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forum abclf » Réflexions linguistiques » liaisons (disparition des )

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Messages [ 45 ]

Sujet : liaisons (disparition des )

Je suis étonné et irrité de la disparition des liaisons dans le langage médiatique.
Exemple récent : le discours de Manuel Valls : " c'est / au dela des mots" (sans faire sonner le T), "c'est / une conviction totale" (idem).
On peut faire la mème constatation dans les discours de Hollande ou Sarkozy.
Hier , j'ai regardé un téléfilm français.Je n'arrive pas à croire que des acteurs cultivés disent spontanément : "je suis / allé "...Et c'était tellement systématique au long du film que je pense que ça ne peut qu'étre  intentionnel...
L'avez vous aussi remarqué ? Comment l'expliquer?
IL me semble urgent de défendre la liaison en voie de disparition , non ?

Michel

2

Re : liaisons (disparition des )

Oui. Je l'ai remarqué également. Et comme vous je suis parfois surprise.
On entend même souvent pour "quand il y a" : quan y'a même dans la bouche de personnes apparemment cultivées. L'absence de liaison est plus étonnante que la réduction courante de "il y a " à "y'a".

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

3 Dernière modification par vh (06-12-2016 15:16:17)

Re : liaisons (disparition des )

Question :
La phrase suivante est-elle correcte ? Si la réponse est  oui,  l'absence de liaison est acceptable.

C'est,  au delà des mots, avec une émotion profonde, que je vous écris cette phrase.

Re : liaisons (disparition des )

Dans le discours de Valls que j'ai cité , on n'entend pas la virgule...Il dit bien : " c'est/au dela des mots".
C'est vraiment facile à vérifier bien qu'assez ennuyeux je le concède !

Re : liaisons (disparition des )

Triagoz a écrit:

Dans le discours de Valls que j'ai cité , on n'entend pas la virgule...Il dit bien : " c'est/au dela des mots".

C'est cette pause qui fait sentir la virgule. Plus exactement, on note par une virgule les pauses entre les groupes de mots.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

6 Dernière modification par yd (07-12-2016 06:25:58)

Re : liaisons (disparition des )

Ce qui, je crois, est devenu difficile dans la liaison, et qui n'aurait jamais dû devenir difficile - car ce n'est ne pas du tout le but du jeu -, c'est qu'on doit la faire entendre sans qu'elle se remarque. Au passage et à tout prendre, il est déjà bon signe qu'on remarque l'absence de liaison, ce qui suggère qu'on ne remarquerait pas une bonne liaison. Tout espoir n'est donc pas perdu. Qui sait, monsieur Valls, et tant de monde avec lui, préfère peut-être encore le risque qu'on remarque ses absences de liaison plutôt que celui, en effet plus grand, qu'on remarque trop leur présence.

Sur la nature du phénomène constaté et son origine, il y probablement, en plus des difficultés orthographiques - je ne parle plus de monsieur Valls - et, plus gravement, avec la langue elle-même, ce fait que l'écrit, voire l'oral médiatique, qui n'est pas un oral spontané, a pris le pas sur l'oral véritable : dans l'idéal on ne devrait pas avoir à réfléchir sur l'orthographe pour décider ou non d'une liaison, l'habitude de la bonne langue orale devrait suffire. Mais je rêve.

Alors encore une fois les regards se tournent vers l'école. La lecture orale et le théâtre manquent cruellement. Il n'était pas une bonne idée que les politiques s'en mêlent, depuis Jules Ferry et certainement bien avant lui. Ils pouvaient et devaient s'en préoccuper mais sans s'en mêler, et si ce n'était vrai que pour l'école... Voilà ce que serait l'art politique : savoir se préoccuper sans se mêler.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : liaisons (disparition des )

Que certaines liaisons "sautent" à l'oral, ce n'est pas étonnant. L'oral est très marqué par des pauses, ce qui peut-être enclenche certaines habitudes.
Mais, et au risque d'avoir l'air un peu vieux jeu, lorsqu'on a une fonction publique et qu'on s'exprime devant tant de monde, on n'est plus devant un oral spontané; tout le montre : composition du discours, choix précis des mots.. il n'y a aucune raison de ne pas tenir un niveau de langue qui demande, entre autres, les liaisons.
Ces messieurs et ces dames politiques ne se présentent pas devant les caméras en tenue négligée. Ils devraient avoir la même exigence pour leur langage.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

8 Dernière modification par vh (06-12-2016 18:45:32)

Re : liaisons (disparition des )

Voici  le discours en question :
http://www.leparisien.fr/elections/pres … 414897.php   ( temps : 1 min. 27 s)

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Re : liaisons (disparition des )

À 1 min 23 s : « c'est / au delà des mots » (sans liaison) et juste après « c'est / une conviction totale ». Il y a donc récidive...

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : liaisons (disparition des )

P'tit prof a écrit:
Triagoz a écrit:

Dans le discours de Valls que j'ai cité , on n'entend pas la virgule...Il dit bien : " c'est/au dela des mots".

C'est cette pause qui fait sentir la virgule. Plus exactement, on note par une virgule les pauses entre les groupes de mots.

Comme je l'ai dit , écoutez le discours , il n'y a aucune pause qui suggère une virgule qui justifierait de ne pas faire de liaison.
Je l'ai réécouté et j'ai relevé : "cette ville qui est/ une école de la vie".
En fait , je ne suis pas loin de penser que ce débraillé langagier est délibéré , pour "faire peuple" ....

11 Dernière modification par yd (07-12-2016 06:16:13)

Re : liaisons (disparition des )

Ce n'est pas Couve de Murville. Pour faire peuple ou pour ne pas faire langue de bois, comme s'il parlait avec des familiers plutôt qu'aux caméras. Pourquoi pas, mais qu'il se foule un peu : Belkacem est bien plus naturelle.

Fille légère ne peut bêcher.

12 Dernière modification par glop (08-12-2016 00:04:04)

Re : liaisons (disparition des )

Sans doute y a-t-il un rapport inversement proportionnel entre la longueur de la pause représentée par une virgule et la raison d’être de la liaison. Cela dit, lorsque l’on lit un texte pour la première fois à voix haute, on rate parfois les liaisons.
Rappelons-nous de Chirac qui marquait parfois des pauses exagérées entre les mots et qui aurait prononcé le t de "c’est" avant de prononcer "au-delà".
Devons-nous nous préparer à un conflit intergénérationnel de la liaison ?

J’ai écouté le discours et constaté des défauts de liaison mais ce qui m’a surpris d’avantage, dès le début, et m’a donné une impression de maladresse, c’est cette façon d’annoncer sa candidature à la présidence de la république en conclusion d’une rapide description d’Evry.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : liaisons (disparition des )

En fait , je ne suis pas loin de penser que ce débraillé langagier est délibéré , pour "faire peuple" ....

Débraillé langagier, comme vous y allez ! Je ferais plutôt une autre hypothèse : il s'agit pour un locuteur natif non parisien de ne pas laisser pointer ses intonations originelles.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : liaisons (disparition des )

http://www.lejdd.fr/Politique/President … ite-829126


Autre exemple : les deux premières minutes du récent discours de F. Hollande :
à 0.33mn: "les comptes publics sont / assainis".
à 1,27mn :"j'ai voulu que l'école soit dotée des moyens / indispensables .
Je ne pense pas qu'il y ait lieu d'ergoter sur de supposées pauses sensées indiquer des virgules ...
Je précise que mes(z) exemples ne sont pas(z) orientés politiquement et j'invite les amateurs à étudier les discours de Sarkozy , nul doute qu'on fera la mème observation .

La question que je me pose c'est : s'agit il d'une évolution spontanée ou d'un formatage prescrit par des communicants ?
Le problème est que c'est contagieux et que je me surprends à dire moi aussi "je suis / allé" !

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Re : liaisons (disparition des )

P'tit prof a écrit:

En fait , je ne suis pas loin de penser que ce débraillé langagier est délibéré , pour "faire peuple" ....

Débraillé langagier, comme vous y allez ! Je ferais plutôt une autre hypothèse : il s'agit pour un locuteur natif non parisien de ne pas laisser pointer ses intonations originelles.


Les non parisiens feraient les liaisons correctement et ne pas les faire aurait pour but de ne pas laisser pointer cette origine infamante ?

Voila une hypothèse bien hasardeuse !

Re : liaisons (disparition des )

Aussi hasardeuse que la vôtre avec son débraillé ! Vous le reconnaissez : vous-même ne les faites plus, ces fameuses liaisons !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

17 Dernière modification par yd (07-12-2016 15:17:11)

Re : liaisons (disparition des )

C'est parce qu'elles sont ressenties, à tort comme j'avais essayé de l'expliquer, comme scolaires. On a perdu, en partie, la primauté de l'oral, dont un Vaugelas se recommandait encore - on n'écrit pas cela dit pour la simple raison que cela ne se dit pas (cité de mémoire, non texto) -, il y a forcément des conséquences. Les liaisons n'ont pas été inventées par la langue écrite, mais bien par la langue orale, nécessairement. Elles ont aidé à la bonne orthographe, avant que le sens ne s'inverse. Il faut revenir à la primauté de l'oral si l'on veut que la langue française ne devienne pas à son tour une langue morte. Je refuse complétement cette destinée. Jusqu'à la 2e GM le latin n'était pas une langue morte, puisque des hommes entre eux le parlaient encore. Le latin est mort quand on a cessé de le parler. Quand un premier ministre refuse des liaisons qui ne lui coûteraient rien, personne n'en doute, il est déjà en train d'enterrer la langue française : le voilà, le french bashing qu'il disait combattre.

Les premières classes du secondaire sans le latin furent appelées « modernes ». Dès cette époque ceux qui nous gouvernent avaient déjà décrété l'anglicisation du français : jusqu'alors on avait privilégié les apports extérieurs du latin.

Fille légère ne peut bêcher.

18 Dernière modification par vh (07-12-2016 16:46:36)

Re : liaisons (disparition des )

Très juste.

Récapitulons :
Les liaisons seraient perçues, à tort, comme une représentation forcée de la langue  écrite, langue  de l'élite (des prof, du patronnat, de l'administration). En fait, ce n'est qu'un vestige de la  prononciation passée des consonnes  finales en français

Évolution phonétique :
il est arrivé  : /ilɛstarivé/ > /ilɛtarivé/
il est parti  : /ilɛstparti/  > /ilɛparti/


Addendum :
Un discours sans liaisons peut donner l'impression qu'il n'a pas été préalablement écrit, qu'il est spontané.

Re : liaisons (disparition des )

Il faut revenir à la primauté de l'oral si l'on veut que la langue française ne devienne pas à son tour une langue morte

La primauté de l'oral, c'est de ne plus faire que quelques liaisons. Comme le signale v.h. les liaisons datent du temps où l'on faisait sonner les consonnes finales dans la prononciation. Ces finales amüies les liaisons ne se  font plus, c'est tout.
La langue n'est pas morte, elle évolue et ces regrets de laudator temporis acti ne lui font aucun bien.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : liaisons (disparition des )

P'tit prof a écrit:

Aussi hasardeuse que la vôtre avec son débraillé ! Vous le reconnaissez : vous-même ne les faites plus, ces fameuses liaisons !

hasardeux ne vous plait pas...mais j'ai quand mème du mal à saisir la logique de votre réflexion sur ces "non parisiens" (voila une catégorie qui me parait un peu difficile à définir ) qui pour avoir l'air parisiens et chics sans doute se mettent à éviter les liaisons !

Re : liaisons (disparition des )

hasardeux ne vous plait pas...mais j'ai quand mème du mal à saisir la logique de votre réflexion sur ces "non parisiens" (voila une catégorie qui me parait un peu difficile à définir ) qui pour avoir l'air parisiens et chics sans doute se mettent à éviter les liaisons !

Vous devez être droitier, vous !
Non parisien : ce n'est pas difficile à définir : né  et scolarisé dans une région où la parlure n'est pas celle de Paris. Monsieur Valls qui a fait ses étude en Sorbonne n'est d'ailleurs pas visé.
pour avoir l'air parisiens et chics : je ne  dis pas avoir l'air, je dis parler comme, comme il est obligatoire  de parler à l'oral de l'Agrégation, par exemple, comme parlent les journaleux qui causent dans le poste. Pour ne pas avoir l'accent de son bledon ralentit le débit, et pour ralentir le débit on évite les liaisons.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : liaisons (disparition des )

P'tit prof a écrit:

hasardeux ne vous plait pas...mais j'ai quand mème du mal à saisir la logique de votre réflexion sur ces "non parisiens" (voila une catégorie qui me parait un peu difficile à définir ) qui pour avoir l'air parisiens et chics sans doute se mettent à éviter les liaisons !

Vous devez être droitier, vous !
Non parisien : ce n'est pas difficile à définir : né  et scolarisé dans une région où la parlure n'est pas celle de Paris. Monsieur Valls qui a fait ses étude en Sorbonne n'est d'ailleurs pas visé.
pour avoir l'air parisiens et chics : je ne  dis pas avoir l'air, je dis parler comme, comme il est obligatoire  de parler à l'oral de l'Agrégation, par exemple, comme parlent les journaleux qui causent dans le poste. Pour ne pas avoir l'accent de son bledon ralentit le débit, et pour ralentir le débit on évite les liaisons.

Mais Hollande ou Valls , ils ont ils ont l'accent de quel bled à l'origine ? Tout ça est tiré par les cheveux si je peux gentiment me permettre...
je ne vois pas en quoi contester vos brillantes hypothèses me classe comme droitier...Mais , doit on comprendre que vos arguties visent à dédouaner M. Valls en lui trouvant de bonnes raisons pour parler comme il le fait ?

Re : liaisons (disparition des )

Je vous classe comme droitier car vous avez du mal à saisir la logique d'[une] réflexion et qu'il faut vous donner une par une les étapes du raisonnement. Vous êtes syllogisme plutôt qu'enthymème ce qui est assez typique. AMHA.

Une explication à l'absence de liaisons, explication générale, ne vise à rien d'autre qu'à expliquer un trait de prononciation assez répandu.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : liaisons (disparition des )

P'tit prof a écrit:

Je vous classe comme droitier car vous avez du mal à saisir la logique d'[une] réflexion et qu'il faut vous donner une par une les étapes du raisonnement. Vous êtes syllogisme plutôt qu'enthymème ce qui est assez typique. AMHA.

Une explication à l'absence de liaisons, explication générale, ne vise à rien d'autre qu'à expliquer un trait de prononciation assez répandu.

Ha oui , c'est vrai que j'ai du mal à saisir vos raisonnements , peut étre pour le dire plus simplement suis je un peu con parce que "droitier"...de glissement en glissement je me retrouve fasciste à votre prochain post !
Je vous laisse le dernier mot et ne vous répondrai plus...
Peut étre quelqu'un a t'il quelque chose d'intelligent à dire sur le sujet de ce fil qui n'est pas de savoir si M. Valls lutte contre son accent berrichon en parlant lentement pour faire comme les parisiens...

Re : liaisons (disparition des )

Ha oui , c'est vrai que j'ai du mal à saisir vos raisonnements , peut étre pour le dire plus simplement suis je un peu con parce que "droitier"...de glissement en glissement je me retrouve fasciste à votre prochain post !

Pendant des générations, ce sont les gauchers qui passaient pour des minus habens et on les redressait à grands coups de règle de fer sur les doigts de leur coupable main gauche. Votre totale ignorance du problème, votre savoureux contre sens sur droitier confirment mon diagnostic. Con parce que droitier, cela venge de bien des choses ! Et c'est vous qui le dites...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

26 Dernière modification par vh (07-12-2016 21:54:57)

Re : liaisons (disparition des )

Ou suis-je ? ou sommes-nous ?
Dans une tribune électorale trumpesque ?
Dans un salon de thérapie ?
On a les responses. Il est  temps de laisser tomber
wink

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Re : liaisons (disparition des )

P'tit prof a écrit:

Ha oui , c'est vrai que j'ai du mal à saisir vos raisonnements , peut étre pour le dire plus simplement suis je un peu con parce que "droitier"...de glissement en glissement je me retrouve fasciste à votre prochain post !

Pendant des générations, ce sont les gauchers qui passaient pour des minus habens et on les redressait à grands coups de règle de fer sur les doigts de leur coupable main gauche. Votre totale ignorance du problème, votre savoureux contre sens sur droitier confirment mon diagnostic. Con parce que droitier, cela venge de bien des choses ! Et c'est vous qui le dites...

Un mot de plus tout de mème.
Je vous confirme la sureté de votre diagnostic : je suis droitier , et certainement les 90% de la population qui partagent cette disgrace avec moi ont du mal à comprendre que M. Valls (ou un autre) ne fait pas de liaisons dans ses discours  parce qu'étant "locuteur natif non parisien" il parle lentement pour masquer cette honte  comme vous le dites .
Mais certainement nous ne sommes pas du coté imaginatif  et ne pouvons apprécier les beautés de telles fulgurances intellectuelles !

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Re : liaisons (disparition des )

Qu'on le veuille ou non, l'observance de l'usage des liaisons est un marqueur du niveau culturel, ou du moins elle est ressentie comme telle par les personnes cultivées. On est quand même en droit de se poser des questions quand des personnalités haut placées se laissent aller à des pratiques langagières relâchées.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

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Re : liaisons (disparition des )

Oui , on est en droit de se poser des questions , et je me pose la question de la spontanéité de cette récente épidémie...J'ai l'impression que ces anciens de sciences po/ l'ENA se forcent à adopter ce style relaché pour s'approcher de ce qui serait le "parler populaire".

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Re : liaisons (disparition des )

Triagoz a écrit:

savoir si M. Valls lutte contre son accent berrichon en parlant lentement pour faire comme les parisiens...

Donc, M. Valls omet-il les liaisons volontairement ou non?
Les liaisons, faites discrètement ne peuvent nuire, ce me semble, à l'effet de spontanéité.
Une remarque : les accents d'intensité font sauter les liaisons et, la mode est à une diction spéciale sur les média qui contamine peut-être nos hommes politiques.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

31 Dernière modification par P'tit prof (08-12-2016 16:25:47)

Re : liaisons (disparition des )

Je vous confirme la sureté de votre diagnostic : je suis droitier , et certainement les 90% de la population qui partagent cette disgrace avec moi ont du mal à comprendre que M. Valls (ou un autre) ne fait pas de liaisons dans ses discours  parce qu'étant "locuteur natif non parisien" il parle lentement pour masquer cette honte  comme vous le dites .

Le droitiers en général ont du mal à suivre un raisonnement de type enthymème, il leur faut un syllogisme en forme. C'est une observation de caractère général dont votre réaction donne un exemple éclatant.

Pur le cas qui nous occupe, écoutons Ylou :

Une remarque : les accents d'intensité font sauter les liaisons et, la mode est à une diction spéciale

On est quand même en droit de se poser des questions quand des personnalités haut placées se laissent aller à des pratiques langagières relâchées.

Par exemple, cette noble exclamation : « Casse-toi, pauv'con ! »

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : liaisons (disparition des )

Laissons donc de côté, voulez-vous bien, ces histoires confuses de droitiers et de gauchers et de ce que les uns et les autres seraient ou non capables de comprendre à cause d'un caractère qui seraient associé à leur latéralisation.

Moi, j'ai appris un mot que je ne connaissais pas : "enthymème".
Quant à la noble exclamation que vous citez, elle va avec le personnage et pas du tout avec la fonction.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

33 Dernière modification par yd (10-12-2016 01:43:27)

Re : liaisons (disparition des )

Et le personnage en question ne prétend pas parler la langue de la Sorbonne. Puisqu'on en cause, je viens donc d'apprendre, moi, en plus de l'enthymème, que tous les sorbonnards se seraient entendus entre confrères et compères pour ajouter un h aspiré, hier encore porté disparu, à tous les mots de la langue française commençant par une voyelle. De là à ce que que les mêmes s'entendent cette fois comme larrons en foire pour ne plus prononcer désormais que les zaricots, il n’y a pas loin.

Chers VH et P'tit prof, puis-je me permettre de vous demander comment vous chantez il_était_un petit navire ? En ce qui me concerne, tel que je l'ai toujours entendu, le t est bien sur la même note que le un et non sur celle du <tait> de était. Même chose juste avant pour le l de il, prononcé sur la note de du <é> de était.

Dans une liaison, la consonne qui en fait l’objet n’est pas prononcée avec le mot qu’elle termine, mais avec la première syllabe du mot qui suit : la liaison est aux antipodes de la prononciation prétendue, en grande partie disparue, de toutes les consonnes finales, ou de toutes les consonnes en général, car je ne suis pas sûr que ce point soit clair :

Prenons l’exemple du temps, écrit sous cette graphie une fois au Xe siècle, puis sous les graphies tiemps, tens, tans, tems, relancé sous la graphie temps par ce latiniste de Rabelais, en 1532, suivi par Ronsard. Comment prononçait-on temps au Xe siècle, bien évidemment personne ne le sait et ce serait déjà très bien de retrouver comment Rabelais le prononçait. Comme Ronsard, peut-être, et peut-être comme nous, si on peut le déduire des vers de Ronsard cités par le Godefroy  (le lien que j'ai mis sur tens) :

La rose à la parfin devient un gratecu
Et tout avecq le temps par le temps est vaincu.

Seules les première et dernière lettres, t et s, sont communes à toutes les graphies. Il pourrait sembler qu'on ait donc prononcé le s final, mais comme on ne sait pas quand il aurait été amuï, comment en être sûr ? Et comment savoir si on a prononcé ou pas les autres consonnes ?

Prenons l’exemple de être. D’après cette page d'histoire de l'orthographe (fin du B, III), qui est un document précieux et assez synthétique, il aura fallu attendre Voltaire pour orthographier estois en étais. Comme ce <oi> se prononçait depuis longtemps <ai>, on suppose que le s avant le t était lui aussi tombé dans la prononciation depuis longtemps. Mais nous restons apparemment dans l'ignorance absolue concernant la prononciation du s final. Alors ce consensus pour affirmer qu'antérieurement aux liaisons toutes les consonnes finales étaient prononcées, d'où vous vient-il ? De la Sorbonne ? Mais la Sorbonne, si fière d'arborer sa devise anglaise aux temps où il n'eût pas fallu - elle a appris depuis à en être moins fière, puisque l'information, comme bien d'autres, semble introuvable sur la toile -, décrète ce qu'elle veut, la conséquence en est que ça ne vaut rien. Un exemple (c'est moi qui souligne) ?

La primauté de l'oral, c'est de ne plus faire que quelques liaisons. Comme le signale v.h. les liaisons datent du temps où l'on faisait sonner les consonnes finales dans la prononciation. Ces finales amuïes les liaisons ne se font plus, c'est tout.

Prenons le cas, magistral, de il : devant une consonne ou en fin de phrase, nous prononçons toujours le l final, quoique l'amuïssement fût tenté par des zélés, non d'une façon naturelle à la langue (le IV de la page mise en lien plus haut) :

Au XVIIème siècle, on réintroduit des consonnes finales, mais de manière assez anarchique ; il y aura un bon usage, différent de l'usage populaire, et avec des contradictions. [...] On recommandait aussi de dire i faut pour il faut (Milleran, grammairien, fin XVIIème).

En revanche devant une voyelle, comme nous l'avons vu sur l'air du petit navire, au titre de la liaison la prononciation de l passe comme première lettre de la première syllabe du mot suivant. Les deux phénomènes, la prononciation de la consonne finale et la liaison, cohabitent parfaitement.

J'en viens maintenant à cette page du site chantez-vous français, encore plus précieuse mais qui va dans le détail et qui demanderait plusieurs jours pour être dépouillée. Le site lui-même dans sa préface se voulait au départ une simple page et se voit être devenu au fil des ans un vrai traité. Si l'on est pressé on gagne à consulter directement le tableau 6 - Consonnes finales – Résumé synoptique et diachronique, tout en bas du document.

L’ère des scribes
[…]
Dès la seconde moitié du XIIe siècle, cependant, on trouve des graphies isolées qui peuvent attester la chute de certaines consonnes finales : estrei pour estreit, chaiti pour chaitif, troi, foi pour trois, fois, menestre pour menestrel. Indépendantes du contexte, et complètement noyées par les graphies conservatrices, elles témoignent simplement d’une tendance générale à l’amuïssement, sur fond d’un « bon usage » qui réclame le maintien, au moins dans la graphie, de toutes les consonnes finales.[…]

Les consonnes finales à la pause
[…]
Les consonnes finales ont, au XIIIe siècle, en bonne partie cessé de se prononcer à la pause dans la conversation ordinaire de personnes qui disposent d’une culture suffisante pour composer, déclamer, chanter de telles pièces. Autrement dit, leur absence, en particulier de la diction poétique, n’est pas en elle-même choquante, ce qui ne signifie pas pour autant que leur présence le soit : il est possible que se soit installée à leur égard une forme d’indifférence, ou d’hésitation. […]

Un tour maintenant sur la page liaison en français de Wikipédia (je mets en bleu une partie) (une partie d'une phrase a visiblement été mangée) :

Origine
Jusqu'à une date qu'on peut situer vers le XIIe siècle, de nombreuses consonnes finales étymologiques se prononçaient dans tous les contextes (devant consonne, à la pause et devant voyelle), mais sous forme dévoisée : b final sonnait [p], d final sonnait [t], g final sonnait [k] etc. […]
Le passage du proto-français (qui, pour autant qu'on puisse en juger, n'écrit que des consonnes finales qui se prononcent dans tous les contextes) au français moderne (qui connaît de nombreuses consonnes de liaison) implique une période intermédiaire, qui prend place en gros entre le XIIIe siècle, au cours de laquelle les consonnes finales tombent devant consonne initiale mais se maintiennent dans les autres contextes, à savoir aussi bien à la pause (et donc lorsque le mot concerné est prononcé isolément) que devant voyelle initiale. On parle alors, non pas de liaison, mais de troncation.

Or voilà qu’il aura fallu attendre, si l’on en croit la page liaison du TLFi, 1592 pour qu’un grammairien, Delamothe, traite des liaisons. C’est seulement au XVIIe siècle que beaucoup d’autres grammairiens se saisiront du sujet. Les deux phénomènes, l’amuïssement des consonnes finales et la liaison se suivent à plus de quatre siècles, si encore il y a vraiment eu amuïssement, c’est-à dire si avant le XIIe siècle on prononçait et écrivait bien - ben oui, autrement comment savoir ? - toutes les consonnes finales. Ils ont inévitablement influé l’un sur l’autre, et donc dans les deux sens alors qu’on ne veut en voir qu’un, mais les quatre siècles d’écart achèvent d’interdire de voir le deuxième comme une simple conséquence mécanique du premier. CQFD. Batteux en 1763 vient confirmer (retour sur le site chantez-vous français) :

Le triomphe de la liaison (XVIIe et XVIIIe siècles) [tout à la fin de cette partie] :
[…]
Ces loix faites pour l’union des lettres dans les syllabes & des syllabes dans un mot, se sont portées sur les mots combinés & assortis entr’eux dans une même phrase. La consonne finale se marie volontiers avec la voyelle initiale du mot suivant, & de même la voyelle finale aime à se reposer & à s’appuyer sur la consonne initiale : d’où résulte une chaîne agréable de sons que rien n’arrête, ni ne trouble, ni ne rompt.
La langue françoise a en ce point quelque avantage sur la latine. Celle-ci ayant la plûpart de ses finales en consonnes, comme il est aisé de s’en assurer en parcourant les déclinaisons des noms, & les conjugaisons des verbes, trouve presque à chaque instant des consonnes qui se choquent entre les mots.
La nôtre au contraire faisant, comme la grecque, presque toutes ses terminaisons sur des voyelles, trouve, quand elle le veut, les moyens d’éviter cet inconvénient.
Elle a ses e muets qui se trouvent à la fin d’un grand nombre de ses mots, & qui sortent, ou qui rentrent selon le besoin du mot qui suit : c’est-à-dire, qu’il s’unit à la consonne initiale pour être le lien des deux mots, ou qu’il se perd & se plonge dans la voyelle initiale pour éviter l’hiatus. Il y en a plusieurs exemples dans chacune de nos lignes. Et sa prononciation étant très-légère, il fait une liaison fine & subtile, dont l’agrément fait un des mérites de notre langue. Nous n’avons presque point de consonnes finales. La lettre n devient nazale ou demi voyelle devant une consonne ; & devant une voyelle elle reprend quelquefois son articulation palatiale. Les lettres l, x, z, c ne se prononcent point du tout quand l’initiale suivante est consonne : le b, le d, l’f, le k, l’m, le p, le q, ne se trouvent pas communément à la fin de nos mots : & quand ils s’y trouvent, le caractere & le génie aisé de la langue empêchent presque toujours qu’on ne les prononce, à moins qu’il n’y ait après une voyelle ; de sorte qui nous voyons assez rarement consonne contre consonne, & que la voyelle se trouve presque toujours où l’oreille la demande.

Quant à l’écart entre discours public et discours privé cher à certains il faisait déjà fulminer Vaugelas :

Quelle marge pour le discours soutenu ?
Aux XVIIe et XIIIe siècles, les grammairiens sont très attentifs au discours soutenu, le plus souvent pour légitimer ses écarts au discours ordinaire, souvent aussi pour en restreindre le champ. On se souvient du coup de sang de Vaugelas : « comme si les paroles prononcées en public demandoient une autre prononciation, que celle qu’elles ont en particulier, & dans le commerce du monde » s’insurge-t-il à propos de ceux qui font entendre, dans la lecture publique, l’r final des infinitifs précédé d’un e ouvert.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : liaisons (disparition des )

yd a écrit:

Prenons le cas, magistral, de il : devant une consonne ou en fin de phrase, nous prononçons toujours le l final, quoique l'amuïssement fût tenté par des zélés, non d'une façon naturelle à la langue (le IV de la page mise en lien plus haut) :

Au XVIIème siècle, on réintroduit des consonnes finales, mais de manière assez anarchique ; il y aura un bon usage, différent de l'usage populaire, et avec des contradictions. [...] On recommandait aussi de dire i faut pour il faut (Milleran, grammairien, fin XVII ème).

Cet usage est, de nos jours considéré comme populaire.
La plupart des consonnes finales n'étaient pas prononcées, dans l'ancienne langue, en position finale ou en liaison avec une autre consonne. Tallemant des Réaux se moque d'un personnage qui dit cinq nymphes quand l'usage du temps exige cin(q) nymphes. On peut aussi penser à pivert (pic vert) qui subsiste de cette époque. Bizarrement, la tendance actuelle est à l'inverse, et l'on entend de plus en plus cinq cents ou dix (disse) maisons, là où certains, comme moi, prononcent encore cin(q) cents et di(x) maisons. Un de mes grand-pères (banlieue ouest de Paris, bonne éducation) disait dis sè cent et diz neu cent pour 1700 et 1900.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

Re : liaisons (disparition des )

yd a écrit:

Prenons l’exemple de être. D’après cette première page (fin du B, III), qui est un document précieux et assez synthétique, il aura fallu attendre Voltaire pour orthographier estois en étais. Comme ce <oi> se prononçait depuis longtemps <ai>, on suppose que le s avant le t était lui aussi tombé dans la prononciation depuis longtemps. Mais nous restons apparemment dans l'ignorance absolue concernant la prononciation du s final.

Non, on peut déduire un certain nombre de faits de prononciation, bien avant Voltaire, des écrits :
1) des grammairiens et/ou utopistes qui ont proposé une graphie phonétique de la langue.
2) des livres pour apprendre le français aux étrangers, livres qui généralement indiquent la prononciation.



yd a écrit:

Alors ce consensus pour affirmer qu'antérieurement aux liaisons toutes les consonnes finales étaient prononcées, d'où vous vient-il ?

Il faut probablement distinguer plusieurs prononciations. D'une part la prononciation courante, où les consonnes finales étaient généralement muettes. D'autres part, la prononciation soutenue, utilisée pour la déclamation et le chant, où il est possible que toutes les consonnes aient été prononcées. C'est du moins ce que m'a soutenu récemment à la fin d'un concert une spécialiste de la prononciation à l'époque classique et pré-classique, quand je m'étonnais du choix de prononcer systématiquement les consonnes finales, même sans liaison (j'aurais voulu qu'il perdît, prononcé "perdite"). Je n'ai pas encore eu le temps de vérifier.
Mais il est vrai que même aujourd'hui, on prononce souvent dans le chant les "e" muets (elle est aimé-e) alors qu'on y renonce dans la langue courante. Même chose parfois pour le "r" qu'on conserve roulé en chant, alors qu'il a presque complètement disparu du paysage sonore français.

36 Dernière modification par vh (09-12-2016 15:50:54)

Re : liaisons (disparition des )

Il faudrait  ajouter à la liste  la  prononciation forcée des doubles consonnes (ex. Em-ma est  émue), langage liturgique de la dictée rituelle hebdomadaire du lundi matin.

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Re : liaisons (disparition des )

Merci pour ces érudites contributions  , j'apprends plein de choses sur les tribulations historiques de notre langue et les fluctuations du "bien parler".
Je voyais les choses de l'étroit point de vue du gars irrité qu'on ne s'exprime plus aussi "bien" que dans sa jeunesse , et c'est vrai qu'il y a eu une formidable accélération dans cette "dégradation" (les guillemets pour marquer une distance avec mon étroitesse d'esprit initiale!).
Mais , mon irritation vient également de ce que je crois déceler dans cette évolution du langage de nos dirigeants : une certaine affectation...J'ai l'impression qu'ils se forcent à parler ainsi (par démagogie ?).

38 Dernière modification par yd (09-12-2016 17:40:52)

Re : liaisons (disparition des )

Ce que disait Delamothe en 1592, cité dans un livre anglais qui cite lui-même Charles Thurot :

Nous joignons tellement nos mots ensemble par une mutuelle liaison et proportion de voyelles et consonantes qu’il semble que chasque comma n’est qu’un mot : car encore qu’il y en ait quelquefois sept ou huict, ils sont si bien mariez et enchainez ensemble, qu’on ne les peut disjoindre, sans rompre les reigles de la vraye et naturelle prononciation.

Comma est ici au sens latin, ou plus exactement grec ; en français le sens est curieusement inversé :

Emprunté au latin comma, -atis (grec κ ο ́ μ μ α « membre de phrase ») « membre de phrase, période » en latin classique ; « signe de ponctuation » et terme de musique en bas latin.

Merci au Wikipédia allemand de nous renseigner sur Charles Thurot - son livre est dans Gallica -, puisque le Wikipédia français l'ignore, et quasiment tout Google en français. Le TLFi heureusement cite son nom. 

La page histoire de l'orthographe citée dans mon précédent message a un pendant, la page histoire de la prononciation, qui dit que la nasalisation, à mon avis très importante sur la question de la prononciation de la consonne finale ou de toutes les consonnes, remonterait au XIe siècle.

Puis en IV, 1, elle situe l'amuïssement des consonnes finales, en se démarquant des autres pages que j'avais citées, entre le VIIIe et le XIIIe siècle, le r, la plus résistante, cédant au XIIIe siècle. Mais on a vu que tout était loin d'être fini au XIIIe siècle. La première à être amuïe aurait été le m, dès le début de l'ère chrétienne - mais comment est-on remonté aussi haut ? -, en tant que terminaison de l'accusatif.

La suite m'est assez énigmatique, en particulier la déclinaison à deux cas :

En général, la consonne finale disparaissait devant le s du pluriel, mais se conservait au singulier, avant le XIIIème siècle : un arc / des arcs [aRk / aRs], un chat / des chats (= "tchate" / "tchasse"). Après le XIIIème, elle disparaît dans tous les cas.

Certaines situations permettent à la consonne de se conserver, selon la place ou l'emploi, comme on constate encore aujourd'hui dans plus (= davantage / ou négation), six, dix (x = s / z / ou muet), vingt. Ex : six filles, six enfants, il y en a six ; il y en a plus / il n'y en a plus.

Le s et le t correspondant à des désinences disparaissent à la fin du siècle => fin de la déclinaison à 2 cas, accomplie pour le XIVème.

Je finis par me demander si la velléité de conserver trace des déclinaisons n'aurait pas été la véritable raison de la prétendue prononciation des consonnes finales et si elle n'aurait pas pesé particulièrement lourd en poésie.

Ce qui distingue le français, phonétiquement, de toutes les langues voisines, historiquement ou géographiquement, dans lesquelles on prononce toutes les consonnes, c'est son exclusivité - je me trompe peut-être - 1) du e muet, 2) des nasales. L'amuïssement des consonnes, finales ou non, pour moi c'est important mais au second plan. Le coup du e muet (voir la citation de Batteux dans mon message précédent), que je trouve, oui, génial, pourrait bien expliquer à lui seul l'engouement, pendant quelques siècles, de toute l'aristocratie européenne pour notre langue.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : liaisons (disparition des )

Vers la fin de cet enregistrement, Kirk Douglas dit : Nous sommes [] avec… en prononçant le s final de sommes.
Ce contretemps de liaison s’explique par le choix hésitant du mot suivant.
J’ai perçu un certain raffinement ou tout au moins de l’habileté  dans cette façon de faire participer la "consonne de liaison" à un instant d’hésitation.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : liaisons (disparition des )

La première à être amuïe aurait été le m, dès le début de l'ère chrétienne

Elle avait déjà  disparu au temps de Cicéron. On le sait, car dans les vers les finales en --m (-am, -em, -um...) s'élident devant voyelle.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : liaisons (disparition des )

Marlon Brando était-il nul en matière de liaison?


https://www.facebook.com/Ina.fr/videos/ … 355941614/

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : liaisons (disparition des )

Pas facile pour un étranger de pratiquer les liaisons du français. Il ne semble pas qu'il y ait pas ce phénomène dans les autres langues européennes, pas en allemand, en tout cas, où le coup de glotte s'impose avant une voyelle en position initiale.
En breton, au contraire, les liaisons se font, mais en sonorisant les consonnes finales sourdes devant voyelle.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

43 Dernière modification par yd (11-12-2016 20:56:58)

Re : liaisons (disparition des )

Et il n'est pas facile non plus de retrouver l'historique, car lorsque Delamothe en 1592 (en haute de mon précédent message, le 38e) « officialise » le système des liaisons, il en parle comme s'il existait depuis longtemps et comme s'il était naturel aux locuteurs et à la langue. La prononciation du français lui paraît visiblement facile et d'ailleurs il le dit.

Je reconnais que le parallèle historique avec l’amuïssement des consonnes finales est déséquilibré, car il faudrait pouvoir suivre sur les deux plans ce qu'en ont dit, graduellement, les grammairiens. L'essentiel de ce que l'on sait ou de ce que l'on croit relève davantage d'une reconstitution tardive et théorique que d'une vraie reconstitution historique.

On devine qu'à une époque, à la louche vers 1500, on a fait apparemment table rase, puisque par exemple on repartira de rien quand Ménage, je crois, tente le premier dictionnaire étymologique, avec une grande crainte de se tromper, puisqu'il s'en est expliqué. Si donc il nous manque des travaux de grammairiens contemporains en gros avant 1600, on ne sait pas si les évolutions leur ont semblé naturelles, comme allant d'elles-mêmes - concernant la liaison on peut vraiment se le demander -, n'attirant pas leur attention, ou s'ils travaillèrent ou débattirent sur ces questions.

Vous aurez remarqué que les deux principaux sites sur lesquels je me suis appuyé se trouvent avant tout consacrés à la musique et au chant. Hasard des recherches, peut-être, mais il n'empêche que je n'ai pas trouvé une documentation de ce niveau sur des sites directement consacrés à la langue. Il est vrai que par la poésie on retrouve beaucoup de choses et qu'elle est d'un apport extrêmement précieux, mais d'un autre côté on semble bien en être réduits là. Entre les évolutions de la langue et les évolutions en poésie il y a de nombreux ponts mais on n'a aucune idée de la largeur et de la profondeur entre les deux rives, le tout demeurant dans un épais brouillard.

Fille légère ne peut bêcher.

44 Dernière modification par éponymie (13-12-2016 11:16:37)

Re : liaisons (disparition des )

J'arrive comme les carabiniers. Remarque préliminaire : personne de sérieux ne s'est jamais risqué à dire que les liaisons sont obligatoires après la partie conjuguée du groupe verbal et après le nom dans le groupe nominal, il y aura bien une raison à cela.

Alco a écrit:

Qu'on le veuille ou non, l'observance de l'usage des liaisons est un marqueur du niveau culturel, ou du moins elle est ressentie comme telle par les personnes cultivées. On est quand même en droit de se poser des questions quand des personnalités haut placées se laissent aller à des pratiques langagières relâchées.

Quand on regarde des émissions des années 60 ou 70 dans lesquelles le langage était encore très controlé, on constate que la pratique de la liaison était étendue et allait bien au delà des rares identifiées comme obligatoires, cet usage a largement disparu et s'est probablement réduit à un marqueur social : je suis méchant mais je crois qu'en plus d'éventuellement constituer la marque des personnes cultivées, c'est aussi bien souvent l'instrument de ceux qui veulent se montrer cultivés.

Si les politiques renoncent à cet instrument, il y a aussi une raison à cela. Mauvaise en l'occurrence, pour des gens qui évoluent probablement dans des milieux dans lesquels on ne parle pas "comme ça", puisqu'il s'agit de caresser le potentiel électeur dans le sens du poil.

Je crois que ça fait désormais belle-lurette que la forme du langage ne trahit pas vraiment le niveau de culture et de connaissance.

Deuxième remarque : après 5 ans d'abstinence, je viens de faire une immersion de 10 jours en France et j'ai été tout surpris d'entendre des personnes que je ne définirais pas ignorantes employer nouveau pour nouvel et ne pas faire une liaison avec très (une dame de 80 ans et une autre de 48) et j'en ai probablement laissé passer d'autres.

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Re : liaisons (disparition des )

Je suis complètement d'accord avec vous. En tant que professeur de français, et juste amoureuse de la langue française, ces liaisons oubliées m'écorchent les oreilles.
Hélas, j'avoue ne plus me battre depuis longtemps contre cela.

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