Bonjour,
gb a écrit:Mais pourquoi celle des dictionnaires ?
Il m'est difficile de répondre à cette question sans employer une liste et sans évoquer un vécu :
Communément, un dictionnaire est présenté comme la référence à consulter. J'aurais préféré enfant que l'on me présente des dictionnaires afin de mieux appréhender une multiplicité et plus tôt avoir confirmation d'une altérité que je percevais.
Aujourd'hui, communément à nouveau, cette idée persiste et est enseignée. Etant sensible aux quelques dégâts que cette conception peut causer, si une oeuvre, par sa démesure, sa rigueur, son caractère poétique, peut conduire à un comportement différent, alors il me semble, je me dois de la faire, de m'y atteler, même si par avance, nous pouvons douter de l'écho d'une telle oeuvre, en des lieux d'exposition que nous savons peu fréquentés ou fréquentés par un certain public.
En un temps, ensuite, où tout semble accessible, connu en peu de temps, où tout ouvrage semble référencé et accessible, se jeter dans une bibliographie, dans des catalogues informatisés pour y découvrir des documents mais aussi des erreurs, des partis pris dans les transcriptions, relève d'une autre forme d'engagement, de mise en garde, de doute qu'il importe de garder constant. (d'où ma préoccupation de garder, de dater et de présenter tous les n° de notices)
J'ai évoqué plus haut des titres tronqués, des problèmes sur les années d'édition, les formats, les auteurs, des sources. Nous pourrions ajouter le problème de la localisation, la multiplication des notices pour un même ouvrage, l'écriture de la bibliographie ou comment rendre ou retranscrire un "qui dit quoi" ou quels sont les éléments ajoutés par le rédacteur d'une notice.
Nous pourrions évoquer un voile s'épaississant entre un lecteur et un ouvrage. Voile composé de notices. Nous pourrions évoquer la multiplication des catalogues informatisés, et il me semble, nageant dans ces eaux, pour avoir vu des catalogues informatisés payant, naissant, il y a là quelque chose qui se crée : une autre relation à un ouvrage : des catalogues informatisés deviennent des enjeux économiques, le plus court chemin à un livre devient un chemin qu'il faut entretenir. Du coup, si des catalogues deviennent des enjeux économiques, l'écriture d'une bibliographie pourrait être tributaire de droits d'accès, d'un portefeuille. Il y a là quelque chose qui me chatouille (comme un retour aux bibliographies en version papier)...En conséquence, il me parait urgent de créer une bibliographie, une bibliographie de nos dictionnaires : pour insister sur l'existence d'un voile s'épaississant, pour insister sur notre méconnaissance de ces ouvrages : nos dictionnaires.
Parenthèse : Regardez le Projet RDA
http://www.bnf.fr/fr/professionnels/rda … st_Art=non
et plus particulièrement le RDA toolkit
http://www.rdatoolkit.org/content/8
Ce n'est pas un sujet léger. Devant mes paysages de petits points, je ne doute pas qu'il sera possible de percevoir ou de rêver qu'une constellation de dictionnaires a enfin été retranscrite sur papier à l'instar d'une myriade d'étoiles, d'un ciel étoilé dont nous aurions relevé chaque point lumineux. Mais paradoxalement, ou inversement, je perçois dans le résultat graphique souhaité, une plausible mise à distance du lecteur, une bibliographie inaccessible, écho de ces stratégies économiques, de ces stratégies d'écriture d'une notice, qui aujourd'hui prennent place.
Pourquoi des dictionnaires ? Je ne sais pas si j'ai répondu de manière satisfaisante à la question. Ils sont un objet de fascination, une somme de regards sur le monde. Une dizaine de milliers de dictionnaires en français existe. Je ne pourrai tous les consulter, y lire la définition d'un mot, les répertorier, parce que le temps plausiblement me manquera, parce noyé dans des catalogues, non référencé dans un catalogue, un dictionnaire m'échappera, parce que plausiblement en plus de la distance me séparant d'un ouvrage, il se peut qu'une société, une entreprise, m'invite à débourser plus d'argent encore pour le localiser, ce qui somme toute, nous éloignerait plus encore d'une bibliothèque idéale, d'une bibliothèque borgésienne.
Des paysages de petits points comme symbole de l'égarement ? d'une rêverie encore possible ? d'une exclusion du lecteur ? d'une inaccessibilité ? je m'aperçois que je n'ai pas une réponse très précise d'un pourquoi des dictionnaires ; mais un faisceau de préoccupations, d'inquiétudes et de fascinations.
Il y a une envie de les lire, d'en lire un. Et une inquiétude prenant la forme d'une privation de ce plaisir, d'un temps occupé à autre chose. Comme si le temps de la lecture devait céder la place à un temps dévolu à la protection de ces ouvrages, ou à un temps dévolu à une entreprise plus comptable, marquée par la peur de perdre un bien, ou énumérant une richesse, richesse n'appartenant au collecteur ou traceur de notices que je suis.
Et là je m'aperçois qu'à la question Pourquoi des dictionnaires ?, il me faudrait proposer cette réponse : La lecture des dictionnaires n'est qu'un horizon. Je suis plus attaché à décrire et référencer ces diverses manières d'écrire et de référencer ces ouvrages décrivant le monde, et, il y a comme une ambition de proposer une autre écriture et un autre regard sur la bibliographie en employant les dictionnaires comme symbole de la connaissance, comme sujet et en présentant les notices comme labyrinthe, ou dédale ou simulacre qu'il nous faut comprendre.
Cordialement
Eric
Ps : dico-collection, oui bien sûr, il y a bien longtemps que je n'ai pas contacté Pierre De Witte. Il a suivi les premiers états de mon entreprise. J'en garde un très bon souvenir.
Je garde tous vos liens vers des bibliographies. Je vais me créer une petite liste et je vais consulter chaque ouvrage à la première occasion.