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forum abclf » Réflexions linguistiques » Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

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Messages [ 1 à 50 sur 95 ]

Sujet : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Bonjour à tous,

est ce qu'on peut dire ; Et tous ces oiseaux de sautiller, de boire, de chanter, de jouer, de voler, de se rouler et de voleter encore.

je n'ai rien compris.....

Merci d'avance



Le lièvre partit, encombré de sa gourde, de sa calebasse et de son bâton. Après avoir trotté quelque temps, il vint s'allonger auprès d'une source à laquelle beaucoup d'animaux venaient boire, le soir, au coucher du soleil. Là, il se tint tranquille, et il se mit à penser, à penser et à penser encore jusqu'au moment où le soleil commença à descendre pour disparaître.
Et voilà que les petits oiseaux de la brousse arrivèrent en grand nombre. Et tous ces oiseaux de sautiller, de boire, de chanter, de jouer, de voler, de se rouler et de voleter encore.

On reconnaît la différence du français appris et du français de prime source

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Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Bonjour Chivinie
Faites une petite recherche sur ABC (ou ailleurs)  avec infinitif de narration. C'est de cela qu'il s'agit. Exemple :
http://www.languefrancaise.net/forum/vi … ?pid=60473

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Merci beaucoup DB

je m'en occupe tout de suite ...

à bientôt

On reconnaît la différence du français appris et du français de prime source

4 Dernière modification par greg (31-08-2011 00:08:35)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

chivinie a écrit:

Et voilà que les petits oiseaux de la brousse arrivèrent en grand nombre. Et tous ces oiseaux de sautiller, de boire, de chanter, de jouer, de voler, de se rouler et de voleter encore.

Ici les constructions <de + Vinf> sont équivalentes à un passé simple — explicite dans la première phrase avec <arrivèrent>.

Et tous ces oiseaux sautillèrent, burent, chantèrent, jouèrent, volèrent, se roulèrent et voletèrent encore.

Le passé simple (bûmes, burent...) et l'infinitif (boire) ont ceci en commun : ils présentent le procès dans sa globalité (aspect perfectif) et en survenance. Avec l'infinitif, la survenance demeure foncièrement virtuelle car l'infinitif ne prescrit aucune époque (il est compatible avec toutes les époques). Avec le passé simple, la survenance du procès, toujours virtuelle, est malgré tout inscrite dans un passé d'époque coupé du présent auquel il est strictement antérieur.

Pour rétablir l'équilibre (rompu par le temps d'époque) entre le PS et l'infinitif, on utilise la préposition <de> qui permet de placer l'infinitif à distance temporelle du présent d'énonciation. Cette distance est un recul vers le passé et non une avancée vers le futur. Un peu comme dans :
    elle vient de Paris (origine, recul)
    elle vient à Paris (destination, avancée)
    elle vient de parler (passé, recul)
    elle vient à parler (inchoation, avancée).

L'exemple que tu proposes est d'autant plus explicite que la 3e pers. pl. du passé simple utilise le <r> de virtualité commun à l'infinitif et au futur.

On peut faire un test en utilisant l'infinitif sans <de> :
    Tous ces oiseaux sautiller, boire, chanter, jouer, voler, se rouler et voleter encore.
Bien que cette syntaxe soit proscrite en français, elle serait également compatible avec le passé, le présent et le futur si un étranger venait à l'utiliser. Cette congruence avec toutes les époques est ruinée par la simple adjonction de la préposition <de> au bénéfice exclusif du passé d'époque.

5 Dernière modification par DB (27-09-2011 18:26:01)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

...

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Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Nos amis abéciens voient et cliquent. Si une contribution paraît inadaptée ou absconse, le message passe à la trappe. Mais si un seul agoriste y trouve son compte, alors tant mieux !

7 Dernière modification par DB (27-09-2011 18:26:17)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

...

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Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

J'en suis resté à ce qu'une phrase doive comporter un verbe conjugué. Je sais très bien que certains journalistes ne s'encombrent pas de ce genre de considérations. Il y a même pire que l'infinitif de narration, quand ils introduisent un sujet par un simple mot.

Reportage. Interview. Explication. J'en passe et des pires ...

Résistant aux anglicismes et à gougueule !

9 Dernière modification par pascalmarty (02-09-2011 13:57:02)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

L'infinitif de narration est fréquent chez La Fontaine, par exemple. Personne de sensé n'a jamais affirmé qu'une phrase devait impérativement comporter un verbe conjugué. Personne.
Être ignorant n'est pas critiquable. S'en vanter, si.

Au-delà du lit de lait de l'Aude élue, un énorme orme étendait sa sombre ombre.

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Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

C'est sûr, il est tellement évident qu'une phrase doive comporter un verbe conjugué au minimum, voire un sujet et un complément, que je ne pense pas qu'il y ait une règle en la matière.

Des informations péremptoires qui ne reposent sur rien de concret seraient moins critiquables que les miennes ? Allons, allons ...

Résistant aux anglicismes et à gougueule !

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

pascalmarty a écrit:

L'infinitif de narration est fréquent chez La Fontaine, par exemple. Personne de sensé n'a jamais affirmé qu'une phrase devait impérativement comporter un verbe conjugué. Personne.
Être ignorant n'est pas critiquable. S'en vanter, si.

Mais si, mais si, des générations de grammaires scolaires ont posé cette affirmation.
Aubert a bien retenu sa leçon. Il est victime de l'ignorance des autres, et de plus il ne se vante de rien.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Merci p'tit prof; tout ceci me vient effectivement de l'école, d'un ou de plusieurs enseignants qui répétaient toujours qu'une phrase devait comporter au minimum un verbe conjugué.
Dès lors, je me suis toujours refusé à écrire autrement, et tant pis pour La Fontaine qui a pourtant fait partie des premiers écrivains de l'Académie française.

Résistant aux anglicismes et à gougueule !

13 Dernière modification par yd (03-09-2011 22:50:06)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Savoir conjuguer exige un bon niveau de langue. De là, on peut se demander si cette sorte de règle exigeant un verbe conjugué dans toute phrase serait innocente de toute considération élitiste, sans que les professeurs qui l’enseignaient ou qui l'enseignent toujours en aient forcément conscience. La préoccupation pouvait également entendre favoriser la scolarisation de tout enfant, ce qui contredirait la thèse élitiste. Allez savoir.

À l'opposé, La Fontaine pourrait bien avoir hérité d'une très vieille tradition des conteurs, ou avoir voulu leur rendre hommage. Les conteurs visitaient les populations de village en village, s'adressant certainement à une grande variété de langues. On pourrait comprendre qu'ils aient dans ces conditions privilégié les phrases à l'infinitif, d'où encore, peut-être, cette dénomination d'infinitif de narration.

Fille légère ne peut bêcher.

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Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Aubert a écrit:

J'en suis resté à ce qu'une phrase doive comporter un verbe conjugué. Je sais très bien que certains journalistes ne s'encombrent pas de ce genre de considérations. Il y a même pire que l'infinitif de narration, quand ils introduisent un sujet par un simple mot.

Reportage. Interview. Explication. J'en passe et des pires ...

L'infinitif-passé simple (de narration) n'est pas très usité à l'oral. Ceux qui en apprennent l'existence via la seule presse officielle peuvent très naturellement en concevoir du dégoût — une syntaxe inattendue, surtout quand elle semble ressurgir en boucle, s'attire les soupçons entretenus par la médiocrité du fond. Mais l'infinitif de narration, heureusement pour lui, n'a rien à voir avec le journalisme formaté de ce pays à notre époque. Cette forme est attestée et explicable.

D'autre part on trouve en français des phrases sans verbe conjugué et même sans verbe du tout :
   Dire et faire.
   Pas vu, pas pris.
   Oui !
   Ah non ?

Poussage de bouchon : à la limite, une forme telle que moi venir pour je viens/viendrai(s), c'est du non-français on ne peut plus français.

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Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

L'infinitif de narration et le « journalisme formaté » ont  commun d'oublier bien souvent les verbes conjugués; CQFD smile

Résistant aux anglicismes et à gougueule !

16 Dernière modification par DB (27-09-2011 18:26:32)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

...

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

yd a écrit:

À l'opposé, La Fontaine pourrait bien avoir hérité d'une très vieille tradition des conteurs, ou avoir voulu leur rendre hommage. Les conteurs visitaient les populations de village en village, s'adressant certainement à une grande variété de langues. On pourrait comprendre qu'ils aient dans ces conditions privilégié les phrases à l'infinitif, d'où encore, peut-être, cette dénomination d'infinitif de narration.

Tout faux.
Avec l'infinitif de narration, La Fontaine (mais il n'est ni le seul, ni le premier) transpose consciemment et consciencieusement une tournure grammaticale du latin.
C'est la marque de sa culture, ce n'est pas du tout un emprunt au peuple. Quand les classiques imitent le peuple, ils patoisent.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Aubert a écrit:

L'infinitif de narration et le « journalisme formaté » ont  commun d'oublier bien souvent les verbes conjugués; CQFD smile

Mais les "à vendre" ou "AV" qu'on voit partout (immobilier, véhicules...) sont des infinitifs de non-narration très répandus. Pourquoi cette fixette sur "de vendre" ? Le syntagme est peut être surinvesti par quelques plumitifs brejnéviens du clergé médiatique ; ce n'est pas une raison pour jeter le bébé avec l'eau du bain.



P'tit prof a écrit:

Avec l'infinitif de narration, La Fontaine (mais il n'est ni le seul, ni le premier) transpose consciemment et consciencieusement une tournure grammaticale du latin.
C'est la marque de sa culture, ce n'est pas du tout un emprunt au peuple. Quand les classiques imitent le peuple, ils patoisent.

Mouais. Je parle sous ton autorité mais il semble que l'infinitif de narration latin ne nécessite la médiation d'aucune préposition, contrairement à son collègue français qui surgit toujours après <de>. D'autre part l'infinitif de narration latin se rencontre dans les subordonnées — contrairement à son équivalent français.




En plus l'infinitif de narration latin peut se traduire, entre autres, par un imparfait. Alors que son homologue français, valant passé simple, ne peut commuter avec l'imparfait — à moins bien sûr de recourir à un imparfait stylistique (soudain la bombe explosait = explosa) à valeur d'aoriste.

relation d'un événement en seule survenance dans le révolu
   Et lui d'ajouter soudain que...
   Il ajouta soudain que...
   Il ajoutait soudain que...
 

relation d'un événement survenu et s'accomplissant dans le révolu
   La rivière serpentait à perte de vue.
   [s]La rivière serpenta à perte de vue[/s].
   [s]La rivière de serpenter à perte de vue[/s].




Dernier point : le <et> qui, très souvent mais pas toujours, précède le sujet en français :

   Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.

Cette conjonction est probablement bien moins fréquente en latin qu'en français. On peut y voir un indice redondant de successivité discontinue inhérent à l'infinitif de narration français, en parfaite convenance avec le passé simple, dont un des traits discursifs est de séquencer sans superposer. Le cousin latin n'étant pas limité à la seule valeur d'aoriste, il n'est pas surprenant qu'un <et>, ou toute autre conjonction latine dotée des mêmes effets, ne lui soit pas aussi régulièrement accolée qu'en français.

Qu'en penses-tu ?

19 Dernière modification par DB (27-09-2011 18:26:53)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

...

20 Dernière modification par yd (23-09-2011 15:45:35)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Même s'il est bien sûr intéressant d'étudier les traductions en latin, est-on certain que la Fontaine n'ait pas puisé directement à la source, en grec ?

J'ai recherché sur la toile : l'infinitif de narration pourrait remonter au grec même, mais pour l'instant je ne suis tombé que sur des sites probablement trop compliqués pour moi au moins sur cette question-là. J'y ai tout de même trouvé confirmation du contexte « populaire » - le mot est-il si bien choisi ? - des fables. Considérer le genre comme « élitiste » - même question - pour la seule raison qu'on en trouve des versions en latin me paraît un raccourci trop rapide.

Le passage de la culture orale - celle des conteurs, donc, en ce qui concerne les fables - à la culture écrite a pu durer aussi longtemps que la grande majorité de la population parlait dans le dialecte local. Le français a fini par s'imposer comme langue à la fois écrite et orale - et c'est peut-être là que s'explique l'origine du français, voire même l'origine de l'anglais, car l'avènement des deux langues m'a semblé assez parallèle -, mais ce n'est pas pour autant que l'usage du français se fût d'office substitué à la langue locale orale, ni que la culture écrite eût pris d'office le dessus sur la culture orale. Qu'en savons-nous, en fait ?

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

greg a écrit:
P'tit prof a écrit:

Avec l'infinitif de narration, La Fontaine (mais il n'est ni le seul, ni le premier) transpose consciemment et consciencieusement une tournure grammaticale du latin.
C'est la marque de sa culture, ce n'est pas du tout un emprunt au peuple. Quand les classiques imitent le peuple, ils patoisent.

Mouais. Je parle sous ton autorité mais il semble que l'infinitif de narration latin ne nécessite la médiation d'aucune préposition, contrairement à son collègue français qui surgit toujours après <de>. D'autre part l'infinitif de narration latin se rencontre dans les subordonnées — contrairement à son équivalent français.

Il te semble bien, car les infinitifs latins ne peuvent pas être régis par une préposition.
Mais tu confonds l'infinitif de narration (sujet au nominatif) avec l'infinitif en infinitive (*sujet à l'accusatif). Ce sont deux emplois différents de l'infinitif, différents et étanches l'un à l'autre.

greg a écrit:

En plus l'infinitif de narration latin peut se traduire, entre autres, par un imparfait. Alors que son homologue français, valant passé simple, ne peut commuter avec l'imparfait — à moins bien sûr de recourir à un imparfait stylistique (soudain la bombe explosait = explosa) à valeur d'aoriste.

Curieuse méthode : tu analyses une forme latine en fonction de la manière dont on la traduit deux mille ans plus tard. C'est analyser le russe en s'appuyant sur le chinois, cela n'a rien à voir et n'a aucune valeur probante.
D'autant plus que l'infinitif de narration du latin n'est pas l'équivalent d'un imparfait : il se rencontre dans des narrations, dirait M. de Lapalisse, et les narrations ne se font pas à l'imparfait.


Je me demande bien d'ailleurs où tu as vu que l'infinitif de narration français vaut un passé simple.

et grenouilles de sauter : les grenouilles sautent, les grenouilles sautèrent, les grenouilles avaient sauté.



greg a écrit:

Dernier point : le <et> qui, très souvent mais pas toujours, précède le sujet en français :

   Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.

Cette conjonction est probablement bien moins fréquente en latin qu'en français. On peut y voir un indice redondant de successivité discontinue inhérent à l'infinitif de narration français, en parfaite convenance avec le passé simple, dont un des traits discursifs est de séquencer sans superposer. Le cousin latin n'étant pas limité à la seule valeur d'aoriste, il n'est pas surprenant qu'un <et>, ou toute autre conjonction latine dotée des mêmes effets, ne lui soit pas aussi régulièrement accolée qu'en français.

Qu'en penses-tu ?

Que nous brouilles-tu du et français ?
Le latin se contente, comme indice de successivité discontinue (ah qu'en termes galants ces choses-là sont mises...) de ne pas donner de marques de personne et de temps à la forme verbale.

Les auteurs français ont introduit le tour dans la langue, avec les moyens du français, pour enrichir le français, ils n'ont pas calqué terme à terme.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

22 Dernière modification par greg (23-09-2011 22:47:12)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

DB a écrit:

Oui aussi pour le second si tu veux dire que l'infinitif de narration se rencontre aussi en subordonnée, contrairement au français qui ne se trouve qu'en principale.

Oui — ç'aurait dû être « se rencontre aussi ».



P'tit prof a écrit:

Mais tu confonds l'infinitif de narration (sujet au nominatif) avec l'infinitif en infinitive (*sujet à l'accusatif). Ce sont deux emplois différents de l'infinitif, différents et étanches l'un à l'autre.

J'ignore si je confondais. Mon propos portait sur l'infinitif de narration (substantif au nominatif) et non sur l'infinitif d'exclamation (substantif à l'accusatif). En ce qui concerne l'infinitif de narration doté d'un substantif au nominatif, il apparaît tant en régissante qu'en dépendante — du moins si je me réfère aux exemples ci-dessous, mentionnés par Christian Touratier dans Syntaxe latine :

litteras ad eum [...] mittit in quis mollitiam socordiamque uiri accusare, testari deos, per quos iurauisset, monere ne praemia Metelli in pestem conuerteret.
il lui envoie [...] une lettre où il lui reprochait sa mollesse et sa lâcheté, il attestait les dieux par lesquels il avait juré, il l'avertissait de ne pas tourner à leur propre ruine les offres de Metellus.

Iam dies consumptus erat, cum tamen barbari nihil remittere atque [...] acrius instare.
Et déjà le jour avait pris fin, quand pourtant les barbares ne relâchaient nullement leurs efforts et nous pressaient plus vigoureusement.

Tous les tours subordonnés latins sont intraduisibles en français à l'aide d'un infinitif de narration. C'est tout ce que je voulais dire.

D'ailleurs tu remarqueras que le traducteur français traduit l'infinitif narratif latin par un imparfait. C'est ce que je te disais plus haut : à l'inverse du français, la valeur de l'infinitif de narration latin (substantif au nominatif) ne se réduit pas au seul aoriste ( ? aspect perfectif du passé simple français).

Si on tentait de remplacer les imparfaits du traducteur par des passés simples, on perdrait alors la valeur anaphorique de l'imparfait en subordonnée. Je ne dis pas que cette valeur anaphorique est présente dans l'original latin (je l'ignore) ; je dis seulement qu'elle me paraît présente dans la traduction.



P'tit prof a écrit:

Je me demande bien d'ailleurs où tu as vu que l'infinitif de narration français vaut un passé simple.

Voir plus haut : message n° 4.
Aspect perfectif d'un procès en survenance dans un passé d'époque.



P'tit prof a écrit:

et grenouilles de sauter : les grenouilles sautent, les grenouilles sautèrent, les grenouilles avaient sauté.

Selon moi, la glose par le plus-que-parfait (et plus généralement tout temps composé) trahit la valeur de l'infinitif de narration — lequel indique l'inchoation virtuelle d'un procès et non son achèvement effectif.
À la rigueur je comprendrais : et les grenouilles sautaient = sautèrent ? imparfait stylistique.

Pas de problème avec le présent dans la mesure où il s'agit précisément d'un présent perfectif à valeur de passé d'époque (aoriste) : et les grenouilles sautent = sautèrent ? présent stylistique.
Tout comme le plus-que-parfait (= forme composée à partir de l'imparfait), le passé composé (= forme composée à partir du présent) ne rendrait pas justice à l'infinitif de narration : les formes composées nous situent dans l'après du procès, pas dans sa survenance.

En allant plus loin, je dirais qu'on peut gloser l'infinitif de narration par un futur stylistique à valeur de passé d'époque, un peu comme dans :
   Et Hitler d'attaquer la Pologne aussitôt
   Et Hitler attaquera la Pologne aussitôt
   Et Hitler attaqua la Pologne aussitôt
.
Ici le futur antérieur, tout comme le plus-que-parfait et le passé composé précédemment, est difficilement substituable au futur simple sans modification de sens.

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

A moi, touché !
J'écrivis ceci :

D'autant plus que l'infinitif de narration du latin n'est pas l'équivalent d'un imparfait : il se rencontre dans des narrations, dirait M. de Lapalisse, et les narrations ne se font pas à l'imparfait.

C'était aller trop  vite en besogne. Ces braves Ernout et Thomas écrivaient en 1951 (ce qui ne nous rajeunit pas, et leur formulation a terriblement vieilli) :

Cet infinitif équivaut d'ordinaire à un imparfait ou à un présent historique ; il exprime en effet l'action qui durait ou était en train de s'accomplir qu'elle soit répétée ou non.

En langue moderne, cet infinitif de narration peut avoir ou ne pas avoir une valeur anaphorique.
Je maintiens cependant mon objection majeure à la méthode greg : déduire la valeur d'un temps d'une langue de la façon dont il est traduit dans une autre langue me semble parfaitement farfelu, pour ne pas dire plus.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

greg a écrit:
chivinie a écrit:

Et voilà que les petits oiseaux de la brousse arrivèrent en grand nombre. Et tous ces oiseaux de sautiller, de boire, de chanter, de jouer, de voler, de se rouler et de voleter encore.

Ici les constructions <de + Vinf> sont équivalentes à un passé simple — explicite dans la première phrase avec <arrivèrent>.

Et tous ces oiseaux sautillèrent, burent, chantèrent, jouèrent, volèrent, se roulèrent et voletèrent encore.

Le passé simple (bûmes, burent...) et l'infinitif (boire) ont ceci en commun : ils présentent le procès dans sa globalité (aspect perfectif) et en survenance. Avec l'infinitif, la survenance demeure foncièrement virtuelle car l'infinitif ne prescrit aucune époque (il est compatible avec toutes les époques). Avec le passé simple, la survenance du procès, toujours virtuelle, est malgré tout inscrite dans un passé d'époque coupé du présent auquel il est strictement antérieur.

Pétition de principe : la démonstration de greg s'appuie sur l' équivalence qu'il pose lui-même.
On pourrait envisager également :
Et tous ces oiseaux sautillaient, buvaient, chantaient, jouaient, volaient, se roulaient et voletaient encore<et encore>.

L'équivalence avec  l'imparfait fonctionne très bien.
A d'autant plus forte raison qu'AMHA  l'infinitif simple est d'aspect imperfectif, c'est l'infinitif composé qui est perfectif

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Ceci encore :

Mon propos portait sur l'infinitif de narration (substantif au nominatif) et non sur l'infinitif d'exclamation (substantif à l'accusatif).

Moi non plus, je je parlais pas de l'infinitif exclamatif, je parlais de la proposition subordonnée infinitive, tournure extrêmemement fréquente en latin,.

En ce qui concerne l'infinitif de narration doté d'un substantif au nominatif, il apparaît tant en régissante qu'en dépendante — du moins si je me réfère aux exemples ci-dessous, mentionnés par Christian Touratier dans Syntaxe latine :

litteras ad eum [...] mittit in quis mollitiam socordiamque uiri accusare, testari deos, per quos iurauisset, monere ne praemia Metelli in pestem conuerteret.
il lui envoie [...] une lettre où il lui reprochait sa mollesse et sa lâcheté, il attestait les dieux par lesquels il avait juré, il l'avertissait de ne pas tourner à leur propre ruine les offres de Metellus.

Je ne connais pas ce Touratier, mais l'exemple ci-dessus illustre la leçon sur le discours indirect.
La lettre de Nabdalsa ne constitue nullement une narration, c'est un discours injonctif lourd de menace.
Totalement hors sujet.

Je ne reviens pas sur le second exemple, qui est bien un infinitif de narration, sauf pour dire que Touratier a repris l'exemple d'Ernout et Thomas.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

26 Dernière modification par DB (27-09-2011 18:25:41)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

...

27 Dernière modification par greg (24-09-2011 14:45:08)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

P'tit prof a écrit:

Je maintiens cependant mon objection majeure à la méthode greg : déduire la valeur d'un temps d'une langue de la façon dont il est traduit dans une autre langue me semble parfaitement farfelu, pour ne pas dire plus.

Je vais t'en dire plus. Les leçons de latin prodiguées par mes vieux professeurs ne sont malheureusement plus qu'un souvenir, lointain et indigent. Je ne puis accéder à cette langue que par les traductions faites dans les rares langues vivantes à ma portée, dont le français. Ce que tu qualifies rapidement de "méthode" n'est en fait qu'une triste contingence née d'une insuffisance.

Pour autant le procédé ne mérite pas tes reproches. Si l'on part du principe que la traduction française est de bon aloi — et cela semble être le cas puisque tu as facilement identifié les traducteurs sans avoir relevé une éventuelle infidélité —, on peut alors examiner les choix du traducteur à l'aune du système grammatical de la langue d'arrivée, qui est nôtre.

J'ai cherché d'autres traduction en français. J'en ai trouvé une (Charles Durosoir) dans laquelle le présent latin <mittit> est rendu par le passé simple <envoya> au lieu du présent français <envoie> (voir message 22). Sans tirer aucune conclusion sur l'emploi latin de ce temps, on constate que les traducteurs ont rendu un temps latin par un couple de temps français. Ce couple, passé simple et présent, fait écho à ce que je disais plus haut au sujet du présent stylistique à valeur d'aoriste.     

En revanche les deux traducteurs maintiennent l'imparfait français <reprochait> pour <accusare>, un infinitif latin. Ils n'ont pas choisi le passé simple qui est la forme simple française la plus proche de la forme complexe française qu'on appelle "infinitif de narration".



P'tit prof a écrit:

Ceci encore :

[...] Christian Touratier dans Syntaxe latine :

litteras ad eum [...] mittit in quis mollitiam socordiamque uiri accusare, testari deos, per quos iurauisset, monere ne praemia Metelli in pestem conuerteret.

il lui envoie [...] une lettre où il lui reprochait sa mollesse et sa lâcheté, il attestait les dieux par lesquels il avait juré, il l'avertissait de ne pas tourner à leur propre ruine les offres de Metellus.

Je ne connais pas ce Touratier, mais l'exemple ci-dessus illustre la leçon sur le discours indirect.
La lettre de Nabdalsa ne constitue nullement une narration, c'est un discours injonctif lourd de menace.
Totalement hors sujet.

Je ne reviens pas sur le second exemple, qui est bien un infinitif de narration, sauf pour dire que Touratier a repris l'exemple d'Ernout et Thomas.

Comment analyses-tu <in quis> ?



P'tit prof a écrit:

Le passé simple (bûmes, burent...) et l'infinitif (boire) ont ceci en commun : ils présentent le procès dans sa globalité (aspect perfectif) et en survenance. Avec l'infinitif, la survenance demeure foncièrement virtuelle car l'infinitif ne prescrit aucune époque (il est compatible avec toutes les époques). Avec le passé simple, la survenance du procès, toujours virtuelle, est malgré tout inscrite dans un passé d'époque coupé du présent auquel il est strictement antérieur.

Pétition de principe : la démonstration de greg s'appuie sur l' équivalence qu'il pose lui-même.
On pourrait envisager également :
Et tous ces oiseaux sautillaient, buvaient, chantaieent, jouaient, volaient, se roulaient et voletaient encore<et encore>.

L'équivalence avec  l'imparfait fonctionne très bien.
A d'autant plus forte raison qu'AMHA  l'infinitif simple est d'aspect imperfectif, c'est l'infinitif composé qui est perfectif

L'objection à la "pétition de principe" ne tient pas une seconde. En effet, si tu poses que :

     Et tous ces oiseaux de sautiller, de boire, de chanter, de jouer, de voler, de se rouler et de voleter encore.

est glosable par :

     Et tous ces oiseaux sautillaient, buvaient, chantaient, jouaient, volaient, se roulaient et voletaient encore.

c'est que les imparfaits sont stylistiques. L'imperfectivité de ces imparfaits n'est que formelle et illusoire : ces imparfaits ont la perfectivité foncière du passé simple, sinon ils ne pourraient commuter avec l'infinitif de narration. La forme d'imparfait n'est pas là pour rendre imperfectif ce qui ne saurait l'être, mais pour rendre plus expressif ce qui le serait moins avec une forme aoristique pure. La présence des imparfaits à valeur perfective est ici l'ornement d'un style fleuri. Lequel, se limitant ici à l'alternance perfective PS/imp qu'accorde la langue, témoigne que la morphologie verbale fait avec une grande économie de moyens ce que de longues envolées lyriques peineraient à rendre.




Si, réciproquement, tu considères que dans la phrase :

     Et tous ces oiseaux sautillaient, buvaient, chantaient, jouaient, volaient, se roulaient et voletaient encore.

les imparfaits conservent leur aspect grammatical imperfectif, alors à aucun moment tu ne pourrais les remplacer par des infinitifs de narration. Car si tu le faisais, tu échangerais une forme simple imperfective (imparfait) contre une forme complexe perfective (infinitif de narration).

Pour forcer le trait, tu ne peux remplacer :

     Et tous ces oiseaux étaient en train de sautiller, en train de boire, en train de chanter, en train de jouer, en train de voler, en train de se rouler et en train de voleter encore.

par ceci :

     Et tous ces oiseaux de sautiller, de boire, de chanter, de jouer, de voler, de se rouler et de voleter encore.

sans perdre l'inchoation virtuelle de l'infinitif (forme grammaticalement perfective par ailleurs).




Ce qui nous ramène à la dernière phrase de ton message : « [...] AMHA  l'infinitif simple est d'aspect imperfectif, c'est l'infinitif composé qui est perfectif ». Non, l'infinitif simple n'est pas d'aspect grammatical imperfectif. Il est d'aspect grammatical perfectif, tout comme l'infinitif composé (dit "passé").

Quand on dit <bu>, on signifie non seulement l'engagement initial du procès "boire" mais aussi, et surtout, son dégagement intégral dans l'accompli par dépassement de son terme final. La forme <bu> est perfective.

Quand on dit <buvant>, le procès "boire" est réputé engagé sans pour autant être totalement dégagé dans l'accompli : il reste une part du procès qui n'est pas encore accomplie. Cette part restante, même infime, n'est jamais grammaticalement nulle. Si elle l'était, <buvant> et <bu> seraient la même chose. L'imperfectivité de <buvant> provient de sa dissociation intrinsèque.

Si tu prends <boire> à présent, le procès n'est pas engagé dans son déroulement interne. S'il l'était, ne serait-ce que très peu, il serait soit <buvant> soit <bu>. Or <boire> n'est aucun des deux. Et puisque cette forme suppose l'absence de tout engagement du procès, c'est qu'elle le représente entièrement sous forme virtuelle, sans considération donc pour ses bornes effectives — la borne initiale et la borne finale, ainsi que l'intervalle qu'elles définissent, sont ici tous trois sans objet. D'où le caractère perfectif de l'infinitif français.
De là aussi vient que, pour approcher <boire> autant qu'il est possible de <buvant>, on utilise <en train de boire> pour rendre extérieurement l'engagement dont l'infinitif est intérieurement dépourvu. Tu noteras aussi que *<en train de buvant> et *<en train de bu> ne se disent pas : le secours d'une locution externe est inutile car <buvant> et <bu> supposent solidairement l'engagement du procès.
Vois aussi :
   je l'ai vu boire une bière
   je l'ai vu en train de boire une bière
   je l'ai vu buvant une bière

   je le vois boire une bière
   je le vois en train de boire une bière
   je le vois buvant une bière

   je le verrai boire une bière
   je le verrai en train de boire une bière
   je le verrai buvant une bière
.

Enfin, quand on dit <avoir bu>, on est virtuellement dans la subséquence d'un procès engagé et accompli. La forme est doublement perfective.

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Pour autant le procédé ne mérite pas tes reproches. Si l'on part du principe que la traduction française est de bon aloi — et cela semble être le cas puisque tu as facilement identifié les traducteurs sans avoir relevé une éventuelle infidélité —, on peut alors examiner les choix du traducteur à l'aune du système grammatical de la langue d'arrivée, qui est nôtre

.
Je n'ai pas identifié les traducteurs, j'ai retrouvé le premier passage par le moteur de recherche d'Itinera electronica et le second m'attendait bien au chaud au chapitre infinitif de narration de la Syntaxe latine d'Ernout et Thomas. Je mesure les insuffisances de ces auteurs, je me suis même permis de leur entrer respectueusement dans le lard, mais je leur reste fidèle, faut de mieux.
Ces traductions sont évidemment infidèles par hypothèse, car toute traduction est infidèle.
Je me suis amusé à les refaire, mais je n'ai pas mis mon travail en ligne car cela m'a peru aussi inutile que superflu. En l'état, elles dégagent un irrésistible parfum fin de siècle XIXe qui leur donne une certaine saveur comique.
Enfin, examiner les choix du traducteur à l'aune du système grammatical de la langue d'arrivée, qui est nôtre est de mauvaise méthode, au pire, et au mieux un détour intutile.
Pour examiner le système grammatical qui est le nôtre, mieux vaut le faire dans des textes conçus directement dans ce système. L'examen des choix du traducteur n'a d'intérêt que par rapport au texte source. C'est si vrai que cet examen fait désormais l'objet d'une question au baccalauréat de Langues Anciennes

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

29 Dernière modification par yd (24-09-2011 17:16:05)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Un usage de phrase à l'infinitif que je n'avais encore jamais vu, sur une conserve de crabes étrilles importée de Thaïlande : Être fait cuire avant consommation.

Fille légère ne peut bêcher.

30 Dernière modification par yd (24-09-2011 18:09:40)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

P'tit prof a écrit:

Pour examiner le système grammatical qui est le nôtre, mieux vaut le faire dans des textes conçus directement dans ce système. L'examen des choix du traducteur n'a d'intérêt que par rapport au texte source. C'est si vrai que cet examen fait désormais l'objet d'une question au baccalauréat de Langues Anciennes

C'est une question capitale, la question au cœur de l'idée de grammaire. Mais justement, la grammaire au sens où nous l'entendons est-elle vraiment antérieure au latin ? Avons-nous trace d'ouvrages de grammaires grecques datant de quelques siècles avant l’Ère chrétienne ? J'ai bien remarqué que les grammaires grecques actuelles font (toutes ?) référence à la grammaire du latin : ceci expliquerait-il cela ?

Fille légère ne peut bêcher.

31 Dernière modification par P'tit prof (27-09-2011 21:09:04)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

DB a écrit:
P'tit prof a écrit:

Je ne reviens pas sur le second exemple, qui est bien un infinitif de narration, sauf pour dire que Touratier a repris l'exemple d'Ernout et Thomas.

Touratier ne s'en cache pas, qui cite élégamment Ernout.

Je ne l'accusais pas de plagiat, mais de facilité : au lieu de chercher dans le corpus de la latinité ses exemples à lui, il reprend ceux des autres.
Pourtant, lui, il avait la possibilité de consulter la dive bouteille.
Denière heure : non, il n'avait pasle choix, cet emploi de l'infinitif après une conjonction constitue un hapax...

Dernière heure de dernière heure : une main anonyme a effacé le message de DB ici copié.
Toute vérification étant désormais impossible, j'affirme que je n'en ai pas modifié une seule virgule.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

yd a écrit:
P'tit prof a écrit:

Pour examiner le système grammatical qui est le nôtre, mieux vaut le faire dans des textes conçus directement dans ce système. L'examen des choix du traducteur n'a d'intérêt que par rapport au texte source. C'est si vrai que cet examen fait désormais l'objet d'une question au baccalauréat de Langues Anciennes

C'est une question capitale, la question au cœur de l'idée de grammaire. Mais justement, la grammaire au sens où nous l'entendons est-elle vraiment antérieure au latin ? Avons-nous trace d'ouvrages de grammaires grecques datant de quelques siècles avant l’Ère chrétienne ? J'ai bien remarqué que les grammaires grecques actuelles font (toutes ?) référence à la grammaire du latin : ceci expliquerait-il cela ?

Quelle est votre idée de la grammaire ?
La grammaire est le mécanisme de fonctionnement de la langue : il n'existe pas de langues sans grammaire.
Des gens mettent un point d'honneur à décrire ces mécanismes, et ce sont ces descriptions, plus ou moins justes, que nous appelons grammaire, par une confusion fâcheuse, puisque le même terme désigne tantôt le territoire, et tantôt la carte.
Des cartographes grecs ? Il devait nécessairement y en avoir, dans les écoles grecques. L'on n'a jamais attiré mon attention sur eux, mais mon ignorance ne prouve rigoureusement rien.

Quant aux actuelles grammaires du grec ancien, si en France elles font référence au latin, c'est pour une raison bien simple : en France, on commence l'apprentissage du latin deux ans avant celui du grec.
Tout helléniste débutant est donc un latiniste. Les grammaires partent du connu pour aller vers l'inconnu

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

greg écrit :

L'objection à la "pétition de principe" ne tient pas une seconde. En effet, si tu poses que :

     Et tous ces oiseaux de sautiller, de boire, de chanter, de jouer, de voler, de se rouler et de voleter encore.
est glosable par :

     Et tous ces oiseaux sautillaient, buvaient, chantaient, jouaient, volaient, se roulaient et voletaient encore.
c'est que les imparfaits sont stylistiques. L'imperfectivité de ces imparfaits n'est que formelle et illusoire : ces imparfaits ont la perfectivité foncière du passé simple, sinon ils ne pourraient commuter avec l'infinitif de narration.

Il serait trop simple de constater que ces imparfaits peuvent commuter avec un infinitif de narration, ce qui infirme l'affirmation selon laquelle une telle commutation est impossible.
Pour soutenir contre vents et marées, et contre l'évidence, que l'imparfait ne peut commuter avec l'infinitif de narration, on nous sort un lapin du chapeau : cet imparfait n'est pas un imparfait !
Autre considération : ces imparfaits sont stylistiques. Et l'infinitif de narration, il ne l'est pas, stylistique ?
Tout est stylistique en littérature (j'exclus les étiquettes de boite de crabe...) : l'auteur choisit ses tournures en vue de l'effet à produire. Certains sont conscients des mécanismes que greg met en lumière, d'autres ne le sont pas.
Le travail d'exégèse consiste à dégager les effets de sens induits par le choix de tel ou tel temps verbal, par exemple, mais l'exégète doit se garder de dire que l'imparfait n'est pas un imparfait : mieux vaut qu'il justifie la présence de cet imparfait.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Greg me demande :

Comment analyses-tu <in quis> ?

litteras ad eum per homines fidelis mittit, in quis
mollitiam socordiamque uiri accusare,
testari deos, per quos iurauisset,
monere, ne praemia Metelli in pestem conuerteret:

C'est un relatif ayant pour antecédent litteras, à l'ablatif car il est régi par la préposition in.
Sans doute veux-tu me faire dire qu'il introduit une relative. Hé bien oui, il introduit une relative dont un commentateur signale :

emploi remarquable très rare de l'infinitif historique dans une propositioln subordonnée.

Cela dit, ne pas négliger le point que le relatif est une balise syntaxique, signalant le passage d'une idée à une autre. Dans le présent contexte, il équivaut à nos deux points.
Autre anomalie significative :  bien que dépendant d'un verbe au présent mittit*, les verbes subordonnés au subjonctif sont en concordance passée.
Bref, tout cela est stylistique.
Il me semble imprudent de  déduire une loi générale de l'usage particulier d'un auteur qui visait à un style archaisant. Archaisant au point d'user de la forme quis au lieu de la forme quibus. Bref, quelqu'un qui cherche des effets et s'écarte délibérément de l'usage courant.

En tous cas, on peut insérer des infinitifs dans la traduction :
il lui envoie un message, par des hommes sûrs : et de lui reprocher son inertie et sa lâcheté, d'en prendre les dieux, par qui il avait juré, à témoins, de l'avertir de ne pas accepter les pots de vin de Métellus, car cela pourrait tourner au désastre...



* (pour la leçon que j'ai sous les yeux, mais il faudrait vérifier dans une édition critique s'il n'existe pas une leçon parallèle misit, qui expliquerait la traduction par le passé simple)

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

P'tit prof a écrit:
DB a écrit:
P'tit prof a écrit:

Je ne reviens pas sur le second exemple, qui est bien un infinitif de narration, sauf pour dire que Touratier a repris l'exemple d'Ernout et Thomas.

Touratier ne s'en cache pas, qui cite élégamment Ernout.

Je ne l'accusais pas de plagiat, mais de facilité : au lieu de chercher dans le corpus de la latinité ses exemples à lui, il reprend ceux des autres.
Pourtant, lui, il avait la possbilité de consulter la dive bouteille.

J'y reviens.
J'ai un peu creusé la question, et j'ai constaté que les latinistes sont bien obligés de tourner autour des exemples de Salluste, car ce sont les seuls !
En effet, un distingué professeur écrivait, en 1917  (mais ces choses-là ne changent pas) :

Une des particularités les plus notables du style de Salluste est l'emploi si fréquent qu'il fait de l'infintif historique. Il ne s'en sert pas seulement pour peindre une série d'actions simultanées ou qui se succèdent rapidement, mais il l'emploie isolément pour tenir la place d'un verbeà un  mode personnel. Contrairement à l'usage, il emploie desverbes passifs à l'infinitif historique [...]; par une exception plus remafquable encore, on trouve l'infinitif historique dans une proposition régie par laconjonction cum

Suivait... l'exemple fourni par Ernout & Thomas, et recyclé parTouratier !
Autrement dit, il n'y a rien à tirer de Salluste quant aux lois générales du latin...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Recadrons la discussion : elle concerne l'infinitif de narration (ex infinitif historique, les réalités ne changent pas, mais les terminologies évoluent) du français.

Comment en est-on arrivé à discuter les valeurs de sens de l'infinitif  latin ?
C'est que j'ai eu l'imprudence d'attacher le grelot en disant que cet infinitif était calqué  sur le latin (je n'ai pas inventé cela, je l'ai entendu au cours de mes études).
Vérification faite, Bruneau et Brunot se contentent d'une sobre notule (§ 687, page 541) :

L'infinitif de narration, attesté dès 1215, se développe au XVe et au XVIe siècle. Il a la valeur d'un passé, mais avec la nuance que l'action s'exécute très rapidement.

Ils ne justifient pas autrement l'entrée de la forme dans la langue.

On note cependant dans leur propos le germe de l'affirmation selon laquelle l'infintif est un passé simple.

De leur côté, les très classiques Wagner et Pinchon écrivent (§ 343, page 301) :

Ce tour exclusivement littéraire, consiste à substituer un infinitif précédé de la préposition de à un des verbes qui forment la trame d'un récit. Par effet de rupture, ce tour introduit de la vivacité dans la narration.

Aucune équivalence n'est posée, seul est défini l'effet de sens produit pas l'emploi du tour.

S'est ensuivie une discussion de cornecul sur l'infinitif historique du latin. Je dis bien discussion de cornecul, puisque fondée uniquement sur l'analyse de... traductions.
Il n'y a rien à tirer, strictement rien, d'une traduction, concernant les mécanismes profonds de la langue source. Les raisons m'en semblent évidentes, mais je veux bien les donner pour ne pas tomber sous le reproche de l'affirmation sans preuve : si l'on veut connaitre le mécanisme de la reproduction chez (au hasard) la souris, c'est la souris que l'on observe, et pas la grenouille.

Reste le fond de la discussion : le valeurs de sens de l'infinitif de narration.
Enfin, ce n'est pas vraiment le fond, puisque la question portait sur la grammaticalité du tour.

Donc, j'en reviens à la valeur de sens de l'infinitif simple français

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

37 Dernière modification par greg (29-09-2011 21:22:05)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

P'tit prof a écrit:

Enfin, examiner les choix du traducteur à l'aune du système grammatical de la langue d'arrivée, qui est nôtre est de mauvaise méthode, au pire, et au mieux un détour intutile.
Pour examiner le système grammatical qui est le nôtre, mieux vaut le faire dans des textes conçus directement dans ce système. L'examen des choix du traducteur n'a d'intérêt que par rapport au texte source.

L'enjeu n'est pas de fonder une épistémologie de la traduction mais de réfuter cette affirmation : « Avec l'infinitif de narration, La Fontaine (mais il n'est ni le seul, ni le premier) transpose consciemment et consciencieusement une tournure grammaticale du latin. » Aucun auteur français, pas plus La Fontaine que quiconque, ne transpose en français un tour latin : l'infinitif dit historique est attesté en ancien français — ainsi que, au passage, dans certaines vieilles langues romanes. Dans ces idiomes, le tour en question était très souvent prépositionnel ("a" ou "de" ou les deux à la fois), l'absence de préposition (à l'instar du latin) était apparemment bien moins répandue. Aujourd'hui, en roman moderne (français, italien, portugais, castillan, catalan, occitan, wallon etc), l'infinitif de narration s'accompagne d'une préposition ("a" ou "de") — et d'une seule.

Retour à la traduction. Deux traducteurs ont choisi l'imparfait français <reprochait>, plutôt que le PS <reprocha>, pour rendre l'infinitif latin <accusare>. Il faudrait voir si d'autres traducteurs ont agi de même. Quoi qu'il en soit, et étant donné les différences aspectuelles entre imparfait (imperfectif, sécant — comme le participe présent) et passé simple (perfectif, global — comme l'infinitif et le futur), les contraintes imposées par le système linguistique français se retrouvent dans toute traduction en français quelle que soit la langue de départ. Il existe donc des indices morphologiques propres à la langue d'arrivée qui, même s'ils sont sans objet ni équivalent dans la langue originale, permettent des déductions quant au signifié grammatical (l'aspect par exemple) de la forme verbale en langue source.

Justement, l'aspect perfectif du tour français (valeur d'aoriste = passé simple) est incompatible avec l'aspect imperfectif de l'imparfait — à moins que l'imparfait ne soit stylistique (du genre : "tout à coup la tour sud s'effondrait" ? voir message n° 18). Évidemment, comme le passé simple (PS) est susceptible de commuter avec un passé composé, un infinitif de narration, un présent stylistique, un imparfait stylistique ou même un futur stylistique, sans jamais commuter avec un imparfait non-stylistique, le choix de l'imparfait français pour traduire un infinitif de narration latin est instructif. Surtout si cette option avait la faveur des traducteurs.

Bon, pour faire bref, le tour roman moderne nécessite la préposition. Pas le tour latin. Le tour français moderne est toujours perfectif. Le tour latin peut être imperfectif. Je ne vois pas comment tu expliquerais ces différences si tu devais maintenir l'hypothèse d'un tour hérité du latin — ou emprunté au latin. Ce serait encore plus difficile si tu le faisais à partir de l'ancien français car la vieille langue intercalait souvent un article défini entre la préposition <de> à gauche et l'infinitif à droite (dès que celui-ci était dépourvu d'objet). La syntaxe de ce tour avec article défini est, je l'imagine, interdite au latin.

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Recadrons bien :

L'enjeu n'est pas de fonder une épistémologie de la traduction mais de réfuter cette affirmation : « Avec l'infinitif de narration, La Fontaine (mais il n'est ni le seul, ni le premier) transpose consciemment et consciencieusement une tournure grammaticale du latin. » Aucun auteur français, pas plus La Fontaine que quiconque, ne transpose en français un tour latin : l'infinitif dit historique est attesté en ancien français — ainsi que, au passage, dans certaines vieilles langues romanes. Dans ces idiomes, le tour en question était très souvent prépositionnel ("a" ou "de" ou les deux à la fois), l'absence de préposition (à l'instar du latin) était apparemment bien moins répandue.

Ce n'est pas à moi que tu t'adresses, ici, mais aux maitres qui m'ont mis cela dans la tête.
Ils m'ont donc trompé, et tu me détrompes, fort bien.

Cependant, tu mélanges les questions :
oui, l'infinitif de narration est connu dès l'ancien français, et tu n'a pas eu à me l'apprendre, j'ai trouvé le renseignement chez Brunot et Bruneau ;
mais il n'empêche que son usage exclusivement littéraire provient d'une imitation consciente du latin.
Imitation consciente pas au niveau de l'ordre des mots, mais au niveau du procédé : l'infinitif de narration provoque un intéressant effet de rupture, que l'on peut obtenir en français aussi, avec les moyens du français, bien entendu.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

39 Dernière modification par greg (01-10-2011 09:34:40)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

P'tit prof a écrit:

greg écrit :

L'objection à la "pétition de principe" ne tient pas une seconde. En effet, si tu poses que :

     Et tous ces oiseaux de sautiller, de boire, de chanter, de jouer, de voler, de se rouler et de voleter encore.
est glosable par :

     Et tous ces oiseaux sautillaient, buvaient, chantaient, jouaient, volaient, se roulaient et voletaient encore.
c'est que les imparfaits sont stylistiques. L'imperfectivité de ces imparfaits n'est que formelle et illusoire : ces imparfaits ont la perfectivité foncière du passé simple, sinon ils ne pourraient commuter avec l'infinitif de narration.

Il serait trop simple de constater que ces imparfaits peuvent commuter avec un infinitif de narration, ce qui infirme l'affirmation selon laquelle une telle commutation est impossible.

Je n'ai jamais dit que l'infinitif de narration (IN) ne pouvait jamais commuter avec l'imparfait. Ni que le PS (passé simple) ne pouvait commuter avec l'imparfait. J'ai dit que et l'IN et le PS ne pouvaient commuter avec l'imparfait que si l'aspect grammatical¹ des formes verbales amenées à commuter demeurait homogène.
¹En l'occurrence la perfectivité puisque tant l'IN que le PS sont perfectifs. Plus particulièrement : valeur d'aoriste.

Quand l'imparfait, par nature imperfectif, commute avec les perfectifs que sont le PS et l'IN, c'est que son imperfectivité quitte le plan grammatical d'amont (contrainte indépassable : aspect défini en langue, avant tout discours) pour être recyclée plus en aval, au niveau du discours (contrainte dépassée : style expressif).

Voilà ce que j'ai dit :

« Si, réciproquement, tu considères que dans la phrase
[suit une phrase à l'imparfait] les imparfaits conservent leur aspect grammatical imperfectif, alors à aucun moment tu ne pourrais les remplacer par des infinitifs de narration. »



P'tit prof a écrit:

Pour soutenir contre vents et marées, et contre l'évidence, que l'imparfait ne peut commuter avec l'infinitif de narration, on nous sort un lapin du chapeau : cet imparfait n'est pas un imparfait !

Non, non. Ni lapin ni chapeau.

Regarde : La guerre éclata en 1914.
Si je dis, en 2011 : La guerre éclatera en 1914, ça ne signifie pas que je situe l'avenir repéré à partir de l'année 2011 quelque part dans un passé vieux de cent ans ou presque. Je sais bien que 1914 est antérieur à 2011. Et que la première date ne saurait être le futur de la seconde. Si pourtant j'emploie l'indicatif futur au lieu du PS (passé simple), c'est parce que les deux temps grammaticaux instaurent une coupure avec le présent d'époque (mon énoncé date de 2011) et, surtout, que les deux temps sont grammaticalement perfectifs. Autrement dit, ce n'est pas l'époque attachée aux temps grammaticaux (PS ? passé / futur ? avenir) qui permet leur substitution, mais bien leur signifié grammatical hors époque.

Le signifié grammatical de l'imparfait, c'est l'imperfectivité. L'imparfait ne peut commuter avec le PS comme le futur commute avec le PS. Quand l'imparfait remplace un PS, il manifeste un changement d'aspect à forme constante. L'imparfait conserve certes -(ss)ais, -(ss)ait, -(ss)aient, -(ss)ions et -(ss)iez quand il devient aoriste. Mais ces désinences ne véhiculent plus l'imperfectivité linguistique d'un procès : elle signalent au contraire un aoriste qui n'existe qu'en discours. L'écart entre l'aoriste discursif (imparfait stylistique) et l'aoriste de langue (passé simple) tient à ce qui distingue le discours de la langue, c'est-à-dire l'expression. Le discours c'est ce qui est exprimé (audible, visible, tangible). La langue c'est ce qui permet d'exprimer (inaudible, invisible, intangible).

L'infinitif de narration est un autre aoriste de discours, de forme composée. Il est construit à partir d'une forme verbale perfective (l'infinitif) précédée d'une préposition. L'imparfait stylistique, aoriste de discours de forme simple, est identique à une forme verbale imperfective (l'imparfait "normal", non stylistique) dont il perd l'imperfectivité au cours de l'acte d'expression. Cette perte est un fait d'expression et non un fait de langue. Le recours à un fait expressif (aoriste = imparfait ou IN) plutôt qu'à un fait de langue (aoriste = PS) est un effet de style.



P'tit prof a écrit:

Tout est stylistique en littérature (j'exclus les étiquettes de boite de crabe...) : l'auteur choisit ses tournures en vue de l'effet à produire.

L'auteur ne choisit que ce que la langue et le discours veulent bien qu'il choisisse. La recherche d'un style littéraire est une activité foncièrement hétéronome. Le phénomène de l'aoriste en français est prédéterminé en langue par la seule existence du PS. Il est également prédéterminé en discours : aujourd'hui le passé composé sert d'aoriste périphrastique au détriment du PS, lequel peut aussi commuter avec des formes simples (imparfait, présent, futur stylistiques) ainsi qu'avec un tour syntaxique distinct du passé composé (infinitif de narration).



P'tit prof a écrit:

Cependant, tu mélanges les questions :
oui, l'infinitif de narration est connu dès l'ancien français, et tu n'a pas eu à me l'apprendre, j'ai trouvé le renseignement chez Brunot et Bruneau ;
mais il n'empêche que son usage exclusivement littéraire provient d'une imitation consciente du latin.

Affirmation aussi gratuite que celle-ci : le français descend du latin. À partir du moment où nous n'avons pas rencontré les paysans illettrés du moyen-âge, nous ne pouvons affirmer qu'ils n'utilisaient pas un infinitif de narration dans leur vie de tous les jours, sans affectation particulière. Nous n'en savons rien. Absolument rien. Et quand bien même nous aurions la preuve du contraire, l'imitation resterait à démontrer.



P'tit prof a écrit:

Imitation consciente pas au niveau de l'ordre des mots, mais au niveau du procédé : l'infinitif de narration provoque un intéressant effet de rupture, que l'on peut obtenir en français aussi, avec les moyens du français, bien entendu.

Ah, on revient donc à la carte et au territoire. L'ordre des mots n'est pas séparable des effets provoqués par cet ordre. De toute façon, pour ce qui concerne l'infinitif de narration, la différence entre français et latin ne se réduit pas à l'ordre des mots. Elle concerne surtout le nombre de mots : toujours cette petite préposition qui insiste lourdement, comme le sparadrap du capitaine Haddock. Et je ne parle pas de <et>, très fréquent avec l'IN roman, beaucoup moins avec l'IN latin.

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Cette discussion me passionne et me stimule, voilà pourquoi j'insiste...
Cependant, je voulais la  recadrer, et non l'entrainer dans les marécages dont nous nous venions de nous extirper !

Je recadre donc : le sujet, c'est la valeur de sens de l'infinitif de narration en français.
Elle s'est égarée sur la construction latine, qui était hors sujet, mais bon...
Il s'agissait de savoir si les auteurs français du XVIIe siècle imitaient consciemment la tournure latine.
Pour greg, il n'en est rien :

Nous n'en savons rien. Absolument rien. Et quand bien même nous aurions la preuve du contraire, l'imitation resterait à démontrer.

Mais, si nous savons ! mais si, nous pouvons démontrer que certains auteurs posaient l'imitation en principe. Il n'est que de lire la Défense et illustration de la langue française, de du Bellay seconde partie, chapitre X)  :


Et tout ainsi qu’entre les auteurs latins, les meilleurs sont estimés ceux qui de plus près ont imité les Grecs, je veux aussi que tu t’efforces de rendre, au plus près du naturel que tu pourras, la phrase et manière de parler latine, en tant que la propriété de l’une et l’autre langue le voudra permettre. Autant te dis-je de la grecque, dont les façons de parler sont fort approchantes de notre vulgaire, ce que même on peut connaître par les articles inconnus de la langue latine. Use donc hardiment de l’infinitif pour le nom, comme l’aller, le chanter, le vivre, le mourir ; de l’adjectif substantivé, comme le liquide des eaux, le vide de l’air, le frais des ombres, l’épais des forêts, l’enroué des cimballes, pourvu que telle manière de parler ajoute quelque grâce et véhémence, et non pas le chaud du feu, le froid de la glace, le dur du fer, et leurs semblables ; des verbes et participes, qui de leur nature n’ont point d’infinitifs après eux, avec des infinitifs, comme tremblant de mourir et volant d’y aller, pour craignant de mourir et se hâtant d’y aller ; des noms pour les adverbes, comme ils combattent obstinés pour obstinément, il vole léger pour légèrement ; et mille autres manières de parler, que tu pourras mieux observer par fréquente et curieuse lecture, que je ne te les saurais dire.

D'accord, l'infinitif de narration ne figure pas dans cette énumération, mais le principe est posé :

de rendre, au plus près du naturel que tu pourras, la phrase et manière de parler latine

Cela n'a rien à voir avec la question de l'origine du français : le français trouve dans le latin un modèle à suivre, comme le latin a trouvé un modèle dans le grec. Les latins ont imité les Grecs car leur civilisation les fascinait, ils ont transposé les procédés d'une langue à l'autre, consciemment. Sans croire un instant que le latin descendait du grec...

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

41 Dernière modification par greg (01-10-2011 12:34:11)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

yd a écrit:

Un usage de phrase à l'infinitif que je n'avais encore jamais vu, sur une conserve de crabes étrilles importée de Thaïlande : Être fait cuire avant consommation.

La phrase fait très mécanique : elle pourrait sortir d'un traduiseur en ligne.

Si on part du principe qu'une personne physique a échoué à tourner cette phrase en français, si on écarte l'idée d'une traduction automatique, on voit que <faire> a été identifié : verbe, passivable par "être". Par contre <faire cuire> n'est pas une syntaxe passivable et cela a échappé au traducteur. Il n'a pas traduit ainsi : Cuire / Faire cuire avant consommation. Ni d'ailleurs ainsi : Être cuit / Être fait cuit avant consommation. Le traducteur n'a pas vu les deux schémas possibles pour le sens et la syntaxe de <cuire> : transitivité, intransitivité.



P'tit prof a écrit:

[...] de rendre, au plus près du naturel que tu pourras, la phrase et manière de parler latine [...]

Cela n'a rien à voir avec la question de l'origine du français : le français trouve dans le latin un modèle à suivre, comme le latin a trouvé un modèle dans le grec. Les latins ont imité les Grecs car leur civilisation les fascinait, ils ont transposé les procédés d'une langue à l'autre, consciemment. Sans croire un instant que le latin descendait du grec...

Pardonne mes taquineries, P'tit prof : j'avais compris ton propos.

Le texte que tu nous proposes montre que le « vulgaire » et le « naturel » règlent le désir des poètes. Ou plutôt déterminent capricieusement l'objet désirable : grec ou latin. Le passage sur l'article — aux "inconnettes" latines (merci skirlet !) — est fort révélateur. Il y a un grand absent dans la réflexion de du Bellay : la langue des ses aïeux. Le poète aurait pu assouvir son envie d'infinitif substantivé sans passer par le surmoi latin : l'ancien français en regorge.

Effectivement, nulle mention de l'infinitif de narration. Était-ce un tour assez banal à l'époque pour ne pas mériter un paragraphe de ravissement extatique ?

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Il semble que tu n'aies pas saisi l'intention de cette citation : tu niais la possibilité d'introduire délibérément un tour dans une langue en s'inspirant d'une autre.
Ce phénomène est pourtant connu chez nous, de nos jours, sous le nom d'anglicismes, par exemple.
Je t'apportais la preuve que cette volonté d'imitation existe bel et bien, et a été théorisée dès le siècle XVIe.
Concernant plus précisément l'infinitif de narration, il est employé par des auteurs comme La Fontaine, auteurs qui ont suivi la formation humaniste du temps.
L'enseignement était dispensé entièrement en latin, écrit et oral. Les exercices consistaient en discours latins, où il fallait traiter une question en pastichant le style de tel ou tel auteur latin. Des gens rompus au pastiche et à l'imitation des procédés littéraires ont spontanément recours à ces tours qui leur été inculqués dès leurs six ans.
Je répète donc que l'infinitif de narration de La Fontaine et des autres est un effet de style, imité du latin où ces auteurs ont pu en constater l'efficacité, bref, une création littéraire.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Pour clarifier encore les choses : les mots n'ont pas même signification pour l'un et pour l'autre.

Ainsi, tu écris :

Le phénomène de l'aoriste en français est prédéterminé en langue par la seule existence du PS.

J'en tombe de ma chaise : l'aoriste, en français ?
Je comprends bien que tu ne donnes pas à aoriste le sens de temps de la conjugaison grecque, que tu en uses métaphoriquement.

Pour faire court, je te soumets deux définitions de l'aoriste des hellénistes :
Jean Humbert, Syntaxe grecque :

L'aoriste est ce qui est dépouillé des valeurs subjectives de durée ou d'achèvement qu'expriment présent et parfait, et il est mis sur le même plan que le futur qui est dépourvu d'aspect
L'oariste indicatif constate un fait passé dont la durée n'a pas d'intérêt aux yeux du sujet parlant

J'ai abrégé.
Pour faire plus court et plus clair, une grammaire scolaire (Ragon & Dain, la meilleure)  écrit :

L'aoriste exprime l'action effectuée purement et simplement comme un point. Il marque donc :
1° une action passée, sans considération de durée ;
2° le point de départ d'une action ou d'une situation nouvelle ;
3°  le point d'arrivée d'une action, l'aboutissement d'un effort.

Pour le faire court, l'aoriste n'est ni sécant, ni global, il n'a pas d'aspect du tout. C'est sans doute  en ce sens qu'onon peut assimiler le passé simple français à un aoriste.

Je t'ai donné ma définition de ce terme. Quel est la tienne ?

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

44 Dernière modification par greg (02-10-2011 18:04:38)

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

P'tit prof a écrit:

Pour faire court, je te soumets deux définitions de l'aoriste des hellénistes :
Jean Humbert, Syntaxe grecque :

L'aoriste est ce qui est dépouillé des valeurs subjectives de durée ou d'achèvement qu'expriment présent et parfait, et il est mis sur le même plan que le futur qui est dépourvu d'aspect
L'oariste indicatif constate un fait passé dont la durée n'a pas d'intérêt aux yeux du sujet parlant

Je ne sais pas le grec mais les caractéristiques évoquées s'appliquent bien au passé simple. Le futur français et le passé simple n'ont aucune valeur subjective de durée et d'achèvement : ces deux temps permettent d'appréhender le procès en seule survenance, sans amorce, sans engagement, sans accompli. Et donc sans considération pour une "durée" qui irait à l'encontre de la virtualité intrinsèque attachée au PS et au futur français.

Bien sûr, la présence ou l'absence de tout type de durée externe est compatible avec le PS puisque celui-ci n'en prescrit aucune en interne :

le silence se fit soudain — le silence se fit pesant
Louis XIV régna 72 ans — Louis XIV régna en despote
il en reparla tous les jours — il en reparla en bien

Ce qui m'étonne, c'est que Humbert dise que l'aoriste et le futur grecs sont dépourvus d'aspect. D'autres sources affirment qu'ils sont tous deux d'aspect perfectif. Comme en français. Ce qui ne veut pas dire que l'aoriste français soit l'aoriste grec. Pareil pour les futurs.



P'tit prof a écrit:

Pour faire plus court et plus clair, une grammaire scolaire (Ragon & Dain, la meilleure)  écrit :

L'aoriste exprime l'action effectuée purement et simplement comme un point. Il marque donc :
1° une action passée, sans considération de durée ;
2° le point de départ d'une action ou d'une situation nouvelle ;
3°  le point d'arrivée d'une action, l'aboutissement d'un effort.

Pour le faire court, l'aoriste n'est ni sécant, ni global, il n'a pas d'aspect du tout. C'est sans doute  en ce sens qu'onon peut assimiler le passé simple français à un aoriste.

Quand on dit d'un procès qu'il est d'aspect global, on ne dit nullement qu'on prend sa durée globale ou totale. On veut dire que la durée n'entre pas en ligne de compte. La "durée" d'un procès conjugué au PS est une notion dépourvue de sens car ce temps est synoptique : il ne fait jamais le départ entre le début, le déroulement et la fin. D'aucuns affirment que le PS ponctualise. C'est le cotexte qui fixe une durée, si durée il doit y avoir. Au PS, l'endochronie processuelle se résume à une virtualité arrivant indivise dans le révolu.

Sur les points 2° et 3°, je ne peux rien dire. Ce sont probablement l'aoriste inchoatif et l'aoriste effectif. Ces deux termes recouvrent peut-être des effets qu'on ne rencontre qu'en discours — et vraisemblablement pas le mécanisme foncier de l'aoriste grec en langue, avant toute mise en discours. Ma connaissance du grec ancien est trop limitée pour pouvoir te répondre.



P'tit prof a écrit:

Il semble que tu n'aies pas saisi l'intention de cette citation : tu niais la possibilité d'introduire délibérément un tour dans une langue en s'inspirant d'une autre.
Ce phénomène est pourtant connu chez nous, de nos jours, sous le nom d'anglicismes, par exemple.

Mais le problème c'est que tu parles d'introduire ce qui existe déjà. C'est comme inventer l'eau froide à partir de l'eau chaude. L'infinitif de narration (IN) français est attesté bien avant la Renaissance, avant que tel ou tel eût l'impression, fausse, d'imiter l'IN latin, pourtant dépourvu de préposition.



Quant aux anglicismes syntaxiques, seuls passent ceux qui peuvent s'accorder avec la langue hôte. On aura beau imiter l'anglais, il y a peu de chances que tu voies ceci un jour :

  Fis-tu save la majorité de criminels aime à frappe sur une devant ou arrière porte avant pénétrant un endroit ?

pour :

   Did you know the majority of criminals like to knock on a front or back door before entering a location?



P'tit prof a écrit:

L'enseignement était dispensé entièrement en latin, écrit et oral. Les exercices consistaient en discours latins, où il fallait traiter une question en pastichant le style de tel ou tel auteur latin. Des gens rompus au pastiche et à l'imitation des procédés littéraires ont spontanément recours à ces tours qui leur été inculqués dès leurs six ans.
Je répète donc que l'infinitif de narration de La Fontaine et des autres est un effet de style, imité du latin où ces auteurs ont pu en constater l'efficacité, bref, une création littéraire.

Certes. Sauf que l'IN français précède La Fontaine de quelques siècles, que l'IN latin ne souffre pas la préposition obligatoire en français et dans toutes les langues romanes occidentales, que l'IN français n'est qu'un aoriste de discours alors que l'IN latin est bien plus vaste et que la partie infinitive de l'IN pouvait prendre l'article en ancien français (et pas en latin bien sûr).

Drôle d'imitation...

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Ce qui m'étonne, c'est que Humbert dise que l'aoriste et le futur grecs sont dépourvus d'aspect. D'autres sources affirment qu'ils sont tous deux d'aspect perfectif. Comme en français. Ce qui ne veut pas dire que l'aoriste français soit l'aoriste grec.

Je te renvoie à la question : qu'est-ce que toi, tu appelles l'aoriste français.
Pour moi, il n'existe rien en français qui réponde à ma définition de l'aoriste. D'où ma question.

Et qui sont les autres sources que tu invoques ? Humbert date des années 60, la recherche a pu progresser depuis. J'ai b eau tenter de me tenir au courant, j'en suis resté à Humbert.

Cependant, tu n'as pas l'air de voir que la discussion ne porte nullement sur l'analyse d'Humbert, mais sur le sens nouveau  que tu donnes aux mots de la tribu : pour un minimum de compréhension entre nous, donne tes définitions.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

La "durée" d'un procès conjugué au PS est une notion dépourvue de sens car ce temps est synoptique : il ne fait jamais le départ entre le début, le déroulement et la fin.

C'est exactement pour cela que l'on dit qu'il est global.

D'autre part, cela fait bien trente ans que l'on ne parle plus de durée, ce terme étant trompeur, mais d'aspect sécant ou d'aspect global :
l'exemple tiré de l'Education sentimentale est célèbre :
Il voyagea.
On pourrait même écrire : il voyagea pendant vingt ans.
Que le procès envisagé soit censé avoir une durée n'empeche que l'aspect du verbe est global.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Sur les points 2° et 3°, je ne peux rien dire. Ce sont probablement l'aoriste inchoatif et l'aoriste effectif.

D'autant que je ne te demande pas d'en dire quoi que ce soit. Je te donne cette information comme je te dirais que la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits. Ce sont des choses qui ne se discutent plus, du moins à notre niveau.

Je note seulement qu'à ce point de ton développement, tu ne m'as toujours pas dit ce que tu appelles aoriste en français.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Certes. Sauf que l'IN français précède La Fontaine de quelques siècles, que l'IN latin ne souffre pas la préposition obligatoire en français et dans toutes les langues romanes occidentales, que l'IN français n'est qu'un aoriste de discours alors que l'IN latin est bien plus vaste et que la partie infinitive de l'IN pouvait prendre l'article en ancien français (et pas en latin bien sûr).

On dirait que tu n'as pas encore saisi le sens de ma remarque : La Fontaine, qui est un auteur, et pas un simple fabricant de tournures linguistiques, a consciemment transposé un procédé qu'il avait appris des auteurs latins (et problablement manié dans ses compositions latines).
C'est tout.
Que cela lui ait été facilité par le fait que la tournure existait déjà en français est une lapalissade.
Nous parlions, nous parlons depuis le début d'un tour littéraire.

... et coucou, le revoilà : aoriste de discours :
Quand vas-tu te décider à dire ce que c'est qu'un aoriste de discours ?
C'est toute la question.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

P'tit prof a écrit:

... et coucou, le revoilà : aoriste de discours :
Qiuand vas-tu te décider à dire ce que c'est qu'un aoriste de discours ?
C'est toute la question.

P'tit prof a écrit:

Je note seulement qu'à ce point de ton développement, tu ne m'as toujours pas dit ce que tu appelles aoriste en français.

Il me semble pourtant que si. Si tu te téléportes plus haut, message n° 39, troisième et quatrième paragraphes de la seconde partie, tu y verras ceci :

L'écart entre l'aoriste discursif (imparfait stylistique) et l'aoriste de langue (passé simple) tient à ce qui distingue le discours de la langue, c'est-à-dire l'expression.

L'infinitif de narration est un autre aoriste de discours, de forme composée. Il est construit à partir d'une forme verbale perfective (l'infinitif) précédée d'une préposition. L'imparfait stylistique, aoriste de discours de forme simple, est identique à une forme verbale imperfective (l'imparfait "normal", non stylistique) dont il perd l'imperfectivité au cours de l'acte d'expression.

Même message, mais troisième partie :

Le phénomène de l'aoriste en français est prédéterminé en langue par la seule existence du PS. Il est également prédéterminé en discours : aujourd'hui le passé composé sert d'aoriste périphrastique au détriment du PS, lequel peut aussi commuter avec des formes simples (imparfait, présent, futur stylistiques) ainsi qu'avec un tour syntaxique distinct du passé composé (infinitif de narration).

Pour résumer, ce que j'appelle aoriste de langue, c'est le passé simple. Même si l'usage actuel évite de mettre ce temps en discours, le PS demeure l'aoriste canonique du français. C'est un prétérit grammaticalement perfectif quel que soit l'aspect lexical du verbe qu'il conjugue. Le procès lié au verbe conjugué au PS est vu survenir sans jamais s'accomplir, tout en s'inscrivant dans une époque révolue détachée du présent d'énonciation.
   [s]Ils attendirent depuis dix minutes[/s].
   [s]Nous partîmes demain[/s].
   [s]Excuse-moi : j'ouvris ton cadeau[/s].

En discours d'autres temps simples peuvent jouer un rôle aoristique : le futur (stylistique), le présent (stylistique) et l'imparfait (stylistique).
   La traversée inaugurale sera fatale au Titanic.
   On frappa à la porte. Il se lève et va ouvrir.
   Ils firent signe à Truc qui les remarquait aussitôt.

   
Toujours en discours, deux périphrases peuvent faire fonction d'aoriste : le passé composé et l'infinitif de narration.
   Il a acheté sa maison en 1980.
   Ainsi dit le renard, et flatteurs d'applaudir.

En français parlé (en discours), le passé composé supplante le passé simple. La fonction d'aoriste demeure.

Le mot "aoriste" est une étiquette (discutable bien sûr) qui sert de synonyme pour "passé simple" ou "prétérit défini". L'expression "aoriste de discours" cherche à réunir les formes verbales (simples ou composées) qui, tout en étant formellement distinctes du PS, peuvent en partager le signifié grammatical pourvu que le discours s'y prête.

Re : Tous ces oiseaux de sautiller.... (infinitif de narration)

Le mot "aoriste" est une étiquette (discutable bien sûr) qui sert de synonyme pour "passé simple" ou "prétérit défini".

ENFIN ! OUF !

Je me garderais de te demander pourquoi ne pas te contenter de prétérit défini (terme qui a l'avantage d'être international, contrairement à passé simple, trop limité à la gramaire du français), mais je me permets de te conseiller de ne jamais employer aoriste devant des hellénistes.
... parce que les hellénistes savent bien que l'aoriste n'est pas un passé simple, et qu'il est possible de le rendre par l'imparfait, quand on traduit en français. De plus, ce n'est qu'à l'indicatif que l'aoriste est prétérit défini. Au subjonctif, à l'optatif, à l'impératif, à l'infinitif et au participe il n'a que sa valeur aspectuelle.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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