Mais justement, la première n'est pas négative. "Jamais" y a son sens original positif de "un jour".
Ecrirait-on jamais = écrirait-on un jour = se mettrait-on vraiment à écrire ?
Autrement dit : Est-ce qu'on écrirait si on ne se résignait pas à être incomplet ?
La réponse sous-entendue est non :
On peut écrire seulement parce qu'on se résigne à être incomplet. Si l'on ne résigne pas à être incomplet, on n'écrira probablement pas.
Pour étudier les transformations possibles de cette construction, prenons d'abord une phrase plus simple.
Mangerait-on jamais si nous ne sentions pas la faim ?
Elle est de structure analogue à votre première phrase et veut dire :
Est-ce qu'il nous arriverait de manger si nous ne sentions pas la faim ?
Vous pourriez très bien avoir, en mettant le premier membre à la négative et en conservant le second tel quel :
Ne mangerait-on jamais si nous ne sentions pas la faim ?
qui signifie
Est-ce que nous ne mangerions pas si nous ne sentions pas la faim ?
Le sens n'est pas le même que dans la première phrase mais il lui est tout à fait complémentaire. On s'intéresse à la même situation parce qu'on part de la même hypothèse : que se passerait-il si nous ne sentions pas la faim ? Mangerait-on ou ne mangerait-on pas ? La question est posée différemment, mais la réponse permettra de décrire exactement une situation unique.
Si maintenant vous changez le second membre de phase de négative en positive, vous modifiez l'hypothèse de départ. Ce n'est plus la même situation. Les phrases restent grammaticales, mais paraissent idiotes, que le premier membre soit positif ou négatif.
Mangerait-on jamais si nous sentions la faim ?
Ne mangerait-on jamais si nous sentions la faim ?
Les questions paraissent idiotes, car "si nous sentions la faim" n'est pas ressenti comme une hypothèse qui fait se poser des questions ; nous savons que nous sentons la faim (sauf exception rare) et donc il n'y a pas d'hypothèse à faire. Et nous savons bien que le fait de sentir la faim nous conduit en principe à manger. La question ne se pose donc pas de savoir si l'on mangerait un jour ou si l'on ne mangerait jamais. C'est dans ce sens qu'il y a un manque de logique dans cette construction, même si elle est grammaticalement correcte.
Si vous faites le même travail avec votre seconde proposition, votre hypothèse est que "on se résigne à être incomplet", mais puisqu'on fait cette hypothèse positive de résignation, c'est qu'on a déjà accepté d'écrire (sinon, il n'y a pas à se résigner) ; la question n'a donc plus d'intérêt, qu'elle soit posée sous forme positive ou négative.