Lisez le vieux dictionnaire des onomatopées de Nodier plus explicite que le Cratyle de Platon pour apprendre à entendre, car il faut passer chez vous par une rééducation de l’écoute pour que vous n’entendiez pas avec le filtre de votre culture omnienvahissante.
Je vous fait spécialement pour vous, dont les tym Pan ! ne perçoivent pas la vibration de la consonne p du coup explosif dans la liste de mots déjà présentée, une liste pour entendre les ‘’cr’’ dont j’ai x fois parlé !
Quand la langue ‘’craque’’
Quand les hommes primitifs ont entendu craquer les branches mortes, leurs propres articulations ou leurs os lors de fractures, il est probable qu’ils ont inventé pour le communiquer des onomatopées du type crac, imitation vocale humaine du bruit de craquement perçu. Cette onomatopée est à l’origine en français du verbe craquer, mot imitant un bruit sec (choc, rupture) ou évoquant une chose brusque, de même que cric-crac, onomatopée exprimant le bruit soudain d'une chose qui se déchire. Ainsi le son cr s’inscrit dans nos mots comme un signal pour avertir qu’un objet est cassé ou peut casser.
Le dicton populaire affirme que « Tant va la cruche à l'eau, qu'à la fin elle se casse »; or la cruche, pour l’inconscient langagier collectif français, évoque un élément dont le mouvement dangereux (ch) produit (uc) la casse (cr), un constat qui correspond exactement au dicton mis en exergue. Ce risque de casse marque bien d’autres mots:
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écraser : casser, s'écrouler, crouler, écrabouiller : notion de casse.
crustacés : crevette, crabe, écrevisse: on les casse pour les manger (aucun lien étymologique et Krebs en allemand)
sucre : se casse (au marteau pour les pains) et l'on dit casser du sucre sur quelqu'un.
craie et crayon : instruments cassants.
la croûte de pain croustille et les crudités cassent sous la dent.
craquer, c'est s'effondrer psychologiquement. La cruauté fait craquer la victime. Le crétinisme casse l'intelligence. Cruche (sens figuré), crédule, cancre traduisent une fêlure de l'esprit ou de la raison.
Le cratère a fait craquer la croûte terrestre.
crapaud : dans l'ancienne Égypte, le crapaud était associé aux morts ; on en a découvert momifiés dans des tombeaux. Au Moyen Âge, le crapaud était avec le serpent l'attribut naturel du squelette. Le crapaud et le crapouillot sont les noms de mortiers dont les projections sont mortelles.
se creuser la tête, se casser la tête. Faire "cric", c'est casser les pieds.
criard, cri : qui casse les oreilles.
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Le dessin d’un objet cassé se réalise avec des traits brisés expliquant que le doublet ‘’cr’’ renvoie au schéma d'une ligne brisée, telle le dessin de la crête de coq, de la crête d’une montagne ou d’une crique brisant la ligne du rivage. Ce concept géométrique de ligne droite ''cassée'' se manifeste dans : créneau, cran, craquelé, crémaillère, crépu, crosse, crochet, croc, accroc, croix, croisement, entrecroisement, crispation, crampon, crucifix, s'accroupir, crapahuter, se recroqueviller, se racrapoter (belge), crevasse, échancrure, chancre…
L’enfant maîtrise le symbolique lors de ses premiers stades sensori-moteurs (cf Jean Piaget) avant le langage. Il réalise ses dessins en quelques lignes ou traits, en formant une caricature schématique du référent tel le dessin d’un arbre ou d’un bonhomme. Le créateur de mots en présence du référent en note de même les traits caractéristiques sous forme de lignes géométriques, une sorte de schème déjà relié dans une ou deux onomatopées à un son spécifique. Cette fois ce n'est plus avec la mine des crayons de couleur mais à partir de la palette du matériau sonore des onomatopées que l'homme primitif a créé ses premiers mots. Le schéma d’une ligne brisée fut ainsi relié au couple de phonèmes ‘’cr’’ initiant l’onomatopée ‘’crac’’.
b) Mourir? Plutôt crever !
Le bon sens du peuple dit aller au casse-pipe pour signifier qu’il va à la mort, étendant le cr de la casse à celui de la mort. Existerait-t-il un funèbre scripteur, messager de mort, dans la langue de l’inconscient ? Cette séquence littérale ‘’cr’’ signerait-elle de son empreinte mortelle le lexique français à notre total insu ?
Crever, n’est-ce pas mourir en argot, qui est souvent un banc d’essai des mots et des expressions. En argot crever se dit aussi crounir ou cracher son âme ou ses poumons, ce qu’hélas les français peuvent objectiver lors de l’épidémie de corona virus, le coVid 19!
Creuser une tombe, construire un sépulcre, une crypte funéraire, une nécropole a bien pour objectif d'y ensevelir des morts. La rubrique nécrologique, du grec nekros, mort, signale les décès. La nécropsie, examen des cadavres et le nécrophage qui se nourrit des morts confirment ce /cr/ de mort ou de ‘'crevaison'' selon un terme lacanien. La crémation avec ses fours crématoires consiste à brûler les morts.
Lorsque l’homme meurt, sa dépouille se décompose pour ne laisser qu’un squelette aux os qui craquent et sa tête se réduit à un crâne osseux.
Le crâne, la tête de ☠ est un symbole de mort ou de risque mortel.
L’employé des pompes funèbres se nomme un croque-mort et le morceau de tissu noir porté en signe de deuil au revers de la veste s’appelle un crêpe noir.
Sur les tombes se dressent des croix, deux lignes qui se croisent, signes de mort pour les non-croyants.Dans les langues romanes le mot croix issu du latin crux, crucis est toujours initié par /kr/ : croce italien, cruz espagnol, cruce roumain que l’on retrouve dans les langues anglo-saxonnes: cross en anglais, Kreuz en allemand, kruis en néerlandais. Dans cette liste de mots la seule partie invariante du signifiant est bien ce couple /kr/, une unité d’une langue jusqu’alors non consciente. Mais Lévine est sourd, sa science est un bouchon qui l’empêche d’entendre le même couple de phonèmes dans ces mots de langues différentes.
Ce qui est étonnant c’est que ce ''cr'' phonétique de mort est associé à la naissance du signe et du symbole. En effet lorsqu’on tue un homme, on signe son crime; avant de tuer une masse d’individus, le chef donne le signal du massacre et la police donne le signalement de la crapule apte à tuer. Se signer, c’est faire le signe de Croix. La signature se limite parfois à faire une croix.
Le couple de lettres ''cr'' est donc bien un symbole, auquel le français accroche signature, signalement, signal et signe. Le sacrifice religieux constitue un crime lorsqu'il n'est pas consentant. Se sacrifier pour la patrie c’est lui donner sa vie et en argot, ''crever'' la peau à quelqu'un, c'est le tuer. En grec ancien sem désigne à la fois signe et tombeau révélant que le signe est attaché de longue date à la mort. Depuis qu'homo a acquis un certain degré de conscience, la mort, qui signe la fin du livre de sa vie, lui pose chaque jour la question de son sens. Cette question est au centre des religions qui proposent une vie éternelle dans un autre Monde. La Croix du Christ crucifié est ainsi Signe à la fois de Mort et de Résurrection.
En France la fleur symbolique des morts n'est-elle pas depuis le milieu du XIXe siècle le chrysanthème qui fleurit les tombes à la Toussaint ? Cette tradition s'est répandue à l'Armistice de 1918 pour fleurir les tombes des soldats, puis a glissé du 11 novembre à la fête des morts du 2 novembre. L'association de cette fleur à la mort est assez universelle, même si le chrysanthème jaune est au contraire symbole d'immortalité en Orient. Issu du grec χρυσαν θεμον, fleur d'or, ce terme désignait l'immortelle dans la Rome antique.
Le crépuscule signe la mort du jour et parfois celui des Dieux avec un C majuscule. L’eau morte est dite croupie. La trompette de la mort, qui peut être celle qui annonce le Jugement dernier dans l’Apocalypse de St Jean, est aussi un champignon qui se nomme craterelle. Le point ou le jour critique signale le risque de bascule dans la mort. Les moribonds se nomment croulants, vieux croûtons ou décrépits. Mort de fatigue, on est recru ou crevé !
Le couple de consonnes /cr/, un submorphème est un idéophone signe de Mort !
En médecine l'inconscient collectif langagier nous invite à entendre des explications inédites : pour les allemands malade se traduit krank, mot où l'on remarque le couple littéral ''ak'' de l'action (der Akt) qui est cassée ou morte avec ''kr'' vérifient la théorie d’Henri Laborit affirmant que toutes nos maladies sont liées à l’inhibition de l’action; Ce ''kr'' allemand initie aussi Krebs, le cancer et Krieg, la guerre, dont la dernière fut un beau massacre avec des millions de personnes sacrifiées.
c) Un petit ‘’cr’’ bien français
La fonction de ce signe idéophonique cr se repère dans des expressions populaires françaises de la faim :
« avoir un petit creux, un creux à l'estomac, avoir les crocs, une crampe d'estomac, un ventre qui crie famine, crever de faim ou crever la dalle ».
Le langage populaire emploie cinq mots différents marqués par le submorphéme cr (creux, crampe, croc, crever, crie) pour signifier la fonction vitale de la faim. Manger est un impératif de survie et mourir de faim est fréquent : un meurt-de-faim (1690), un crève-la-faim (1877). À l'estomac vide, au creux physique, à la stimulation du centre de la faim du cerveau primitif humain, répond ce signal sonore ‘’cr’’ qui crie famine et qui fait crier : je la crève ! Et pour expulser ce cr de la faim, le mettre dehors,“out”, on casse la croûte (6ème mot initié par cr) avec le casse-croûte.
Le signe ‘’cr’’ s'est généralisé à des mots signalant des dangers de mort :
Les crocs symbolisent les prédateurs tels ceux du crocodile,
le crotale est craint pour son venin mortel.
La crue de la rivière peut être synonyme de dévastation et de mort.
Le criquet migrateur provoque la famine et la mort (la lutte antiacridienne).
Depuis le début de ce message une quarantaine de mots présentés sont porteurs de cette courte séquence signifiante ‘’cr'’ évocatrice de mort. Nous sommes contraints d’admettre que nous n’en avions pas jusqu’alors la moindre conscience. Devant l’évidence de notre ignorance, partagée par les linguistes et même par les psychanalystes, ne doit-on pas reconnaître ce petit signe comme une unité, un codon d’une langue inconnue qui est bien non consciente.
d) Les hors mort ou hors casse : ex-cr, a-cr
Ce doublet de consonnes cr de la mort ou de la casse, couple de phonèmes issu de l'onomatopée crac, se comporte comme un sémantème ou un idéophone du langage conscient avec la possibilité d’en changer le sens par des préfixes qui servent de syntaxe interne au mot : soit le "a" privatif grec, soit le "e" du latin ex, signifiant "hors de". Créer suppose souvent une casse ou une mort des idées reçues ou des principes établis.
écrire est une réflexion qui « brise la mort de l’esprit ». (La parole passe, les écrits restent)
écrêter, c’est enlever les niveaux supérieurs de la ligne brisée.
écran (ex-cr), paravent, protection contre la mort et la casse ; l’écrin préserve les bijoux.
Acropole, cité sans mort ou cité éternelle.
Sacré, esprit d’un immortel Savoir.
accroc, accrochage, anicroche : petits accidents, chocs, non mortels
Le paragraphe suivant démontrel’implication de l’inconscient dans de nombreuses expressions, souvent argotiques, pour désigner une petite mort inscrite à notre insu dans des mots de champs sémantiques divers.
e) Crac crac et petite mort
Quand le signifiant parle d’orgasme
Dans le domaine des mots croustillants ou crus des relations sexuelles, voici une liste d’expressions argotiques imagées où il faut entendre la petite mort annoncée (mourir de plaisir y est synonyme de jouir) que l’inconscient a introduit en le dissimulant à notre conscience dans le couple littéral «cr» qui semble résonner à nos oreilles depuis qu’Adam et Ève ont croqué la pomme.
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Faire crac-crac - Bivouaquer dans la crevasse - Sacrifier à Vénus ou consommer le sacrifice - Accrocher le wagon - Jouer du serre-croupière - Crapahuter le flemmard - Laminer l’écrevisse - Faire crier (maman) - S’accrocher au lustre - Tremper son sucre - Tirer sa crampe - Mettre le petit Jésus dans la crèche - Faire criquon criquette - Décrotter - Manger de la chair crue - Écraser son mégot dans le gigot - Faire une sieste crapuleuse - Arroser le cresson - S'escrimer avec une femme - Jouer de la croupe - Faire la lutte creuse— Décrasser les oreilles à Médor - Accrocher une femme - Remuer le croupion - Casser sa cruche - Cracher son plaisir ou son venin »
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Au total ces 26 expressions aux mots variés ont en commun le couple de consonnes ''cr'' associé à toute la gamme des voyelles, un couple qui signale la ''petite mort'' connue d'Adam quand il croqua le fruit défendu qu'Ève tentatrice lui tendait. L'origine inconsciente de ce marquage est évidente et pourtant les psychanalystes, qui repèrent avec outrance le caractère sexuel de nombreux vocables, n'ont pas remarqué cette séquence signifiante ''cr'' qui se répète et insiste, une caractéristique du langage de l'inconscient comme le soulignait Lacan. Le sexe féminin (dissimulé par Lacan sur la toile de la Naissance du monde de Courbet) est appelé parfois ''la porte secrète'', le ''petit-creux-à-se-faire-du-bien'', la craque (canadien) ou la petite cramouille (Jean Genet),
Derrière le ''crac crac'' publicitaire de la biscotte (que l’on peut tremper comme le biscuit!), derrière ce langage fleuri mais peu poétique de métaphores, résonne, à notre insu, une petite mort annoncée, que l’on peut qualifier croustillante avec ''ot'' pour évoquer le saut et ''ille'' la pénétration ! La croqueuse craquante est bien ''mâle'' croquée !
Sans doute que Lévine connaît les risques du cresson cru qui depuis l’Antiquité transmet fasciola hepatica, l’agent de la douve dont la léthalité était supérieure à celle des coronas.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme !