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forum abclf » Réflexions linguistiques » La thèse que, l'argument que ?

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Messages [ 38 ]

Sujet : La thèse que, l'argument que ?

Bonjour.

Je sais que "la thèse selon laquelle" et "l'argument selon lequel" sont des expressions correctes.
En revanche, peut-on écrire, par exemple :
Cet article entend réfuter la thèse qu'il est possible de ressentir sans connaître ce que l'on ressent.
J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.
Je conteste l'argument que la constitution, juridiquement, est une loi.
Je conteste l'argument que les sociétés humaines peuvent se passer d'idéologies.

En anglais, "thesis that" et "argument that" sont des expressions correctes ; mais en français ?

Merci pour votre aide.

Re : La thèse que, l'argument que ?

J'hésiterais à employer directement "que" avec "thèse" ou argument", recourant alors à "selon laquelle, selon lequel" malgré leur lourdeur.
Pourtant, je n’hésiterais pas après "idée" : l'idée que nous pouvons mourir demain ne me quitte pas.
Pourquoi l'un et pas l'autre ? Aucune raison logique à mon avis. Juste une question d'habitude.

3 Dernière modification par Ylou (15-10-2016 19:05:48)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Une thèse est une proposition qui doit être soutenue par une argumentation : c'est sans doute pour cela qu'on hésite à lui donner une relative qui  court circuiterait cette argumentation.

L'argument est lui aussi souvent plus complexe qu'une simple preuve. Et on retombe sur la même hésitation.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

4 Dernière modification par yd (15-10-2016 19:49:29)

Re : La thèse que, l'argument que ?

(Je faisais suite au message 2 d'Abel Boyer, pardon.)

Une habitude qui ne trouve pas d'explication peut en cacher une autre qui en trouve quelquefois plus facilement : on peut dire la thèse voulant que, prônant que, l'hypothèse supposant que, l'argument affirmant que, rappelant que, alors qu'avec l'idée je ne trouve ni le participe présent adéquat, ni d'autre formulation plus satisfaisante que l'idée que : l'idée comme quoi, et puis quoi ?

Disons que l'idée que, la pensée que ne se contournent guère avantageusement, et ceci pourrait provenir de leur nature même, un peu comme pour la volonté que, l'affirmation que, qui rendrait vaine l'adjonction d'un verbe au participe présent.

Un cas extrême serait celui de la parole : la parole que ne passe pas, la parole disant que paraît stupide, ainsi que la plupart des autres participes présents envisageables. On échappe difficilement à la parole selon laquelle, suivant laquelle, en vertu de laquelle, etc.

Mais je sais bien que ce tour est trop vite fait, c'est juste une approche.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : La thèse que, l'argument que ?

Mais c'est simplement que avec idée ou pensée il y a identité avec ce que dit la relative alors qu'avec thèse, argument ou parole, ce ne peut être le cas.
Pour être plus claire :
L'idée/la pensée que tout le monde pouvait être coupable lui vint tout à coup.
ici idée/pensée = tout le monde peut être coupable.
Mais :
La parole que tout le monde devait sortir surprit est impossible parce que la parole ≠ tout le monde doit sortir. La parole exprime l'idée ou l'ordre ou la suggestion que tout le monde doive sortir.
Pour Thèse, c'est la même chose puisqu'une thèse est une proposition à soutenir par une argumentation.
Cet article entend réfuter la thèse qu'il est possible de ressentir sans connaître ce que l'on ressent. Thèse ≠ de l'affirmation : il est possible de ressentir....

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

Re : La thèse que, l'argument que ?

Patrick a écrit:

Bonjour.

Je sais que "la thèse selon laquelle" et "l'argument selon lequel" sont des expressions correctes.
En revanche, peut-on écrire, par exemple :
Cet article entend réfuter la thèse qu'il est possible de ressentir sans connaître ce que l'on ressent.
J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.
Je conteste l'argument que la constitution, juridiquement, est une loi.
Je conteste l'argument que les sociétés humaines peuvent se passer d'idéologies.

En anglais, "thesis that" et "argument that" sont des expressions correctes ; mais en français ?

Merci pour votre aide.

Je cite :

que
Conjonction, adverbe ou pronom, que a pour fonction syntaxiquement, de nominaliser ou d'adjectiver une phrase.
[...]
5. [Introd. une complét. en fonction d'appos.]
a) [Apposée à un subst.] Le sentiment que..., l'espoir que..., la crainte que... Le bruit court qu'il a eu un accident.

Ici, les phrases introduites par que sont, grammaticalement, à considérer comme des adjectifs.

Cet article entend réfuter la thèse qu'il est possible de ressentir sans connaître ce que l'on ressent.
-> Cet article entend réfuter la thèse de la possibilité de ressentir sans connaître ce que l'on ressent.

J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.
-> J'accepte la thèse de l'essence tautologique des théorèmes mathématiques.

Je conteste l'argument que la constitution, juridiquement, est une loi.
-> Je conteste l'argument de l'équivalence juridique de la constitution à une loi.

Je conteste l'argument que les sociétés humaines peuvent se passer d'idéologies.
-> Je conteste l'argument de la possibilité pour les sociétés humaines de se passer d'idéologies.

Ces tournures sont donc tout-à-fait licites.

7 Dernière modification par yd (17-10-2016 08:53:05)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Le TLFi à hypothèse (à la fin du B) donne l'exemple l'hypothèse qu'il est cocu etc., ce qui doit valoir aussi pour la thèse que, mais pour l'argument que j'aurais préféré une confirmation. Ceux qui acceptent l'argument que acceptent-ils l'argumentation que ?

Est-ce qu'on dirait la théorie que l'espèce humaine engendrera des sous-espèces etc., je ne crois pas. Même sentiment pour l'accusation que.

Je reste dans l'impression d'une tolérance variable pour ce type de construction. Soit on trouve la règle précise ou le seuil exact qui déterminerait si le construction est possible ou non, soit on s'appuie sur les dictionnaires, soit on s'appuie sur les auteurs. Quand aucune des trois conditions n'est remplie et qu'on hésite, je resterais prudent.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : La thèse que, l'argument que ?

Je recite :
Conjonction [...], que a pour fonction syntaxiquement, [...] d'adjectiver une phrase.

Or, le terme « argument » est un substantif.
Or, tout substantif peut accepter un adjectif.

Dans cet argument que le caractère acceptable de la tournure pourrait dépendre du sens du substantif complété, il y a une erreur de conception : l'acceptabilité de cette tournure ne doit se juger qu'au plan grammatical.

Ici, « le caractère acceptable de la tournure pourrait dépendre du sens du substantif complété » est une phrase adjective de « cet argument ». Cette adjectivisation se fait via la conjonction « que », dont c'est une des fonctions syntaxiques.

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Re : La thèse que, l'argument que ?

florentissime a écrit:

Dans cet argument que le caractère acceptable de la tournure pourrait dépendre du sens du substantif complété, il y a une erreur de conception : l'acceptabilité de cette tournure ne doit se juger qu'au plan grammatical.

Voici un couple nom + adjectif grammaticalement acceptable : un chien évident. Pourtant, le sens ainsi obtenu est très improbable.
Un stylo démontré est nettement inacceptable, hormis en poésie par exemple.
L'acceptabilité d'une tournure se décide au plan grammatical et sémantique.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : La thèse que, l'argument que ?

S'il est une chose qui ressort du TLFi concernant la construction qui nous occupe, c'est la cruelle absence de tout apport des grammairiens.

On semble tout devoir retrouver soi-même ; au mieux nous pouvons espérer progresser ensemble sur le forum.

Mais la question qui nous occupe n'a-t-elle donc pas été étudiée ? Que fout-on dans nos universités ? Ne sont-elles plus bonnes qu'à fermer, afin qu'on puise enfin avancer ?

Fille légère ne peut bêcher.

Re : La thèse que, l'argument que ?

Ce n'est pourtant pas la première fois que l'on tombe sur ce genre de problème : il peut y avoir une recherche sur ce problème précis comme il peut ne pas y en avoir. Combien de fois j'ai mis en lien ce genre de mini-thèse sur un sujet donné, celui qui la rédige doit se livrer à tout un travail de recherche, d'analyse avant de tirer des conclusions.

Les grammairiens, les linguistes sont humains avec leurs limites, ils ne réussiront jamais à faire le tour de toutes les possibilités de la langue.

C'est ça d'ailleurs qui est fou avec la langue, pour le langage courant nous percevons instinctivement ce qui est correct ou non, mais quand il s'agit de comprendre comment et pourquoi se met en place une syntaxe, c'est souvent un travail de titan.

Je suis assez d'accord avec le message 5 de Ylou. Remplaçons thèse par raisonnement car il  me semble que cela saute encore plus aux yeux :

  • Selon ce raisonnement, il est possible de ressentir sans connaître ce que l'on ressent

  • Je soutiens le raisonnement qu'il est possible de ressentir sans connaître ce que l'on ressent

Avec idée, contenant (la parole idée) et contenu (il est possible de ressentir sans connaître ce que l'on ressent) correspondent parfaitement, avec thèse, raisonnement, le second est l'aboutissement, la conclusion du premier. C'est probablement pour cela que la conjonction que gêne aux entournures.

Hypothèse devrait à peu près se comporter comme idée, tout comme argument (sauf s'il se charge du sens plus élaboré d'argumentation). Mais pour chacun de ces mots, comme le disait déjà Ylou, il faudrait voir quel est son champ sèmantique, quelles sont toutes les syntaxes possibles.

Il est vrai aussi que l'habitude a probablement son mot à dire dans ce genre d'histoire mais, dans notre cas, ce n'est quand même pas une tournure que l'on manie tous les quatre-cinq matins, et c'est bien justement ce qui génère cette discussion.

12 Dernière modification par yd (18-10-2016 16:28:49)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Je suis d'accord. Je me posais justement la question entre l'hypothèse que et la thèse que, me demandant si je n'étais pas allé trop vite en supposant que l'acceptation de la première entrainait l'acceptation de la seconde.

Il doit bien y avoir une question de ressenti, ou entre les substantifs subjectifs et les substantifs objectifs. L'hypothèse, dans un raisonnement rigoureux, est objective, mais on l'utilise souvent au sens d'une supposition, qui est perçue comme subjective ou personnelle. Il me semble en tout cas que les substantifs subjectifs supportent particulièrement bien la construction avec que. Le point faible serait qu'à l'inverse un substantif objectif n'est peut-être pas une notion pertinente.

Le témoignage que, l'accusation que, l'injustice que, qui à mon avis ne fonctionnent pas dans cette construction avec que, ne désignent qu'indirectement l'énoncé introduit par que et ne s'y prêteraient donc pas.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : La thèse que, l'argument que ?

yd a écrit:

Mais la question qui nous occupe n'a-t-elle donc pas été étudiée ? Que fout-on dans nos universités ? Ne sont-elles plus bonnes qu'à fermer, afin qu'on puise enfin avancer ?

Je suis bien persuadé que la chose a été étudiée, mais il n'est pas forcément aisé d'en retrouver la trace sur la Toile, d'abord parce que toutes les études sérieuses de linguistique ne s'y trouvent pas, et surtout parce qu'il n'est pas facile de trouver les bons mots-clés pour une telle recherche.

14 Dernière modification par yd (18-10-2016 19:15:40)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Certes, j'ai vu ce problème des mots-clés, mais je pensais que si ces études avaient été menées à bien nos dictionnaires s'y référeraient. Le TLFi le fait souvent sur d'autres questions, mais apparemment pas sur celle-ci.

Fille légère ne peut bêcher.

15 Dernière modification par glop (18-10-2016 20:22:53)

Re : La thèse que, l'argument que ?

En lisant ce fil, je m’interroge sur la fonction de "que".
Dans la phrase suivante: J’ai la conviction qu’il réussira. , "que" fait office de conjonction de subordination introduisant la subordonnée.
Mais dans la phrase que propose  Patrick: J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.,
À quoi sert "que" et comment l’appeler ?

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

16 Dernière modification par florentissime (18-10-2016 20:37:04)

Re : La thèse que, l'argument que ?

glop a écrit:

En lisant ce fil, je m’interroge sur la fonction de "que".
Dans la phrase suivante: J’ai la conviction qu’il réussira. , que fait office de conjonction de subordination introduisant la subordonnée.
Mais dans la phrase que propose  Patrick: J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.,
À quoi sert "que" et comment l’appeler ?

C'est toujours une conjonction de subordination.
Sauf qu'il subordonne la phrase non pas à un verbe, mais à un substantif, en l'occurrence « thèse ».

Puisqu'il subordonne la phrase à un substantif, cette phrase devient dès lors un complément de nom.

On pourrait écrire aussi, en reformulant la phrase complétive, mais sans verbe :
« J'accepte la thèse de la nature tautologique des théorèmes mathématiques. »

Ici, « la nature tautologique des théorème mathématique » est bien un complément de nom introduit par « de ».
De même « les théorèmes mathématiques sont des tautologies » est-il un complément de nom, introduit par « que ».

Tu me diras, mais « de » est une préposition, pas une conjonction de subordination ! Certes, mais c'est affaire de désignation, puisque la définition d'une préposition implique la subordination du terme introduit par elle.

Une préposition est une catégorie grammaticale de mots-outils placés avant un élément subordonné

Re : La thèse que, l'argument que ?

Ylou a écrit:
florentissime a écrit:

Dans cet argument que le caractère acceptable de la tournure pourrait dépendre du sens du substantif complété, il y a une erreur de conception : l'acceptabilité de cette tournure ne doit se juger qu'au plan grammatical.

Voici un couple nom + adjectif grammaticalement acceptable : un chien évident. Pourtant, le sens ainsi obtenu est très improbable.
Un stylo démontré est nettement inacceptable, hormis en poésie par exemple.
L'acceptabilité d'une tournure se décide au plan grammatical et sémantique.

L'argument que certaines successions de mots sont vides de sens manque la cible. En effet, il aurait fallu que nous parlions d'une succession de mots signifiants. Or dans la tournure « l'argument que », il n'y a pas une telle succession, il n'y a qu'un seul mot signifiant, le mot « argument », le mot « que » étant un mot-outil, dénué de toute signification.

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Re : La thèse que, l'argument que ?

florentissime a écrit:
glop a écrit:

En lisant ce fil, je m’interroge sur la fonction de "que".
Dans la phrase suivante: J’ai la conviction qu’il réussira. , que fait office de conjonction de subordination introduisant la subordonnée.
Mais dans la phrase que propose  Patrick: J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.,
À quoi sert "que" et comment l’appeler ?

C'est toujours une conjonction de subordination.
Sauf qu'il subordonne la phrase non pas à un verbe, mais à un substantif, en l'occurrence « thèse ».

Puisqu'il subordonne la phrase à un substantif, cette phrase devient dès lors un complément de nom.

On pourrait écrire aussi, en reformulant la phrase complétive, mais sans verbe :
« J'accepte la thèse de la nature tautologique des théorèmes mathématiques. »

Ici, « la nature tautologique des théorème mathématique » est bien un complément de nom introduit par « de ».
De même « les théorèmes mathématiques sont des tautologies » est-il un complément de nom, introduit par « que ».

Tu me diras, mais « de » est une préposition, pas une conjonction de subordination ! Certes, mais c'est affaire de désignation, puisque la définition d'une préposition implique la subordination du terme introduit par elle.

Une préposition est une catégorie grammaticale de mots-outils placés avant un élément subordonné

Vous avez probablement raison mais j’ai du mal à ne pas voir ce "que" comme une contraction de "selon lequel".

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

19 Dernière modification par éponymie (18-10-2016 22:31:11)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Tout comme que à tendance à remplacer dont, il est plus facile à utiliser que selon lequel, mais ce n'en est pas une contraction pour autant. Raccourci serait plus approprié.

Du est la contraction de de le, chuis de je suis. M'enfin bon, tout dépend aussi de ce que l'on entend par contraction.

P.S.: j'oubliais le (le jour que je l'ai rencontrée)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Et puis ça ne date pas d'hier cette histoire :

http://img15.hostingpics.net/pics/245398GuezdeBalzac.jpg

Extrait d'une lettre de Jean-Louis Guez de Balzac (1622)

Où donc ai-je trouvé ça ? ICI, ça date de 1919 et les paragraphes à lire sont les 128 et 129 (Syntaxe historique du français, pp. 80-82).

Effectivement, c'est une histoire connue. Notre grammairien est à l'antique et porte des jugements de valeur, ce qui ne lui sied pas est produit par "le peuple" mais le constat vaut toujours.

21 Dernière modification par yd (18-10-2016 23:18:28)

Re : La thèse que, l'argument que ?

« J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies » peut se renverser en « que les théorèmes mathématiques soient / sont des tautologies est une thèse que j'accepte ». Dans la deuxième version on ne peut remplacer que par selon laquelle. Bien qu'il y ait une légère variation de sens qui pousse à user du subjonctif, les deux phrases me paraissent suffisamment équivalentes pour en conclure que dans la première version que ne doive pas non plus être considéré comme un raccourci de selon laquelle.

Et je ne crois pas que dans la deuxième version que soit conjonction de subordination. On dirait un que hypothétique, mais dans le TLFi je ne trouve que l'alternative que... ou que... (en I, A, 6, f, β) (classé en I, donc comme conjonction de subordination).

Fille légère ne peut bêcher.

Re : La thèse que, l'argument que ?

yd a écrit:

« J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies » peut se renverser en « que les théorèmes mathématiques soient / sont des tautologies est une thèse que j'accepte ». Dans la deuxième version on ne peut remplacer que par selon laquelle.

Bé oui : c'est dans la première version que cet usage (que j'ai plus ou moins heureusement appelé raccourci), objet depuis au moins 3 siècles de discussion, peut apparaitre puisque c'est dans ce cas qu'il y a subordination. Le que de votre seconde version est une conjonction qui permet de faire de "les théorèmes mathématiques soient / sont des tautologies" le sujet de la principale (comme dans Qu'il soit compétent est reconnu).

Re : La thèse que, l'argument que ?

On commence à y voir un peu plus clair : il y a d'un point de vue grammatical une syntaxe discutable et discutée (le que remplaçant un pronom relatif plus complexe) et, d'un point de vue sémantique, des mots avec lesquels cette syntaxe passe mieux qu'avec d'autres.

Je suppose qu'ìl est inutile de se satelliser sur l'aspect grammatical puisqu'il semble y avoir toujours eu un abysse entre les usages standard ou recherché et l'usage courant. Quant à l'aspect sémantique... On réussit à mouliner un début d'explication avec thèse et idée, cela vaut-il pour tous les mots ? Raisonnement, hypothèse, affirmation, etc.

24 Dernière modification par yd (18-10-2016 23:38:48)

Re : La thèse que, l'argument que ?

éponymie a écrit:

Le que de votre seconde version est une conjonction qui permet de faire de "les théorèmes mathématiques soient / sont des tautologies" le sujet de la principale (comme dans Qu'il soit compétent est reconnu).

Un que subjectif, donc ?
SUBJECTIF, -IVE, adjectif

I.
B. − LINGUISTIQUE
1. Qui, dans la phrase active correspondant au syntagme nominal, serait le sujet du verbe (d'apr. Ling. 1972).

Fille légère ne peut bêcher.

25 Dernière modification par glop (19-10-2016 05:47:00)

Re : La thèse que, l'argument que ?

J’ai voulu comparer la phrase de Patrick avec d’autres phrases dans lesquelles "que" est placé directement à la suite d’un mot sans que cela paraisse bizarre.
Je constate qu’il m’a fallu pour cela éviter l’article (défini ou indéfini) devant le mot qui précède "que".
Ainsi "que" risque moins d'être pris pour un pronom relatif.

Je pars du principe que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.
... J’en veux pour preuve que sa voiture était en panne.
J’accepte comme dédommagement que vous preniez en charge les réparations.
Je vous propose en guise de promenade que nous fassions le tour de l’étang.

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Re : La thèse que, l'argument que ?

glop a écrit:

En lisant ce fil, je m’interroge sur la fonction de "que".
Dans la phrase suivante: J’ai la conviction qu’il réussira. , "que" fait office de conjonction de subordination introduisant la subordonnée.
Mais dans la phrase que propose  Patrick: J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.,
À quoi sert "que" et comment l’appeler ?

La phrase : J’ai la conviction qu’il réussira est du même type que les phrases proposées ensuite :

... J’en veux pour preuve que sa voiture était en panne.
J’accepte comme dédommagement que vous preniez en charge les réparations.
Je vous propose en guise de promenade que nous fassions le tour de l’étang.

C'est  dire qu'en effet les GN en gras sont des compléments du verbes qui peuvent être éliminés ou déplacés, et qui se trouvent être entre le verbe et la conjonction de subordination :
Il en va tout autrement de :  J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies où le GN en gras ne peut être ni déplacé ni éliminé.
On pourrait développer ainsi : j'accepte la thèse qui veut démontrer que les théorèmes mathématiques sont des tautologies : "que" apparaît ainsi bien comme une conjonction qui subordonne.
Il semble alors que c'est ce raccourci (une proposition relative escamotée) qui gêne, et je reviens à l'aspect sémantique que j'avais évoqué au message 5.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

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Re : La thèse que, l'argument que ?

glop a écrit:

J’ai voulu comparer la phrase de Patrick avec d’autres phrases dans lesquelles "que" est placé directement à la suite d’un mot sans que cela paraisse bizarre.
Je constate qu’il m’a fallu pour cela éviter l’article (défini ou indéfini) devant le mot qui précède "que".
Ainsi "que" risque moins d'être pris pour un pronom relatif.

Je pars du principe que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.
... J’en veux pour preuve que sa voiture était en panne.
J’accepte comme dédommagement que vous preniez en charge les réparations.
Je vous propose en guise de promenade que nous fassions le tour de l’étang.

Il se trouve que qu'en effet on peut écrire :
Je veux la preuve que sa voiture était en panne.
Mais alors on peut là aussi développer en : je veux la preuve qui atteste que sa voiture était en panne.
Et qu'il est impossible de dire :
J'accepte votre dédommagement que vous preniez en charge les réparations.
Je vous propose la promenade que nous fassions le tour de l'étang.

On pourrait aussi développer en :
J'accepte votre dédommagement qui consisterait en ce que vous preniez en charge les réparations
Je vous propose la promenade qui consiste en ce que nous fassions le tour de l'étang

Je constate que pour ces deux phrases, j'ai dû utiliser "en ce que"

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

28 Dernière modification par glop (19-10-2016 14:04:26)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Ce que vous écrivez fait apparaître (à mes yeux) que deux de ces quatre phrases diffèrent beaucoup des deux autres.
On peut remplacer [Je vous propose en guise de promenade que nous fassions le tour de l’étang.] par [Je vous propose que nous fassions le tour de l’étang, en guise de promenade.]
On peut remplacer [J’accepte comme dédommagement que vous preniez en charge les réparations.] par [J’accepte que vous preniez en charge les réparations, comme dédommagement.]

On ne peut pas transformer les deux autres phrases de la même manière.
Je pressens d’ailleurs qu’elles sont plus en rapport avec le sujet.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

Re : La thèse que, l'argument que ?

glop a écrit:

Vous avez probablement raison mais j’ai du mal à ne pas voir ce "que" comme une contraction de "selon lequel".

C'est que plutôt que voir une contraction (ou un raccourci) dans un sens, j'y verrais plutôt un rallongement dans l'autre.

En effet, « que », dans cette position, peut être pris pour un pronom relatif.
« Selon lequel », bien qu'il soit plus long, ne souffre pas de cette ambiguïté.

30

Re : La thèse que, l'argument que ?

glop a écrit:

Ce que vous écrivez fait apparaître (à mes yeux) que deux de ces quatre phrases diffèrent beaucoup des deux autres.
On peut remplacer [Je vous propose en guise de promenade que nous fassions le tour de l’étang.] par [Je vous propose que nous fassions le tour de l’étang, en guise de promenade.]
On peut remplacer [J’accepte comme dédommagement que vous preniez en charge les réparations.] par [J’accepte que vous preniez en charge les réparations, comme dédommagement.]

On ne peut pas transformer les deux autres phrases de la même manière.
Je pressens d’ailleurs qu’elles sont plus en rapport avec le sujet.

De quelles autres phrases parlez-vous?

Le complément circonstanciel peut se déplacer, et en guise de promenade pourra trouver sa place dans cette phrase après "propose", ou après "fassions" ou à la fin

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

31 Dernière modification par glop (20-10-2016 01:58:39)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Oui je dois reconnaître que mon dernier message est sans intérêt.
Désolé.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : La thèse que, l'argument que ?

Non, tout au contraire. Votre message m'amène à constater que


Il est possible de dire :
A. J'accepte que vous preniez en charge les réparations : ce sera mon dédommagement
    Je vous propose que nous fassions le tour de l'étang : ce sera notre promenade
Mais impossible de transformer :
1.Je veux la preuve que sa voiture était en panne en Je veux que sa voiture était en panne : ce sera la preuve.
Or il est possible de transformer :
2.Je soutiens la thèse  que les oiseaux descendent des dinosaures en je soutiens que les oiseaux descendent des dinosaures : c'est ma thèse.
Autrement dit si la phrase 1 et la phrase 2 semblent construites toutes les deux de la même façon : Verbe + COD + proposition, mais il existe bien une différence. Et que la phrase 2 se rapproche en effet  des phrases A

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33 Dernière modification par florentissime (21-10-2016 18:06:40)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Ylou a écrit:

Non, tout au contraire. Votre message m'amène à constater que


Il est possible de dire :
A. J'accepte que vous preniez en charge les réparations : ce sera mon dédommagement
    Je vous propose que nous fassions le tour de l'étang : ce sera notre promenade
Mais impossible de transformer :
1.Je veux la preuve que sa voiture était en panne en Je veux que sa voiture était en panne : ce sera la preuve.
Or il est possible de transformer :
2.Je soutiens la thèse  que les oiseaux descendent des dinosaures en je soutiens que les oiseaux descendent des dinosaures : c'est ma thèse.
Autrement dit si la phrase 1 et la phrase 2 semblent construites toutes les deux de la même façon : Verbe + COD + proposition, mais il existe bien une différence. Et que la phrase 2 se rapproche en effet  des phrases A

Sauf que « soutenir que » a la même signification que « soutenir la thèse  que », et c'est pourquoi la reformulation n°2 passe correctement.

Maintenant, la construction des phrases 1 et 2 n'est pas, comme vous le dites, « Verbe + COD + proposition », mais elle est « verbe + COD », le COD étant :

1° « la preuve que sa voiture était en panne » où « que sa voiture étant en panne » est une proposition subordonnée au substantif « la preuve » (autrement dit, son complément de nom). On pourrait aisément reformuler, en substantifiant la proposition pour se passer du « que » : « je veux la preuve de la panne de sa voiture »

2° « la thèse que les oiseaux descendent des dinosaures », où « que les oiseaux descendent des dinosaures » est une proposition subordonnée au substantif « la thèse » (autrement dit, son complément de nom). On pourrait aisément reformuler, en substantifiant la proposition pour se passer du « que » : « je soutiens la thèse d'une descendance aviaire des dinosaures ».

34 Dernière modification par Ylou (21-10-2016 20:21:18)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Oui en effet votre analyse est plus fine que la mienne.
Et du même coup il y a peut-être un rapport entre le fait que soutenir  et soutenir la thèse aient le même sens et le fait qu'on n"accepte pas facilement je soutiens la thèse que les oiseaux descendent des dinosaures alors qu'évidemment je soutiens que les oiseaux.... ne pose aucun problème.
On a le même genre de réticence avec soutenir un argument.

Avec nos pensées nous créons le monde. Bouddha

35 Dernière modification par florentissime (21-10-2016 21:36:10)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Ylou a écrit:

[...]
On a le même genre de réticence avec soutenir un argument.

cnrtl.fr a écrit:

c) En partic. Soutenir une thèse (de doctorat). Présenter et défendre son travail de thèse devant un jury qualifié pour décerner le diplôme requis. Les jeunes Anglais soutiennent des thèses à Calcutta en arabe, en persan et en bengali (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 170).
3. [Le compl. désigne une opinion ou un fait de connaissance] Affirmer quelque chose en l'appuyant par des raisons, faire valoir quelque chose.
a) Qqn soutient qqc.Synon. défendre, plaider; anton. démolir, dénigrer, rejeter.Soutenir un argument, une idée, une opinion. Tous deux s'emportaient, en soutenant chacun l'exactitude de ses renseignements, lorsque des cris et des larmes éclatèrent (Zola, Germinal, 1885, p. 1146):
2. Après ce festin inespéré le Dr Ragu soutint très brillamment cette thèse déconcertante, qu'il étayait des meilleurs arguments: Hitler (...) ne serait qu'un jouet entre les mains d'un savant état-major... Gide, Journal, 1943, p. 192.
− Empl. pronom. passif. Ça se soutient. Toute classification suppose l'intervention active du classificateur. J'en conviens, cela peut se soutenir (H. Poincaré, Valeur sc., 1905, p. 261).
b) Qqn soutient que + prop.Synon. maintenir, professer; anton. nier.Il soutenait que Thomas n'était rien de plus qu'un autre, mais il ne manquait pas une des cérémonies que Thomas organisait dans l'église ! (Queffélec, Recteur, 1944, p. 140).V. mordicus ex. de Goncourt.

Sûrement par pléonasme...

Il reste que, dans tous ces cas, la proposition introduite par “que” est, grammaticalement, un complément de nom, ce qui est un usage licite de la conjonction “que” : On peut compléter un nom par une phrase via cette conjonction.

36 Dernière modification par glop (22-10-2016 13:51:26)

Re : La thèse que, l'argument que ?

Ylou a écrit:

Oui en effet votre analyse est plus fine que la mienne.
Et du même coup il y a peut-être un rapport entre le fait que soutenir  et soutenir la thèse aient le même sens et le fait qu'on n"accepte pas facilement je soutiens la thèse que les oiseaux descendent des dinosaures alors qu'évidemment je soutiens que les oiseaux.... ne pose aucun problème.
On a le même genre de réticence avec soutenir un argument.

Je vous rejoins sur ce point et je me permet d'ajouter ce qui suit:
La signification du mot thèse est un peu complexe ; une thèse n’est pas une théorie que l’on énonce pour observer jusqu'où elle peut tenir debout; pour dégager une thèse, au terme de l’examen d’arguments, de contre-arguments et de thèses adverses, il faut poser une question et y répondre. Donc, au sujet de la phrase [J'accepte la thèse que les théorèmes mathématiques sont des tautologies.], je pose la question suivante : L'énoncé [les théorèmes mathématique sont des tautologies.] constitue-t-il une thèse ? Non c’est plutôt le sujet d’une thèse à mon avis.
Voilà peut-être pourquoi les phrases [j’accepte que les théorèmes mathématiques sont (soient) des tautologies.] ou [j'accepte la thèse selon laquelle les théorèmes mathématiques sont des tautologies.] passent mieux.

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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Re : La thèse que, l'argument que ?

Oui. Cela bloque sur le plan sémantique, c'est sûr.

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Re : La thèse que, l'argument que ?

éponymie a écrit:

On commence à y voir un peu plus clair : il y a d'un point de vue grammatical une syntaxe discutable et discutée (le que remplaçant un pronom relatif plus complexe) et, d'un point de vue sémantique, des mots avec lesquels cette syntaxe passe mieux qu'avec d'autres.

Je suppose qu'ìl est inutile de se satelliser sur l'aspect grammatical puisqu'il semble y avoir toujours eu un abysse entre les usages standard ou recherché et l'usage courant. Quant à l'aspect sémantique... On réussit à mouliner un début d'explication avec thèse et idée, cela vaut-il pour tous les mots ? Raisonnement, hypothèse, affirmation, etc.

Voyons donc :
Avec les nominalisations il semble ne pas y avoir de problème
Affirmer que l'homme descend du singe est ridicule.
L'affirmation que l'homme descend du singe est ridicule.

Interdire que les étudiants marchent sur les pelouses gêne la convivialité.
L'interdiction que les étudiants marchent sur les pelouses ..
. (bien qu'on choisirait peut-être : l'interdiction pour les étudiants de marcher...)

Pour le nom raisonnement comme pour le verbe raisonner la construction est impossible pour une raison sémantique.

En ce qui concerne le mot hypothèse :
Je formule l'hypothèse que la glace va fondre rapidement. Accepté
Mais: L'hypothèse que la glace va fondre rapidement n'est pas vérifiée. Accepté ou non? (je ne sais plus, je ne sens plus).
Dans ce cas on passe d'un verbe (+ nom)  au nom seul sans qu'il y ait eu nominalisation si bien que que la glace va fondre rapidement change de statut. Il s'agissait en 1 d'une subordonnée COD du verbe. Il s'agit en 2 d'un adjectif. Voir le message de Florentissime.

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