BakaGaijin a écrit:Marc Wilmet a écrit:L’aspect grammatical décrit la position du repère par rapport au procès. Deux cas de figure. Primo, un repère extérieur le saisit en bloc : aspect global de marcher, marché (repère L), marche/marchions, marchasse (repère P), marchai, marcherai, marcherais (repère A). Secundo, le repère intérieur au procès le scinde en deux partis : aspect sécant de marchant (repère L), marche/marchons (repère A), marchais (repère A’).
Marc Wilmet, Terminologie, nomenclature, metalangage : l’exemple de verbe français, Bruxselles, Academie royale de langue et de littérature française de Belgique, communication de a la séance mensuelle du 14 janvier 2012
Le trucs qui me chafouine, c'est : les différentes définitions d’un même terme….
Comme je te comprends ! C'est pas qu'il existe autant de termes que d'auteurs, mais presque...
J'espère t'en donner un aperçu au cours de ce message.
Avec le texte de Wilmet que tu cites, on s'est embringué dans un truc pas piqué des hannetons. Mais allons-y !
Les repères R, L, P, A et A' de Wilmet figurent en gros ceci :
1] Repère R = L pour lieu. Repère idoine pour les trois formes sans personne et sans époque que sont l'infinitif flanqué des deux participes, présent et passé.
2] Repère R = P pour personne. Repère utilisé pour les deux subjonctifs simples, présent et imparfait.
3] Repère R = A pour actualité. Repère d'époque spécifique aux trois indicatifs que sont le passé simple, le présent et le futur simple.
4] Repère R = A' pour actualité. Repère d'époque spécifique aux deux autres indicatifs : imparfait et conditionnel.
N'ayant pas le temps d'aller plus loin, tu trouveras ci-dessous une explication sur le système défendu par Wilmet — tirée de la thèse 2008 d'Adeline Patard → L'un et le multiple. L'imparfait de l'indicatif en français. Valeur en langue et usages en discours.
BakaGaijin a écrit:D’un côté, un aspect global qui délimite les bornes du procès, et de l’autre un aspect global qui confond les bornes du procès, alors qu’un aspect grammatical modifie tous les verbes de la même façon, quelle que soit l’époque (ou le mode)…
Attention ! Dans le cas de l'aspect grammatical global, délimiter les bornes du procès, ça veut nécessairement dire les saisir, mais pas forcément les expliciter :
Louis XIV régna 72 ans → bornes saisies par le PS (passé simple) et explicitées par le cotexte
Louis XIV régna en despote → bornes saisies par le PS mais non explicitées par le cotexte.
Dans les deux cas les deux bornes sont saisies et amalgamées = confondues.
BakaGaijin a écrit:BakaGaijin a écrit:La conjugaison du français étant plus basée sur la chronologie que l’aspect, le subjonctif n’a peut-être pas d’aspect grammatical ?
greg a écrit:J'ai du mal à suivre cette perspective. Ne serait-ce parce que la conjugaison non indicative (infinitif + participes + subjonctifs = 5 tiroirs = 15 formes) n'est basée sur aucune chronologie de type épocal = passé présent futur.
Les deux subjonctifs simples français, dépourvus d'époque, sont chacun dotés d'un aspect grammatical : l'aspect global.
La chronologie ne concerne pas que l’époque, les modes sans époque ont des formes composées chronologiquement antérieures aux formes simples…
La chronologie externe — l'exochronie — concerne le temps porteur du sémantème verbal.
Le temps porteur est épocal (présent passé futur) à l'indicatif et sans époque tant au subjonctif (prospectif rétrospectif) qu'au mode impersonnel = infinitif + participes.
La chronologie interne — l'endochronie — est l'aspect grammatical : le temps porté par la morphologie suffixale appliquée au sémantème verbal.
La conjugaison française (suffixes surtout) est tout autant aspectuelle que chronologique.
Quand elle est chronologique, elle n'est pas forcément épocale.
Elle n'est épocale qu'à l'indicatif.
D'autre part tu dis que les modes sans époque ont des formes composées « antérieures » aux formes simples.
Prenons une forme simple du mode impersonnel sans époque, constitué par l'infinitif et les deux participes.
Prenons l'infinitif parler par exemple. La forme composée qui lui correspond est : avoir parlé. La forme non simple avoir parlé est dans la subséquence sémantique de la forme simple parler. Elle ne lui est nullement antérieure a priori.
Mais tu avais peut-être autre chose en tête ?
BakaGaijin a écrit:greg a écrit:Les deux subjonctifs simples français, dépourvus d'époque, sont chacun dotés d'un aspect grammatical : l'aspect global.
Et les 2 subjonctifs composés ?
Le subjonctif ne prescrit pas d’époque, mais le subjonctif imparfait est incompatible avec une principale à l’indicatif présent ou futur… *il veut/voudra que tu attendisses toute la nuit
Les deux subjonctifs composés sont les deux subjonctifs simples d'un verbe composé à l'aide d'un participe passé.
Le subjonctif imparfait subordonné n'est pas incompatible avec une principale conjuguée à l'aide de temps simples épocaux (indicatifs) distincts du passé.
Exemple classique de Racine :
« On craint qu'il n'essuyât les larmes de sa mère. »
Glosé ci-dessous :
Autre exemple :
« Je ne doute point que les ames qui sont dans le Puragatoire ne souffrissent volontiers tous les tourments imaginables pour avancer d'un heure seulement la jouissance d'un si grand bien ; [...] »
tiré de La biblitohèque des prédicateurs de 1725.
Exemple avec principale au futur :
« Si nul ne saura jamais ce qu'eussent donné les éditions de l'Arche dans l'hypothèse [...] »
où eussent donné est le subjonctif imparfait du verbe avoir donné qui n'est pas le verbe donner.
La plupart des grammaires te diront cependant que eussent donné est le subjonctif plus-que-parfait du verbe donner — voire le conditionnel passé deuxième forme du verbe donner !...
Cette différence de terminologie s'explique par la commutation — à sens constant — des formes composées au subjonctif imparfait et au conditionnel :
nul ne saura jamais ce qu'eussent donné ↔nul ne saura jamais ce qu'auraient donné
et s'explique aussi par la fâcheuse tendance à prendre les formes simples de verbes composés (avoir donné) pour des formes composées de verbes simples (donner).
Autre exemple de subjonctif imparfait avec principale au futur :
ils ne voudront point pour gendre d'un homme qui fût volage et divorcé.
BakaGaijin a écrit:Pourquoi une forme ne pourrait pas être dépourvu d’aspect grammatical ?
D'ailleurs ici (p.864) J.Pohl écrit :
a. L’aspect neutre, global ou zéro, c'est-à-dire, si l’on veut, l’aspect qui n’en est pas un, est celui qui considère le procès depuis son début jusqu'à son achèvement sans mettre en évidence aucune partie de sa durée, ni cette durée elle-même.
Une forme verbale française ne peut être dépourvue d'aspect grammatical.
Si cette forme est simple, elle d'aspect simple = d'aspect interne = d'aspect immanent.
Si cette forme est composée, elle est d'aspect composé = d'aspect externe = d'aspect transcendant.
Une forme verbale française ne peut non plus être dépourvue de temps grammatical.
La communication de Jacques Pohl à quoi tu te réfères traite de plusieurs aspectualités.
Ci-dessous une typologie de l'aspect de Marc Wilmet :
Jacques Pohl aborde l'aspect grammatical — c'est-à-dire aspect → formel → affixal → suffixal d'après le schéma ci-dessus — après avoir examiné toute une série d'aspectualités, dont les locutions verbales (aspect → formel → lexical → coverbal).
Pohl dit que l'aspect interne global — c'est-à-dire l'aspect adversatif de l'aspect interne sécant — est un aspect « neutre » ou « zéro », c'est-à-dire un aspect non marqué opposé à l'aspect marqué que serait l'aspect sécant.
Je pense qu'il commet une erreur terminologique car l'aspect neutre est en réalité celui qui indiscrimine l'aspect global et l'aspect sécant. Le présent de l'indicatif est d'aspect neutre car il peut être soit d'aspect global soit d'aspect sécant. Le passé simple ne peut être d'aspect neutre car l'aspect du PS n'est jamais sécant. L'indicatif imparfait ne peut être d'aspect neutre car l'aspect de l'imparfait de l'indicatif n'est jamais global.
Si j'extrapole mutatis mutandis le raisonnement de Jacques Pohl à la catégorie de l'article, j'obtiens ceci : l'article le est neutre et l'article la est féminin. Objection : non, les articles le et la ne sont pas neutres car 1) ils sont adversatifs et 2) il existe un vrai neutre en genre qui est l'article élidé l'.
BakaGaijin a écrit:Du coup, il me semble mieux comprendre :
greg a écrit:À mon avis, le côté "accompli" du PS (passé simple) n'est pas tant dû à son aspect grammatical — qu'il partage avec l'infinitif et le subjonctif présent — qu'à son inscription dans celle des trois époques indicatives qu'est le passé, les deux autres étant le présent et le futur. Ni l'infinitif ni le subjonctif présent ne sont inscrits dans une quelconque des trois époques de l'indicatif — passé, présent, futur.
Le côté "accompli" du PS est dû à son non-aspect grammatical, il contient seulement l’époque passé. Au subjonctif présent, le verbe n’ayant ni époque ni aspect grammatical, il ne reste que son aspect sémantique.
Tout temps grammatical français possède un aspect grammatical.
Donc le côté "accompli" du PS n'est pas dû à un non-aspect grammatical : le non-aspect grammatical n'existe pas.
Le PS est d'aspect non neutre car d'aspect global = non sécant.
Le côté "accompli" du PS vient de l'époque dans laquelle il s'inscrit : le passé épocal.
La vision de Laurent Gosselin (aspectologue distingué) :
aoristique = PS
inaccompli = imparfait
B1 et B2 = bornes du procès
I et II = bornes de l'intervalle de saisie