Ladybug a écrit:J'ai lu aussi (si j'ai bien compris) que "auté" était considéré par certains comme un suffixe classificateur mais on ne donne pas son sens... Et comme le mot "communauté" vient de l'adjectif "commun", j'ai pensé qu'avec l'ajout de "auté", ça ne pouvait être qu'un mot dérivé... Reste à savoir (si c'est le cas) ce qu'exprime ce suffixe...
On peut aussi rapprocher, toujours en synchronie, <communauté> de <communal>, d'autant que le parallèle s'étend aux autres mots énumérés :
communauté — communal
amirauté — amiral
loyauté — loyal
papauté — papal
principauté — principal
royauté — royal.
Peu importe l'origine des mots : qu'ils proviennent directement du fonds paléoroman ou que, plus tardivement, ils aient été empruntés au latin et à l'arabe médiévaux ou que, plus récemment encore, ils aient été créés par analogie, le rapprochement demeure. Le mot <prinçauté> a existé. J'ignore s'il existait un ?<prinçal> aux côtés de <princier>. Le fait est que <principauté> nous est parvenu et que l'adjectif <principal> existe même si le sens de ce dernier n'est pas {princier}. Peu importe aussi, donc, l'écart sémantique entre les noms en #auté et les adjectifs auxquels ils ont comparés : c'est la forme qui invite à la comparaison.
La question de la (non-)dérivation historique est un vrai sujet. Elle n'est cependant que d'un secours limité quand il s'agit d'appréhender la langue en synchronie.
Justement, tu évoquais le sens, s'il existe, du suffixe #auté. Avant d'aborder cette question, on pourrait voir la morphologie de ce suffixe quand il commute avec #al sur un radical commun. Si on considère les bases commun#, pap# et roy#, on constate que l'adjonction de #al permet d'embrayer sur deux formes distinctives, #ale et #aux, respectivement associées au genre et au nombre grammaticaux. Constatation qui ne s'élargit pas à #auté : ce suffixe autorise une forme distinctive et une seule, #autés, laquelle se rapporte au nombre, la variation en genre étant refusée (féminin obligatoire). On reconnaît tout de suite dans #al les traits de l'adjectif (genre variable) et dans #auté la marque du substantif (genre invariable). D'autant que <papal> se dit d'un tas de choses :
décision papale
interdit papal
armoiries papales
privilèges papaux,
alors que <papauté(s)> ne se rapporte à rien d'autre que lui-même.
Une remarque. Les adjectifs évoqués plus haut peuvent aussi se changer en noms. Certains d'entre eux débouchent sur deux noms de genres fixes mais opposés :
le principal — la principale
d'autres sur un seul nom de genre fixe :
la communale
la loyale
le principal
la royale .
Avec <amiral>, on a même le cas historique d'un nom adjectivé puis resubstantivé :
l'amiral : animé humain
l'amiral : inanimé (adjectif substantivé).
Un peu comme un serveur qui annoncerait <une maison> en cuisine pour <une choucroute maison>.
Reste le sens de #auté alternant avec #al. J'ignore si on peut lui assigner une signification aussi "précise" que celle de #eur, souvent identifiée, d'une façon ou d'une autre, à l'agentivité. Pour ma part, je me range prudemment à l'avis que tu rapportais : #auté / #al est une sorte de système d'aiguillage. Un radical est engagé sur la voie nominale de genre féminin quand c'est #auté, sur la voie adjectivale de genre variable quand c'est #al. Autrement dit, #auté n'aligne pas les radicaux qu'il suffixe sur un sens particulier, ni ne leur adjoint un sème supplémentaire qu'ils auraient en commun. Je pense plutôt que #auté interdit à la composition XXXauté de se rapporter à autre chose qu'elle même tandis que cette faculté est accordée à la construction XXXal — même quand l'écart sémantique entre XXXauté et XXXal est important.