On parle de la grammaire présente dans les manuels
Oliglesias
Je leur dirai qu'elle est agrammaticale s'ils prétendent s'exprimer en "français standard" (je me doute que cette notion est plus pratique que théorique)
Abel Boyer
Ce qui cloche ici, c'est cette référence aux manuels ( de grammaire) et au " français standard".
C'est un peu comme si on prenait cette notion relativement nouvelle ( 20ème siècle), développée par la linguistique au sein d'une réflexion théorique, pour l'appliquer soudain à un " référentiel" rassurant qui ne correspond pas au concept initial.
Pour la linguistique , cette notion de grammaticalité n'est pas liée au français standard: en fait, est grammaticale toute phrase qui peut être produite ( quel que soit le niveau et le registre de langue :vulgaire, familier, argotique, régional, standard, soutenu) par un locuteur natif (ah!l'oreille native chère à Bookish ) . C'est ce qui fait qu'une personne pourra identifier une phrase comme appartenant à sa langue maternelle, qu'elle soit bien formulée, mal formulée...
Autrement dit ,
une phrase grammaticale obéit à des règles qui sont constitutives de la nature d'une langue.
Nous sommes bien loin là du français standard et de la grammaire normative. c'est bien de grammaire descriptive qu'il s'agit.
Sera donc agrammatical un énoncé qui ne peut absolument pas être produit par un locuteur francophone de naissance.
D'où les multiples appels à collaboration bénévole venant régulièrement d'étudiants en linguistique, où l'on nous propose x et encore x énoncés pour lesquels il faut dire, si possible spontanément, si l'énoncé nous semble possible ou pas. ( voir fils adéquats en ce moment!)
Le hic de ce concept d'agrammaticalité, c'est qu'il fonctionne bien en synchronie.( Et encore, c'est à voir...) Mais dès qu'on s'intéresse à une langue en diachronie, dans son développement, il y a problème. C'est, à mon avis, là-dessus que P'tit prof a posé le doigt.
Car, lorsque nous prenons un texte ( à défaut d'enregistrement, parbleu!) du XVII ème ou du XVIème, par exemple: certes, cela paraîtra parfois bizarre, il y aura des tournures que nous ne connaissons peut-être pas, que nous ne produirions pas , mais d'une part, nous reconnaîtrons tout de même qu'il s'agit d'une seule et même langue ( la nôtre, dans un état antérieur), d'autre part, nous saurons spontanément identifier que ces énoncés n'appartiennent pas à une autre...
Ci-joint une interessante étude sur cette question de la grammaticalité/agrammaticalité qui montre qu'on est loin de posséder une notion qu'on puisse utiliser si simplement dans l'approche d'énoncés.
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr … _84_1_3594
Par ailleurs, une réserve tout de même, concernant cette tournure qui a fait discuter:
" Je fais mon petit frère faire ses devoirs"
Pour qu'on puisse l'identifier comme une tournure ancienne restée présente quelque part dans la langue, il faudrait qu'elle puisse être produite aujourd'hui et reconnaissable comme telle par tout un groupe. Si tel est le cas, si dans une région de la francophonie a subsisté au sein d'un groupe parlant français, une telle tournure, alors, oui, elle est grammaticale , selon ces critères de la linguistique. S'il s'agitssait d'une tournure propre à un seul individu ou une seule famille, alors ce serait un idiolecte, difficile alors de dire d'où il vient. Il pourrait aussi bien être un calque d'une autre langue, tout dépend alors de l'histoire linguistique de cet individu ou de cette famille.
" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen." J.W.v.Goethe