A Glop et à tous ceux qui ont participé à ce fil de discussion je présente mes remerciements car leurs critiques, même acerbes et parfois infondées, m'ont permis d'avancer dans ma réflexion et m'ont encouragé à reprendre l'écriture d'un futur bouquin intitulé
La Langue de l’Inconscient
ou
La Psychanalyse des mots
Je vous fais part de l'introduction qui paradoxalement sera ma conclusion sur ce site et ma dernière apparition dérangeante.
Bonne Fêtes à tous.
INTRODUCTION
Bien que le psychanalyste français Jacques Lacan se soit évertué à répéter que l’inconscient est un langage, personne jusqu’à présent n’a pu imaginer qu’il puisse exister une langue spécifique et structurée de l’inconscient. Pourtant, depuis que l'homme parle et écrit, cette langue nous crève les tympans et les yeux. Elle infiltre en permanence nos mots conscients et nous aurions du la connaître ou la deviner depuis des siècles. Or, nous sommes tellement formatés et programmés par un apprentissage syllabique de notre langue maternelle que nous sommes devenus complètement sourds et aveugles, dès notre enfance, à son écoute et à sa lecture et nous avons perdu la relation entre notre langue et le monde qu'elle désigne En effet notre conscience n'a pas résisté à ce conditionnement qui a généré une mémoire sélective des syllabes ouvertes et a refoulé au plus profond de notre inconscient la moitié de la chaîne sonore de nos mots, en particulier les séquences des signifiants correspondant aux syllabes dites "fermées", un qualificatif qui, à double titre, n'a rien d'usurpé ! Le b a ba de notre babil appris par répétition, qui a construit le gratte-ciel du lexique de notre langue évoluée, nous a condamné à épeler sans faire la liaison, le ciment phonétique entre les briques syllabiques, et nous réduit toujours, comme le mythe de la Tour de Babel le signifie par métaphore, à ne plus écouter ni comprendre cette langue à la structure commune à toutes, car notre conscience l'a profondément "dans le baba"!
Enfermés dans la tour vertigineuse de notre langue consciente, nous n'entendons et ne lisons que ce que nous avons appris à entendre et à lire, avec une attention orientée vers ce qu'on doit mémoriser! Victor Hugo, Poète visionnaire, nous a pourtant averti : "L'homme est un liseur, il a longtemps épelé, il épelle encore, bientôt il lira" et un autre Poète, René Char, a bien pressenti que derrière notre langue consciente se dissimule un autre langage secret, quand il affirme que "les mots, qui surgissent, savent de nous des choses que nous ignorons d'eux". Et s'ils savent des "choses" c'est essentiellement parce que ces mots ne sont pas du tout les plus petites unités de sens de nos langues contrairement à ce qui a été a enseigné depuis toujours, puisqu'ils sont déjà des ensembles d'unités sémantiques, des sortes de phrases, chargées de symboliser l'objet référent qu'ils désignent !
Ma conscience comme la vôtre a été conditionnée, endormie, elle fait sagement “dodo”, ce mot dit ''enfantin'', qui nous a bercé d'illusions: on nous a fait croire que pour le mot “dodo”, le déroulement linéaire de la chaîne sonore se résumait à la répétition de la syllabe ouverte “do”, que l'on épelle ou ânonne pour l'enregistrer sélectivement dans notre mémoire consciente. Mais la biologie et la phonologie sont têtues car notre ouïe et notre cortex cérébral droit de perception auditive ont conservé l'enregistrement dans “dodo” de la liaison “od”, une syllabe fermée qui, de manière plus évidente lors du chant de la berceuse, établit bien la continuité acoustique entre le redoublement des deux “do”: d~od~o! Or si “do” n'est pour notre conscience que la transcription arbitraire d'une note de musique, “od” est une unité archaïque sensée (sémantique) de la Langue de l'inconscient, reliée à deux notions invariantes : onde et/ou masse. Lorsque nous dormons (faisons dodo) n'est-il pas question d'ondes spécifiques des phases de sommeil lors de l'enregistrement EEG de l'activité électrique de notre cerveau? La langue populaire, qui dit la vérité car c'est celle de l'inconscient collectif langagier, use de l'expression “tomber comme une masse” pour désigner l'endormissement subit et profond d'une personne. Quand nous parlons il est bien question d'onde acoustique dans la prosodie de notre parole, quand nous chantons il est question de mélodie, quand nous créons des poèmes il est question d'odes et pour la musique de rhapsodie. Nous pouvons même chanter la palinodie pour renier ou désavouer ce que nous avons dit dans le passé ou en faire une parodie en la chantant de manière burlesque pour la tourner en dérision.
Quant a la notion de masse quel enseignant de la langue nous a indiqué que son empreinte “od” était inscrite dans mastodonte, diplodocus ou iguanodon ? Faut-il encore se demander pourquoi Rhodes est connu pour son colosse et Komodo pour son varan géant ? L'expression populaire actuelle “c'est énorme”, chère à Fabrice Luchini, répond au “c'est prodigieux” des années 70. Il est encore plus curieux que ce codage sonore (phonétique) de la masse par le couple de phonèmes “od” se soit étendu à un codage visuel (graphique) qui le relaye par le couple de lettres ''od'' ordonnées mais non contigües dans ''poids'', ''pondéral'', ''dondon'' , ''abondance'' ou ''lourd''?
Masse et onde semblent des concepts opposés. Pourtant les avancées les plus récentes de la physique permettent de comprendre que toutes les particules élémentaires aux masses différentes sont des modes de vibration d'une unique corde fondamentale : cette théorie bosonique originale des cordes à 26 dimensions a reçu un début de confirmation expérimentale en 2012 avec la découverte du boson de Higgs, une particule élémentaire qui désormais constitue l’une des clefs de voûte du modèle standard de la physique des particules. Le monde ou “the wordl” ne serait-il qu'une histoire d'ondes ? On peut citer les ondes se propageant à la surface de l'eau à la suite de la chute d'un objet, les vagues se déplaçant à la surface de la mer, les ondes radio, les ondes optiques, les ondes sonores dont celles produites sur les cordes vibrantes, et en particulier par nos cordes vocales qui modulent notre voix et nos mots. Ondes visuelles, auditives, olfactives (odeur, nauséabond), tactiles (ondes magnétiques), toutes les informations du milieu captées par nos organes des sens pour nous renseigner sur les objets référents de notre environnement appartiennent au domaine des ondes. Quant aux prouesses de l'inconscient collectif langagier qui relie masse et onde sous la même unité “od” peut-on les expliquer par l'existence d'une intuition préscientifique ?
Si je pense être parvenu à découvrir celle Langue, il ne faut pas y voir l’œuvre d’un quelconque génie, ni celle d’un psychanalyste ou d’un linguiste, mais plus simplement celle d’un médecin généraliste qui a exercé sa mission pendant 38 ans et a fini par entendre autrement (autre ment?) les mots de ses patients lorsqu’ils expriment leurs souffrances, des mots à la résonance motivée dont il a fallu 20 ans d’une recherche tenace pour en déchiffrer le code inconscient. Ce lien «maux à mots», cette intrication médecine/linguistique va constituer la trame serrée de cet ouvrage et il m'est paru impossible de les dissocier complètement même si le versant linguistique sera largement privilégié dans cette étude. Doués de raison, nous nous croyons maîtres de notre discours et il faut que les mots nous échappent dans un lapsus ou dans un jeu de mots spontané pour que nous prenions conscience de cette autre partie de nous qui se manifeste et de la perte de contrôle conscient de notre parole. Quand de la bouche d’une ex-ministre de la justice surgit le mot «fellation» au lieu d’«inflation», il devient évident que sa préoccupation intime ne relève pas de l’économie et des fluctuations des Bourses ! Il s'agit d'ailleurs d'une récidiviste puisque en avril 2011 elle avait parlé du «gode des bonnes pratiques» au lieu du code!
De même, dans nos rêves, dont la signification nous semble obscure au réveil, il nous arrive souvent des histoires « à dormir debout » que notre conscience a beaucoup de mal à interpréter. Ces manifestations incontrôlées, répertoriées par Freud comme des rejetons de l’inconscient, éléments du refoulé, en dévoilent son langage que les psychanalystes traquent mais ne parviennent à comprendre que de manière hasardeuse, seulement et uniquement lorsque les jeux de mots, ceux du matériau sonore ou écrit, le signifiant, coïncident avec notre langue consciente. Ainsi la jeune fille qui souffrait de cauchemars répétés de perfusion finit par se remémorer douloureusement qu’elle a été victime d’inceste paternel (père - fusion). Mais ce décryptage à lecture évidente est une coïncidence consciente très rare et comme dit Lacan à la fin de ses Écrits : « Un coup de dé dans le signifiant n’abolira jamais le hasard ».
Il serait infondé de penser cette emprise du fonctionnement inconscient de notre cerveau limitée aux «accidents» de la parole et aux rêves qui agitent parfois nos nuits même si les travaux de Freud concernent essentiellement le mot d’esprit ou la signification des rêves qu’il conçoit comme la voie royale d’accès à l’inconscient. Pour Lacan le rêve est un rébus et il faut l’entendre à la lettre. Car la structure inconsciente de nos rêves ne nous fait pas quitter le domaine des mots et Lacan affirme haut et fort dans ses «Ecrits» que l’inconscient est un langage pour lequel le signifiant prime toujours sur le signifié. Cette assertion lacanienne nous invite donc à nous pencher sur ce matériau signifiant des mots, des séquences de phonèmes pour l'oral et de lettres pour l'écrit. Il est clair que de l'Être à la Lettre, il n'y a qu'un pas ou un battement d'L!
Même si nous maîtrisons parfaitement une langue, il est souvent ardu d’exprimer exactement tout ce que nous voudrions dire, car une partie de notre propos nous échappe. Je dis toujours autre chose que ce que je dis ou que ce que je crois que je dis. De ce fait, si l’inconscient est un langage, s’il parle, il se dissimule dans notre discours conscient telle une agence de service secret avec ses espions anonymes, des agents doubles que l'apprentissage syllabique de la lecture des mots nous a interdit de percevoir comme il le sera démontré. Il va s'agir de faire parler les mots, de leur faire dire ce qu’ils ne disent pas mais ce qu'ils cachent car nous avons été formatés à ne porter notre attention que sur une partie de leur chaîne sonore.
La cure psychanalytique, elle-même, repose sur la libre expression du sujet, sans orientation par le thérapeute, pour tenter de diminuer l’emprise de la raison consciente qui structure le plan d’un discours et pour faire surgir des associations d’idées, donc de mots, dont le choix des signifiants par le sujet permet parfois de saisir des correspondances, des liaisons inconscientes ou des répétitions riches de sens pour celui qui parvient à les interpréter et à en appréhender le contenu symbolique. La résonance des mots prime sur leur raison pour le psychanalyste à l’écoute et toute psychanalyse repose sur la qualité de perception de cette résonance des signifiants. Mais quelle que soit la pertinence de l’analyse, ce ne sont que d’infimes fragments du langage inconscient qui sont appréhendés et, si ce qui est entendu concerne souvent le domaine sexuel, c’est certes parce que la sexualité, ses peurs et ses traumatismes sont importants mais également, parce que l’esprit de l’analyste se montre davantage sensible aux mots de ce registre où l’équivoque est reine.
Certains peuvent s'interroger sur les rapports entre la linguistique et la médecine et se demander ce que peut bien entendre le médecin de famille de si particulier. Tout au long de sa carrière, au contact de ses patients, le praticien est à l’écoute de discours intimes qui forment une sorte de catalogue oral que j’ai eu la curiosité d’analyser. Cris, chuchotements, néologismes, périphrases, métaphores, qualificatifs déplacés ou exagérés, formules toute personnelle ou familière, intonations curieuses d'un mot, répétitions du même signifiant, sont l’expression d’une langue non écrite mais symboliquement et émotionnellement éloquente, presque palpable! Dites 33! On est très loin de la littérature médicale spécialisée avec son jargon amphigourique, mais pleinement au cœur de ce qui fait vibrer l’être humain dans sa sensibilité profonde, la souffrance. On quitte les mots de l’intellect conscient pour entendre les mots des maux du corps, où l’on peut percevoir par surcroît la résonance des cris si l’on y prête une attention phonétique particulière jusqu'à parvenir à deviner le sens de ces maux. Ce langage des patients prend sa source dans des savoirs multiples, souvent anciens, parmi lesquels le bon sens ancestral, mais surtout il surgit à partir des sensations douloureuses totalement subjectives pour lesquelles les mots précis manquent, contraignant le sujet souffrant à user de comparaisons ou de métaphores originales qui décrivent à son insu ce qui se dissimule derrière ses maux physiques, le sens ou la cause véritable de sa pathologie. Cette difficulté à nommer et décrire nos perceptions algiques, nos dysesthésies internes, nos sensations subjectives, n'est pas sans rappeler notre difficulté à nommer nos perceptions olfactives ou gustatives pour lesquelles nous employons des images, des correspondances avec le nom de référents connus au moins par la vue : une odeur vanillée, un parfum de rose, un goût persillé ou fruité, sans oublier la liste pléthorique d'usage en œnologie.
Si la création de mots était aussi indiscutablement conventionnelle que l'affirme la linguistique officielle fondée sur le Cours de Saussure et ne dépendait pas en priorité de notre perception visuelle, il existerait des mots spécifiques arbitraires pour ces odeurs. Or il n'en est rien et ce constat est un argument indirect démentant la nature arbitraire et conventionnelle de nos mots.
Le sujet malade, tout comme le gastronome, est bien contraint d'user d'analogies ou d'images pour tenter d'exprimer, l'un le ressenti douloureux qui lui est propre sans comparaison possible avec celui d'autrui, et l'autre ses percepts olfactifs ou gustatifs. Et quand un patient déclare que sa douleur est horrible, terrible, infernale alors qu'il s'agit d'une pathologie bénigne, le médecin est en droit de s'interroger sur l'origine réelle de cette horreur, terreur ou de cet enfer, et il en devine ou subodore l'origine lorsqu'il connaît le climat conjugal, familial ou social.
Ainsi l'écoute, l'attention permettent d'entendre ces mots autrement, d'en ressentir les vibrations communes, et la nécessité apparaît de les réinterpréter, de les élucider, de comprendre ce qu'ils cachent pour tenter de saisir le fin mot de l’histoire.
Auscultare, en latin signifie écouter, prêter l’oreille. Ne serait-ce pas une déformation professionnelle propre au médecin, toujours prêt à « dégainer » le stéthoscope qu'il garde constamment accroché à son cou, qui m'a conduit à devenir davantage sensible à la résonance des mots surgissant au coin du bois touffu d'un discours qu'à leur signification convenue ? Pour le médecin, il s’agit certes de saisir par l’ouïe, mais aussi par l’intelligence sans oublier celle du cœur, la souffrance physique ou psychologique. Faute de liens sociaux solides ou de communication véritable, la souffrance psychique engendrée par les aléas de la vie s’est engouffrée dans les cabinets de généralistes, souvent transformés en confessionnaux où se déverse ce trop-plein de douleur plus morale que physique, un mal-être omniprésent, paramètres hors programme des études de médecine, mais que le praticien devra savoir entendre. Blues, cafard, déprime, bourdon, anxiété, angoisse, soupirs, boules qui serrent la gorge, souffles coupés, ventres noués, gonflés ou ballonnés qui se vident ou se retiennent, cœurs qui s’emballent, battent la breloque, occupent une part croissante du temps de la consultation, confortant l’intuition du médecin sur l’origine réelle de ces maux.
Après plusieurs années d'exercice, le médecin devine que derrière les maux dits, affichés sur l'écran corporel, se cachent des mots tus… mais bouche cousue, silence H comme prévient le panneau devant l'hôpital, devenu temple d'une médecine organique de plus en plus technique. Pour guérir l'homme, faut-il donc vraiment continuer à s’acharner à creuser sa chair jusqu'au tréfonds de ses molécules et oublier de creuser l'humus des mots qui germent et se développent dans son esprit pour inhiber son action? Ne faut-il pas se demander si le bon fonctionnement ou le dérèglement d'un organisme ne dépend pas de la manière dont l'individu se comporte face à la vie, selon qu'il la mène ou la subit ? Le manque d'autonomie et la résignation face à l'environnement socio-familial ne jouent-t-ils pas un rôle essentiel dans la genèse des pathologies ? A l’évidence, les malades pressentent ce rôle déterminant : "je suis tombé malade quand j'ai perdu mon emploi", "au moment de mon divorce", "juste après mon déménagement", "à la mort de mon père", "après le départ de ma fille", etc.
Mais cette hypothèse de l’explication des maladies se heurte à la logique cartésienne de la science médicale actuelle qui, certes, soigne de mieux en mieux la matière du corps, la cause externe des maladies (agents infectieux, chimiques, physiques) ou le dysfonctionnement interne organique ‘‘idiopathique’’, mais sans en rechercher la cause intime. Ainsi l'hypertension artérielle, par exemple, pour laquelle on ne découvre que 5% de causes organiques vérifiables, est qualifiée d'essentielle dans 95 % des cas, c'est-à-dire sans cause connue alors qu'elle concerne des millions de personnes! A leur insu, les scientifiques médicaux ne témoignent-ils pas que l'étiologie de cette pathologie est liée à une peur qui croît avec l'âge du sujet occidental car elle affecte l'essence de la condition humaine, celle d'être mortel ? Les allergies auraient pour cause des allergènes, auxquels le sujet, exposé régulièrement au cours de sa vie, était auparavant insensible ! Ces allergènes ne sont-ils pas plutôt des boucs émissaires, témoins d’un événement bouleversant, dont ils ont fait simplement partie du contexte de survenue? Les maladies auto-immunes s’expliqueraient par l’apparition subite d’auto-anticorps, alors que les lymphocytes n’en fabriquaient pas auparavant. Je me souviens de deux cas de thrombopénie sévère par production massive d'anticorps antiplaquettaires où les malades dans leurs discours ont exprimé leur souffrance d'avoir été «plaqués» par leur conjoint ! Fortuite coïncidence ou incroyable pouvoir des mots, aptes à un conditionnement neurovégétatif jusqu'alors insoupçonné, sauf par le russe Pavlov et son Ecole? Dans la maladie le malade dit, mais la médecine moderne ne veut pas l'entendre et se contente en général du comment organique sans rechercher le pourquoi psychologique. Si les incontestables résultats de la médecine contemporaine témoignent d'un progrès immense, ne risquent-ils pas de constituer une régression si la démarche qui vise à guérir l’homme n’est pas inspirée par un réel humanisme?
A cette myopie médicale s'ajoute la réticence du malade qui a pris l’habitude d’exhiber son corps au médecin pour qu’il le répare vite sans rechercher dans son vécu les causes possibles de sa pathologie qui l’amèneraient à des changements de vie qu'il préfère occulter ou refuser.
Tomberait-on malade comme on «tombe enceinte» par l'opération du Saint-Esprit en faisant croire que l'on n'est pas du tout acteur de sa propre vie? Le malade ne serait-il que la victime innocente de quelque châtiment descendu du Ciel ! Non, de toute évidence et il n'y a rien d'absurde à rechercher les causes psychiques des maladies organiques. La médecine occidentale, influencée pas la société qui en fait usage, est devenue celle de la consommation, le patient remplit son caddie de médicaments à la pharmacie comme il remplit celui de ses courses au supermarché, persuadé à l'instar de la majorité des médecins, que le remède à ses maux se résume à quelques milligrammes de matière à ingérer. L'évolution sociétale tend à nier l'humain et l'existence du système nerveux central dont l'emprise d'une extrême puissance sur le corps, le soma, se voit dédaignée ou déconsidérée. L'être humain ne risque-t-il pas de n'être plus qu'un vil consommateur écervelé, voire décérébré!
Les cris des maux inscrits symboliquement dans le soma, le corps physique sous forme de symptômes, ne témoignent-ils pas du silence de certains mots retenus, inhibés, qui paralysent nos actes? Les maux, comme l’a parfaitement défini un spécialiste renommé de la communication humaine, Jacques Salomé, sont un langage inconscient métaphorique par lequel nous tentons d’exprimer à notre entourage, l’indicible, nos sentiments réels, nos conflits, nos séparations, lorsqu’ils sont censurés par de multiples peurs. Comment rester sourd au sens des maux qui crient le conflit de messages antagonistes? L'exercice quotidien de la médecine générale finit par donner la conviction que la maladie serait en soi un autre langage par lequel le malade exprime sa difficulté de cheminement personnel, son mal-à-dire, processus d’exhibition somatique d’une inhibition psychologique à réaliser les actions qui lui tiennent à cœur. Pour résumer dans un jeu de sons : dans toute maladie le malade dit et ses maux dits traduisent de maudits mots tus sous l'emprise de craintes multiples. Les maux comme les messages de mots se donnent, se passent et se repassent voire se refilent, un échange inter-humain dont la terminologie relève bien du domaine de la communication. Aux mots, signes verbaux, répondent les signes de la maladie, dont l'association constitue le symptôme, un ensemble spécifique de la sémiologie médicale.
Derrière les mots plaintifs du sujet en souffrance vibre un langage surgissant de la profondeur de son être, qui résonne, pour qui sait entendre, avec une autre langue plus archaïque et plus vraie, celle de la Langue de l’Inconscient. Le code de cette langue est inscrit dans tous les mots conscients que nous avons appris et que nous prononçons, langue châtiée ou vulgaire, jargon ou argot, que le mot soit récent ou ancien, aucun ne peut y échapper. La Langue de l’Inconscient est celle de la Vérité, sa structure est universelle, elle correspond à ce que Freud nommait Grundsprache, la Langue des Profondeurs ou Seelesprache, la Langue de l’Âme, et l'on pourrait presque la comparer à La Langue de la Pentecôte évoquée dans l’Evangile.
La découverte de cette Langue, née de l'expression douloureuse de l’être humain avec des mots, presque des cris surgissant de ses « tripes », fut d’abord le fruit du hasard, mais son élucidation complète est l’aboutissement d’un travail acharné de recherches d’une vingtaine d’années avec de fécondes périodes nocturnes entre veille et sommeil, heures privilégiées durant lesquelles le carcan de la raison et du savoir acquis s’ouvre pour laisser le champ libre à l’imagination et aux associations d’idées originales dont il s'agit de mémoriser les pertinences que la raison peut admettre et approfondir. Ce décodage nouveau est donc le fruit d'une succession de ''révélations'' qui, étape après étape, a permis la mise en évidence de doublets de phonèmes, reliés à l’émotion ou à la géométrie, marqueurs d’une motivation inconsciente. Il a fallu plusieurs années pour déterminer le sens inconscient précis de plusieurs dizaines de doublets ; les circonstances de ces découvertes successives, un peu curieuses, ont l’intérêt de mettre en exergue l’œuvre de l’inconscient. Car le travail de décodage s’est fait essentiellement la nuit, en position couchée, à la lumière d’une lampe torche, lors de périodes créatrices d’une quinzaine de jours, vécues comme des périodes exaltantes de ''révélations'', suivies de laps de temps plus longs totalement stériles, comme si tout un savoir inconscient emmagasiné s’était totalement vidé. Il faut un temps assez considérable entre les phases initiales d’un travail actif et conscient sur un problème et la découverte d’une solution qui semble alors apparaître de façon inattendue, comme si «cela venait à l’esprit tout d’un coup». En psychologie on appelle période «d’incubation» le laps de temps séparant l’activité initiale de la solution et durant lequel il ne semble pas avoir de travail actif sur le problème ; pourtant c’est pendant ces périodes d’incubation que s’effectue par une pensée non consciente ou subconsciente la poursuite de recherche de solution, qui aura d’autant plus de chances d’aboutir que la phase initiale consciente aura été intense et longue. Toutes les informations nécessaires à la solution doivent avoir été intégrées dans la mémoire au cours de la phase de réflexion préparatoire pour que l’objectif recherché y reste gravé et permette la poursuite d’une activation inconsciente des mécanismes de la pensée. L’avantage du travail nocturne est utilisé par nombre de créateurs, les artistes en particulier, car il s’effectue à la frontière du sommeil, avec des mini-incubations de quelques minutes durant des phases d’endormissement et des phases de résolution des problèmes après quelques minutes de sommeil léger. Ces états intermédiaires entre l’éveil et le sommeil permettent un abaissement des barrières rigides du savoir conscient et une plus grande ouverture vers l’imaginaire, vers le monde du cerveau droit, permettant la recherche de nouvelles associations dont l’une sera la bonne et apportera la solution.
Ce n’est donc qu’après plusieurs vagues successives d’environ 6 mois: «recherche consciente - incubation inconsciente – découverte», que la quête de sens de l'ensemble des doublets est devenue conquête. Au vu de cette panoplie de doublets de phonèmes décryptée, la motivation des sons devenait certaine et me suggéra l’éventualité d’une généralisation à l’ensemble des mots de la langue. Le mot ou signe “c.i.a..”(conventionnel, immotivé, arbitraire) recèle bien un code secret qui le métamorphose en mot motivé. L’historique et la nature de cette découverte linguistique et médicale ont déjà fait l’objet de deux ouvrages : le premier « Maux à mots, un langage dans le langage élucidé » paru en 1993 avec 3 rééditions modifiées jusqu'en 1998, le second « Entendre les mots qui disent les maux », paru en 2000 et réédité sous une forme plus complète en 2006 aux Editions du Dauphin. Dans cette nouvelle mouture plus achevée, le pari se révèle celui d'une co-écriture, avec une personnalité féminine, n'appartenant ni au monde de la médecine, ni à celui de la linguistique, Véronique Lesigne qui n'est pas une scientifique mais une passionnée de psychologie intime des principes jungiens, auteure d'un ouvrage « L'âme des mots, les mots de l'âme », paru en 2010 aux éditions Dervy, un livre centré sur les concepts relatifs au fonctionnement de la psyché tels que définis par Karl Gustav Jung, revisités au travers d'un décorticage sensible et intelligent des mots à la manière des exégètes de la Langue des Oiseaux. Si le patronyme possède quelque pouvoir de programmation de l'individu, si l'on doit remplir son Nom comme l'exhorte la religion juive, qui mieux que Véronique Lesigne parviendra à toucher l'âme des mots en les analysant ?
En effet si les travaux de Freud ont permis la mise en évidence d’un inconscient individuel grâce à la psychanalyse du sujet et de ses productions linguistiques curieuses: lapsus, jeux de mots, rébus des rêves, symptômes psychologiques, si ceux de Jung ont révélé l’existence d’un inconscient collectif manifesté dans le langage des mythes, des contes et des croyances religieuses, l'objectif de ce livre est de vous inviter à une véritable psychanalyse des mots par un décryptage progressif d’un code linguistique inconscient précis, constituant cette Langue de l’Inconscient.
Pour Freud psychanalyser, c’est zurückführen, littéralement conduire en arrière vers cette Grundsprache, une langue archaïque qui gronde dans l’humain primitif, depuis qu’il est parvenu au stade d’homo loquens. Il n’est nul besoin d’être savant pour comprendre que nos mots ne sont pas nés par génération spontanée et il faut être un brin fanatique pour n'y voir que la création de Dieu. En effet, si nos mots conscients, chaînes de phonèmes, sont perçus et analysés par nos deux hémisphères cérébraux (le cerveau droit et le cerveau gauche), d’où proviennent ces sons qui les forment? « Songez-y », nous invitait avec lucidité Anatole France, « un métaphysicien n’a, pour constituer le système du monde, que le cri perfectionné des singes et des chiens. Ce qu’il appelle spéculation profonde et méthode transcendante, c’est de mettre bout à bout, dans un ordre arbitraire, les onomatopées qui criaient la faim, la peur et l’amour dans les forêts primitives et auxquelles se sont attachées peu à peu des significations qu’on croît abstraites quand elles sont seulement relâchées ». Plus tard Karl Gustav Jung renchérit: « Si abstrait qu’il soit, un système philosophique ne représente donc, dans ses moyens et ses fins, qu’une combinaison ingénieuse de sons primitifs ».
Pour vous lancer à la recherche de ce langage secret archaïque, vous serez invités à un voyage initiatique au cœur de la sphère cérébrale, car pour découvrir la structure de cette Langue, il est nécessaire de commencer par l’exploration de la face restée dans l’ombre du cerveau humain, celle de l’hémisphère droit. Jusqu’à présent le scientifique du langage ne s’est intéressé quasi exclusivement qu’à l’étude de la production langagière de l’hémisphère gauche, celle de nos mots conscients, de leur ordonnancement dans la phrase et de leur syntaxe, une production dont l’origine se situe dans des zones circonscrites de la surface de l’hémisphère gauche, les aires corticales du langage de Broca et de Wernicke dont la détermination s’est réalisée grâce aux conséquences pathologiques des accidents vasculaires cérébraux, responsables d’un manque d’irrigation vasculaire, une ischémie d’une zone délimitée du cerveau. Lorsque cette ischémie concerne une aire du langage, elle entraîne une aphasie avec impossibilité totale ou partielle pour le sujet souffrant de parler tant que cette ischémie persiste.
Si la Science moderne et la Médecine ont permis d’acquérir des connaissances neuro-linguistiques sur notre langue parlée et écrite, elles n’ont exploré jusqu’alors que son versant conscient, ignorant même la possibilité d’une autre langue fondatrice, celle de l’Inconscient. Pourtant la question de la motivation cachée des mots est très ancienne ; Platon dans son «Cratyle», 400 ans avant l'ère chrétienne, expose le point de vue de Socrate (socratylien si j'ose écrire) sur la nature des mots qui pour Cratyle sont des peintures des choses, des symboles.
Ce n’est pas non plus un linguiste moderne, mais un Saint, Augustin d’Hippone, qui sans doute le premier, a pressenti qu’il existait autre chose en amont de l’expression de nos mots conscients. En effet Saint Augustin fut un de ces pionniers novateurs inclinant à subodorer une motivation inconsciente du signe verbal, qu'il expose au IVe siècle dans sa théorie du signe. Il affirme que «c'est par les signes que l'on apprend les choses ». Il évoque également le retard du langage sur la pensée et l'explique ainsi :
« La raison en est surtout que cette conception intuitive inonde mon âme à la façon d'un éclair rapide, tandis que mon discours est lent, long et fort différent d'elle. De plus, pendant qu'il se déroule, cette conception s'est cachée dans sa retraite. Elle laisse pourtant dans la mémoire, d'une manière merveilleuse, un certain nombre d'empreintes, qui subsistent au cours de la brève expression des syllabes et qui nous servent à façonner les signes phonétiques appelés langage. Ce langage est latin, grec ou hébraïque… Que les signes soient pensés par l'esprit ou qu'ils soient exprimés par la voix, les empreintes ne sont ni latines, ni grecques, ni hébraïques, ni n'appartiennent en propre à aucune nation". Augustin envisage bien un état du sens fait d'empreintes qui « n'appartiennent à aucune langue”, ne sont pas conscientes et semblent universelles.
L’ambition de ce livre est d’analyser ces empreintes augustes (ou du moins augustines) pour faire re-Naître le descendant évolutif de cette Langue primitive de l’Inconscient, devenue secrète, et initier à sa Lecture particulière. Au tout était cri préhistorique succède le tout est écrit moderne dont il ne faut changer ni accent, ni la moindre Lettre pour décrypter la Langue de l’Inconscient. Une révolution linguistique, psychanalytique et médicale, une Quête du Sens derrière le son, d'une nouvelle Raison derrière la résonnance.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme !