteurs d’ancien français pourront être abordées. J’aimerais aussi que ces brèves études soient pour les lecteurs une occasion de pénétrer dans un univers injustement méconnu ou perçu à travers le prisme de la BD et du cinéma.

Tout apport pour corriger ou enrichir ce travail sera le bienvenu.

Commençons par les adjectifs qui existent encore :

                                                    1. BIS, BISE

L’origine de ce mot est obscure, mais pas « inconnue » comme celle de bistre, proche de lui sémantiquement. Ce n’est pourtant pas une création propre au français : l’italien, l’espagnol et le portugais possèdent un mot équivalent. D’autres langues peut-être aussi, mais il est très malaisé de le savoir(2).

Voici la meilleure mise au point que j’aie pu trouver sur l’étymologie du mot. Elle est en italien, mais ne présente pas trop de difficultés à la lecture. Cet article est tiré d’un dictionnaire ancien (Tommaseo-Bellini), mais dont les rubriques étymologiques mises en ligne sont en principe actualisées ou remaniées. Le tlf est moins clair, le Bloch-Wartburg trop succinct. 

https://www.etimo.it/?term=bigio

Le mot est déjà présent dans la Chanson de Roland, où il qualifie toujours la pierre. La nuance exprimée (du gris au brun) n’est pas facile à préciser, mais cette nuance n’a guère d’importance du fait de la symbolique du mot, constante dans cette œuvre, mais qui se retrouve ailleurs.

Pour le comprendre, prenons cet exemple dans le passage célèbre où le héros, blessé à mort, tente en vain de briser son épée afin qu’elle ne tombe pas aux mains de l’ennemi (v. 2338-2340) :

Rollant ferit en une perre bise
Plus en abat que jo ne vos sai dire
L’espee cruist, ne fruisset ne ne brise.

                                     
(fruisset = « se plie »(3) ; brise = « se brise »)


Considérons un second passage, tiré du lai de Guigemar, de Marie de France, dans lequel un mari jaloux a décidé de cloîtrer son épouse (v. 658-9) :

Ses sires l’ad mise en prisun
En une tur de marbre bis.

(ses sires = « son époux »)
                             
Dans ces deux passages, il est bien évident que bis n'exprime pas la seule couleur ; ce serait là une notation bien banale, plus encore que ne l’est l’herbe verte dont nous avons parlé ailleurs. Si dans la CdR, elle qualifie toujours la pierre, c’est tout simplement pour en suggérer la dureté, comme le mot marbre le confirme, qui désigne toute roche assez dure pour prendre éventuellement le poli du marbre véritable, comme le granit, roche « bise » par excellence ou le bloc de sardoine, contre laquelle s’escrime Roland, et dont le nom apparaît dans une laisse similaire de la Chanson(4). Dans cette œuvre, il s’agit de faire comprendre que l’acier de l’épée est plus dure que la plus dure des pierres, comme dans Guigemar que la geôle, à l’instar de son propriétaire, a la dureté du roc.

L’image de la dureté suggérée par l’adjectif bis ressort explicitement dans ce vers du trouvère Audefroi le Bâtard, dans la chanson Bele Ysabiauz, v. 33 :

Mais plus vous truis dure que pierre bise.

(truis = (je) trouve)

On conçoit que la tâche du traducteur n’est pas simple : dans ce vers, comment traduire bise ? Laisser le mot ? Mais il faut une note. Traduire par « grise » ou « brune » ? Mais la connotation n’est plus la même. Traduire par « dure » semble en définitive la meilleure solution, en dépit de la répétition :

« Mais je vous trouve plus dure que la dure pierre. »

Le topos du cœur de la belle « dur comme la pierre » ressort alors clairement(5).


Quand bis n’a pas de sens symbolique, ce qui est le plus souvent le cas dans les romans antiques et bretons, c’est un adjectif de couleur qualifiant le plus souvent des étoffes, mais aussi le teint de la peau et… les roches ou les pierres , comme on pouvait s’y attendre. On le traduira donc différemment suivant le contexte(6).

Dans cet exemple, tiré d’Érec et Énide, de Chrétien de Troyes (v. 2406-10), la couleur bise aide à apprécier un contraste qui met en valeur le sujet : Énide, par comparaison aux autres femmes présentes à son mariage :

Mes aussi con la clere jame
Reluist sur le bis chaillot
Et la rose sur le pavot,
Aussi ert Enide plus bele
Que nule dame ne pucele.

( la clere jame = la gemme brillante)
Le bis chaillot = le caillou gris)

Pour ce qui est des étoffes, deux cas sont à envisager :

Dans ce passage du Roman de Tristan, de Béroul, qui décrit le vêtement d’Iseut (v. 1146-7) :

En un bliaut de paile bis
Estoit la dame estroit vestue,

(paile = « brocart »)

bis signifie clairement « gris » et peut être sans problème traduit par ce même adjectif.

Mais dans cet autre extrait, tiré du lai de Lanval, de Marie de France, dans lequel deux fées-messagères se présentent au héros (v. 57-9) :

Vestues furent richement
Lacees mut estreitement
En deu bliauz de purpre bis,

bis ne saurait avoir la même signification. Deux interprétations sont en fait possibles :
- soit purpre exprime la couleur rouge et bis est l’équivalent de l’adjectif « foncé », qui ne se trouve qu’en FM,
- soit le mot purpre désigne une étoffe, par métonymie au départ (ce qui n’est pas un cas isolé, un bis pouvant aussi désigner un type d’étoffe en mF) ; en ce cas, purpre peut ne plus renvoyer à la couleur rouge et bis signifierait alors « gris », comme dans le cas précédent.
Il n’est donc pas surprenant de voir les traducteurs opérer des choix différents.

Enfin, appliqué à la peau ou au teint, bis signifie « brunâtre » ou « hâlé » (et non pas gris !), ce qui n’est jamais bon signe pour le sujet, comme dans cette description allégorique prise dans la partie du Roman de la Rose écrite par Guillaume de Loris (v. 1189-1191) :

Après toz ceus se tint Franchise,
Qui n’iert pas brune ne bise,
Ainz estoit blanche plus que nois.

(iert = « était » ; ainz = « mais » ; nois = « neige »)


Le mot est encore utilisé dans la littérature à l’époque moderne (cf. le tlf), mais semble avoir disparu de l’usage courant ; je crois que si l’on demande du « pain bis » dans une boulangerie, on risque de ne pas être compris…


(1) Je n’oublie pas le moyen français, mais j’ai à la fois moins de documentation et moins de connaissances sur cette période, et j’aime ne parler que de ce que je connais (assez) bien. Cela n’exclut évidemment pas des erreurs ou des insuffisances, nul n’étant infaillible, et surtout pas moi.

(2) Les contributions éclairées sont les bienvenues. En russe, à ma connaissance, le mot n’existe pas. Le pain bis, c’est le « pain de gruau », à distinguer du « pain noir » traditionnel (seigle/blé/mélasse).

(3) Pierre Jonin, auteur d'une traduction chez Folio, propose ici se sens pour le verbe froissier (fruissier en anglo-normand), qui signifie ordinairement « rompre ».

(4) Une laisse similaire reprend l’essentiel d’une scène précédemment évoquée avec des variantes, quelques ajouts et un enchaînement sur la suite du récit dans la dernière laisse. Ce procédé permet de mettre en valeur un moment capital de l’œuvre en distendant le temps narratif par des retours en arrière qui entretiennent d’autant l’intérêt du public que ce ne sont pas de pures répétitions.

(5) La littérature du XIIème siècle ignore la description « réaliste » au sens où nous l’entendons à l’époque moderne, d’où l’impression désagréable qu’ont les lecteurs novices de se trouver face à une accumulation de topoi, voire à des développements convenus ou préfabriqués (je pense aux fameux blasons de la femme). C’est oublier que le talent de l’auteur est dans la mise en œuvre de ces éléments, dans leur agencement, dans les subtiles démarquages aussi et les agrégations de traditions diverses qui se font jour dans les « conjointures » si chères à Chrétien de Troyes.

(6) Comme dans les langues anciennes, les mots médiévaux, largement polysémiques, n’acquièrent vraiment de sens qu’en contexte. Si vous souhaitez étudier un jour l’ancien français, n’apprenez surtout pas la langue dans un dictionnaire (qui ne vous offrira presque jamais le sens adéquat , encore moins la traduction appropriée). Faites votre apprentissage dans des éditions bilingues, vous accéderez parallèlement à la littérature.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Mots de couleur

Lévine a écrit:

On comprendra qu’il ne s’agit nullement d’un travail approfondi, qui supposerait de multiples lectures critiques, mais un exposé qui se limite à l’essentiel.

Je n'ose imaginer ce que serait un travail approfondi !
En tout cas, et pour mon compte, c'est fort instructif. Et passionnant.
J'apprends ce que sont une laisse (suite de vers) et un topos (désigne un arsenal de thèmes et d'arguments en rhétorique antique dans lequel puisait l'orateur afin d'emporter l'adhésion de ses auditeurs. Le topos a désigné petit à petit, par extension, tous les thèmes, situations, circonstances ou ressorts récurrents de la littérature [Wikipédia]).
J'ai compris que l'expression « du pain bis » est peut-être plus rare que je l'imaginais. Je dois dire que ma belle-famille comportait des boulangers.
Que les mots médiévaux « n'acquièrent vraiment leur sens qu'en contexte » m'étonne d'autant moins que cela reste partiellement vrai pour le français et d'autres langues d'aujourd'hui. Parfois, si on l'oublie, une traduction, en particulier mot à mot, peut donner dans le ridicule. Je pense par exemple au nom allemand der Stuhl, la chaise : der Heilige Stuhl correspond à ce que nous appelons le Saint-Siège (la Chaise Sacrée !).

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

104 Dernière modification par Lévine (23-06-2020 12:24:24)

Re : Mots de couleur

Un travail approfondi aurait nécessité une étude de la fréquence du mot dans telle œuvre, tel genre, telle époque, etc... Je fais ici avec l'indication des concordances (je m'en suis confectionné certaines), des glossaires, des dictionnaires, de mes souvenirs de lecture (mais chercher un mot dans un ensemble de 30000 vers sans autre moyen que la bonne fortune est très peu scientifique !!!). Enfin, une recherche s'inscrit dans un ensemble : il faut utiliser des ouvrages spécialisés (j'en possède, certes, mais pas sur les couleurs) et dépouiller des dizaines d'articles disséminés dans de multiples revues et "mélanges" qui nécessitent une longue recherche avec les outils de la BU, heureusement accessibles chez soi si l'on est muni d'un code.
A partir de là, on peut essayer d'apporter valablement sa petite pierre à l'édifice en évitant de "pomper" (ce que je ne fais pas) ou même de faire de l'auto-plagiat (ce que je fais).

Oui, les laisses sont un ensemble de vers formant une unité narrative et phonique puisqu'ils assonent tous entre eux. L'assonance est le retour du même son vocalique accentué à la fin du vers. A la différence de la rime, les sons consonantiques n'entrent pas en compte dans l'assonance. Les laisses de décasyllabes assonancés sont le "marqueur" de la chanson de geste, mais à l'origine, on pense que l'assonance caractérisait tous les genres puisqu'on les trouve dans la Vie d'Alexis.

Pour le phonéticien, les laisses sont précieuses parce qu'elles nous informent sur la prononciation des mots à telle ou telle époque, ce que ne font pas toujours les rimes, on comprend aisément pourquoi si l'on considère qu'une laisse peut comporter jusqu'à soixante vers ; même si l'on enlève les mots de formation semblable, il reste malgré tout beaucoup d'occurrences.

Un exemple (début de la laisse 176 :

Li quens Rollant se jut desuz un pin,
Envers Espaigne en ad turnet sun vis.

(quens = comte ; se jut = s'étendit (était étendu en fait) ; vis = visage)

A l'époque, la nasalisation du "in"  de pin ne s'est pas encore effectuée ; on prononce dont "pinn", comme le prouve le mot vis.

Un second cas, plus important encore : Dans la laisse 64, les mots suivants assonent : destrer (destrier)/Oliver/Gerers/Berengers/fiers/veillz (vieil)/chef/Gualters/ier (serai)/chevalers.

Dans la laisse 65, on trouve apelet (c'est le premier e qui est accentué)/tere/tertres/perdet/faire/nuveles/, etc...

Aujourd'hui, nous ouvrons tous les e dans la prononciation des mots des deux laisses, mais le fait qu'elles soient conjointes prouve qu'il y avait nécessairement une différence : de fait, il faut fermer les e dans la laisse 64 et les ouvrir dans la laisse 65. La loi dite "de position" qui les ouvrira dans certains des mots de formation semblable à ceux de la laisse 64 n'interviendra que beaucoup plus tard. Je n'entre pas dans les détails ici, c'est juste pour vous montrer l'intérêt des laisses.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

105

Re : Mots de couleur

Merci.

Lévine a écrit:

Li quens Rollant se jut desuz un pin,
Envers Espaigne en ad turnet sun vis.

(quens = comte ; se jut = s'étendit (était étendu en fait) ; vis = visage)
A l'époque, la nasalisation du "in"  de pin ne s'est pas encore effectuée ; on prononce dont "pinn", comme le prouve le mot vis.

(Qu'on pardonne la digression dont je me rends coupable ci-dessous.)

Quelle fierté (imbécile !) j'éprouve ! Avant de lire votre explication, j'ai subodoré que le i de « pin » pouvait correspondre oralement à celui de « vis » !
Je trouve cette traduction en français contemporain : Le comte Roland est là, gisant sous un pin, / Il a voulu se tourner vers l’Espagne.
Il me semble que « ad turnet » signifie « (il) a tourné ». La traduction ne rend pas compte, c'est ainsi que je le ressens, du succès ou de l'échec de la tentative ; or l'original me paraît contenir l'idée que Roland s'est effectivement tourné vers l'Espagne. « En » (en ad turnet) m'échappe : est-ce ce petit mot que le traducteur rend par « a voulu » ?

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

106 Dernière modification par Lévine (23-06-2020 17:50:25)

Re : Mots de couleur

En a ici le sens adverbial originel "de là" (< inde), "à la suite de quoi" ; mais on ne peut évidemment le traduire de manière aussi lourde. Je proposerais donc "puis face à l'Espagne il a tourné son visage..." ou, si l'on traduit "se jut" par un imparfait duratif : "alors, face à l'Espagne... ".
Je ne sais d'où l'on tire "a voulu". Roland se tourne effectivement vers l'Espagne, geste symbolique, car c'est là qu'il s'est couvert de gloire et a - non pas donné un sens à sa vie (n'anticipons pas sur la quête du chevalier dans le roman breton !) - mais confirmé ce sens.

Vous êtes, avec la laisse 176 (la plus belle !) dans le cas d'une laisse parallèle avec enchaînement sur la mort du héros.

Bravo pour avoir songé au i de pin !

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Mots de couleur

Quand j'étais jeune, j'allais chercher du pain bis chez le boulanger pour accompagner les huîtres, certains dimanches d'hiver. Je crois qu'aujourd'hui, je demanderais du pain de seigle.

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Re : Mots de couleur

Je ferai le test chez mon boulanger.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Mots de couleur

http://www.siteany78.org/IMG/pdf/palomet_v7_red_a.pdf
Je vous transmets ce lien. Il y est question de russules et de leurs couleurs.
Bonne lecture.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

110

Re : Mots de couleur

Une ample cueillette à faire, et pas seulement de russules ! Merci beaucoup.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Mots de couleur

À mesure que l’été approche, les benoîtes à trois fleurs poursuivent le spectacle de leur évolution alors que leurs brins duveteux se teintent d’un rose éhonténeutral

https://peapix.com/bing/31304

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

112

Re : Mots de couleur

Oui, un rose qui n'a pas peur de s'afficher, qui est dénué de pudeur, en quelque sorte.

Merci de cette belle image.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

113 Dernière modification par Lévine (21-07-2020 09:02:25)

Re : Mots de couleur

PERS, PERSE.

Le mot pers, assez fréquemment employé en AF, reçoit des acceptions fort diverses, ce qui ne constitue d’ailleurs nullement une exception, comme on l’a vu précédemment pour d’autres mots. A. J. Greimas, dans son Dictionnaire d’ancien français (éd. Larousse), classe ainsi ses sens : 1° Bleu de diverses nuances, tantôt bleu azur, tantôt bleu foncé ; 2° Bleuâtre ; 3° Terne ; 4° Blême, livide. Godefroy, de son côté, écrit, bien moins rigoureusement sans doute : « bleu de diverses nuances, tantôt bleu foncé et tirant sur le noir, avec des reflets verts, tantôt bleu azuré » (on aimerait savoir ce qui, dans les textes, autorise la précision « tirant sur le noir, avec des reflets verts » !). En définitive, quand cet adjectif se trouve associé à d’autres, ce qui est un cas fréquent, il semble à la fois plus commode et plus rigoureux de déterminer ce qu’il ne signifie pas(1). 

L’étymologie du mot ne nous informe guère : il provient de (*)persus(2), synonyme de persicus, « de Perse », d’où proviendraient des étoffes dont certaines seulement étaient teintes en bleu. Dans son emploi nominal, qui semble prévaloir comme pour vermeil, escarlate ou pourpre, pers(e) désigne clairement une étoffe, sans doute teinte en bleu, précieuse en tout cas, comme le montre bien ce passage tiré du Roman de la Rose, v. 9045-8, (3) :

Me garentist et cors et teste,
par vent, par pluie et par tampeste,
forré d’agneaus cist miens bureaus,
comme pers forré d’escureaus.
 

« Elle me garantit et le corps et la tête,
par vent, par pluie et par tempête,
cette toile de bure que j’ai là, fourrée d’agneau,
aussi bien qu’une étoffe de Perse fourrée de petit-gris. »


Pour ce qui est de son emploi adjectival, nous nous contenterons d’un corpus limité et homogène, afin de donner un petit aperçu des difficultés posées par l’interprétation, donc la traduction du mot.

On peut d’abord noter que pers se présente rarement seul ; c’est le cas dans cet exemple tiré d’Érec et Énide, de CdT, v. 3577-8 :

(l’agresseur d’Érec « ne fait pas le poids » face à ce dernier)

ne li escuz, ne li haubers,
ne li valut un cendal pers.

« Ni l’écu ni le haubert
ne lui furent (plus) utiles (qu’) un taffetas bleu. »

En ce cas, l’usage des traducteurs est de donner à pers le sens général de « bleu ». Il faut dire qu'en l'occurrence, la couleur de l’étoffe importe peu dans l’image.


Les choses deviennent plus délicates si pers se trouve associé à d’autres adjectifs qui jouent un rôle prégnant. C’est le cas dans les v. 729-31 de Cligès, de CdT :

(le « cœur » reçoit diverses affections comme l’œil au travers d’un vitrail )

Si voit maintes oevres diverses,    (= [le cœur] voit ainsi maints objets divers)    
les unes verz, les autres perses,   
l'une vermoille et l'autre bloe.

Cette fois, pers entre en concurrence avec bloe, situation d’autant plus délicate que ce dernier mot est lui-même susceptible de prendre des sens variés (v. l’article sur BLEU). On ne s’étonnera donc pas que les traducteurs aient opéré des choix différents :

- « violets » pour perses et « bleus » pour bloe chez Ch. Méla et Ol. Collet (Livre de Poche) ;
- « bleus » pour perses et « azurés » pour bloe chez Ph. Walter (Gallimard/Pléiade).

L’adjectif pers s’applique aussi aux pierres précieuses ; dans le passage suivant, tiré de la même œuvre (v. 1598- 1601), les difficultés de traduction sont plus importantes encore : 

(description des riches atours préparés pour Énide)

La porpre fu molt bien ovree,
a croisetes totes diverses,
yndes et vermoilles et perses,
blanches et verz, bloes et giaunes.

Cette fois, pers(s)es entre en concurrence avec verz, bloes et indes, auquel nous consacrerons un article ultérieur, mais dont nous pouvons déjà dire qu’il désignait aussi une nuance de bleu relativement déterminée, moins cependant que le moderne indigo.
On trouve :
-  « violets » pour yndes, « pers » pour perses (bleu pâle ? bleu-vert ?) et « bleus » pour bloes chez J.-M. Fritz (LdP) ;
-  « indigo » pour yndes, « bleu foncé » pour pers et « bleu pâle »  pour bloes chez P. F. Dembovski (Gall.). 

Par delà leurs différences d’appréciation, il semblerait que les traducteurs se retrouvent à peu près d’accord pour fixer le sens de pers entre le bleu moyen et le bleu foncé, réservant le sens de « bleu pâle » à bloe quand il est employé conjointement à pers. Si yndes, bloe et pers entrent en concurrence, on est alors tenté de « pâlir » pers ou de lui donner éventuellement son sens « moderne » de bleu-vert.

Quoi qu’il en soit, la recherche d’une précision plus grande est une tâche vaine dans la mesure où, en accumulant les couleurs, l’auteur médiéval cherche surtout à donner une idée de profusion : les couleurs multiples des étoffes, des pierres, des dallages, font ressortir la richesse de la classe dominante en même temps qu’elles abreuvent l’imagination des auditeurs(4), encore assez naïfs pour se laisser entraîner dans des rêves de féerie par cet étalage multicolore…


Mais il est un tout autre domaine dans lequel pers est employé : le teint de la peau. Cette fois, la féerie cède la place au réalisme, mais la tâche des traducteurs n’est pas pour autant facilitée.

En effet, la peau reçoit-elle un coup violent ? La voilà qui devient perse, mais aussi bloe, comme dans cet extrait  du Chevalier au Lion (v. 6119-22) :

(Yvain et Gauvain s’affrontent en combat singulier)

Et des pons redonent tex cos (pons = pommeaux ; tex cos = de tels coups)
sor les nasex et sor les dos, (nasex = nasals)
et sor les fronz et sor les joes
que totes sont perses et bloes

la ou li sans quace desoz. (= là où le sang jaillit sous la peau)

Pour perses et bloes, on trouve respectivement :
- « livides et bleuâtres » chez David F. Hult (LdP) ;
- « bleuies et violettes » chez M. Rousse (Garnier-Flammarion) ;
- « bleues et violacées » à la fois chez C. Pierreville (Ch.) et Ph. Walter (Gall.).

Dans le cas présent, je pense que l’on a affaire à un couple synonymique marquant une insistance équivalant à « bleues, je dis bien bleues ! » L’inconvénient des synonymes en français modernes est de laisser croire soit à une progression dans les nuances de bleu, soit à des variations de couleur suivant les parties touchées ; or le réalisme des notations ne suppose pas la rationalisation.

Le dernier cas est constitué par l’emploi du mot pour qualifier la peau d’un malade, d’un blessé ou d’un mort. Le mot semble ici plus facile à interpréter, mais pose un problème d'évolution sémantique. Il apparaît dans La Chanson de Roland (v. 1978-9) :

(Roland rejoint Olivier blessé à mort)

Rollant reguardet Oliver al visage :
Teint fut e pers, desculuret e pale.
(teint = « qui a changé de couleur » donc « pâle » ici).

Toute évolution de la couleur d’un hémistiche à l’autre étant exclu, on peut considérer que le vers est constitué de deux couples synonymiques disposés en chiasme : à teint correspond desculuret, à pers correspond pale.

On peut évidemment traduire de diverses façons ; je propose :

« il était pâle et livide, sans couleur et blême. »

Il semble étonnant que pers, dont le sens premier semble bien renvoyer à la couleur, soit par ailleurs un quasi-synonyme de desculuret(5). Mais le cas n’est pas isolé : l’adjectif livide, plus tardif et de formation savante a suivi une évolution tout à fait comparable ; de « bleuâtre », et même « noirâtre », il en vient à désigner la couleur plombée de la peau d’un malade pour renvoyer en définitive à la pâleur de la mort.

Il faut attendre le moyen français pour que le champ sémantique de pers se cantonne au bleu clair ou au bleu-vert. Nous reproduisons ici trois citations de Godefroy qui ne laissent pas de doute (la première provient d’un ouvrage d’héraldique du XVème siècle) :

https://zupimages.net/up/20/29/oetm.png  (6)


Pers est devenu plus rare encore que bis en français moderne. Si l’on excepte l’expression « Athéna aux yeux pers », que Victor Bérard propose pour traduire l’homérique Ἀθῆνα γλαυκῶπις(7), l’adjectif ne compte que quelques emplois littéraires(8). Il est d’autant plus rare que l’expression moderne « bleu de Perse » (ou « bleu persan ») le remplace dans les nuanciers commerciaux ou les nomenclatures officielles. Il faut noter malgré tout que ces expressions ont un sens qui varie sensiblement suivant leurs domaines d’application(9).


Comme d’autres mots désignant une ou des nuances de bleu, pers s’est peu à peu effacé devant bleu, devenu générique, sans doute en raison d’une imprécision sémantique qui devait encore varier d’une région à l’autre (d’où la nécessité d’opérer sur des corpus homogènes). L’époque moderne résout les difficultés dans l’expression des nuances en accolant des déterminants au mot générique : bleu clair, bleu moyen, bleu foncé… On gagne ainsi en précision, mais on perd en pittoresque…



Notes :

(1) On sait que suivant le principe initié par Saussure, toute unité signifiante s’apprécie avant tout par les différences qu’elle entretient avec les unités voisines. Il est évident que plus ces dernières sont nombreuses, plus le champ sémantique du mot à étudier se précise. Dans le cas présent, nous n’irons pas très loin dans la précision, mais nous verrons que là n’est pas l’essentiel.

(2) Le mot est conjectural suivant certaines sources, attesté suivant d’autres. Nous ne pouvons pas trancher.

(3) Sauf indication contraire, nous suivons le texte établi par les éditions Champion (coll. Textes français du Moyen Age). Les traductions sont personnelles.

(4) La lecture des romans est orale, même dans un cadre intime ; cf. Le Chevalier au Lion v. 5356 sqq.

(5) Le fait que le mot apparaisse si tôt dans ce sens ne signifie pas que celui-ci soit premier. A la date de la Chanson de Roland (extrême début du XIIème siècle), notre langue a déjà au moins cinq siècles d’existence. 

(6) Il est dommage que Malherbe n’ait pas justifié son rejet de pers (j’ai vérifié dans le texte des Commentaires sur Desportes) : voyait-il dans vague perse un pléonasme ?

(7) On lira avec profit cette excellente mise au point sur le problème posé par le sens de l’épithète γλαυκῶπις : http://lettres.ac-aix-marseille.fr/lycee/yeuxpers.pdf

(8) On peut consulter à ce sujet le tlf en ligne, et surtout le Littré pour les usages modernes antérieurs à 1850. Je précise par ailleurs que je n’ai jamais vu cet adjectif employé à propos de la couleur des yeux dans les textes d’ancien français.

(9) Pour une approche rapide, voir  https://fr.wikipedia.org/wiki/Bleu_persan

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

114

Re : Mots de couleur

À nouveau, vous m'instruisez agréablement et soulevez mon admiration.
Quelques petites remarques sans commune mesure avec le niveau de votre texte :
• Le latin persicus a donné der Pfirsich, la pêche (le fruit), en allemand. Une autre couleur !
• « Escureau » a apparemment cohabité avec « fouquet », ce que je n'imaginais pas, sans pouvoir m'en expliquer. Et je me figurais que le petit-gris n'était guère que sibérien.
• Je retiens, entre autres, qu'au Moyen Âge « pers » se situait entre « bleu moyen et bleu foncé ».
• Dans Teint fut e pers, desculeret e pale, que vous rendez par « Il est pâle et livide, sans couleur et blême », n'a-t-on pas affaire à un temps passé du verbe ?

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

115 Dernière modification par Lévine (21-07-2020 09:01:26)

Re : Mots de couleur

Merci !

Chover a écrit:

• Le latin persicus a donné der Pfirsich, la pêche (le fruit), en allemand. Une autre couleur !

Il n'y a pas qu'en allemand : le français aussi dérive le mot pêche de persica, lui-même issu du grec (le pluriel neutre a été pris pour un féminin). Le russe a персик (p'ersik), manifestement calqué sur le grec.

Chover a écrit:

• « Escureau » a apparemment cohabité avec « fouquet », ce que je n'imaginais pas, sans pouvoir m'en expliquer. Et je me figurais que le petit-gris n'était guère que sibérien.

Je ne suis pas zoologue, mais c'est la traduction usuelle de vair ou d'escurel avant que les deux mots se distinguent en moyen français (petit-gris/roux ?).

Chover a écrit:

• Je retiens, entre autres, qu'au Moyen Âge « pers » se situait entre « bleu moyen et bleu foncé ».

Éventuellement bleu pâle, dans le cas que j'ai dit, mais je ne crois pas que l'auteur lui-même songe à une nuance précise. Les mots s'appellent souvent les uns les autres... L'auteur médiéval ne "copie" pas la réalité, ce qui ne veut pas dire qu'il fait fi de la vérité.

Chover a écrit:

• Dans Teint fut e pers, desculeret e pale, que vous rendez par « Il est pâle et livide, sans couleur et blême », n'a-t-on pas affaire à un temps passé du verbe ?

Oui, bien sûr. Je corrige. Il faut un imparfait en français moderne, comme en latin dans les portraits.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

116 Dernière modification par P'tit prof (21-07-2020 11:08:11)

Re : Mots de couleur

Bizarreries du transcodage :

« Elle me garantit et le corps et la tête,
par vent, par pluie et par tempête,
cette toile de bure que j’ai là, fourrée d’agneau,
aussi bien qu’une étoffe de Perse fourrée de petit-gris. »

Le bureau n'est pas une toile : la toile est spécifiquement  un  tissu d'armure unie réalisé avec des fils de lin ou d'autres matières textiles végétales selon les mots du Tlfi. Le bureau est une étoffe de laine que de nos jours on appelle tout simplement... bure.

Pourquoi transformer les écureuils du texte en petit-gris ? Certes, le petit-gris est bien un écureuil du Nord de l'Europe (Tlfi), mais le texte dit écureuil, pourquoi ne pas garder écureuil ?

Tout bien pesé, il s'agit de mettre en parallèle une étoffe grossière et bon marché, la bure, fourrée d'une peau très courante, l'agneau, avec une étoffe précieuse et chère, le pers, et une fourrure de grand luxe : l'une vaut l'autre pour ce qui est de protéger des intempéries. Pour bien rendre cette connotation, on  pourrait aller jusqu'à vison ou zibeline.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Mots de couleur

Merci Lévine pour cette riche contribution.

P'tit prof a écrit:

Le bureau n'est pas une toile : la toile est spécifiquement  un  tissu d'armure unie réalisé avec des fils de lin ou d'autres matières textiles végétales selon les mots du Tlfi. Le bureau est une étoffe de laine que de nos jours on appelle tout simplement... bure.

Pourquoi transformer les écureuils du texte en petit-gris ? Certes, le petit-gris est bien un écureuil du Nord de l'Europe (Tlfi), mais le texte dit écureuil, pourquoi ne pas garder écureuil ?

Tout bien pesé, il s'agit de mettre en parallèle une étoffe grossière et bon marché, la bure, fourrée d'une peau très courante, l'agneau, avec une étoffe précieuse et chère, le pers, et une fourrure de grand luxe : l'une vaut l'autre pour ce qui est de protéger des intempéries. Pour bien rendre cette connotation, on  pourrait aller jusqu'à vison ou zibeline.

D'accord avec P'tit Prof pour la bure.
Pour le petit-gris, je comprends que Lévine ait choisi cette traduction, car on a plus coutume, du moins à l'époque classique, de parler de fourrure de petit-gris plutôt que de fourrure d'écureuil. Du reste, je ne sais pas si on utilisait l'écureuil commun de nos forêts, le roux, pour faire de la fourrure ; l'essentiel des fourrures d'écureuil étaient importées à partir de l'écureuil gris de Sibérie ou d'ailleurs et donnaient deux types de fourrure, le petit-gris et l'encore plus luxueux vair. On aurait pu choisir de traduire par vair pour indiquer ce luxe, qu'il me semble qu'on ressent encore aujourd'hui à l'évocation de ce nom. Cela dit, l'exercice devient plus complexe avec les vers suivants qui citent justement le vair et le gris :
https://i.ibb.co/QpCq225/Capture.png
https://archive.org/details/romandelaro … 7/mode/1up

118

Re : Mots de couleur

Merci de votre lecture attentive.

Le mot toile relevant de la technique de tissage, comme vous le rappelez, je crois qu'on peut l'appliquer par extension à des étoffes d'origine animale ; les expressions toile de laine et toile de soie figurent du reste dans le Petit Robert. Dans le Larousse de l'Industrie et des Arts et métiers, je l'avoue un peu ancien (1935), je lis à l'article TISSUS : Parmi les tissus de laine exécutés selon l'armure toile, citons la flanelle, le drap noir ou taupeline, les toiles de laine pour robes, etc...
Mais en effet, on peut retenir bure.

"fourrée d'écureuil" paraît insolite en français moderne ; "petit-gris" fait davantage ressortir le luxe de l'étoffe. Quant à vison (anachronique) ou au sable, ils nous éloignent trop de l'écureuil : on serait dans la transposition.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Mots de couleur

Je signale un long article sur la couleur pers, La couleur perse en ancien français et chez Dante, de Maurice Mann, 1923  :
https://www.persee.fr/doc/roma_0035-802 … 9_194_4534

120 Dernière modification par Lévine (21-07-2020 20:21:55)

Re : Mots de couleur

Merci Abel. Quand j'ai répondu à P'tit prof, ta réponse n'était pas sur mon écran ou je ne l'avais pas vue. L'extrait que tu cites pose encore une fois le délicat problème des synonymes à trouver en français moderne. On s'y attelle ?

Au fait, mon boulanger connaissait le mot "bis" (il a la cinquantaine), mais avoue ne pas l'utiliser.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Mots de couleur

Je suis quand même rassuré pour le vocabulaire de ton boulanger !

122

Re : Mots de couleur

Voici comment je traduis la suite :

"Je perds mon argent, ce me semble, quand je vous achète des habits de drap de Perse ou d'Arabie, de tissu brun, vert ou écarlate, et que je les fourre de vair et de petit-gris."

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

123

Re : Mots de couleur

Lévine a écrit:

Merci Abel. Quand j'ai répondu à P'tit prof, ta réponse n'était pas sur mon écran ou je ne l'avais pas vue. L'extrait que tu cites pose encore une fois le délicat problème des synonymes à trouver en français moderne. On s'y attelle ?

Au fait, mon boulanger connaissait le mot "bis" (il a la cinquantaine), mais avoue ne pas l'utiliser.

Apparemment, Le pain bis est devenu du pain fort.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : Mots de couleur

Lévine a écrit:

"Je perds mon argent, ce me semble, quand je vous achète des habits de drap de Perse ou d'Arabie, de tissu brun, vert ou écarlate, et que je les fourre de vair et de petit-gris."

Je ne pense pas que pers donne au lecteur de l'époque une indication de provenance. Les draps (de) pers sont plutôt des draps bleus comme on l'a vu plus haut.
Ils pouvaient être fabriqués en France, par exemple en Normandie :
Les draps de Montivilliers sont les plus prisés, achetés à Dijon, Paris, Troyes, Tournai et Bruges, dans des nuances sélectionnées de pers, brunette et escarlate en début de période, de vert, et vert-brun, gris et gris-brun, à partir de 1388.
https://books.openedition.org/purh/7232?lang=fr
Quand au camelot, cette étoffe fine faite ordinairement de poil de chèvre, et mêlée de laine ou de soie, je crois que son origine orientale était oubliée, puisqu'on trouvait beaucoup de camelot de Hollande ou de Bruxelles.
De toute façon, ces inventaires de tissus restent difficiles à comprendre avec certitude et à traduire.

125

Re : Mots de couleur

Oui, mais nous sommes dans le cadre d'une traduction, justement : il faut rendre l'idée de luxe et de rareté, or "drap bleu" n'évoque rien, de même que les gloses de camelot. Tu as raison sur le plan de "archéologique", mais le texte considéré doit être traité dans une perspective littéraire, et non technique. C'est dans ce sens qu'allait P'tit prof avec vison et zibeline dans les vers précédent mais il y a des limites.   

Cela dit, on peut certainement faire mieux. Souvent, les traducteurs "bottent en touche" en laissant brunet(t)e et camelot, par exemple, mais il faut alors des notes.

Que proposerais-tu pour ce passage ?

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Mots de couleur

Je suis plutôt partisan de laisser le vocabulaire original le plus possible et de mettre des notes.
C'est d'autant plus le cas ici que les mots sont accessibles même dans le TLFi :

2. Étoffe précieuse, généralement brune, en usage au Moyen Âge. Des robes de couleur bleue ou noire (...) de camelin, de brunette ou de soie (Faral, La Vie quotidienne au temps de St Louis,1942, p. 179).

Grosse étoffe faite originellement de poils de chameau, puis de poils de chèvre seuls ou mêlés de laine, ou encore de laine quelquefois tissée sur une chaîne de soie.

A.− Subst. fém., vieilli. Étoffe de couleur rouge vif. Vêtu d'écarlate; habit, manteau d'écarlate. Ce diable habillé d'écarlate (Béranger, Chans.,t. 3, 1829, p. 225).Une chambre tendue d'écarlate (Barrès, Cahiers,t. 14, 1922-23, p. 243).
Rem. 1. Écarlate a pu désigner anciennement une teinture ou une étoffe de qualité supérieure, mais non obligatoirement rouge.

127 Dernière modification par Lévine (22-07-2020 12:29:25)

Re : Mots de couleur

Tout cela, je le sais, cela provient des glossaires et des notes des éditions savantes. Mais ne crois-tu pas que les notes gênent la lecture ? Que faut-il proposer aux lecteurs qui veulent juste découvrir l'œuvre ? Toute traduction littéraire est nécessairement une adaptation qui, dans les cas difficiles, doit avant tout pouvoir restituer, avec des moyens accessibles à notre époque, l'esprit et à la tonalité du texte source. Personnellement, j'ai toujours détesté lire les œuvres médiévales en traduction et traduire moi-même (je ne maîtrise pas assez la langue littéraire moderne pour cela), mais la question qui se pose est la suivante : comment faire lire ces textes à des personnes qui n'ont pas pour but d'approfondir la connaissance de la "langue" ou les realia médiévaux et cherchent avant tout une lecture fluide ? On a tous eu l'expérience pénible d'une lecture de Rabelais constamment hachée par des notes (une page de texte, une page de notes dans certaines éditions) : mais là, pas de solution, on ne peut plus vraiment songer à traduire...

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Mots de couleur

Pourtant si, il y a une solution bien connue : la bilingue. Une page en VO, une page transposée. L'idée de traduire le  français vers le... français me semble éminemment grotesque.
Si vous connaissiez le sens contemporain de petit-gris vous ne les écorcheriez pas pour fourrer une capuche !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

129 Dernière modification par Lévine (23-07-2020 08:27:22)

Re : Mots de couleur

1° Les bilingues ne couvrent pas toute la littérature.
2° Beaucoup sont rebutés par l'ancienne langue, à commencer par les élèves, mais même les étudiants sont dans ce cas. Le Moyen Age, c'est la bête noire.
3° Conséquence : dans les bilingues, la plupart ne lisent que la page de droite (comme celle de gauche pour les Budé).
Par contre, les bilingues sont irremplaçables pour apprendre la langue, mais nous ne sommes pas dans cette optique.

Il est possible que le petit-gris ne soit plus une fourrure de luxe, si c'est bien ce que vous avez voulu dire, mais c'est le mot consacré chez les traducteurs, et on ne peut pas tout transposer : il faut le faire quand on ne peut rien faire d'autre, comme pour camelot.

"Si vous connaissiez..." : baste de votre morgue, sœur de la haine !

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Mots de couleur

P'tit prof pense probablement aux escargots petits gris, mais ce texte est une bonne occasion de montrer que ce n'est pas le seul sens possible.

131

Re : Mots de couleur

Si c'est cela, qu'elle mette des lunettes :

(tlf)


PETIT(-)GRIS, (PETIT GRIS, PETIT-GRIS)subst. masc.
A. Écureuil du nord de l'Europe; p.méton., fourrure d'hiver de cet animal, d'un beau gris argenté (synon. vair); vêtement fait de cette fourrure (v. gris1 II A 3 e). Il lui avait pris la main qu'elle laissait aller sur une couverture de petit-gris (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p.526):

Dans la fourrure que portait Dominique, des champs de poils se couchaient parfois pour se redresser ensuite, lentement. Après avoir examiné fixement les jeux de la nature devant lui, Jacques se tourna vers Dominique et son petit-gris.
QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p.159.
En empl. adj. inv. Couleur petit-gris, p.ell. petit-gris. D'un ton gris ardoise qui rappelle le pelage de cet animal. Sa robe était petit-gris (LECLERCQ, Prov. dram., Mme Sorbet, 1835, 6, p.153).
B. Escargot dont la coquille au fond gris jaunâtre porte des tigrures foncées. Les escargots font leur apparition avec les premières journées douces et humides du printemps. Il en existe de nombreuses espèces dont les deux plus grandes sont l'Escargot de Bourgogne et le Petit gris dont la coquille est plus foncée (J. VALLIN, Zool. et bot., Classe de 5e, 1960, p.104).
C. Champignon comestible apparaissant d'octobre à décembre dans les bois de conifères et dont le chapeau gris est mêlé de reflets violacés. Le «Petit gris» est assez fréquent dans les bois de conifères, où il pousse souvent en troupes nombreuses (Guide des champignons, Paris, Sélection du Reader's Digest, 1973, p.34).
Prononc. et Orth.: []. Ac. 1694, 1718: petit gris; dep. 1740, avec trait d'union. Étymol. et Hist. a) 1621 «espèce d'écureuil à dos gris et à ventre blanc; fourrure de cet animal» (OUDIN Esp. Fra.), v. aussi gris, vair; b) 1926 escargot petit-gris (Lar. mén., s.v. escargot); c) ca 1870 bot. (LEMASSON, Lex. du pat. vosgien de Fiménil). Comp. de petit* et de gris1*. Fréq. abs. littér.: 16.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

132 Dernière modification par P'tit prof (22-07-2020 19:30:10)

Re : Mots de couleur

Abel Boyer a écrit:

P'tit prof pense probablement aux escargots petits gris, mais ce texte est une bonne occasion de montrer que ce n'est pas le seul sens possible.

Absolument pas : je pense aux moines à la Communauté Saint-Jean :

La Famille Saint-Jean (plus connue sous le nom de Communauté Saint-Jean ou CSJ) regroupe trois congrégations religieuses : les Frères de Saint-Jean, les Sœurs apostoliques de Saint-Jean et les Sœurs contemplatives de Saint-Jean, ainsi que des oblats (laïcs qui suivent cette spiritualité). Ces communautés, bien que séparées et indépendantes dans leur fonctionnement, partagent une histoire et une spiritualité communes. Elles furent fondées par le Père Marie-Dominique Philippe en 1975 pour les Frères, 1982 pour les Sœurs contemplatives et 1984 pour les Sœurs apostoliques.

... frères de Saint-Jean, alias les petits-gris.

Heureux êtes-vous de ne jamais en avoir entendu parler !

Lévine, Lévine, que vous êtes joli avec vos coups de dictionnaire : prendre des religieux pour des champignons... Croire tout savoir, ne pas poser de questions, c'est aussi de la morgue.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

133

Re : Mots de couleur

Je ne comprends RIEN à votre critique. Vous divaguez, semble-t-il.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Mots de couleur

M'enfin Lévine, comment ne te rends-tu pas compte qu'en disant "fourré" et "petit gris", le lecteur moyen contemporain pense immédiatement aux moines !

135 Dernière modification par P'tit prof (23-07-2020 02:28:10)

Re : Mots de couleur

Lévine a écrit:

Je ne comprends RIEN à votre critique. Vous divaguez, semble-t-il.

Ce n'est pas parce que vous ne comprenez pas que c'est moi qui divague. Un peu de modestie, que diable...

Vous avez me semble-t-il, fort mal pris ma remarque :

Si vous connaissiez le sens contemporain de petit-gris vous ne les écorcheriez pas pour fourrer une capuche !

Pure taquinerie de ma part, en l'attente d'une question, ou d'un cri horrifié, à la vision d'une peau de moine servant de capuchon.
Voilà la clé de l'énigme, sans aucune critique.

On peut sourire de vous voir cherche la solution là où elle n'est pas au lieu de consulter wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Petit-gris

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

136 Dernière modification par P'tit prof (22-07-2020 23:52:45)

Re : Mots de couleur

Abel Boyer a écrit:

M'enfin Lévine, comment ne te rends-tu pas compte qu'en disant "fourré" et "petit gris", le lecteur moyen contemporain pense immédiatement aux moines !

En voilà d'un autre ! Le lecteur contemporain qui les subit dans sa paroisse pense immédiatement aux petits-gris et fourré n'est absolument  pas un indice, alors que le nom du  fondateur, Marie-Dominique Philippe en est un.
Si pa konôt tel bitin on koz, fémé djôl !

Je vous donne acte que vous avez voulu faire de l'esprit.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Mots de couleur

P'tit prof a écrit:

Vous avez me semble-t-il, fort mal pris ma remarque :

Si vous connaissiez le sens contemporain de petit-gris vous ne les écorcheriez pas pour fourrer une capuche !

Pure taquinerie de ma part, en l'attente d'une question, ou d'un cri horrifié, à la vision d'une peau de moine servant de capuchon.
Voilà la clé de l'énigme, sans aucune critique.

On peut sourire de vous voir cherche la solution là où elle n'est pas au lieu de consulter wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Petit-gris

Tout dépend du ton dont une remarque est faite. Il est parfois un peu facile de requalifier a posteriori de taquinerie ce qui peut paraître une pointe blessante, surtout vis-à-vis d'un contributeur qui a l'immense mérite de faire vivre ce forum par des contributions copieuses et instructives. De plus votre remarque n'était pas claire, en disant "le sens contemporain". Petit-gris a plusieurs sens contemporains. Vous visiez peut-être le sens le plus récent, et loin d'être le plus connu en dehors de certains milieux, ce qui est une autre affaire.

138 Dernière modification par glop (23-07-2020 13:00:16)

Re : Mots de couleur

Le nom courant d’Euxoa nigricans (Le noir-âtre) me laisse perplexe.
http://jardifaune.canalblog.com/albums/ … uidae.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Euxoa_nigricans
L’abeille âtre est très noire alors que le noir-âtre est plus clair. Ne devrait-on pas l’appeler noirâtre ?
Y aurait-il un rapport entre le suffixe âtre et l’âtre ? Et cette couleur âtre est-elle la couleur noire de la suie ou bien celle des briques sombre de l’âtre ?

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : Mots de couleur

Intéressante question.
Il est certain que le suffixe -âtre qu'on trouve dans noirâtre, mais aussi dans blanchâtre, bleuâtre, jaunâtre (et dans bien d'autres mots sans lien avec les couleurs) est sans rapport avec l'âtre ou avec la couleur noire. Le lien
https://www.cnrtl.fr/definition/-%C3%A2tre
explique son origine latine et ses sens principaux.
Mais d'un autre côté le français connaît l'adjectif âtre (que j'ignorais) :

Rare, vx. D'un noir foncé et mat (cf. Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.) :
1. La jusquiame y croissait aussi, avec ses couleurs âtres et ses fleurs meurtrières. Nodier (Lar. 19e1866, Nouv. Lar. ill. 1897).
Rem. Ces 2 dict. le notent comme ,,peu usité`` :
2. Et son voile brumeux Les zigzags du tonnerre Et la sombre colère Du flot atre et spumeux... A. Pommier, Océanides et fantaisies,p. 42 (Rheims 1969).
Abeille âtre. Abeille d'un beau noir dont le corselet est encadré de blanc (cf. Lar. 19e− Lar. encyclop.).
ÉTYMOL. ET HIST. − 1808 (Boiste). Empr. au lat. ater « noir » (Plaute, Poen., 1290 ds TLL s.v., 1018, 43).

https://www.cnrtl.fr/definition/%C3%A2tre/1
Il est évidemment tentant de rapprocher le mot du substantif âtre, mais l'étymologie indiquée par le TLFi n'est pas la même. Pour l'adjectif, c'est le latin ater, noir, et pour le nom, c'est :

Du lat. vulg. astracum « dalle » puis « pavement », vies., Oribase Latin, Euporiston, éd. Molinier, Œuvres, VI, p. 409 ds Nierm. Le lat. est empr. au gr. ο ́ σ τ ρ α κ ο ν « vaisselle, vase en terre cuite » et aussi « tesson », v. ostracisme; cf. b. lat. ostracus

https://www.cnrtl.fr/etymologie/%C3%A2tre
C'est curieux quand même.

Pour votre papillon, certains spécimens comme celui de votre premier lien semblent quand même bien noirs, et justifier l'appellation noir-âtre, comme l'abeille âtre. Le spécimen montré sur l'autre lien est nettement plus clair, ce qui a pu entraîner la confusion avec noirâtre.
Les noms latins montrent quand même le côté noir, charbonneux et même fuligineux :
Phalaena (Noctua) nigricans Linnaeus, 1761
Noctua fumosa Denis & Schiffermüller, 1775
Noctua fuliginea Hübner, 1813
Noctua carbonea Hübner, 1823

140

Re : Mots de couleur

Merci de ton excellente modération, Abel.
__________________

Je ne sais pas si ma remarque sera utile pour apprécier les désignations en zoologie, mais le latin dispose principalement de deux adjectifs pour dire "noir" :
- ater, dont il a été question, qui signifie "noir mat",
- et niger, qui apparaît dans nigricans, qui signifie "noir brillant".

Pour "blanc", la distinction est la même :
- albus = "blanc mat",
- candidus = "blanc brillant".

Évidemment, suivant les auteurs et les époques, un mot peut être utilisé pour l'autre, surtout si l'opposition mat/brillant n'est pas prégnante dans le passage.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

141 Dernière modification par Chover (23-07-2020 17:39:30)

Re : Mots de couleur

Abel Boyer a écrit:

pour le nom, c'est :

Du lat. vulg. astracum « dalle » puis « pavement », vies., Oribase Latin, Euporiston, éd. Molinier, Œuvres, VI, p. 409 ds Nierm. Le lat. est empr. au gr. ο ́ σ τ ρ α κ ο ν « vaisselle, vase en terre cuite » et aussi « tesson », v. ostracisme; cf. b. lat. ostracus

Le Robert DHLF indique qu'« ostracisme » est dérivé de ostrakizein, frapper de bannissement, lui-même dérivé de ostrakon «coquille» (> huitre). Par analogie de forme, le mot désignait divers objets en terre cuite (pots, tesson), spécialement le tesson employé pour voter sur lequel les Grecs écrivaient le nom de celui qu'ils voulaient bannir.
Presque tout cela a déjà été indiqué ci-dessus, mais je voulais partager avec vous le plaisir que j'ai eu à découvrir d'une part ce tesson employé pour le vote décidant d'un bannissement et, d'autre part, la parenté entre « huître » et « ostracisme » !
N'ostracisons pas les ostréiculteurs !

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

142

Re : Mots de couleur

Merci pour vos réponses. Je me laisse un peu de temps pour les relire.

âtre (couleur) serait donc une métathèse du latin "ater".

Et "ostracisme" n'est pas donc pas un mot valise issu de "autres" et de "racisme"  neutral

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

143 Dernière modification par Ylou (23-07-2020 20:58:27)

Re : Mots de couleur

Chover a écrit:

Nouveau sur abclf, je trouve cet échange passionnant.
Je crois avoir un argument en faveur de la nature adjectivale, et donc de la fonction d'épithète, de « marron » dans « des yeux marron ».
Vous avez envisagé, Ylou, les hypothèses qu'il fût un substantif complément de nom ou en apposition. Or on dit facilement « Ses yeux ? Ils sont marron ! », où aucune de ces deux fonctions n'est envisageable, « marron » ne pouvant remplir là que celle d'attribut du sujet « Ils ». Bien entendu, cette fonction grammaticale n'est pas réservée à l'adjectif mais une fois la constatation faite par ailleurs que « marron » répond à la question « Comment ses yeux sont-ils ? » on n'a plus le choix ! Adjectif !
.

Je vous réponds des mois après... veuillez m'en excuser.
Et bonjour à chacun de vous !

Ses yeux? ils sont marron : on peut y voir une ellipse : Ses yeux ? Il sont couleur de marron
Il me semble d'ailleurs que c'est précisément quand il y a eu souvent ce type de raccourci que le mot semble devenir adjectif.
Il n'en demeure pas moins qu'il y a une différence entre par exemple les adjectifs "bleu", "rouge", "noir", qui peuvent, eux, se substantiver, et les noms "marron", "mauve", "rose" qui eux, ont tendance, dans un processus inverse,  à s'adjectiver ou se sont adjectivés.

Autre remarque :
Par souci de clarté pour l'enseignement par exemple, je pense qu'il vaut mieux rester dans ce type de raisonnement.
Mais de façon plus générale, il est intéressant de noter que les limites entre la nature des mots sont parfois floues. Un participe passé peut devenir adjectif ou nom. etc.

J'avoue que je n'ai pas pris encore le temps de lire tous les messages.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

Re : Mots de couleur

Youpi, Ylou est revenue !

145

Re : Mots de couleur

Ouf !

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

146

Re : Mots de couleur

Bonsoir, Ylou.

Ylou a écrit:

Je vous réponds des mois après... veuillez m'en excuser.

C'est sans importance !

Ylou a écrit:

Ses yeux? ils sont marron : on peut y voir une ellipse : Ses yeux ? Il sont couleur de marron
Il me semble d'ailleurs que c'est précisément quand il y a eu souvent ce type de raccourci que le mot semble devenir adjectif.
Il n'en demeure pas moins qu'il y a une différence entre par exemple les adjectifs "bleu", "rouge", "noir", qui peuvent, eux, se substantiver, et les noms "marron", "mauve", "rose" qui eux, ont tendance, dans un processus inverse,  à s'adjectiver ou se sont adjectivés.

« Processus inverse » me paraît discutable : les adjectifs « marron », « mauve » et « rose » peuvent se substantiver exactement comme d'autres pour désigner des couleurs : le marron de ses yeux, le rose de tes joues, le mauve de cette fleur.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

147

Re : Mots de couleur

Ce que je voulais dire c'est qu'au départ, "rose", "mauve", "marron" ... sont des noms. Ils sont devenus des adjectif "à force".
Ensuite, d'accord avec vous, il peuvent à nouveau se substantiver mais avec le sens de couleur et d'ailleurs toujours au masculin.
La rose ---> une joue rose ---> le rose des joues

Bonjour à tous : heureuse de vous "revoir" Abel et Lévine!!!

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

148

Re : Mots de couleur

Aussi loin que l'on remonte, l'adjectif peut être employé comme nom.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

149 Dernière modification par Ylou (25-07-2020 06:39:26)

Re : Mots de couleur

Je relis progressivement et très attentivement les messages précédents.
Très intéressant Lévine, remarquable même; et merci beaucoup pour tout ce que vous nous apprenez.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

150

Re : Mots de couleur

Merci, mais prudence malgré tout, car j'opère sur des corpus réduits à la période que je connais le mieux (XIIème - première moitié du XIIIème), et pour laquelle je dispose de textes en nombre suffisant.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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