P'tit prof a écrit:En français classique, le jeannot est l'éponyme du janotisme, ou jeannotisme :
Tlfi:
Prononc. et Orth. : [] ou [-o-]. Pt ROB., Lar. Lang. fr. : jeanno- (var.) Étymol. et Hist. 1. 1779 Jeannotisme « niaiserie » (Corresp. littér. secrète, 18 déc., no 52 ds PROSCHWITZ Beaumarchais, p. 338); 2. 1828-29 janotisme « construction maladroite de la phrase » (RABAN, MARCO SAINT-HILAIRE, Mém. forçat, t. 3, p. 31).
Dér. au moyen du suff. -isme* de Janot, Jeannot (dimin. de Jean), surnom traditionnel des sots (cf. Jehannot « sot », 1397 ds GDF., v. aussi FEW t. 5, pp. 45-46), et en partic., nom d'un personnage de niais, affecté d'un défaut de lang. consistant à intervertir les membres d'une phrase, popularisé par DORVIGNY ds Janot, ou les battus paient l'amende, pièce jouée en 1779.
Dans le document cité dans le message précédent, on lit :
Dans une petite pièce intitulée Jérôme Pointu, jouée aux Variétés amusantes en 1781, [...]Dans cette pièce, le rôle de Jérôme Pointu, vieux procureur très avare, très vétilleux, que berne Léandre, son jeune clerc, était tenu par l'acteur Volange, qui s'est acquis une immense célébrité par la création du rôle de Jeannot, sorte de Jocrisse dont le langage, en phrases incidentes, prêtant aux plus niaises ambiguïtés, a été caractérisé dans une chanson, qui pendant longtemps fut d'une grande ressource pour les pitres des baraques de saltimbanques chargés de mettre la foule en bonne humeur.
On en a surtout retenu ce couplet:
Voilà-t-il pas que, pour montrer mon adresse,
Je renversai les assiett' et les plats,
Je fis une tach' à mon habit, de graisse,
A ma culot' sur ma cuisse, de drap,
A mes beaux bas que mon grand-pèr', de laine,
M'avait donné avant de mourir, violets.
Le pauv' cher homme est mort d'une migraine,
Tenant une cuiss' dans sa bouche, de poulet.
Voilà indubitablement un bon nombre de janotismes, mais le document cité par le TLF, qui devance celui-là de deux ans,
Janot, ou Les battus paient l'amende , comédie proverbe de Louis-François Archambaut, dit Dorvigny, en est aussi un beau florilège, qu'on peut lire ici :
http://www.theatre-classique.fr/pages/p … BATTUS.pdf
Cette première pièce était, comme la seconde, jouée par l'acteur Volange qui semble avoir été un piètre acteur tragique ou sérieux mais qui a excellé dans ces rôles de Janot, au point d'en faire sa marque de fabrique.
De la première pièce, je ne suis pas sûr que le mot janotisme ait été immédiatement créé, car elle avait d'autres caractéristiques qui ont fait son succès :
A vingt ans il rentre en France, il travaille en province, où il prend le pseudonyme de Volange, et en 1778 il est reçu dans la troupe foraine des Variétés amusantes, qui occupera bientôt une salle sur le boulevard. Le succès triomphal arrive en 1779, grâce à un auteur, Dorvigny, à un personnage, Janot, et à une exclamation, «c'en est » (la référence est scatologique), qui devient le «cri à la mode » dans tous les milieux de Paris. L'engouement est tel qu'on a les éventails à la Janot, le potage à la Janot, la coiffe à la Janot, et la Manufacture de Sèvres se met à fabriquer des statuettes qui représentent Volange en Janot.
https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760 … 690_0000_3
Quelques années plus tard, en tout cas, le janotisme était bien connu, comme en témoigne ce long article que lui consacre le Dictionnaire de la Conversation et de la Lecture, 1837 :
JANOT, JANOTISME. Janot, ou Jeannot, diminutif de Jean, était déjà dans la langue usuelle le nom qui servait à désigner une ingénuité niaise, quand Voltaire, dans son Jeannot et Colin, en fit le personnage principal d'un de ses contes ingénieux. - Plus tard, un auteur des petits théâtres du boulevard, en le descendant plus bas encore, éleva Janot à une vogue inouïe. Il devint l'un de nos plus bizarres engouements, Le Janot de Dorvigni, joué par le farceur en renom de cette époque, Volange, ne réussit à rassasier la curiosité parisienne qu'après plus de 200 représentations. On en donnait deux chaque fois pour satisfaire l'avidité et placer l'affluence des spectateurs. L'auteur, qui ne s'était guère douté de ce succès fou, avait d'avance vendu sa pièce pour une très petite somme; le directeur du théâtre, enrichi par ce chef-d'œuvre imprévu, poussa la générosité jusqu'à gratifier l'écrivain d'un supplément de 600 francs : il devait en avoir gagné environ trois cent mille. Dans le même temps, on jouait dans le désert, au Théâtre-Français, la reprise de la Rome sauvée de Voltaire. Janot avait triomphé de Cicéron. — Du reste, il est juste de dire que cette parade n'était pas sans une certaine portée satirique qui, sans doute, avait échappé à la censure de l'ancien régime : Janot était le représentant de ce bon peuple, qui, toujours battu, payait toujours l'amende ; joué, comme l'ouvrage de Beaumarchais, peu avant la révolution, il était, lui, le Figaro de la basse classe. Ce qui contribua aussi à faire de Janot un type bouffon, ce qui le fait encore citer comme tel, c'est cette burlesque interversion de mots, cette singulière disposition de phrases dont l'avait doté son auteur : « En fait de couteaux, c'est mon père qui en avait un beau, devant Dieu soit son âme ! pendu à sa ceinture. » Voilà un des exemples de ce langage qui fit invasion dans la société, comme précédemment le calembourg, et que l'on nomma le janotisme. Le mot nous est resté pour exprimer ce genre de locutions vicieuses, que, Dieu merci! l'on n'affiche plus, mais qui peut échapper même à la distraction d'un homme d'esprit. Sans être un Janot, qui n'a pas, dans la conversation, commis quelques janotismes ?
https://books.google.fr/books?id=zb8wtX … mp;f=false