Antonin a écrit:Je voudrais vous demander s'il faut utiliser le subjonctif ou l'indicatif après 'le fait que'. Par exemple:
Le fait que mon père soit ici, irrite mon oncle.
ou
Le fait que mon père est ici, irrite mon oncle.
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais je trouve cette question assez difficile et fort subtile. Je n'arrive pas à bien cerner, et à énoncer de façon claire et précise, la différence de sens, si différence de sens il y a, entre l'indicatif et le subjonctif dans ce cas. Je crois que beaucoup de locuteurs utilisent, dans la concersation courante, le mode subjonctif automatiquement, sans trop s'interroger sur une éventuelle nuance hypothétique etc.
Grevisse tente bien d'expliquer la différence — je dis 'tente', car personnellement, l'explication donnée par Grevisse ne m'aide que modérément à y voir plus clair, du moins dans le cas précis qui nous préoccupe ici. Voici cette explication (Bon Usage, §1002bis):
Le verbe de la proposition substantive sujet, ou attribut, ou terme complétif, dans les phrases autres qu’impersonnelles, se met :
a) À l’indicatif si le fait est situé sur le plan de la réalité ; au conditionnel s’il s’agit d’un fait hypothétique ou éventuel.
b) Au subjonctif si le fait est simplement envisagé dans la pensée, ou s’il implique une appréciation, ou s’il est chargé d’affectivité.
Le raisonnement ne s’applique pas seulement à la locution « le fait que », mais aussi à « l’idée que », « à cela s’ajoute que », « de là vient que », etc. Grevisse, comme à son habitude, cite une foule d’exemples littéraires, dont je relève quelques unes, comportant la locution « le fait que » :
Sous a) : « Les oppositions que j’ai pu susciter dans ma ville natale ne sont pas liées au fait que je suis Bordelais » (Mauriac).
« Le fait que la production est croissante, et que, par conséquent, la consommation est aussi croissante, est ainsi vérifié » (Fourastié).
« Le fait que Dauger aurait empoisonné son maître prouve, une fois de plus, que ce n’était qu’un valet criminel » (Pagnol).e
Sous b) : « Le fait que nous ayons nos plus grands chagrins avec les femmes qui ne sont pas de notre genre ne tient pas seulement à cette dérision du destin... » (Proust).
« Il n’attache pas grande importance au fait que Napoléon ait laissé une France mutilée » (Malraux).
Si je rapporte cela à la phrase qui nous est soumise, je hasarderai :
Le fait que mon père soit ici, rien que d’y penser (fait envisagé dans la pensée et chargé d’affectivité), irrite mon oncle.
ou
Le fait que mon père est ici (c’est-à-dire se trouve en présence de mon oncle), irrite mon oncle.