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forum abclf » Réflexions linguistiques » Les couacs d'après que + indicatif.

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Messages [ 26 ]

1 Dernière modification par yd (28-05-2015 12:41:15)

Sujet : Les couacs d'après que + indicatif.

Bonjour.

Vous y aurez droit désormais à chaque fois que j'en rencontrerai un. Voici le premier enregistrement, mon Dieu que c'est beau :

Wikipédia, Isabelle de France (1295-1358), à la fin de La montée des tensions : 1312–1323 :

En 1320, Isabelle et son mari retournent en France, après qu'Isabelle est parvenue à faire fléchir Édouard [...]

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

C'est surtout le "à faire fléchir" qui me surprend. Les rédacteurs de wikipédia ne sont pas des littéraires.

Et votre "Vous y aurez droit désormais à chaque fois que j'en rencontrai un" est savoureux - j'imagine bien qu'il s'agit d'inattention - vu ce que vous entendez dénoncer, un supposé mauvais usage des temps et modes.

3

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

éponymie a écrit:

C'est surtout le "à faire fléchir" qui me surprend.

+1

Bon... après tout, cette histoire concerne des Anglois...
Et... le Collins l'accepte ainsi.

Non sunt multiplicanda entia sine necessitate!

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Ce "faire fléchir" est parfaitement correct, même si le transitif "fléchir" était évidemment possible.

5 Dernière modification par yd (28-05-2015 12:44:45)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Une bonne moitié de la page est soignée, avec un usage transitif, que je n'avais jamais rencontré mais qui existe, de divorcer.

Il y a beaucoup de parti pris, c'est un sujet passionnel de mille manières, ce sont les prémices de la Guerre de Cent Ans, mais le personnage d'Isabelle de France est intéressant. Les grandes reines ont toujours été haïes de la plupart des historiens et des écrivains, mais à leurs barbes, il y en eut.

Une fois mise à la retraite, elle a tenu une riche correspondance avec beaucoup de grands d'Europe, et c'est cette documentation qui serait très intéressante à étudier. Mais nos grands historiens préfèrent broder.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

yd a écrit:

En 1320, Isabelle et son mari retournent en France, après qu'Isabelle est parvenue à faire fléchir Édouard [...]

Où est le couac promis ?

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Je m'en gratte également la tête.

L'escrivaillerie semble estre quelque symptome d'un siecle desbordé

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Abel Boyer a écrit:

Ce "faire fléchir" est parfaitement correct, même si le transitif "fléchir" était évidemment possible.

Vous m'avez obligé à consulter le TLFi, Isabelle est parvenue à fléchir Édouard me semble bien la phrase la plus  correcte.

Quant au couac, est-ce que je me trompe ou le subjonctif avec après que est un vieux cheval de bataille d'yd ?

9 Dernière modification par yd (29-05-2015 07:35:10)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Si vous vous replacez dans la phrase de la page Wikipédia (lien dans le premier message) vous verrez que fléchir tout court change le sens. Isabelle a vraiment forcé son mari à fléchir. Quand on parvient à fléchir quelqu'un, c'est en principe avec son assentiment, en usant de persuasion. On peut préférer faire plier à faire fléchir.

Sur Wikipédia j'ai vu beaucoup de ces après que + indicatif, qui m'ont le plus souvent heurté, et pas un seul cas avec le subjonctif. Beaucoup de contributeurs - il y a des exceptions - maîtrisent mal la langue, mais tous respectent à la lettre l'indicatif suivant après que, n'y entendant pas grand chose. D'où le succès de la prétendue règle, du moins à l'écrit. Du moins eux ont-ils cette excuse.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Prétendue règle ? Ouvrez Ngram viewer de Google, entrez « après qu'il a », « après qu'il aura », « après qu'il eut », et vous verrez que cette règle de l'indicatif suivant « après que » est bien ancrée dans l'usage.

Caesarem legato alacrem, ille portavit assumpti Brutus.

11 Dernière modification par yd (29-05-2015 08:49:35)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

J'ai bleuté pour vous, je ne peux rien faire de plus.

Tous les usages à l'indicatif ne me heurtent pas, mais souvent ceux au passé composé. Vu les émeutes suscitées par le moindre usage d'un subjonctif suivant après que, tous ceux qui ont la même oreille que moi contournent. Ce serait beaucoup mieux que les émeutiers aient la bonne idée de contourner aussi. Bref.

Au suivant.

Fille légère ne peut bêcher.

12 Dernière modification par aCOSwt (31-05-2015 10:33:21)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

yd a écrit:

Tous les usages à l'indicatif ne me heurtent pas, mais souvent ceux au passé composé... tous ceux qui ont la même oreille que moi contournent.

Si c'est une question d'oreille et que cela concerne le passé composé, alors je risquerais bien une hypothèse:
- Ce qui choque instinctivement le plus immédiatement l'oreille avec le passé composé, c'est l'erreur commise sur le choix de l'auxiliaire. Pour beaucoup d'entre-nous, le choix de l'auxiliaire est fait instinctivement, à l'oreille.
- est et ait sonnent identiquement.
- par instinct réflexe conditionné, et donc malgré votre connaissance, vous attendez un subjonctif après "qu'Isabelle"
- Le est qui suit est donc immédiatement (et ce malgré l'œil qui lit) assimilé à ait qui choque en tant qu'erreur sur l'auxiliaire après le "parvenue" entendu.
Mon opinion est qu'il s'agit ici d'un cas typique de dissonance cognitive, mais je comprendrai volontiers que l'on me la dise aussi sotte que grenue.
En fait, je comprendrai, mais plus tard, je veux bien dire... après que l'on me l'est dite saugrenue. (Quand bien même je parierais volontiers que cette phrase choquera assurément moins votre oreille...)

L'oreille juge! Pas l'œil. Quiconque a joué un jour la partition de musique d'un air connu est tombé dans un piège similaire.
(cf mes 224-226 Hammerklavier pour la plus célèbre impliquant des célébrités)

Non sunt multiplicanda entia sine necessitate!

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

aCOSwt a écrit:

En fait, je comprendrai, mais plus tard, je veux bien dire... après que l'on me l'est dite saugrenue. (Quand bien même je parierais volontiers que cette phrase choquera assurément moins votre oreille...)

Pas si sûr ! Faut-il comprendre après que l'on me l'[sc. opinion] aura dite... ?

L'escrivaillerie semble estre quelque symptome d'un siecle desbordé

14 Dernière modification par aCOSwt (31-05-2015 12:46:23)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

trevor a écrit:
aCOSwt a écrit:

En fait, je comprendrai, mais plus tard, je veux bien dire... après que l'on me l'est dite saugrenue. (Quand bien même je parierais volontiers que cette phrase choquera assurément moins votre oreille...)

Pas si sûr ! Faut-il comprendre après que l'on me l'[sc. opinion] aura dite... ?

Faut-il, faut-il ? Je n'ai aucun ordre à vous donner quant à la compréhension.
Vous êtes donc libre de le comprendre ainsi... bien que...
...bien que l'on... soit en droit de considérer que je me la... suis dite ainsi quelques lignes pus haut c'est bien à dire : avant.

Cela étant... ce bout de phrase n'était pas, dans mon intention, mis pour avoir un sens en soi, c'est à dire pas pour être compris pour ce qu'il fait d'autre qu'illustrer.

Non sunt multiplicanda entia sine necessitate!

15 Dernière modification par yd (31-05-2015 16:03:18)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

C'est le présent de l'auxiliaire le coupable, car il a beau former ledit passé composé, il demeure : la construction présent de l'auxiliaire + participe passé s'entend distinctement.

On n'a pas assez analysé cela : après que suppose avant tout un décalage, ce qui explique qu'on ne peut jamais le faire suivre d'un présent ou d'un imparfait : *après qu'il fait le ménage est impossible, tout comme *après qu'il faisait le ménage. Dans le cas de l'imparfait, c'est parce que ce temps fait durer l'action, faisant couac avec le nécessaire décalage.

La question première n'est donc pas entre indicatif et subjonctif : le présent et l'imparfait sont bien de l'indicatif.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : Les couacs d'après que + indicatif.

On trouve des tas d'exemples de la construction après que + indicatif présent/imparfait (simples ou composés).


« Apres qu'ils se sont respectivement reconnus, & que ledit Sieur de Boüillon a déclaré ledit Sieur de Thou estre celuy dont il a entendu parler par ses responses à son Interrogatoire. »

« [...] mais on ne peut l'exiger du légataire, qu'après qu'il a accepté le legs et en a eu délivrance . »

« Par la coutume de Paris, un aveu et dénombrement devait être blâmé dans les quarante jours après qu'il était donné ; autrement il était reçu. »

« Il accepte l'empire ; une timidité modeste, une sage méfiance de lui-même respirant en sa personne, démentent encore son consentement après qu'il vient de le donner. »

« Leurs petits naissent à peine formés, s'attachent aux mammelles de leur mère, et restent dans cette poche, non seulement jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement développés, mais encore longtemps après qu'ils peuvent marcher. »

« Vu ce qui précède, attendu qu'il résulte de la déclaration du sieur Gardas que le nommé Vallière a été arrêté peu d'instants après qu'il venait de déposer le fusil dont il était porteur [...] »

« Ah ! je vois à présent quelque chose de tout nouveau. Les bonnes-œuvres viennent donc après qu'on sait et qu'on est sûr que Jésus nous a sauvés ? »

« Semblable au convalescent qui, sorti de l'hôpital à peine, retourne, sans se rappeler ses douleurs, au lieu de débauche où il va se donner de nouvelles maladies et peut être la mort, l'homme, sortant de l'esclavage, une heure seulement après qu'il vient de s'en délivrer, est tout près à se rattacher lui même au joug qu'il trouvoit naguères si pesant. »

« Après qu'on a bien écouté la politique, qu'on a fait des vœux, qu'on a écrit et reçu plusieurs lettres à ce sujet, on revient aux lettres plus chères et aux affections. »

« Seulement après qu'on sait où adhérer, il y aura la stabilité. Seulement après qu'on est stable, on pourra être tranquille. Seulement après qu'on est tranquille, on pourra réfléchir. Seulement après qu'on aura réfléchi, on pourra atteindre le but. »

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Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Bonsoir,

Dans le 2e ex., où se trouve l'imparfait ou le présent ?

18 Dernière modification par yd (01-06-2015 20:58:17)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Dans ces cinq exemples cauchemardesques, on utilise fautivement après que, qui marque un décalage, à la place d'une fois que qui considère le fait comme établi :

(1) « Une fois qu'ils se sont respectivement reconnus, & que ledit Sieur de Boüillon a déclaré ledit Sieur de Thou estre celuy dont il a entendu parler par ses responses à son Interrogatoire. »

(2) « Il accepte l'empire ; une timidité modeste, une sage méfiance de lui-même respirant en sa personne, démentent encore son consentement une fois qu'il vient de le donner. »

(3) « Ah ! je vois à présent quelque chose de tout nouveau. Les bonnes-œuvres viennent donc une fois qu'on sait et qu'on est sûr que Jésus nous a sauvés ? »

(4) « Une fois qu'on a bien écouté la politique, qu'on a fait des vœux, qu'on a écrit et reçu plusieurs lettres à ce sujet, on revient aux lettres plus chères et aux affections. »

(5) « [...] mais on ne peut l'exiger du légataire qu'une fois qu'il a accepté le legs et en a eu délivrance . »

Remarque est faite que même avec une fois que le présent et l'imparfait ne sont pas toujours possibles, par exemple dans une fois que je *fais la vaisselle, c'est-à-dire quand la marque du fait accompli ne se peut pas au présent. Dans l'exemple (2) venir de est auxiliaire qui marque que l'action est terminée et dans l'exemple (3) savoir n'est pas un verbe d'action : une fois qu'on sait, on continue de savoir. Les trois autres cas sont au passé composé, nickel avec une fois que, cauchemardesque avec après que.


Dans l'exemple (6) on n'a que l'embarras du choix, sauf celui qui a été retenu par la seule faute d'une application primaire d'une fausse règle :

(6a) après que + futur antérieur qui satisfait à l'expression du décalage :
« Seulement après qu'on aura su où adhérer, il y aura la stabilité. Seulement après qu'on aura été stable, on pourra être tranquille. Seulement après qu'on aura été tranquille, on pourra réfléchir. Seulement après qu'on aura réfléchi, on pourra atteindre le but. »

(6b) une fois que + futur simple, en considérant le fait futur comme établi :
« Seulement une fois qu'on saura où adhérer, il y aura la stabilité. Seulement une fois qu'on sera stable, on pourra être tranquille. Seulement une fois qu'on sera tranquille, on pourra réfléchir. Seulement une fois qu'on réfléchira, on pourra atteindre le but. »

(6c) Pas avant que, synonyme de seulement après que et toujours suivi du subjonctif, ce n'est pas de ma faute :
« Pas avant qu'on sache où adhérer, il y aura la stabilité. Pas avant qu'on soit stable, on pourra être tranquille. Pas avant qu'on soit tranquille, on pourra réfléchir. Pas avant qu'on réfléchisse, on pourra atteindre le but. »

(6d) Remplacement à partir de (6c) de pas avant que par seulement après que :
« Seulement après qu'on sache où adhérer, il y aura la stabilité. Seulement après qu'on soit stable, on pourra être tranquille. Seulement après qu'on soit tranquille, on pourra réfléchir. Seulement après qu'on réfléchisse, on pourra atteindre le but. »

(6e) rebelote :
« Pas avant qu'on ait su où adhérer, il y aura la stabilité. Pas avant qu'on ait été stable, on pourra être tranquille. Pas avant qu'on ait été tranquille, on pourra réfléchir. Pas avant qu'on ait réfléchi, on pourra atteindre le but. »

(6f) Remplacement à partir de (6e) de pas avant que par seulement après que :
« Seulement après qu'on ait su où adhérer, il y aura la stabilité. Seulement après qu'on ait été stable, on pourra être tranquille. Seulement après qu'on ait été tranquille, on pourra réfléchir. Seulement après qu'on ait réfléchi, on pourra atteindre le but. »


Une fois que est impossible dans l'exemple (7), on n'échappe guère à après que, mais d'une part en aucun cas le fait ne peut être considéré a priori comme accompli et d'autre part il est nécessaire d'exprimer qu'on le suppose accompli :

(7a) après que + passé du subjonctif :
« Par la coutume de Paris, un aveu et dénombrement devait être blâmé dans les quarante jours après qu'il ait été donné ; autrement il était reçu. »

(7b) après que + imparfait du subjonctif :
« Par la coutume de Paris, un aveu et dénombrement devait être blâmé dans les quarante jours après qu'il fût donné ; autrement il était reçu. »


Une fois que demeure impossible dans les exemples (8), (9) et (10), on échappe aussi difficilement à après que, mais d'une part il est nécessaire d'exprimer le décalage et d'autre part on a le choix de considérer le fait en tant qu'accompli (indicatif) ou en tant qu'il aurait pu ne pas s'accomplir (subjonctif). Je propose en vert le temps de l'indicatif pour lequel j'hésite et en violet le temps du subjonctif pour lequel j'hésite

(8a) après que + futur antérieur :
« Leurs petits naissent à peine formés, s'attachent aux mammelles de leur mère, et restent dans cette poche, non seulement jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement développés, mais encore longtemps après qu'ils auront pu marcher. »

(8b) après que + passé antérieur :
« Leurs petits naissent à peine formés, s'attachent aux mammelles de leur mère, et restent dans cette poche, non seulement jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement développés, mais encore longtemps après qu'ils eurent pu marcher. »

(8c) après que + présent du subjonctif :
« Leurs petits naissent à peine formés, s'attachent aux mammelles de leur mère, et restent dans cette poche, non seulement jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement développés, mais encore longtemps après qu'ils puissent marcher. »

(8d) après que + passé du subjonctif :
« Leurs petits naissent à peine formés, s'attachent aux mammelles de leur mère, et restent dans cette poche, non seulement jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement développés, mais encore longtemps après qu'ils aient pu marcher. »

(8e) après que + imparfait du subjonctif :
« Leurs petits naissent à peine formés, s'attachent aux mammelles de leur mère, et restent dans cette poche, non seulement jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement développés, mais encore longtemps après qu'ils pussent marcher. »

(9a) après que + passé antérieur :
« Vu ce qui précède, attendu qu'il résulte de la déclaration du sieur Gardas que le nommé Vallière a été arrêté peu d'instants après qu'il fut venu de déposer le fusil dont il était porteur [...] »

(9a) après que + futur antérieur :
« Vu ce qui précède, attendu qu'il résulte de la déclaration du sieur Gardas que le nommé Vallière a été arrêté peu d'instants après qu'il sera venu de déposer le fusil dont il était porteur [...] »

(9c) après que + plus-que-parfait du subjonctif :
« Vu ce qui précède, attendu qu'il résulte de la déclaration du sieur Gardas que le nommé Vallière a été arrêté peu d'instants après qu'il fût venu de déposer le fusil dont il était porteur [...] »

(10a) après que + futur antérieur
« Semblable au convalescent qui, sorti de l'hôpital à peine, retourne, sans se rappeler ses douleurs, au lieu de débauche où il va se donner de nouvelles maladies et peut être la mort, l'homme, sortant de l'esclavage, une heure seulement après qu'il sera venu de s'en délivrer, est tout près à se rattacher lui même au joug qu'il trouvoit naguères si pesant. »

(10b) après que + passé antérieur
« Semblable au convalescent qui, sorti de l'hôpital à peine, retourne, sans se rappeler ses douleurs, au lieu de débauche où il va se donner de nouvelles maladies et peut être la mort, l'homme, sortant de l'esclavage, une heure seulement après qu'il fut venu de s'en délivrer, est tout près à se rattacher lui même au joug qu'il trouvoit naguères si pesant. »

(10c) après que + imparfait du subjonctif
« Semblable au convalescent qui, sorti de l'hôpital à peine, retourne, sans se rappeler ses douleurs, au lieu de débauche où il va se donner de nouvelles maladies et peut être la mort, l'homme, sortant de l'esclavage, une heure seulement après qu'il vînt de s'en délivrer, est tout près à se rattacher lui même au joug qu'il trouvoit naguères si pesant. »

(10d) après que + passé du subjonctif
« Semblable au convalescent qui, sorti de l'hôpital à peine, retourne, sans se rappeler ses douleurs, au lieu de débauche où il va se donner de nouvelles maladies et peut être la mort, l'homme, sortant de l'esclavage, une heure seulement après qu'il soit venu de s'en délivrer, est tout près à se rattacher lui même au joug qu'il trouvoit naguères si pesant. »

Un autre remarque : le subjonctif exprime toujours un décalage, je pense que c'est pour cette raison que son usage avec après que gagne régulièrement du terrain, simplifiant doublement le choix du temps qui suit : 1) il y a moins de temps du subjonctif, surtout en excluant usuellement son plus-que-parfait, alors qu'à l'indicatif on ne sait pas trop quel temps choisir, 2) on ne se préoccupe plus d'exprimer le décalage, c'est déjà fait.

Fille légère ne peut bêcher.

19 Dernière modification par yd (01-06-2015 20:29:38)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Roméo31 a écrit:

Bonsoir,

Dans le 2e ex., où se trouve l'imparfait ou le présent ?

Le présent est celui de l'auxiliaire avoir, puisque j'explique mon refus absolu du passé composé avec après que par le fait qu'on entend toujours la structure présent + participe passé.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Roméo31 a écrit:

Dans le 2e ex., où se trouve l'imparfait ou le présent ?

Dans :

« [...] mais on ne peut l'exiger du légataire, qu'après qu'il a accepté le legs et en a eu délivrance . »

tu as deux présents composés (voir message 16) : a accepté et a eu.



yd a écrit:

Dans ces cinq exemples cauchemardesques, on utilise fautivement après que, qui marque un décalage, à la place d'une fois que qui considère le fait comme établi :

Comment caractérises-tu la faute ?
En quoi après que est-il contraire à l'établissement d'un fait ou, du moins, systématiquement incompatible avec le fait établi ?

21 Dernière modification par yd (04-06-2015 11:34:41)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Une fois que marque strictement le fait accompli, ce qui n'est pas toujours possible au présent ou à l'imparfait.
Après que marque toujours le décalage, ce qui n'est jamais possible au présent ou à l'imparfait, et secondairement le fait comme accompli (indicatif) ou comme ayant pu, ou pas, ou pouvant, ou pas, s'accomplir (subjonctif).

Je suis encore tombé hier sur après que + passé simple, je n'ai pas été heurté mais moi je ne l'aurais pas utilisé.

La première fois qu'on m'a donné sur ce forum un exemple célèbre d'après que + indicatif, il s'agissait de longtemps longtemps après que les poètes ont disparu. Hé bien justement, si on se souvient de cet exemple, c'est parce qu'il est un tour du poète.

Maintenant que peut avoir le sens de une fois que, et même celui d'après que, mais permet l'expression du fait en train de s'accomplir, au présent, donc, ce que ne peut pas une fois que.

Un problème pour les grammairiens et les lexicographes, c'est que les usages entre ces conjonctions ou tournures évoluent au cours des siècles, ainsi que les usages propres aux modes et aux temps. Le jour où les grammairiens se seront mis à jour sur après que, et il y viendront forcément, ils seront sans doute déjà en retard.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Molière, les Femmes savantes, acte II, scène 7 :

Et principalement ce Monsieur Trissotin.
C’est lui qui dans des vers vous a tympanisées,
Tous les propos qu’il tient sont des billevesées,
On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé,
Et je lui crois, pour moi, le timbre un peu fêlé.

On cherche ce qu'il dit après qu'il a parlé... Les applications sont nombreuses, aujourd'hui !

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

23 Dernière modification par aCOSwt (04-06-2015 13:49:14)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

P'tit prof a écrit:

Molière, les Femmes savantes, acte II, scène 7 :

Et principalement ce Monsieur Trissotin.
C’est lui qui dans des vers vous a tympanisées,
Tous les propos qu’il tient sont des billevesées,
On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé,
Et je lui crois, pour moi, le timbre un peu fêlé.

On cherche ce qu'il dit après qu'il a parlé... Les applications sont nombreuses, aujourd'hui !

lol
Moi... c'est les applications du vers suivant que je trouve nombreuses, aujourd'hui. wink

OK, ok.... je -> -[

Non sunt multiplicanda entia sine necessitate!

24 Dernière modification par yd (04-06-2015 17:52:51)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

Une fois qu'il a parlé on ne cherche pas ce qu'il dit mais ce qu'il a dit, si l'on n'est pas un peu fêlé.
Quel drôle d'exemple de fait accompli, merci Molière.

Trois heures plus tard :
Je reviens sur ce vers de Molière : s'il vise l'effet comique, on ne peut pas mieux faire, d'une manière. La façon dont c'est dit fait rire. Ceci ne prouverait en rien que Molière ait perçu après que de la même manière que moi, j'entends bien : le seul fait de dire longtemps après, on cherche ce qu'il dit ferait déjà rire ; mais Molière le dit mieux. C'est le genre de construction cinglante dont le langage populaire a le secret, un peu comme avec malgré que. Molière a-t-il voulu imiter le langage populaire, peut-être ou peut-être pas, en tout cas il y fait penser, comme le vers qui précède et surtout celui qui suit.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : Les couacs d'après que + indicatif.

On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé = On cherche ce qu’il dit chaque fois après qu’il a parlé --> valeur répétitive du présent de l'indicatif (à ne pas confondre avec sa valeur omnitemporelle).

26 Dernière modification par greg (08-06-2015 11:40:37)

Re : Les couacs d'après que + indicatif.

yd a écrit:

Une fois que marque strictement le fait accompli, ce qui n'est pas toujours possible au présent ou à l'imparfait.

L'imparfait de l'indicatif jouit d'un aspect grammatical imperfectif (sécant).
Mais il se substitue sans difficulté à l'indicatif passé simple — son homologue d'aspect grammatical perfectif (global) — au prix d'un effet de style qu'on appelle imparfait pittoresque :
     soudain la bombe explosasoudain la bombe explosait
     Louis XIV naquit en 1638Louis XIV naissait en 1638
La persistance de l'aspect grammatical imperfectif de l'imparfait, même avec des verbes sémantiquement perfectifs, donne une impression d'épaisseur absente des versions au passé simple.
En discours, l'indicatif imparfait (pittoresque, historique, stylistique etc) peut tout à fait véhiculer l'accompli, pourvu qu'il commute, à sens constant, avec le passé simple.


L'indicatif présent dispose de l'aspect grammatical neutre : imperfectif/sécant comme l'imparfait ou perfectif/global comme le passé simple.
     fous-moi la paix, je mange ! → imperfectif
     elle ouvre la porte, c'est le facteur qui a sonné → perfectif
Exemples :
« Il fait tellement chaud dans cette pièce qu'une colonie de point blancs envahissent mon champ de vision, et ne daignent disparaître qu'une fois que je sors m'exposer à l'air froid de la cour. »
« Une fois que tu sais comment équilibrer les quantités et types d’aliments, les organes de ton corps marcheront bien et ton corps fonctionnera comme il faut.  »
« Est ce que je peux changer mon site wix une fois qu'il est en ligne ? »


Pourquoi une fois que marquerait strictement le fait accompli ?
     une fois qu'il commence à parler, plus rien ne l'arrête
Là, il s'agit d'une simple inchoation. Bien malin celui qui peut dire quand cesse l'inchoation, quand débute l'accompli de l'inchoation : dès la première syllabe prononcée ou plutôt à la fin du premier mot, du premier syntagme, de la première phrase ? Ce qui amène ici à considérer l'inchoation comme un procès perfectif : quelle que soit la borne droite de ce procès, celle-ci se confondrait avec la borne gauche.
Mais est-ce nécessairement dû à la présence de une fois que ?
     il commence à parler, rien ne l'arrêtera plus



yd a écrit:

Après que marque toujours le décalage, ce qui n'est jamais possible au présent ou à l'imparfait, et secondairement le fait comme accompli (indicatif) ou comme ayant pu, ou pas, ou pouvant, ou pas, s'accomplir (subjonctif).

« L'indication qui suit n'est pas évidemment la seule cause de cette extraordinaire fraîcheur qui fait que, seul, au Louvre, Ingres paraît clair, parmi les peintres modernes, après qu'on sort d'étudier les primitifs ; [...] »

« La foiblesse qui m'est restée après le dernier accident que j'ai souffert, et la palpitation qui me survient après que je fais quelque travail extraordinaire [...] »

« Il ne faisait pas allusion aux résultats farfelus que le petit Satan Ngoy Mulunda [...]  et serviteur de Kabila, allait publier plusieurs jours après que le monde entier savait déjà que Kabila avait perdu. »

« Peu de temps après que la nouvelle usine sortait de terre, d'importants remaniements étaient aussi entrepris dans le logement patronal dépendant du vieux martinet. »

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