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forum abclf » Réflexions linguistiques » Objet devenant sujet

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Messages [ 1 à 50 sur 118 ]

Sujet : Objet devenant sujet

Que pensez-vous de cette tournure employée dans un commentaire sur Arte « La cathédrale de Metz mit trois cents ans à être construite » ? Pour moi, c'est une simplification abusive qui consiste à placer l'objet en position de sujet. Il fallait écrire, puisque ces commentaires sont écrits : on mit trois cents ans à construire la cathédrale de Metz.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : Objet devenant sujet

Et si "mettre à" a le sens passif d'attendre ? Si c'est le résultat qui intéresse et non l'action, une telle construction est possible.

Elle a mis deux heures à être rendue présentable [par sa coiffeuse]

Surtout si ce sont d'autres qui attendent que la cathédrale soit construite ou que la coiffure de la dame ressemble enfin à quelque chose.

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Re : Objet devenant sujet

Elle a mis deux heures à être rendue présentable ne me plaît pas non plus. Je préfère : Il a fallu deux heures pour qu'elle soit rendue présentable, ou autre formule équivalente. À mon avis, la formule « elle a mis » doit se référer à un sujet actif, comme dans : elle a mis deux heures à se rendre présentable.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

4

Re : Objet devenant sujet

Mettre un certain temps pour accomplir une tâche, c'est avoir besoin d'un certain temps. C'est celui qui fait l'action qui a besoin d'un certain temps, pas celui qui la subit.
Elle a mis deux heures à être rendue présentable n'est pas une phrase que je trouve naturelle on dira : Elle a mis deux heures à se rendre présentable, même si ce n'est pas elle qui s'habille, se coiffe, se maquille.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : Objet devenant sujet

Merci, Ylou, je vis que vous abondez dans mon sens.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : Objet devenant sujet

Alco a écrit:

Que pensez-vous de cette tournure employée dans un commentaire sur Arte « La cathédrale de Metz mit trois cents ans à être construite » ? Pour moi, c'est une simplification abusive qui consiste à placer l'objet en position de sujet. Il fallait écrire, puisque ces commentaires sont écrits : on mit trois cents ans à construire la cathédrale de Metz.

C'est un effet de style : il met en valeur le thème du propos, la cathédrale de Metz. Pleins feux sur la cathédrale ! Un effet que l'on n'obtient pas avec votre correction : si la grammaire y gagne, le sens y perd.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

7

Re : Objet devenant sujet

Oui Alco.
Je trouve vraiment la formule bancale. Il y a d'autres façons de mettre "pleins feux" (hou là là!...) sur la cathédrale.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

8 Dernière modification par Alco (04-10-2019 12:54:59)

Re : Objet devenant sujet

Réponse à P'titprof : Eh oui, le français n'a pas la souplesse du breton, qui met l'élément important en tête de phrase, quel qu'il soit, et sans maltraiter la grammaire.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

9

Re : Objet devenant sujet

Pour Ylou, cette fois-ci : la cathédrale de Metz a nécessité trois cents ans pour être construite.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Objet devenant sujet

Je n'aime pas non plus big_smile !
Ce n'est pas la cathédrale qui a nécessité trois cents ans mais sa construction.
La construction de la cathédrale de Metz a nécessité trois cents ans.

Et si on veut mettre le focus sur la cathédrale tout en conservant l'idée de longueur de la durée :
La cathédrale de Metz a été construite en rien moins que trois cents ans.
Pour que la cathédrale de Metz soit finalement achevée, il a fallu trois cents ans.
La cathédrale de Metz ? ce fut quand même trois cents ans de construction.

La cathédrale de Metz est le résultat extraordinaire de trois cents ans de construction.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

11 Dernière modification par Nolwenn (04-10-2019 13:12:49)

Re : Objet devenant sujet

La phrase ne me semble pas très réussie, pourtant elle ressemble à la formule fréquente du type "Ce projet a mis du temps à /pour". Peut-être est-ce à cause du passif? "La cathédrale a mis trois cents ans à prendre sa forme définitive" ?

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Re : Objet devenant sujet

Oui Nolwenn, mais dans vos phrases "mettre du temps à " est suivi d'une forme active, ce qui change tout.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

13 Dernière modification par Abel Boyer (04-10-2019 13:21:53)

Re : Objet devenant sujet

Alco a écrit:

Que pensez-vous de cette tournure employée dans un commentaire sur Arte « La cathédrale de Metz mit trois cents ans à être construite » ?

Comme plusieurs l'ont dit, la tournure passive me semble, sinon incompatible, du moins peu habituelle ni harmonieuse avec "se mit à".
À la limite, je verrais... d'une oreille plus favorable : « La cathédrale de Metz mit trois cents ans à se construire », où le sens passif est déguisé sous un masque pronominal actif.

Notons dans le fil voisin cette phrase :
Rosmalen, hoirie d'un obscur baron brabantais du haut moyen-âge, finit, au vingtième siècle, par être rattachée à sa voisine Bois-le-Duc.
qui aurait pu être aussi:
Rosmalen, hoirie d'un obscur baron brabantais du haut moyen-âge, mit plusieurs siècles pour être rattachée à sa voisine.

Ça me semble moins choquant que la phrase initiale du présent fil. Et si c'était aussi un problème de préposition. Comparons :
« La cathédrale de Metz mit trois cents ans à être construite » ?
et
« La cathédrale de Metz mit trois cents ans pour être construite » ?
La seconde passe beaucoup mieux pour moi que la première.

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Re : Objet devenant sujet

A comparer, les résultats de recherche de "ce projet a mis du temps à" , "ce projet a mis du temps pour", "ce projet a mis du temps à être"...

La phrase avec pour me semble bien mieux aussi.

Re : Objet devenant sujet

Alco a écrit:

Réponse à P'titprof : Eh oui, le français n'a pas la souplesse du breton, qui met l'élément important en tête de phrase, quel qu'il soit, et sans maltraiter la grammaire.

Ni celle du grec, ni celle du latin... ni celle de l'allemand.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

16 Dernière modification par éponymie (04-10-2019 17:39:05)

Re : Objet devenant sujet

Alco a écrit:

Elle a mis deux heures à être rendue présentable ne me plaît pas non plus. Je préfère  [ ... ]

C'est un sujet sur ce que vous voulez lire ou entendre ou sur la correction d'une construction (ce qu'elle permet d'exprimer) ?

Pioché sur la toile :

Pour vous donner un exemple tout bête, un jour on a mis deux heures à être servies ma compagne et moi dans un resto français, en Dordogne, [ ... ]

source

La première cuve de 1 000 litres a mis une heure à être remplie car une des pompes fonctionnait mal.

source

Notre expérience a bien démarrée mais nous sommes tombés en panne il pleuvait et on a mis une heure à être dépanné

source

ce message a mis trois heures à être écrit

source

Dans tous ces exemples (sauf peut-être le dernier), un temps de réalisation perçu comme trop long.

Ylou a écrit:

Mettre un certain temps pour accomplir une tâche, c'est avoir besoin d'un certain temps. C'est celui qui fait l'action qui a besoin d'un certain temps, pas celui qui la subit.

Z'êtes une terroriste : cette construction peut, bien entendu, permettre d'exprimer la nécessité d'avoir du temps à disposition, mais elle sert aussi à dire que le temps a été long. Voire inutilement long, vous ne voulez donc pas qu'elle soit utilisée ainsi ? Heureusement, on fait sans vous lol

Ylou a écrit:

Elle a mis deux heures à être rendue présentable n'est pas une phrase que je trouve naturelle on dira : Elle a mis deux heures à se rendre présentable, même si ce n'est pas elle qui s'habille, se coiffe, se maquille.

La nature en langue, c'est l'habitude, il fut un temps où on le disait e redisait sur ce forum, vos habitudes ne sont pas celles d'autres. Voir les exemples ci-dessus.

Re : Objet devenant sujet

Je ne mets pas tous les liens mais les exemples se récoltent à la pelle :

la fusion d'AOL/ Time Warner a mis un an à être validée

L'étape suivante est la distillation : importé d'Allemagne, l'alambic a mis un an à être installé.

le permis de construire, qui a mis un an à être instruit,

La mosaïque a mis un an à être construite, 6 mois pour créer les tesselles et 6 mois pour les assembler.

L'affaire a mis dix ans à être jugée devant le tribunal correctionnel.

Pokémon Go, ce jeu qui a mis dix ans à être développé, a conquis le monde entier.

Le Système Voiture a mis un siècle à être mis en place (législation, routes, autoroutes, économies du carburant, des garages de réparation),

L'amiante a mis un siècle à être interdite, alors que la première alerte concernant ce matériau remonte à 1896.

développant ainsi un système de drainage qui a mis cinq siècles à être perfectionné.

Cette robe a mis huit mois à être confectionnée.

Le gouvernement explique aujourd'hui qu'à l'époque le décret a mis neuf mois à être publié

Le plastique, apparu en 1900, a mis cinquante ans à être apprivoisé.

Quand l'on sait que certains écrits de Edith Wharton ont mis cinquante ans à être traduits, il est permis d'espérer

L'amusant de l'histoire est qu'à tous les coups on trouve, il suffit de changer la durée.

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Re : Objet devenant sujet

Si vous cherchez vos modèles sur Internet, vous êtes sûr de collecter une majorité de constructions fautives. Il faudrait voir du côté des bons auteurs.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

19 Dernière modification par glop (05-10-2019 08:02:24)

Re : Objet devenant sujet

L’expression proposée m'en rappelle une autre bien connue "Paris ne s’est pas fait en un jour" pouquoi décortiquer une expression du langage parlé?
Cette forme passive me semble suggérer que la cathédrale préexistait dans l’esprit de ses constructeurs.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

20 Dernière modification par éponymie (04-10-2019 18:50:15)

Re : Objet devenant sujet

Alco a écrit:

Si vous cherchez vos modèles sur Internet, vous êtes sûr de collecter une majorité de constructions fautives. Il faudrait voir du côté des bons auteurs.

Ces constructions ne sont pas fautives, elles permettent toutes d'exprimer un concept bien précis : un temps exagérément long pour arriver à un résultat.

Un objet ou une personne sujet/patient (et non agent) de l'expression "mettre à" complété par un infinitif passé avec l'auxiliaire être : tout ceci est bien la manière la plus simple et la plus efficace d'exprimer un résultat long à obtenir pour le locuteur qui n'en peut mais. Qui fait l'action ne l'intéresse pas, il veut voir, ou il a voulu voir, quelque chose ou quelqu'un dans un état donné et met l'accent sur le temps de réalisation.

un médecin qui passe en deuxième année de médecine mettra dix ans à être formé, exercera son métier pendant au moins un demi-siècle et n'ira pas nécessairement pratiquer dans les déserts médicaux !

On dit souvent qu'une bonne idée met dix ans à être appliquée.

Une information véridique met deux heures à être certifiée.

Je ne vois pas pourquoi je devrais vous suivre dans la quête de "bons auteurs" qui, j'imagine, utilisent un registre au minimum un tout petit peu plus que celui courant dont vous ne me ferez pas croire que vous n'usez pas.

Alco a écrit:

Pour moi, c'est une simplification abusive qui consiste à placer l'objet en position de sujet.

C'est simple, sans être simpliste, cela n'a absolument rien d'abusif. Diriez-vous pour l'exemple de glop que faire  du patient Paris le sujet de la construction passive "se faire" est abusif ? Toutes les constructions porteuses d'une manière ou d'un autre d'un sens passif ont l'objet en position de sujet.

Vous rejetez une construction parmi d'autres - celle qui emploie l'expression verbale "mettre à", dans votre esprit toujours de sens actif (il me semble que c'est bien là qu'est le problème) - au nom de quoi d'autre sinon de votre vision de la langue que vous défendez au nom d'un bon usage et en vous appuyant sur de bons auteurs mais que vous imposez sans arguments convaincants.

P.S.: de quand datent vos bons auteurs ? Quels bons auteurs de quel siècle n'ont jamais un jour ou l'autre été rebuté par de bons usages précédents et n'ont jamais innové ni sacrifié aux usages de leur époque ?

L'imposant rapport déposé par la commission (110 articles, plus de 400 pages) mit un an à être imprimé.

L'auteur de cette phrase est une contemporaine, docteur en Philosophie et Lettres, licenciée en histoire et agrégée de l'enseignement secondaire supérieur. Je ne sais pas si c'est un bon auteur mais je me vois mal aller lui donner des leçons d'écriture.

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Re : Objet devenant sujet

Abel Boyer a écrit:

Notons dans le fil voisin cette phrase :
Rosmalen, hoirie d'un obscur baron brabantais du haut moyen-âge, finit, au vingtième siècle, par être rattachée à sa voisine Bois-le-Duc.
qui aurait pu être aussi:
Rosmalen, hoirie d'un obscur baron brabantais du haut moyen-âge, mit plusieurs siècles pour être rattachée à sa voisine.

Ça me semble moins choquant que la phrase initiale du présent fil. Et si c'était aussi un problème de préposition. Comparons :
« La cathédrale de Metz mit trois cents ans à être construite » ?
et
« La cathédrale de Metz mit trois cents ans pour être construite » ?
La seconde passe beaucoup mieux pour moi que la première.

Non, pas pour moi. « Finit par être rattachée à sa voisine » ne peut pas être remplacé par « mit plusieurs siècles pour être rattachée à sa voisine ». L'objet peut finir par être rattaché, par être détruit, ou plus simplement finir rattaché ou détruit. Il ne peut pas, en tant qu'objet, mettre un certain temps à (un petit salut à Fernand Raynaud et à son fût de canon au passage) à faire quelque chose.
Le TLFI, malgré l'annonce « mettre des siècles à se faire, à se défaire » ne donne que des exemples personnels, sauf la construction avec ça, que je mettrais un peu à part :

Le divin Léonard mit quatre ans à faire ce portrait [la Joconde], qu'il ne pouvait se décider à quitter, et qu'il ne considéra jamais comme fini (Gautier,Guide Louvre,1872, p.27).Quarante-deux mille francs en billets de banque. Ils mirent deux bonnes heures pour additionner tout cela (Zola,Ventre Paris,1873, p.650):
4. C'est une manoeuvre, ça! Ils n'ont pas mis deux minutes à mouiller le canot. Et c'est vrai que le plus beau et le plus difficile c'est de larguer toutes les amarres d'une même longueur et en même temps, le plus vite possible, en douceur cependant, de façon à bien prendre l'eau. Mille,Barnavaux,1908, p.89.
♦ [En tournure impers.] L'eau pousse... les étangs supérieurs donnent si fort que ça mettra du temps à passer (Genevoix,Raboliot,1925, p.8).

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : Objet devenant sujet

éponymie a écrit:

L'auteur de cette phrase est une contemporaine, docteur en Philosophie et Lettres, licenciée en histoire et agrégée de l'enseignement secondaire supérieur. Je ne sais pas si c'est un bon auteur mais je me vois mal aller lui donner des leçons d'écriture.

Sincèrement, moi non plus. Alors disons que je suis peut-être un peu trop rigoureux face à une facilité de langage.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : Objet devenant sujet

Alco a écrit:

Alors disons que je suis peut-être un peu trop rigoureux face à une facilité de langage.

Je croyais savoir que l'économie - comme toute économie qui se respecte - de la langue était justement d'obtenir le meilleur résultat avec le minimum de moyen. Quitte à recourir à l'acribie et à des structures plus élaborées si les résultats pâtissent ou risquent de pâtir de moyens trop limités pour ce qu'il faut exprimer.

Ce n'est pas une facilité, c'est une manière géniale de traiter simplement un problème courant. Dire qu'il semble avoir mis tant de temps à être régulièrement employé smile (j'ai cherché rapidement et trouvé des usages au début du XXe siècle).

Re : Objet devenant sujet

Qu'est-ce qu'un bon auteur ?  Celui qui respecte le bon usage.
Qu'est-ce que le bon usage ? L'usage des bons auteurs...
Nous voilà bien avancés !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Objet devenant sujet

Cela a peut-être déjà été dit, mais ce qui me choque un peu dans la phrase initiale, c'est le verbe "mettre" associé à un sujet non animé. Une cathédrale ne consacre pas du temps à sa construction.
Mais si l'on trouve cette tournure en abondance sur la Toile, c'est parce qu'elle est bien commode.
Une langue a déclinaisons peut aisément mettre l'objet en tête d'une phrase déclarative, pas le français.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Objet devenant sujet

Lévine a écrit:

Cela a peut-être déjà été dit, mais ce qui me choque un peu dans la phrase initiale, c'est le verbe "mettre" associé à un sujet non animé. Une cathédrale ne consacre pas du temps à sa construction.

Idem pour le pantalon dans "ce pantalon se lave bien". C'est l'inanimé qui fait que la phrase est de sens passif. Rien de nouveau.

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Re : Objet devenant sujet

Il a attendu dix ans avant d'être régulièrement employé me paraît plus juste que il a mis dix ans à être régulièrement employé.
Je suis un locuteur parmi d'autres, ce n'est une découverte pour personne, même pas pour moi... mais c'est précisément pour cela que ce que j'entends et comprends peut avoir, peut-être, un petit peu d'intérêt.
Comme le dit Lévine,  le verbe "mettre" associé à un sujet non animé me gêne, que ce soit dans la bouche ou sous la plume de quiconque. Me gêne, sans plus, pas plus (moins big_smile] que ne me gêne par exemple La situation n'est pas prête de changer ou le fameux [kɑ̃ja] qu'on peut entendre ici ou là dans les média.
Comme me paraît fausse aussi, par exemple, la façon d'employer "se voir" :
Le terrain de football s'est vu inonder par la crue du ruisseau
Pour moi -rien que pour moi?- mettre... à  est une formule qui convient à un animé et à une forme active, "se voir" à un animé seulement.
Il est possible d'en discuter non? Sans être taxé d'étroitesse d'esprit ou de désir de formater la langue.
On peut très bien avoir une approche descriptive de la langue, observer son fonctionnement, ses évolutions,  avec intérêt (il se peut qu'un jour, pourquoi pas, près et prête fusionnent et que  [kɑ̃ja] devienne une conjonction de subordination au même titre que pendant que  ou lorsque) et essayer de la respecter dans sa forme actuelle. Ces deux attitudes ne sont pas contradictoires mais complémentaires.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : Objet devenant sujet

Qu'est-ce que c'est  [kɑ̃ja] ?

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : Objet devenant sujet

C'est de la même famille que [paskəja]

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

30 Dernière modification par éponymie (05-10-2019 09:51:49)

Re : Objet devenant sujet

Ylou a écrit:

Pour moi -rien que pour moi?- mettre... à  est une formule qui convient à un animé et à une forme active,

Parce que "elle met à chaque fois deux heures à se faire coiffer" est une forme active ? On peut aussi en discuter, le patient patiente probablement patiemment et volontairement (que dire de ceux qui attendent et le disent ?) mais il y a certainement des cas où la situation est subie du tout au tout... "Mettre" durée "à" a toujours été porteur de cette idée de temps subi donc potentiellement utile pour une forme passive.

L'expression "mettre" durée "à être" participe passé a aussi l'avantage de nous libérer du sens, elle traduit à elle seule une forme passive. Ce qui n'est pas le cas avec "Paul se lave bien"/"Ce pantalon se lave bien".

Quant à se voir, le verbe implique une passivité du sujet au contraire de regarder, sa forme pronominale est une forme passive à plus forte raison donc que d'autre verbes. Effectivement, l'emploi avec un sujet inanimé choque plus, mais, mais, mais...

L'endroit a vu passer nombre de huguenots, protestants français en exil, qui se dirigeaient vers Genève, au 16e siècle.

Là aussi, les exemples abondent (certainement, et bien plus qu'avec le verbe mettre dont traite ce fil, chez les bons auteurs aussi). Cet endroit qui a vu passer bien des gens (qui ne faisaient rien d'autre que passer et le laissaient tranquille) peut aussi s'être vu saccagé par des malotrus. Dans ce cas aussi, il va être difficile de protester. Je reconnais que parler de facilité de langage est ici plus adapté quoique cela reste parfaitement subjectif et arbitraire de ma part.

Ylou a écrit:

Il est possible d'en discuter non? Sans être taxé d'étroitesse d'esprit ou de désir de formater la langue.

C'est comme pour entrer dans un métro bondé, il faut parfois toute la délicatesse d'un éléphant. Les certitudes énoncées dans la première page méritaient d'être relativisées. Et les préceptes et préjugés liés au bon usage sont durs à combattre. Parler d'étroitesse d'esprit, non, de désir de formater  la langue (abusivement, car il faut bien qu'elle soit formatée sous peine d'être réduite à dialecte aurait pu dire un membre évaporé d'ABC), si, regardez l'abondance de reformulations de cette malheureuse phrase, il s'aqit bien d'une construction rejetée de votre part, donc d'un formatage (abusif, précisons donc, puisqu'il le faut, selon moi) de la langue.

La discussion ne m'a jamais fait peur, avec moi vous discutez, avec Alco, vous n'aviez pas de discussion puisque vous vous confortiez l'un l'autre dans votre opinion (relisez la première page).

Je suis d'accord sur le fait qu'une langue doive être bien traitée, comme je ne voudrais pas d'un marteau qui se démanche, elle doit pouvoir continuer à jouer son rôle d'outil de communication précis quand la précision chirurgicale est nécessaire ou quand elle doit traduire les nuances de la pensée.

La confusion près de/prêt à est un attentat à cette précision (il n'est pas près de partir peut indiquer que l'idée ne l'effleure pas, il n'est pas prêt à partir peut indiquer qu'il en a toute l'intention mais qu'il n'est pas dans les conditions de le faire), l'usage relativement récent de mettre à pour une forme passive ne l'est pas. Il ne fait que changer certaines habitudes et bousculer le "naturel" de la langue pour certains. Mais il est effectivement possible que la confusion près/prêt se généralise, ce n'est pas la première fois que ce genre de chose se produit.

Quant au quand ya, je ne vois pas comment il pourrait devenir conjonction : les [kɑ̃japa], [kɑ̃japy], [kɑ̃jora], [kɑ̃jorapy], etc. devraient éviter le phénomène.

31

Re : Objet devenant sujet

Oui, bon, j'admets que mes exemples auraient pu être mieux choisis.
Non mais : bien intéressant de pouvoir exposer des façons de voir différentes!

Elle met beaucoup de temps à apprendre sa leçon.
Je cherche un équivalent :
Elle est lente à apprendre sa leçon

Elle est lente à être maquillée/prête.
Me paraît acceptable parce que le PP a une valeur d'adjectif

Elle met beaucoup de temps à/pour être maquillée par cette esthéticienne.
Elle est lente à/pour être maquillés par cette esthéticienne.

Ne me paraissent pas acceptables (même en changeant de préposition) : on a une infinitive de forme passive.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : Objet devenant sujet

Je pense que l’essentiel a été dit par Ylou dans son premier post (#4) :

Ylou a écrit:

C'est celui qui fait l'action qui a besoin d'un certain temps, pas celui qui la subit.

De fait, Les ouvriers ont mis trois cents à construire la cathédrale ne peut pas donner *La cathédrale a été mise trois cents à construire (par les ouvriers).

Alors qu'on peut bien sûr avoir des choses du type : On boit le café chaud > Le café se boit chaud / Le café est bu chaud.

Le problème vient en effet que cette cathédrale est COD de construire et non de mettre trois cents ans à construire, et à défaut de pouvoir passifier mettre X ans à, c’est « logiquement » le verbe qui régit le COD-cathédrale que l’on met au passif.

C’est donc une question de fonction grammaticale et non de sujet animé vs non animé, puisque une phrase comme ci-dessous coince de la même façon que celle proposée par Alco :
Les médecins ont mis dix ans à rétablir / à guérir ce malade.
Ce malade a mis dix ans à être rétabli / à être guéri (par les médecins).

On pourrait avoir Ce malade a mis dix à se rétablir / à guérir, mais on ne dirait pas la même chose.

Toutefois, ça coince nettement moins avec mettre du temps à / pour qu’avec des structures presque équivalentes comme par exemple mettre la main à la pâte ou mettre beaucoup d’énergie :

Les ouvriers ont mis trois cents ans à construire cette cathédrale.
?? Cette cathédrale a mis trois cents à être construite (par les ouvriers).

Les bénévoles ont mis la main à la pâte pour construire cette cathédrale
*Cette cathédrale a mis la main à la pâte pour être construite (par les bénévoles).

Les ouvriers ont mis beaucoup d’énergie pour / à construire cette cathédrale
*Cette cathédrale a mis beaucoup d’énergie pour / à être construite (par les ouvriers).

Et pour cause, puisque si la cathédrale peut mettre du temps à faire quelque chose, en revanche, elle ne peut ni mettre la main à la pâte, ni mettre beaucoup d’énergie. C’est donc vraisemblablement le fait qu’elle puisse mettre du temps à faire qq chose qui « brouille » les pistes et rend – au moins pour certains locuteurs – acceptables les phrases du type de celles données ci-dessus.

C’est ainsi qu’a contrario un énoncé comme La cathédrale a mis trois cents ans à se construire devrait en principe être accepté sans difficulté, puisqu’on peut avoir :
La cathédrale n’a pas mis longtemps à s’effondrer.
La cathédrale s’est construite en X ans.


(Mais mon petit doigt me souffle que cet énoncé ne devrait guère agréer à Dame Ylou (mon petit doigt se la pète quand il cause) ; mon petit doigt se trompe-t-il ?)

Re : Objet devenant sujet

Ek@t a écrit:

Je pense que l’essentiel a été dit par Ylou dans son premier post (#4) :

Ylou a écrit:

C'est celui qui fait l'action qui a besoin d'un certain temps, pas celui qui la subit.

De fait, Les ouvriers ont mis trois cents à construire la cathédrale ne peut pas donner *La cathédrale a été mise trois cents à construire (par les ouvriers).

Alors qu'on peut bien sûr avoir des choses du type : On boit le café chaud > Le café se boit chaud / Le café est bu chaud.

Le problème vient en effet que cette cathédrale est COD de construire et non de mettre trois cents ans à construire, et à défaut de pouvoir passifier mettre X ans à, c’est « logiquement » le verbe qui régit le COD-cathédrale que l’on met au passif.

Attention, déjà en lisant le dernier message de Ylou, je me disais qu'il faudrait repréciser la notion de forme passive. Une forme passive est une construction dont le patient est sujet mais ce n'est pas la construction de la voix passive pour laquelle le patient est COD de la voix active correspondante.

C'est bien justement parce que le patient (celui qui, d'une manière ou d'une autre, subit l'action) n'est pas toujours COD dans les "formes actives" que l'on s'ingénie à fabriquer toutes sortes de formes passives correspondantes. Le patient-COD de la voix active passe en position de sujet dans la voix active et dans la forme passive pronominale s'il s'agit d'un inanimé. C'est tout.

Le cas classique de forme passive avec un patient non COD à l'actif : il s'est vu interdire l'entrée. Et je me rappelle que nous en avons déjà parlé avec Ylou dans un vieux fil que je n'ai pas retrouvé.

Je ne pense donc pas que le problème soit que la cathédrale ne soit pas COD. Et c'est une chose.

Ensuite, ce qui est subi, c'est le temps, que ce soit pour les constructeurs de la cathédrale (il n'y a que 24 heures dans une journée et on ne peut pas toute faire, c'est bien une contrainte) ou, par figure de style, la cathédrale elle-même. Mettre la main à a la pâte et mettre de l'énergie ne sont pas des contructions équivalentes à mettre du temps à/pour de ce point de vue, pas de tentation de forme passive avec elles. C'est pour ça que ça ne coince pas pour beaucoup de monde (pas seulement certains).

Gageons que vous accepteriez un la cathédrale n'a pas mis longtemps à se refaire une beauté quand quelqu'un titrera sur la rapide restauration de Notre-Dame. Cette construction passe mieux car le sens figuré se retrouve tant dans le sujet que dans le verbe à l'infinitif, la phrase est cohérente. Construire dans votre proposition-provocation ne passe pas parce qu'il ne s'agit pas du sens figuré du verbe (appliqué en principe à des personnes) et la phrase la cathédrale a mis trois cents ans à se construire se retrouve à mélanger des chêvres et des choux.

C'est quand même fort que vous vous épuisiez à construire des exemples biscornus et à opérer des rapprochements hasardeux pour invalider cette forme passive. Si des gens utilisent cette construction à gogo, c'est qu'il le font spontanément, s'ils le font spontanément, c'est que c'est simple (d'un point de vue de la syntaxe et de la sémantique), mais - attention - ils le font à bon escient. S'ils peuvent dire La cathédrale de Metz mit trois cents ans à être construite, ils ne diront plus que probablement pas la cathédrale de Metz mit trois cents ans à se construire, pour les raisons énoncées plus haut.

En fait, j'imagine très bien des gens raisonnant "logiquement" sur cette expression pour la rejeter, l'utiliser spontanément un jour sans s'en rendre compte :lol: Plus efficace de se demander pourquoi on cause d'une certaine manière, quitte à faire du tri sélectif après, que de décider comment on doit causer, quitte à se faire prendre la main dans le sac un jour parce que la réalité de notre langue est toujours infiniment plus vaste que l'idée que l'on peut s'en faire.

Je précise encore, mais je l'ai déjà écrit, que je ne dis pas que tout est acceptable.

34 Dernière modification par florentissime (06-10-2019 01:43:39)

Re : Objet devenant sujet

Alco a écrit:

Que pensez-vous de cette tournure employée dans un commentaire sur Arte « La cathédrale de Metz mit trois cents ans à être construite » ? Pour moi, c'est une simplification abusive qui consiste à placer l'objet en position de sujet. Il fallait écrire, puisque ces commentaires sont écrits : on mit trois cents ans à construire la cathédrale de Metz.

De mon point de vue, c'est valide.

Il faut prendre « mettre une durée à » comme un genre d'auxiliaire d'aspect, qui permet de saisir le procès dans sa durée, comme pour préparer l'auditeur à la description dudit procès en plusieurs phases.

Dans ce genre d'usage, le sens habituel du verbe « mettre » s'efface. La cathédrale ne met rien du tout en propre...

On aurait d'ailleurs ce genre de tournure avec d'autres auxiliaires d'aspect.

Par exemple, prenons le procès :

Les ouvriers rénovent la cathédrale (actif)
la cathédrale est rénovée (passif)

Prenons l'auxiliaire d'aspect « continuer de » :

Les ouvriers continuent de rénover la cathédrale (actif)
-> La cathédrale continue d'être rénovée (passif)

Bref, grammaticalement, un auxiliaire d'aspect s'applique aussi bien à un procès à l'actif qu'au passif.

Maintenant, je veux bien entendre que cette formulation, usant d'une locution verbale « mettre tant de temps à » comme d'un infinitif passif « être fait » est relativement lourde.

Cela dit, cette lourdeur de verbiage n'égale pas la lourdeur de la construction de la cathédrale de Metz, qui, faut-il encore le rappeler, mit tout de même 300 très longues années de labeur incessant à être construite.

35 Dernière modification par k@t (06-10-2019 03:04:16)

Re : Objet devenant sujet

éponymie a écrit:

Le cas classique de forme passive avec un patient non COD à l'actif : il s'est vu interdire l'entrée.

Ici, il n’est pas patient (le patient, c'est entrée), il est bénéficiaire (enfin plutôt maléficiaire), et en effet autant seul le patient peut devenir sujet à la voix passive (passif canonique), autant les constructions factitive ou perceptive peuvent permettre aux destinataires / bénéficiaires de prendre la place du sujet.
Mais vous aviez raison, la tournure est parfaitement grammaticale et mes arguments et analyse étaient mauvais, et Florentissime a donné la clé du mystère !

36 Dernière modification par éponymie (06-10-2019 11:34:23)

Re : Objet devenant sujet

Ek@t a écrit:
éponymie a écrit:

Le cas classique de forme passive avec un patient non COD à l'actif : il s'est vu interdire l'entrée.

Ici, il n’est pas patient (le patient, c'est entrée), il est bénéficiaire (enfin plutôt maléficiaire), et en effet autant seul le patient peut devenir sujet à la voix passive (passif canonique)

Dans toute forme passive le sujet est patient. Sinon il ne s'agirait pas d'une forme passive. Mais nous entrons ici dans une problématique de représentation théorique et de terminologie, je préfère toujours aller au plus simple. Mais merci cependant à florentissime de nous parler d'auxiliaire d'aspect, c'est intéressant.

Les auxiliaires d'aspect servent à indiquer l’état du verbe à l’infinitif, à situer l'action dans le temps (avant, au début, à la fin, après, etc.) et à indiquer sa progression. L'auxiliaire est donc suivi d'un verbe à l'infinitif dont il précise le degré d'accomplissement.

source

Dans la page citée, les exemples sont les trois gallicismes... Je ne sais pas si cela correspond exactement à notre cas intitial.

Et la grammaticalité de la tournure n'a jamais été mise en cause, c'était le sens qui gênait certains qui, du coup, proposaient d'autres constructions.

Re : Objet devenant sujet

Ce texte Sur la définition d'auxiliaire du verbe (Maurice Gross, Langages, 1999) est plus complet.

mais manque l'aspect passif. Ceci dit, on comprend bien (on devrait bien comprendre) l'aspect passif induit par un auxiliaire d'aspect servant à exprimer la durée (je ne vais pas refaire tout le discours).

38 Dernière modification par florentissime (06-10-2019 14:43:49)

Re : Objet devenant sujet

Il m'a pourtant semblé que la problématique soulevée au départ était d'avoir un COD employé abusivement en tant que sujet.

Maintenant, il existe aussi des sujets qui subissent l'action. Par exemple, comme ceux du verbe ... "subir"... Si bien qu'à la voie active, dans une phrase comme "je subis bien des reproches", mon sujet "je" est très patient, tandis qu'à la voie passive, "ces reproches sont subis par moi", "ces reproches" sont l'actant.

Il me semble que parmi les catégories d'Aristote, il y a la passion et l'action. Je suppose qu'il s'est inspiré pour celles-ci des voies actives et passives de la langue grecque.

Mais, en général, le sujet n'est pas forcément actif, de même que l'objet n'est pas pas forcément passif. Cela peut même être totalement l'inverse, comme nous l'avons vu pour le verbe subir. En général, sujet et objet sont chacun actifs et passifs, à un certain degré.

Par exemple, lorsque "je mange une pomme", si la pomme subit ma morsure, j'en subis le goût.

C'est pourquoi je préfère finalement considérer une phrase, soit comme évolution - ou mouvement - d'une substance (verbe de Valence 1 : je mange, je marche,...etc), soit comme la convolution de plusieurs substances.

Dans "je mange une pomme", il y a convolution entre moi et une pomme. L'état à l'issue de cette convolution, pour moi, est d'être renutri; mais pour la pomme, d'avoir cessé d'exister.

Dans "mon patron prête sa voiture à Paul", il y a convolution entre trois substances : mon patron, sa voiture, et Paul. Si "Paul" est objet indirect, cela ne signifie pas pour autant qu'il subit l'action. Il est actif, puisqu'il prend le volant. Par cette phrase, l'on exprime le transfert (temporaire) de l'état de possession d'une substance (la voiture), ceci d'une substance (Mon patron) à une autre (Paul). Il s'agit d'une triconvolution.

On pourrait très bien imaginer une voie "dative" pour renverser sujet et COI dans cette dernière phrase. Par exemple :
"Paul se voit prêter une voiture par mon patron"

Bref, on peut dire que la voie passive ne dit rien de précis sur qui est l'actant, qui est le patient. Elle permet simplement de renverser sujet et COD d'un verbe, soit que l'on veuille mettre en exergue par cette tournure l'objet, soit que le sujet soit indéfini ou inutile à communiquer.

Enfin, l'on a vu qu'il était possible d'imaginer une voie "dative", permettant de renverser sujet et COI, qui est réalisée en pratique par l'emploi de l'auxiliaire "se voir" + infinitif -> Paul se voit prêter une voiture.

39 Dernière modification par k@t (06-10-2019 16:18:56)

Re : Objet devenant sujet

éponymie a écrit:

Dans toute forme passive le sujet est patient.

Ben nan de l'actif au passif, les fonctions grammaticales changent éventuellement, mais non les rôles.

Paul interdit l’entrée à Pierre.

Paul = agent / sujet
Entrée = patient / COD
Pierre = maléficiaire / COI

Pierre se voit interdire l’entrée par Paul.
Paul = agent / complément d’agent
Entrée = patient / COD
Pierre = maléficiaire / sujet


Et la grammaticalité de la tournure n'a jamais été mise en cause, c'était le sens qui gênait certains qui, du coup, proposaient d'autres constructions.

Oui, j’ai manqué de précision, je visais bien sûr l’énoncé objet du fil, soit cette tournure-là avec ce verbe-là (cette locution verbale-là : mettre du temps à) ou ce verbe-là dans cette tournure-là.


florentissime a écrit:

Bref, grammaticalement, un auxiliaire d'aspect s'applique aussi bien à un procès à l'actif qu'au passif.

En réalité, ce n’est pas aussi systématique, tous les semi-auxiliaires n’acceptent pas cette passivation (et ceux d'aspect ne sont pas les seuls à l'accepter - voir exemple (2)), c’est le cas notamment avec la forme pronominale (1):

(1)Les ouvriers se mettent à construire la cathédrale.
> *La cathédrale se met à être construite (par les ouvriers).

(2) Les ouvriers doivent construire la cathédrale.
> La cathédrale doit être construite (par les ouvrier).


Il me semble qu’il y a d’autres cas qui bloquent, j’essaie de voir pourquoi. Et à ce propos, petite question à vous tous : trouvez-vous l’énoncé La construction met / a mis du temps acceptable (un peu, beaucoup, pas du tout, …) ?
Et celui-ci : La cathédrale arrête d’être construite ?

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Re : Objet devenant sujet

Les deux phrases me choquent. Mais je n'en tire aucune conclusion sur leur acceptabilité effective, je parle pour moi.

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

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Re : Objet devenant sujet

La construction met / a mis du temps : peu acceptable ; je sens l'énoncé comme inexact.
J'ai envie de remplacer par : la construction prend/a pris du temps (sous entendu : à quelqu'un)
Mais je peux le comprendre comme une sorte de métalepse (s'il n'y a pas de complément d'agent qui suit un infinitif passif bien entendu) "la construction" désignant l'organisation humaine qui construit.

La cathédrale arrête d’être construite : pas acceptable.
Un objet peut s'arrêter ou arrêter quelque chose ou quelqu'un mais pas cesser de faire quelque chose.

Je ne suis toujours pas convaincue par La cathédrale a mis trois siècles à être construite par
La cathédrale a mis trois siècle à se construire me gêne moins. Il n'y a pas dans ce cas la rencontre entre une forme active et une forme passive sur le sujet (je parle bien de forme passive, pas de sens passif bien entendu).
Reste pour moi la question : "mettre du temps à" concerne-t-il les inanimés ?
Je comprends cette expression comme "user d'un certain temps pour accomplir une action".
Mais après tout, elle signifie peut-être autre chose : alors quoi , exactement ?

D'ailleurs : la cathédrale continue à se construire  me paraît meilleur que la cathédrale continue à être construite qui me semble relever de la même incorrection que notre phrase de départ.
Mais "continuer" s'emploie classiquement avec un inanimé : le jet d'eau continuait son grésillement léger (Loti)

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : Objet devenant sujet

Ylou a écrit:

D'ailleurs : la cathédrale continue à se construire  me paraît meilleur que la cathédrale continue à être construite qui me semble relever de la même incorrection que notre phrase de départ.
Mais "continuer" s'emploie classiquement avec un inanimé : le jet d'eau continuait son grésillement léger (Loti)

Se construire est une action, être construite est un état. Un état ne peut continuer, un état est, par définition et étymologie (ça me fait penser à la phrase de Mac Mahon : c'est vous le nègre ? Eh bien, continuez.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : Objet devenant sujet

J'avais oublié le titre... Pour comprendre un fait de langue, il faudrait d'abord comprendre le sens avant de coller une théorie grammaticale dessus.

Ek@t a écrit:
éponymie a écrit:

Dans toute forme passive le sujet est patient.

Ben nan de l'actif au passif, les fonctions grammaticales changent éventuellement, mais non les rôles.

Paul interdit l’entrée à Pierre.

Paul = agent / sujet
Entrée = patient / COD
Pierre = maléficiaire / COI

Pierre se voit interdire l’entrée par Paul.
Paul = agent / complément d’agent
Entrée = patient / COD
Pierre = maléficiaire / sujet

Ce faisant vous ne tenez pas compte de l'auxiliaire "se voir" : il s'est vu interdire l'entrée est la seule possibilité de pronominalisation, non ? Surtout pas d'argumentation s'appuyant sur se faire et se laisser et l'accord du participe passé, la discussion serait ultérieurement compliquée par la règle la plus artificielle de notre orthographe grammaticale. Votre énoncé fonctionne pour la voix active, pas pour toutes les constructions passives.

Et, argument supplémentaire, si nous revenons à notre mouton, nous n'avons plus affaire au même verbe - mettre du temps à être construit pour construire - et comme le sujet-cathédrale, n'a pas passé de temps à se construire (ce n'est pas moi qui l'ai dit et répété tout au long du fil), il n'est pas agent. Vous n'allez pas me dire qu'il est destinataire quand même !

Nous avons affaire à un sens figuré (un inanimé qui met du temps à parvenir à un certain état), je sais, je l'ai déjà écrit, vous ne pouvez pas analyser les rôles comme vous le faites pour les ouvriers ont mis 10 ans à construire la cathédrale. Vous compareriez des chèvres et des choux, Verlaine et le JT. Toutefois, ce n'est pas parce que le sens est figuré que nous allons nier que cette construction est passive...

Encore une fois, j'ai l'impression que le regard trop analytique bloque tout compréhension et acceptation spontanées. Mais on le constate aussi avec les enfants, jusqu'à 10, 11 ans ils n'analysent pas, ils absorbent,quand ils grandissent, ils commencent à analyser. Et la difficulté est ensuite de ramener les adultes à un état minumum d'enfance pour qu'ils puissent progresser rapidement. C'est cette ouverture qui fait que l'on finit par causer correct sans se poser de questions. Si on commence à le faire, on ne sait plus ce qui est acceptable ou non. Avec pour conséquence de limiter son expression (ou de devenir inutilement prescriptif : ça ne se dit pas).

Mais c'est vraiment intéressant tout ça. L'harmonie, la légèreté de la phrase sont toujours discutables mais il me parait normal que la majorité des locuteurs (dont les ABCiens sont loins de constituer un échantillon représentatif) en use sans barguigner. Et je ne vois pas de raisons de le faire. Mais bon, je vois que je répète toujours les mêmes arguments sous une forme ou une autre, je vais arrêter : la phrase ne me choque pas et elle résiste à mon analyse.

44 Dernière modification par éponymie (06-10-2019 18:01:05)

Re : Objet devenant sujet

Alco a écrit:

c'est vous le nègre ? Eh bien, continuez.

Excellent exemple, il y a deux nègres réunis dans cette phrase. Tout comme il y a deux cathédrales dans ce fil.

P.S.: je ne connaissais pas le contexte. Je pensais à un nègre littéraire opposé à une personne de couleur. Dommage. Mais l'exemple est toujours excellent dans un contexte différent.

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Re : Objet devenant sujet

Éponymie :

Encore une fois, j'ai l'impression que le regard trop analytique bloque tout compréhension et acceptation spontanées.[...]C'est cette ouverture qui fait que l'on finit par causer correct sans se poser de questions.Si on commence à le faire, on ne sait plus ce qui est acceptable ou non.

C'est très juste. On a parfois l'impression de se perdre dans l'analyse comme dans des sables...
Cependant, ici, certains d'entre nous étaient partis d'une "impression" de quelque chose d'incorrect qu'on essayait de cerner.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : Objet devenant sujet

Merci Lévine et Ylou pour votre réponse. smile

éponymie a écrit:

Encore une fois, j'ai l'impression que le regard trop analytique bloque tout compréhension et acceptation spontanées.[...]C'est cette ouverture qui fait que l'on finit par causer correct sans se poser de questions.Si on commence à le faire, on ne sait plus ce qui est acceptable ou non.

Je rejoins Ylou, le fait que cette phrase fasse tiquer plusieurs locuteurs natifs me parait suffisant pour chercher à voir pourquoi, donc à ne pas s’arrêter à l’intuition et à passer à l’analyse.

Ce faisant vous ne tenez pas compte de l'auxiliaire "se voir"

Pourquoi ça ?

il s'est vu interdire l'entrée est la seule possibilité de pronominalisation, non ?

Pronominalisation ou passivation ?

Vous n'allez pas me dire qu'il est destinataire quand même !

Ben non, je ne vous dirais pas ça, quand même ! big_smile
Comme je l’ai dit précédemment cathédrale est patient de construire et c’était justement tout l’intérêt de la piste du semi-auxiliaire : évacuer la question des actants par rapport à ce dernier, puisqu’un auxiliaire étant vide de sens, il ne peut avoir d’actants.
Le problème, c’est que nous sommes ici en présence non d’auxiliaires, mais de semi-auxiliaires qui manifestement ne sont pas complètement désémantisés et neutres par rapport aux actants.

C’est ainsi que si je prends par exemple le semi-auxiliaire entreprendre, la passivation devient impossible :

Les ouvriers entreprennent de construire la cathédrale
> * La cathédrale entreprend d’être construite (par les ouvriers)

Si commencer à me semble un bon candidat à la passivation :

Les ouvriers commencent à construire la cathédrale
> La cathédrale commence à être construite (par les ouvriers)

J’aurai une grosse tendance à rejeter recommencer à :

Les ouvriers recommencent à construire la cathédrale
> ??? La cathédrale recommence à être construite (par les ouvriers)


On est manifestement en présence d’un continuum à une extrémité duquel la passivation ne fait pas de doute (La cathédrale doit être construite), à une autre où elle est assurément inacceptable (La cathédrale entreprend d’être construite).
Etant donné que la phrase à l’origine de ce fil fait sourciller plus d’un locuteur, il se pourrait bien que mettre du temps à faire X se situe dans une zone floue de ce continuum.

La raison est sans doute sinon complètement en tout cas fortement sémantique : certains verbes exigent des sujets agentifs (entreprendre de), d’autres sont neutres concernant cette agentivité (devoir), d’autres enfin sont incertains (mettre du temps à, recommencer à).

Reste à déterminer s’il existe des critères permettant de décider du degré d’agentivité demandé par les différents verbes.

Re : Objet devenant sujet

Ek@t a écrit:

il s'est vu interdire l'entrée est la seule possibilité de pronominalisation, non ?

Pronominalisation ou passivation ?

Pronominalisation de votre Pierre. Faut suivre.

À part ca, bien entendu, le problème est sémantique, bien entendu, le semi-auxiliaire n'est pas vide de sens. Rien de nouveau.

Et l'analyse est d'abord sémantique (ce qui a l'avantage de nous éviter un déluge de jargon dont on se demande qui il peut impressionner). Quand à votre critère, dans le cas qui nous intéresse, il s'agit simplement de savoir si la cathédrale peut être "animée" ou non, comme le paysage qui voit passer des gens. Donc si elle peut être "agentivée" pour reprendre votre terminologie.

Tout ceci avait déjà été dit avant votre magistrale démonstration. Et nous revenons au même problème.

48

Re : Objet devenant sujet

Pronominalisation de votre Pierre. Faut suivre.

Quel est le rapport de la pronominalisation de Pierre avec le schmilblick ?


Bien, puisque apparemment tout parait simple pour vous, dites-nous pourquoi cathédrale peut être considérée comme « animée » (je reprends votre terme, mais pour moi ce n’est pas là que se situe le problème ainsi que je l’avais dit plus haut) par certains locuteurs et non par d’autres avec mettre du temps à, et ne peut l’être sans doute pour une très écrasante majorité de locuteurs avec entreprendre ?

Pourquoi ça passe crème avec commencer à, mais clairement moins (pour moi et a priori pas que, vu les occurrences que l’on ne trouve guère sur le Net) avec recommencer à ?


L’idée des semi-auxiliaires avait l’avantage de donner un critère objectif et simple, malheureusement il ne fonctionne pas systématiquement, loin s’en faut, dès lors comment régler les cas où il y a désaccord entre les locuteurs ? Pourquoi votre subjectivité serait-elle meilleure que celle des locuteurs qui n’acceptent pas ou à reculons cette phrase ? Parce qu’on trouve facilement des occurrences sur le Net ? C’est un bon indice, au moins pour dire que mettre du temps à ne se trouve pas du côté « passivation impossible » du continuum ; en revanche, il ne dit pas qu’il se trouve du côté « pas de problème pour la passivation ».

Et on peut en effet clore le débat en acceptant que pour certains verbes il n’y a pas unanimité, sans chercher à savoir pourquoi, mais apparemment, vous, vous closez le débat en décrétant que ceux qui ne partagent pas votre sentiment se fourvoient, c’est un brin despotique, ça, non ?


Par ailleurs, je me demandais si La cathédrale met du temps à être construite était vraiment la passivation de Les X mettent du temps à construire la cathédrale.
Ou dit autrement, est-ce que La cathédrale met du temps à être construite est équivalent à La cathédrale met du temps à être construite par X ? Voire est-ce que la phrase avec l’agent exprimée est acceptable ?

49 Dernière modification par éponymie (07-10-2019 18:25:57)

Re : Objet devenant sujet

Ek@t a écrit:

Pronominalisation de votre Pierre. Faut suivre.

Quel est le rapport de la pronominalisation de Pierre avec le schmilblick ?

Avec le schmilblick, aucun. Il est la réponse au raisonnement patient/agent sur l'exemple Pierre/Paul/entrée que vous avez introduit.

Ek@t a écrit:

Et on peut en effet clore le débat en acceptant que pour certains verbes il n’y a pas unanimité, sans chercher à savoir pourquoi, mais apparemment, vous, vous closez le débat en décrétant que ceux qui ne partagent pas votre sentiment se fourvoient, c’est un brin despotique, ça, non ?

Pourquoi vous polarisez-vous sur le verbe ?

Ce paysage a vu passer beaucoup de gens en fuite, pendant 10 ans, avant de se voir saccagé par quelques uns de ces fuyards. Les fuyards passaient par là depuis longtemps mais ce paysage a mis 10 ans à [avant d'] être saccagé.

Personnification. Donc passage au statut d'animé. Non ? Si c'est non, ce n'est pas grave, la personnification demeure. Je ne vais pas me battre pour de la terminologie. Mais je vois mal l'idée de personnification (ou tout autre terme qui rende l'idée) rejetée.

Je remarque que ceux qui bloquent sur "la cathédrale a mis dix ans à ëtre construite" on dit de différentes manières qu'une cathédrale ne peut se construire seule (référence à une forme passive pronominale équivalente à la phrase qui tue je suppose, je ne vais pas relire le fil une Xième fois). Effectivement, dans "on a  mis dix ans à construire la cathédrale", cette cathédrale n'est pas personnifiée (aucune raison de le faire, elle est inanimée). Dans ce en quoi tout le monde voit une forme passive, cette cathédrale n'est plus à proprement parler un inanimé. Nous avons deux cathédrales. Et nous comparons deux choses qui ne le sont pas malgré les apparences.

Je serais curieux de savoir si le paysage passe aussi mal que la cathédrale.

Bé oui, ça me parait simple. Et moi aussi, j'ai l'impression d'avoir affaire à des positions dictatoriales.

Ek@t a écrit:

Par ailleurs, je me demandais si La cathédrale met du temps à être construite était vraiment la passivation de Les X mettent du temps à construire la cathédrale.

Et s'il n'y avait pas de forme active strictement correspondante ? Tout comme il y a certainement des constructions actives sans construction passives. Je ne vois  pas où serait le problème.

50

Re : Objet devenant sujet

éponymie a écrit:

Il est la réponse au raisonnement patient/agent sur l'exemple Pierre/Paul/entrée que vous avez introduit.

Je ne vous suis pas.

Pourquoi vous polarisez-vous sur le verbe ?

C'est un peu l'élément déterminant, non ?
De votre exemple avec se voir on ne peut rien tirer pour mettre du temps à (en tout cas de façon simple et directe. On ne peut partir d'un cas et le généraliser à tous, les exemples ci-dessus pour lesquels la passivation est impossible le montrent de façon évidente.
Ainsi, se voir dans le sens passif est un cas où la désémantisation est totale (allez restons prudent quasi-totale), où se voir équivaut à être.
Cette acception est enregistrée par les dictionnaires :

b) En partic. [Se voir auxil. de la forme passive d'un verbe]
α) [Se voir équivaut à être, se étant compl. d'obj. dir. de voir]
https://cnrtl.fr/definition/voir

Je ne vois  pas où serait le problème.

Ce n'est pas un problème, mais peut-être une piste de réponse. Où mettre du temps à n'auraient pas le même sens dans la phrase active et celle passive, comme par exemple avec demander à :

La cathédrale demande à être rénovée n’est pas la passivation de Les ouvriers demandent à rénover la cathédrale : demander à n’a pas le même sens dans les deux phrase et par ailleurs, *La cathédrale demande à être rénovée par les ouvriers n’est pas acceptable.

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