@ Lévine
D’abord merci d’estimer que mon exclusion ne serait pas justifiée ! Vous m’avez même fait sourire quand vous faites un lien entre les témoignages enthousiastes de certains professeurs de français sur mes recherches et la défaillance de leur conditionnement.
Par contre le votre est extraordinairement intense et j’en suis fort étonné.
Sans la moindre impertinence, je crois que vous devriez relire le Cours de Linguistique Générale des élèves de Saussure qui est sans équivoque sur l’arbitraire du signe : « Au contraire de toutes les institutions qui sont toutes fondées, à des degrés divers, sur les rapports naturels des choses, la langue est une construction parfaitement arbitraire amenant l’association d’une idée quelconque avec une suite quelconque de sons ». Et relire ne doit pas alimenter le dé-lire. En médecine le délire d’un psychopathe est souvent très logique, mais à partir de prémisses erronées ce que fait Saussure. Relisez calmement cette proposition saussurienne et revenez les pieds sur terre en quittant un moment votre bulle intellectuelle, ce qui semble une entreprise jusqu’alors impossible pour vous. Saussure a également élargi sa définition de la langue aux mots avec un signifiant arbitraire sans lien motivé avec le signifié, ni avec le référent auquel il ne serait lié que par convention tacite. Si un enfant déclare qu’il a vu ou entendu un coin-coin, un mot onomatopéique, vous suivez donc Saussure qui déclare que ce ‘’coin coin’’ est une suite quelconque de sons qui conduit à une idée quelconque sans rapport naturel avec la chose, ici le canard ! Je crois rêver ! Revenez sur terre. !
De même si je déclare : « ah ! que les roses de ce tableau de Gauguin s’harmonisent avec ses verts pâles » , le mot rose désignant la couleur issu du nom de la fleur n’aurait strictement aucun rapport naturel avec la rose tout comme la couleur orange n’aurait aucun rapport naturel avec le fruit qui lui a cédé son nom. Vous êtes sûr de cette ineptie de l’arbitraire ! Non, même consciemment les signifiants peuvent avoir un lien naturel parfaitement motivé par notre perception du référent. « C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas » s’indignait Victor Hugo.
Comme celle de Saussure la comparaison avec le jeu est un échec qui met votre raison mat. Un cavalier est une variété de pion qui n’a rien d’arbitraire, mais est une représentation symbolique d’un cheval et dont le déplacement rappelle les sauts de cet animal ! Les règles de déplacement des pièces sur l’échiquier dépendent bien d’une convention préalable tout comme l’ordre des mots dans la phrase selon les langues mais les pièces comme les mots n’ont rien d’arbitraire ! On peut permuter les signifiants dans le système de la langue selon vous, mais si je remplace le cavalier par une tour (la perception de leur forme est l’équivalent d’un signifiant graphique) vous ne m’accuserez pas de tricher ? L’arbitraire saussurien relève d’une tricherie intellectuelle, d’une illusion d’intellectuel enfermé dans son langage savant, que vous avez gobée comme nombre d’intellos qui planent ! Un oiseau chante et l’enfant déclare :papa, écoute le cui-cui. S’il avait dit : « j’entends des ouafs ouafs » comme vous le proposez sans vergogne, je me poserais quelque question sur l’intégrité de son audition ou de ses facultés cérébrales ! Non, non et non il ne peut pas remplacer cui-cui par ouaf ouaf parce que ces signifiants sont liés au référent et au signifié par un lien mimétique naturel !
À lire Saussure le signifiant est assimilable au signifié dans les onomatopées, ils se confondent. Mais bien sûr ! L’enfant se pique le doigt et crie ‘’Aïe’’. Je regrette, mais le stimulus que perçoit son cerveau qui pour moi est le véritable référent est une sensation désagréable que son expérience relie à la douleur qui est le signifié provoquant le cri onomatopéique aïe qui est le signifiant quand il a été conditionné par sa langue maternelle ou /au/ si c’est un enfant allemand. Confondre le percept douloureux avec l’émission du cri est une ineptie biologique qui témoigne de l’ignorance des stimuli nociceptifs et de la physiologie algique.
Quand durant la guerre on assistait aux funérailles d’un aïeul dont la dépouille mortelle couverte d’une gerbe de glaïeuls partait pour un Ailleurs parce qu’il s’était fait zigouiller sur le champ de bataille ou lors d’une patrouille par un coup de baïonnette ou une rafale de mitraillette, je suis sûr que vous n’entendez plus les vestiges de cris de douleurs inscrits dans ces signifiants. Si je les ai entendus, c’est que lorsqu’on a été médecin de famille pendant 40 ans et que l’on prend le soin d’écouter es patients, on ne peut qu’être sensible à la répétition de ces cris étouffés que l’on pourrait résumer en une chanson : Ah mon Dieu que la dépouille des ouailles dérouille : « Docteur, j’ai les genoux rouillés, la tête qui s’embrouille, je m’sens vasouillard, la voix éraillée, la vue qui se br...ouille, dans mon ventre ça gargouille, ça ‘’grevouille’’, et ma gorge qui gratte ‘’ouille’’, je crache ‘’ouille’’ des graillons, je tousse ‘’aille’’, me sens défaillir, ça me tire ‘’aille’’, j’ai un caillou sans un rein, un caillot dans la jambe, je suis mouillé de chaud, bouillant de fièvre, sans oublier la grand-mère qui déraille, et le grand-père qui se souille ! Autant se jeter tout de suite à la baille, boire un dernier bouillon ou alors se tailler les veines. »
L’onomatopée ’’aïe’’ résonne comme un cri, un signal de douleur ou de risque de douleur. Et il existe des centaines de mots où il est inutile d’interpréter pour comprendre que les mots servent aussi à signaler ce risque douloureux : nombre de nos objets usuels vous le crient sans que vous daigniez l’entendre : cisailles, maillet, taille-haie, quenouille, bouilloire et bouillotte voire eau bouillante, douille électrique, paille de fer. Vous n’avez sans doute jamais soigné quelqu’un qui s’est fait une entaille nécessitant une suture, qui s’est coincé les doigts dans le portail, a reçu un caillou sur le gros orteil ou un enfant qui s’est écrasé un doigt dans le hayon arrière de la voiture familiale faisant sortir l’ongle de son lit ! Les entreprises aléatoires avec risque de déception et/ou de souffrance affective n’échappent pas à ce marquage: les semailles, les fiançailles, les retrouvailles et plus anciennement les accordailles et les épousailles, etc etc. Henri de Montherlant qui n’était pas un linguiste mais qui percevait mieux qu’eux le sens derière le son des mots affirmait : « les émotions sont dans nos mots comme des oiseaux empaillés ».
Mais « aïe » est une onomatopée qui n’est pas transcrite telle quelle, comme « ouille » dans nos mots usuels. Pourtant, même quand la phonétique joue encore le rôle premier, vous restez sourd ! Toute onomatopée est un mot construit d’au moins deux unités de la langue de l’inconscient. Le relai des cris dans l’histoire du langage doit d’abord être entendu dans les interjections : ah, hé, hihi, oh, hue qui déclinent toute la gamme des voyelles et sont dominées par une sémantique émotive. Quand on éprouve une douleur aiguë le cri est un exutoire et la voyelle ouverte dans toutes les langues permet d’émettre les sons les plus intenses: Ah ! Puis si la douleur est forte, on contracte sa mâchoire inférieure et l’on passe d’une voyelle ouverte à une voyelle fermée, du a au i , du a au u en allemand, du ou au i .... Rien d’arbitraire dans ce processus biologique. Si le français a ajouté un yod, une semi-consonne palatale écrit ‘’ill’’, c’est pour ajouter deux notions inconscientes : pénétration/renversement telle la douleur transfixiante d’une perforation d’un ulcus gastro-duodénal et je vous fais grâce d’une liste de mots qui en apportent la démonstration, cela torpillerait, bousillerait, fusillerait et ferait vaciller votre raisonnement saussurien.
Bref l’arbitraire n’existe pas, tout est motivé dans la langue et ses mots.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme !