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forum abclf » Histoire de la langue française » Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

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Messages [ 11 ]

Sujet : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

Bonjour,
  L'emploi du subjonctif imparfait selon la correspondance des temps a longtemps été normale en français, même dans l'usage oral populaire, et y compris chez les analphabètes (comme c'est toujours le cas dans toutes les autres langues néo-latines).
  1) À quelle époque les premiers signes de désaffection du subjonctif imparfait sont-ils apparus en français? C.-à-d., de quelle époque datent les textes où la concordance des temps commence à ne plus être respectée? (Pour bien faire, il serait bon de connaître la référence complète des textes: nature des textes, dates, auteurs, lieux...).
  2) A quelle époque l'emploi du subjonctif imparfait selon la concordance des temps devient-il minoritaire? Ou, plus exactement, puisque les textes écrits publiés ne sont pas le reflet de la langue courante, à quelle époque a-t-on des signes que le subjonctif imparfait commence à être considéré comme incongru?  C.-à-d., à quelle époque commence-t-on à trouver couramment des textes sans respect de la concordance des temps; des textes humoristiques se moquant du subjonctif imparfait (textes humoristiques divers, anecdotes, pièces de théâtre...); des dénonciations par des grammairiens de fautes de concordance des temps; etc.
  Naturellement, c'est différent selon les personnes du verbe et c'est difficile à évaluer, du fait que les 1ème et 2ème personnes du pluriel sont les moins employées. Ça demande l'étude systématique de textes divers. J'imagine que sur un tel sujet, cette étude a été faite. Qui saurait comment en trouver les résultats? À défaut, qui peut donner une opinion éclairée?
  Merci d'avance
  Alaric

Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

Alaric a écrit:

J'imagine que sur un tel sujet, cette étude a été faite. Qui saurait comment en trouver les résultats?

Bonjour,

un truc quand on cherche une étude savante sur un sujet spécifique c'est de faire une recherche avancée sur google en restreignant la recherche aux formats pdf. On trouve ainsi beaucoup de thèses.

En mettant "imparfait du subjonctif" et pdf, j'ai trouvé ça :

http://dumas.ccsd.cnrs.fr/docs/00/51/74 … lli_M2.pdf

(je me suis empressé de sauvegarder smile ), je pense qu'à partir de la page 47 vous devriez commencer à trouver des choses intéressantes.

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Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

Bonsoir,
  Merci beaucoup de votre réponse.
  La réponse à ma question se trouve dans la phrase "la disparition des imparfait et plus-que-parfait du subjonctif, amorcée dès la fin du XIXème siècle est pratiquement achevée aujourd’hui."
  Ce n'est pas le sujet essentiel de l'étude universitaire en question, et je crois que la disparition de l'imparfait du subjonctif a été amorcée bien avant. Alphonse Allais est mort en 1905: il fallait que l'imparfait du subjonctif soit déjà bien malade à la fin du 19ème siècle pour qu'il le tourne en dérision comme il le fait dans le poème humoristique "Complainte amoureuse"...!
  Pour le reste, cette étude n'est guère convaincante.
Donner comme évident que le passé composé est "plus simple et moins pompeux" que le passé simple est consternant. C'est prendre les choses à l'envers: c'est bien évidemment parce que le passé simple est inusité qu'il nous semble plus compliqué et plus pompeux que le passé composé. L'auteur n'a pas songé a demander à des gens de langues où le système des temps est analoque à ce qu'était celui du français autrefois si le passé simple était "compliqué et pompeux": s'il l'avait demandé à des gens de langue espagnole, il se serait fait rire au nez.
  Quant à attribuer le recul du subjonctif au fait que le monde moderne est le monde du "concret", c'est d'un simplisme consternant. Pense-t-on moins qu'autrefois? Les sciences et les techniques actuelles requièrent-elles moins la pensée abstraite?
  L'auteur ne semble même pas s'être interrogé sur les rapports entre les langues. L'allemand, par exemple, n'a pas l'usage de ce qu'est le subjonctif dans les langues néolatines.
  Derrière la pensée de l'auteur il y a peut-être des préjugés de supériorité "modernistes" et peut-être "français". Le contraire d'une étude scientifique.
  Naturellement, ces remarques ne sont pas dirigées contre vous, et je vous suis reconnaissant de m'avoir fait connaître ce genre de choses que je n'aurais jamais imaginées.
  Merci aussi du conseil pour les PDF!
  Bien cordialement
  Alaric

4

Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

Alaric a écrit:

Donner comme évident que le passé composé est "plus simple et moins pompeux" que le passé simple est consternant. C'est prendre les choses à l'envers: c'est bien évidemment parce que le passé simple est inusité qu'il nous semble plus compliqué et plus pompeux que le passé composé. L'auteur n'a pas songé a demander à des gens de langues où le système des temps est analogue à ce qu'était celui du français autrefois si le passé simple était "compliqué et pompeux": s'il l'avait demandé à des gens de langue espagnole, il se serait fait rire au nez.

Je partage ton avis. Surtout sur le côté "pompeux" de tel ou tel temps. Un peu moins tout de même sur l'aspect "compliqué" d'un tiroir X ou Y. Non pas que la plus grande complexité d'une forme conduise nécessairement les locuteurs à la négliger au profit d'une rivale, jugée plus simple. Mais on peut reconnaître que le passé simple est peut être le moins simple des temps simples.

Même en ignorant les innombrables verbes irréguliers dotés d'un radical spécifique au PS — identique au participe passé (avoir, boire, lire) ou non (être, faire, coudre) —, on ne peut que constater l'écart entre le PS des verbes du 1er groupe et le PS de ceux du 2nd. Pour ces derniers, au singulier, le PS est identique au présent. Pour les verbes du 1er groupe, au singulier, les désinences vocaliques du PS sont celles du futur.

Là où les deux groupes se rejoignent, avec tous les verbes irréguliers, c'est sur les désinences plurielles du PS : -mes, -tes, et -rent. Or ce point de convergence — enfin ! — est précisément ce qui distingue le PS de tous les autres temps simples de l'indicatif.

À part le PS, aucun tiroir ne présente -mes et -tes pour nous et vous — les seules exceptions étant le présent de être et de quelques autres verbes irréguliers comme dire et faire limités à vous.
Contrairement au PS qui emprunte, pour nous et vous, ses désinences à l'indicatif présent de être, tous les autres temps les empruntent au verbe avoir. Pour nous et vous, les tiroirs non-PS recourent soit à l'indicatif présent de avoir ? -ons / -ez, soit à son subjonctif présent ? -ions / -iez.

Quant à -rent, propre à la 3e pers. pl. du PS, il s'oppose sur deux points aux deux temps personnels comportant aussi le morphème -r-, le futur et le conditionnel :
1] au PS, la voyelle adossée au morphème -r- est atone quand elle existe alors qu'elle est toujours tonique au futur et au conditionnel
2] au futur et au conditionnel, le morphème -r- ne discrimine aucune personne tandis qu'il identifie la 3e pl. au PS.

Ce serait intéressant de savoir si, à l'époque où le PS était encore répandu dans la parlure courante, on a pu voir surgir des vivâmes ou autres grandissèrent qui auraient alors témoigné de la vitalité du PS via l'analogie.

Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

greg a écrit:

Ce serait intéressant de savoir si, à l'époque où le PS était encore répandu dans la parlure courante, on a pu voir surgir des vivâmes ou autres grandissèrent qui auraient alors témoigné de la vitalité du PS via l'analogie.

J'ai lu je ne sais plus où, peut-être dans Henriette Walter, que Vaugelas se plaignait déjà de constater une désaffection pour le passé simple. Est-ce moi qui extrapole ou expliquait-il cette désaffection par le fait que les gens avaient tendance à se tromper ? Il faudrait vérifier, mais je n'ai pas Vaugelas sous la main.
Certaines études de linguistes contemporains tendraient pourtant à prouver que le passé simple n'a pas totalement disparu, même à l'oral, et qu'il peut fort bien réapparaître en situation de solennité. Et les amoureux de la langue savent bien qu'il y a des cas où il refuse obstinément de se laisser remplacer par le passé composé.

Au-delà du lit de lait de l'Aude élue, un énorme orme étendait sa sombre ombre.

Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

Bonsoir,

par rapport au subjonctif passé, le « déclin » dans la langue écrite / littéraire est peut-être à placer dans le XXe siècle, cf. Mireille Huchon (2002), Histoire de la langue française, p. 257.
Dans la langue parlée, cela semble avoir varié selon les régions mais des grammairiens commencent à se plaindre déjà au XVIIIe siècle, selon Grevisse § 868 (13e édition).
Pour des datations et renseignements plus précis, il faudra voir p-ê chez Olivier Soutet (2000), Le subjonctif en français.

Ceci devient vraiment insignifiant. - Pas encore assez.

7 Dernière modification par Maginhard (01-07-2012 13:19:12)

Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

Son destin est scellé à brève échéance parce que les éditeurs n'en veulent plus.
J'en ai fait moi-même la triste expérience.
Le mot « impossible » a été employé par un éditeur.

Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

À Alaric «   2) A quelle époque l'emploi du subjonctif imparfait selon la concordance des temps devient-il minoritaire?  »

Et encore, on n'aborde pas l'imparfait et le plus-que-parfait du subjonctif en emploi libre, pour rendre ce qu'on appelle en grammaire latine le potentiel (ou éventuel) et l'irréel

« Non, on ne craint pas qu'il venge un jour son père,
On craint qu'il n'essuyât les larmes de sa mère. » (Racine)

Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

greg a écrit:
Alaric a écrit:

Donner comme évident que le passé composé est "plus simple et moins pompeux" que le passé simple est consternant. C'est prendre les choses à l'envers: c'est bien évidemment parce que le passé simple est inusité qu'il nous semble plus compliqué et plus pompeux que le passé composé. L'auteur n'a pas songé a demander à des gens de langues où le système des temps est analogue à ce qu'était celui du français autrefois si le passé simple était "compliqué et pompeux": s'il l'avait demandé à des gens de langue espagnole, il se serait fait rire au nez.

Je partage ton avis. Surtout sur le côté "pompeux" de tel ou tel temps. Un peu moins tout de même sur l'aspect "compliqué" d'un tiroir X ou Y. Non pas que la plus grande complexité d'une forme conduise nécessairement les locuteurs à la négliger au profit d'une rivale, jugée plus simple. Mais on peut reconnaître que le passé simple est peut être le moins simple des temps simples.

En regardant un peu dans les archives de ce forum, je suis tombé sur ce fil très intéressant qui s'interroge sur la disparition du sujonctif imparfait en français. C'est un sujet qui m'intéresse tout particulièrement puisqu'il s'agit ici de changement linguistique et du fait qu'on arrête d'utiliser une variante. Une grande partie de tout ce que je fais tourne autour de cela et bien que je ne sois pas un grand spécialiste du subjonctif imparfait, j'avais bien envie de répondre à l'auteur de ce fil. Malheureusement j'arrive trop tard (il n'a posté que les deux messages sur ce fil...) alors je vais répondre à greg sur le côté "pompeux" et "compliqué".

On est tous les trois d'accord (je pense que d'autres le sont également) sur le fait que le terme "pompeux" n'est pas très approprié. Personnellement, je suis également d'accord avec Alaric en ce qui concerne "compliqué". Je m'explique. Une langue naturelle n'est jamais plus compliquée qu'une autre et surtout n'est pas compliquée à parler. Toute personne peut utiliser naturellement n'importe quelle temps de la conjugaison (aussi compliquée puisse-t-elle paraitre de l'extérieur) tant que ce temps est effectivement utilisé dans la langue courante.
C'est le fait qu'on n'utilise plus depuis quelques temps dans la langue courante à l'oral le passé simple et autres qu'on ne les apprend plus de manière naturelle mais par apprentissage scolaire (ce qui est plus difficile). Mon ancien directeur de thèse explique dans un article (je ne l'ai pas lu, mais on en a parlé quelques fois) que l'apprentissage du passé-simple en français aujourd'hui se fait de la même manière que celui d'une langue étrangère: on utilise les mêmes processus d'apprentissage, c'est pour cela qu'il nous parait compliqué. J'ajouterais que l'apprentissage du passé simple en français est même peut-être plus compliqué que l'apprentissage d'une langue étrangère puisqu'on est bien plus difficilement en contact direct et spontané avec du passé simple à l'oral en français qu'avec une langue étrangère. Evidemment, cette dernière remarque est discutable...

Alors on peut aussi se dire que ce sont les multiples exceptions, difficultés dans la conjugaison du passé simple qui ont fait qu'on a commencé à le laisser de côté, c'est une explication logique également, mais elle ne me satisfait pas.

Je voudrais donner ici l'exemple d'un temps disparu aujourd'hui en espagnol: le subjonctif futur. Ce n'est pas la difficulté de ce temps qui a fait qu'on a arrêté de l'utiliser. Et, pour le coup, c'est facile à l'affirmer puisque sa conjugaison est aussi facile que celle du subjonctif imparfait étant donné qu'il suffit de mettre un -e à la place du -a dans la terminaison. Il s'agit plutôt d'une restructuration de la conjugaison: il est probable que les locuteurs n'aient plus vu beaucoup d'intérêt à utiliser ce temps et ont donc cesser de le faire... tout simplement. Ou, pour être plus précis, ils ont préféré utiliser une autre variante (subjonctif présent ou imparfait selon le temps de la phrase) à la place.

Un autre exemple de l'espagnol sur le passé simple: il existe en Espagne dans plusieurs régions une tendance à utiliser de préférence le passé simple à la place du passé composé et dans d'autres régions, le contraire. Ici encore c'est plutôt le choix d'une variante dont l'usage s'étend aux contextes réservés à l'autre variante qui fait qu'on arrête d'utiliser le passé simple ou le passé composé et pas la difficulté de l'un ou de l'autre (pour info, le passé simple espagnol n'est pas si facile que cela à apprendre avec plusieurs verbes irréguliers et encore de plus nombreuses irrégularités dans les verbes qu'on pourrait croire réguliers).

Je pense plutôt qu'en français c'est le fait de ne plus "voir" de différence pertinente entre la valeur du PC et du PS qui a fait qu'on a éliminé une variante (qu'on ait éliminé le PS pour sa "complexité", pourquoi pas). Si les locuteurs voyaient encore une différence entre ces deux temps, ils continueraient d'utiliser le PS ou alors auraient trouvé un autre moyen de l'exprimer.

Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

pascalmarty a écrit:

J'ai lu je ne sais plus où, peut-être dans Henriette Walter, que Vaugelas se plaignait déjà de constater une désaffection pour le passé simple. Est-ce moi qui extrapole ou expliquait-il cette désaffection par le fait que les gens avaient tendance à se tromper ? Il faudrait vérifier, mais je n'ai pas Vaugelas sous la main.

Cela confirme un peu ce que j'ai écrit juste avant: enfin, si je comprends bien la phrase de la bonne manière. Je pense que les locuteurs se trompaient parce qu'ils ne voyaient plus de différence sémantique entre PS et PC. Ils utilisaient donc le PC à la place du PS sans le savoir (cela se produit dans certaines régions espagnoles aujourd'hui comme je le disais).

pascalmarty a écrit:

Certaines études de linguistes contemporains tendraient pourtant à prouver que le passé simple n'a pas totalement disparu, même à l'oral, et qu'il peut fort bien réapparaître en situation de solennité. Et les amoureux de la langue savent bien qu'il y a des cas où il refuse obstinément de se laisser remplacer par le passé composé.

Une variante peut, à une époque donnée, être extrêmement minoritaire, moribonde voire apparemment "morte" et réapparaitre soudainement. Le changement linguistique n'est pas du tout linéaire. Mais bon, personnellement, je ne parierai pas sur un regain extraordinaire de ce temps smile .

Re : Histoire de la langue française: syntaxe, subjonctif imparfait

Maginhard a écrit : "Son destin est scellé à brève échéance parce que les éditeurs n'en veulent plus."

Il se pourrait que vous fussiez dans l'erreur, à tout le moins existe-t-il quelques exceptions dont les aventures du finaud commissaire Le Floch
http://www.nicolaslefloch.fr/

Alia mondo eblas.

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