Passer au contenu du forum

forum abclf

Le forum d'ABC de la langue française

Mise à jour du forum (janvier 2019)

Remise en l'état – que j'espère durable – du forum, suite aux modifications faites par l'hébergeur.

(Page 1 sur 2)

forum abclf » Histoire de la langue française » Affixes et leurs sens!

Flux RSS du sujet

Messages [ 1 à 50 sur 55 ]

Sujet : Affixes et leurs sens!

Bonsoir à tous!

Je voudrai savoir si les mots suivants sont formés ou non par dérivation. Si oui, quels sont les sens exprimés par les affixes ajoutés?

Foyer - communauté - institut - déposer - métamorphose - installer - industrie.

Merci!

Re : Affixes et leurs sens!

Chère Ladybug, aucun de ces mots n'a été formé en français par dérivation. Ils proviennent tous de mots latins fort proches. Déposer ne vient pas de + poser, mais du verbe latin deponere. Bien sûr, ce de initial est un préfixe en latin, de même que méta est un préfixe en grec, mais j'imagine que cette question vous a été posée en cours de français, non ? Si vous en avez le courage, dites à votre professeur de venir me parler...

Vous pouvez aller voir pour chacun des mots de votre liste la rubrique "Etymol." à la fin des articles du TLFi, ou du CNRTL, c'est la même chose. (Vous auriez pu aussi consulter un dictionnaire avant d'écrire votre message.)

http://www.cnrtl.fr/definition/déposer

3 Dernière modification par Ladybug (04-02-2011 23:52:23)

Re : Affixes et leurs sens!

Pierre Enckell a écrit:

Chère Ladybug, aucun de ces mots n'a été formé en français par dérivation. Ils proviennent tous de mots latins fort proches. Déposer ne vient pas de + poser, mais du verbe latin deponere. Bien sûr, ce de initial est un préfixe en latin, de même que méta est un préfixe en grec, mais j'imagine que cette question vous a été posée en cours de français, non ? Si vous en avez le courage, dites à votre professeur de venir me parler...

Vous pouvez aller voir pour chacun des mots de votre liste la rubrique "Etymol." à la fin des articles du TLFi, ou du CNRTL, c'est la même chose. (Vous auriez pu aussi consulter un dictionnaire avant d'écrire votre message.)

http://www.cnrtl.fr/definition/déposer

Merci monsieur pour votre réponse!

Non cette question n'a pas été posée en cours de français! J'étais disons sûre que ces mots-là n'étaient pas dérivés, et je voulais avoir le coeur net (c'est pour ça que j'ai demandé d'abord s'ils étaient ou non dérivés, j'aurai pu directement demander le sens des affixes). Il y a tellement de subtilités dans la formation des mots de la langue française que j'ai voulu m'assurer auprès d'autres personnes dans un forum qui me paraissait sérieux et fiable, même après avoir consulté des dictionnaires et non pas un seul! N'ayant pas pu trouver une réponse claire et évidente, j'ai décidé de rédiger ce message!
Encore une fois merci!

P.S: je ne suis pas française, donc le français est une langue étrangère pour moi!

4

Re : Affixes et leurs sens!

Ladybug a écrit:

Je voudrai savoir si les mots suivants sont formés ou non par dérivation. Si oui, quels sont les sens exprimés par les affixes ajoutés?

Foyer - communauté - institut - déposer - métamorphose - installer - industrie.

On peut toujours tenter des rapprochements formels en synchronie :

communauté
amirauté
loyauté
papauté
principauté
royauté

métamorphose
amorphose
anamorphose
emmorphose
endomorphose
paramorphose
polymorphose
pseudomorphose
.



Et en élargissant un peu :

instituer — constituer — statuer — substituer
? ty-e / t?e
institut — constitut — statut — substitut

? ty

attribuer

? by-e / b?e
attribut
? by

saluer
? ly-e / l?e
salut
? ly

précipuer
? py-e / p?e
préciput
? py

Re : Affixes et leurs sens!

greg a écrit:

On peut toujours tenter des rapprochements formels en synchronie :

Et en élargissant un peu :

Mais ce n'est pas du tout de cela qu'il s'agit, cher Greg.

Re : Affixes et leurs sens!

Merci greg pour votre réponse, même si ça ne répond pas vraiment à ma question! Mais merci quand-même!

En fait, ce qui m'a fait douter un peu, c'est le mot "déposer" par exemple qui peut avoir le sens de "retirer quelque chose de son emplacement" ou "destituer quelqu'un". Je me suis dit que le "dé" ici pouvait être un préfixe négatif.

J'ai lu aussi (si j'ai bien compris) que "auté" était considéré par certains comme un suffixe classificateur mais on ne donne pas son sens... Et comme le mot "communauté" vient de l'adjectif "commun", j'ai pensé qu'avec l'ajout de "auté", ça ne pouvait être qu'un mot dérivé... Reste à savoir (si c'est le cas) ce qu'exprime ce suffixe...

Ça paraît peut-être évident pour certains, pour moi cette question de dérivation ne l'est pas trop parfois, veuillez m'excuser si je pose des questions qui vous paraissent "ridicules"...

Re : Affixes et leurs sens!

Ladybug a écrit:

le mot "communauté" vient de l'adjectif "commun"

Je vous avais pourtant conseillé de consulter le TLFi... Le mot communauté vient du latin communitas.

Re : Affixes et leurs sens!

Le mot communauté vient du latin communitas.

On en apprend tous les jours. Jusqu'ici, je pensais, sur la foi de Bloch et von Wartburg,  que communauté venait du français commun.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Affixes et leurs sens!

P'tit prof a écrit:

je pensais, sur la foi de Bloch et von Wartburg,  que communauté venait du français commun.

Le mot est bien sûr de la "famille" de commun, de même que commune, communal, communiste, et d'autres encore. C'est peut-être ce que veut dire le Bloch & Wartburg, que je n'ai pas. Mais ce dictionnaire s'exprime probablement plus brièvement que le TLF auquel je renvoie, où l'on lit :

Prob. réfection de l'a. fr. communité [...] empr. au lat. class. communitas "communauté" d'apr. l'adj. communal.

10

Re : Affixes et leurs sens!

Pierre Enckell a écrit:

C'est peut-être ce que veut dire le Bloch & Wartburg, que je n'ai pas. Mais ce dictionnaire s'exprime probablement plus brièvement que le TLF auquel je renvoie, où l'on lit :

Prob. réfection de l'a. fr. communité [...] empr. au lat. class. communitas "communauté" d'apr. l'adj. communal.

B&W est effectivement très bref. Sous la vedette commun, il cite les dérivés pour dire : communal, XIIe siècle, d'où communauté, XIIIe siècle. Il omet de parler de l'ancien communité refait en communalté.

11 Dernière modification par Ladybug (06-02-2011 12:42:35)

Re : Affixes et leurs sens!

Bonjour!

Pour communauté qui viendrait de commun,ce n'est pas une supposition de ma part, j'ai bien lu cela dans un dictionnaire: Le dictionnaire encyclopédique Quillet où on mentionne généralement l'étymologie des mots...

Pour ce qui est du mot "déposer", on mentionne bien dans le CNRTL que c'est dérivé de "poser" lorsqu'il a le sens d'enlever... ( Dér. de poser*; préf. dé-*.)
D'après Larousse aussi: "déposer" quand il a le sens d'enlever, vient de "poser".
Il vient du latin "deponere", quand il exprime d'autres sens, celui de mettre ou de placer quelque chose par exemple...

Re : Affixes et leurs sens!

Ladybug a écrit:

Pour ce qui est du mot "déposer", on mentionne bien dans le CNRTL que c'est dérivé de "poser" lorsqu'il a le sens d'enlever... ( Dér. de poser*; préf. dé-*.)

C'est exact, et j'ai eu tort d'être aussi catégorique. Le TLF connaît trois verbes déposer ; les deux premiers viennent directement du latin, le troisième de + poser.

13

Re : Affixes et leurs sens!

Ladybug a écrit:

J'ai lu aussi (si j'ai bien compris) que "auté" était considéré par certains comme un suffixe classificateur mais on ne donne pas son sens... Et comme le mot "communauté" vient de l'adjectif "commun", j'ai pensé qu'avec l'ajout de "auté", ça ne pouvait être qu'un mot dérivé... Reste à savoir (si c'est le cas) ce qu'exprime ce suffixe...

On peut aussi rapprocher, toujours en synchronie, <communauté> de <communal>, d'autant que le parallèle s'étend aux autres mots énumérés :
   communauté — communal
   amirauté — amiral
   loyauté — loyal
   papauté — papal
   principauté — principal
   royauté — royal
.

Peu importe l'origine des mots : qu'ils proviennent directement du fonds paléoroman ou que, plus tardivement, ils aient été empruntés au latin et à l'arabe médiévaux ou que, plus récemment encore, ils aient été créés par analogie, le rapprochement demeure. Le mot <prinçauté> a existé. J'ignore s'il existait un ?<prinçal> aux côtés de <princier>. Le fait est que <principauté> nous est parvenu et que l'adjectif <principal> existe même si le sens de ce dernier n'est pas {princier}. Peu importe aussi, donc, l'écart sémantique entre les noms en #auté et les adjectifs auxquels ils ont comparés : c'est la forme qui invite à la comparaison.

La question de la (non-)dérivation historique est un vrai sujet. Elle n'est cependant que d'un secours limité quand il s'agit d'appréhender la langue en synchronie.

Justement, tu évoquais le sens, s'il existe, du suffixe #auté. Avant d'aborder cette question, on pourrait voir la morphologie de ce suffixe quand il commute avec #al sur un radical commun. Si on considère les bases commun#, pap# et roy#, on constate que l'adjonction de #al permet d'embrayer sur deux formes distinctives, #ale et #aux, respectivement associées au genre et au nombre grammaticaux. Constatation qui ne s'élargit pas à #auté : ce suffixe autorise une forme distinctive et une seule, #autés, laquelle se rapporte au nombre, la variation en genre étant refusée (féminin obligatoire). On reconnaît tout de suite dans #al les traits de l'adjectif (genre variable) et dans #auté la marque du substantif (genre invariable). D'autant que <papal> se dit d'un tas de choses :
   décision papale
   interdit papal
   armoiries papales
   privilèges papaux
,
alors que <papauté(s)> ne se rapporte à rien d'autre que lui-même.

Une remarque. Les adjectifs évoqués plus haut peuvent aussi se changer en noms. Certains d'entre eux débouchent sur deux noms de genres fixes mais opposés :
   le principal — la principale
d'autres sur un seul nom de genre fixe :
   la communale
   la loyale
   le principal
   la royale
.
Avec <amiral>, on a même le cas historique d'un nom adjectivé puis resubstantivé :
   l'amiral : animé humain
   l'amiral : inanimé (adjectif substantivé).
Un peu comme un serveur qui annoncerait <une maison> en cuisine pour <une choucroute maison>.

Reste le sens de #auté alternant avec #al. J'ignore si on peut lui assigner une signification aussi "précise" que celle de #eur, souvent identifiée, d'une façon ou d'une autre, à l'agentivité. Pour ma part, je me range prudemment à l'avis que tu rapportais : #auté / #al est une sorte de système d'aiguillage. Un radical est engagé sur la voie nominale de genre féminin quand c'est #auté, sur la voie adjectivale de genre variable quand c'est #al. Autrement dit, #auté n'aligne pas les radicaux qu'il suffixe sur un sens particulier, ni ne leur adjoint un sème supplémentaire qu'ils auraient en commun. Je pense plutôt que #auté interdit à la composition XXXauté de se rapporter à autre chose qu'elle même tandis que cette faculté est accordée à la construction XXXal — même quand l'écart sémantique entre  XXXauté et XXXal est important.

Re : Affixes et leurs sens!

L'existence de l'affixe -auté est-elle solidement établie ?
Avec mon petit bon sens, j'y vois le suffixe -té, issu du suffixe latin -tas qui servait en latin à former des substantifs à partir d'adjectifs :

bonus>bonitas
carus>caritas
clarus>claritas
communis>communitas et ainsi de suite.

Ce suffixe -té (quelle que soit la porte qu'il a prise pour entrer en français, voie naturelle ou voie savante) est utilisé en français pour tirer d'adjectif qualificatifs les noms de la qualité correspondante.
Quand l'adjectif se termine en -al, *-alté aboutit à -auté.

A mon humble avis, ce suffixe * auté est le résultat d'une fausse coupe.
Quoi qu'il en soit, si son existence s'avérait, aurait-il une différence de valeur par rapport au suffixe -té ?

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Affixes et leurs sens!

P.P.P.P.P. (Petite Précision Pédante de P'tit Prof)

DB écrit :

B&W est effectivement très bref. Sous la vedette commun, il cite les dérivés pour dire : communal, XIIe siècle, d'où communauté, XIIIe siècle. Il omet de parler de l'ancien communité refait en communalté.

Dans mon exemplaire (et je n'ai pas bénéficié d'un tirage à part), on lit :

COMMUN. [...] Dér. communal, XIIe, sert aussi à commune, v. le suivant, dep. la Révolution, d'où communauté (1284, probabl. refait de l'a.fr. communité, empr du latin communitas, d'après l'adjectif communal)[...]

C'est moi qui souligne.
J'arrête là la citation. On voit que communité n'est pas omis.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : Affixes et leurs sens!

Le Bloch & Wartburg a eu plusieurs éditions. Il pourrait être intéressant de savoir laquelle est citée par DB, laquelle par PP (les précisions, pédantes ou non, sont tout à fait à leur place ici).

Quoi qu'il en soit, et le texte cité et celui du TLF disent bien que communité, emprunté à (ou de) communitas, a été (légèrement) refait d'après communal : à la base, donc, se trouve un mot latin en -tas.

17 Dernière modification par DB (06-02-2011 18:43:37)

Re : Affixes et leurs sens!

P'tit prof a écrit:

P.P.P.P.P. (Petite Précision Pédante de P'tit Prof)[...]
J'arrête là la citation. On voit que communité n'est pas omis.

Vous me faites peur ! J'ai toujours l'impression que vous agitez votre férule pour donner des coups sur les doigts. Ciel, ai-je bien regardé mon B&W, suis-je pris en flagrant délit de mauvaise lecture ?

Pierre Enckell a écrit:

Le Bloch & Wartburg a eu plusieurs éditions. Il pourrait être intéressant de savoir laquelle est citée par DB, laquelle par PP (les précisions, pédantes ou non, sont tout à fait à leur place ici).

Eh oui, voilà tout. Ma première citation vient de mon premier B&W en deux tomes, de 1932 (première édition), qui était juste à mes côtés. Il est sur certains points plus complet que les éditions suivantes. Mais pas sur d'autres, comme on le voit ici, puisque la précision regardant "communité" n'y figure pas. Elle se trouve en revanche dans mon second B&W, en un tome, de 1975 (sixième édition) qui n'a que l'inconvénient d'être en deuxième rangée sur une étagère plus haute !

18 Dernière modification par greg (07-02-2011 03:00:25)

Re : Affixes et leurs sens!

P'tit prof a écrit:

Quoi qu'il en soit, si son existence s'avérait, aurait-il une différence de valeur par rapport au suffixe -té ?

Les deux servent à catégoriser. La différence est plutôt du côté du fonctionnement.


Par exemple pour <bonté> et <fierté>, l'adjectif correspondant n'est pas un radical suffixé à l'instar de princip# ou pap#.
On pas d'alternance du type :
   bon#if ? bon#té
   bon#eux ? bon#té
   fier#ique ? fier#té
   fier#aire ? fier#té
alors qu'on a :
   princip#al ? princip#auté
   pap#al ? pap#auté.
Avec princip# ou pap#, on a un radical et deux suffixes alternants : #al et #auté.
Avec <bon> et <fier>, on a un adjectif suffixé par #té.


Autre type non-alternant : <brutal> avec #ité.
On a pas :
   brut#al ? brut#ité
   libér#al ? libér#ité
   ment#al ? ment#ité
   music#al ? music#ité.
Par contre :
   brutal ? brutal#ité
   libéral ? libéral#ité
   mental ? mental#ité
   musical ? musical#ité.


Ce n'est pas tant #auté qui importe que le fait qu'il commute avec #al afin de compléter un non-mot (un radical).


Bien sûr on pourra toujours dire que si le /l/ après /a/ ne s'était pas vocalisé pour former diphtongue aujourd'hui réduite à /o/, le couple commutant #al / #auté serait ramené à un schéma voisin du cas général non-alternant de <brutal>. Mais le fait est que le français ne connaît pas/plus :
   [s]communalté[/s]
   [s]amiralté[/s]
   [s]loyalté[/s]
   [s]papalté[/s]
   [s]principalté[/s]
   [s]royalté[/s]
.

19

Re : Affixes et leurs sens!

greg a écrit:

[...]
on a :
   princip#al ? princip#auté
   pap#al ? pap#auté.

À noter que principalité, papalité, amiralité, communalité, loyalité et même royalité existent ou ont existé, dans le même sens ou dans un sens spécial.

Par contre :
   brutal ? brutal#ité
   libéral ? libéral#ité
   mental ? mental#ité
   musical ? musical#ité.

Comment expliques-tu que la majorité des mots soient formés en français sur ce modèle -alité (77 dans la 8e édition du Dictionnaire de l'Académie) plutôt que sur -auté (une douzaine) ?

20

Re : Affixes et leurs sens!

Greg a écrit :

Par exemple pour <bonté> et <fierté>, l'adjectif correspondant n'est pas un radical suffixé à l'instar de princip# ou pap#.

En effet, bon n'est pas le radical de bonté : bon dérive du latin bonus, et bonté dérive du latin bonitas, formé sur bonus à l'aide du suffixe -tas :
bonus >*bonutas (le u bref en syllabe intérieure passe à i) >bonitas (le i bref ne porte pas l'accent, il disparait en français) >bonté.
(C'est cette loi de disparition du i bref  non accentué (que l'on voit jouer dans hospitalis>hôtel) qui me faisait dire que communauté n'est pas l'aboutissement de communitas, mais une réfection savante.)

Avec princip# ou pap#, on a un radical et deux suffixes alternants : #al et #auté.

Personnellement, j'y vois plutôt :
un suffixe simple, -al (issu du latin -alis), servant à former un adjectif à partir d'un nom (princeps>principalis)
une double suffixation : d'un adjectif formé avec le suffixe -al, on tire un nom avec le suffixe -auté, dont le l se vocalise.
Il n'y a qu'à demander aux Anglais : notre royauté est demeurée chez eux royalty.

A mon humble avis, il n'existe pas de suffixe -auté, mais je ne vois aucun inconvénient à parler d'un suffixe au+té.

21 Dernière modification par greg (07-02-2011 23:30:08)

Re : Affixes et leurs sens!

DB a écrit:

À noter que principalité, papalité, amiralité, communalité, loyalité et même royalité existent ou ont existé, dans le même sens ou dans un sens spécial.

Exact. On est en présence de trinômes déclinés sur deux paradigmes — même si les formes ADJ#ité semblent moins établies que RAD#auté .

   commun#auté — commun#al
   amir#auté — amir#al
   loy#auté — loy#al
   pap#auté — pap#al
   princip#auté — princip#al
   roy#auté — roy#al

   communal — communal#ité
   amiral — amiral#ité
   loyal — loyal#ité
(controversé)
   papal — papal#ité
   principal — principal#ité
   royal — royal#ité



DB a écrit:

Comment expliques-tu que la majorité des mots soient formés en français sur ce modèle -alité (77 dans la 8e édition du Dictionnaire de l'Académie) plutôt que sur -auté (une douzaine) ?

Aucune idée — si ce n'est la chronologie de l'émergence ou réfection des mots en question par rapport à la datation traditionnelle de la vocalisation du /l/ postvocalique et préconsonantique.

Un bon moyen de cerner la question serait de fouiller l'abondante production écrite franco-outremanchaise, entre l'essor après 1066 et le déclin vers la fin du XIVe. Une autre piste : comparer l'ancien français et l'ancien occitan sur ce point.
   aux — als
   chaud — caud
   communauté — communautat — communalte
(moy. ang.)
   royauté — reialtat — royalty

Et en effet :

P'tit prof hors les murs a écrit:

Il n'y a qu'à demander aux Anglais : notre royauté est demeurée chez eux royalty.

Un coup d'œil sur les langues de France parlées dans les marches d'Oc et d'Oïl ne serait pas inutile non plus.



P'tit prof hors les murs a écrit:

En effet, bon n'est pas le radical de bonté : bon dérive du latin bonus, et bonté dérive du latin bonitas, formé sur bonus à l'aide du suffixe -tas :
bonus >*bonutas (le u bref en syllabe intérieure passe à i) >bonitas (le i bref ne porte pas l'accent, il disparait en français) >bonté.

Ça, on ne peut l'affirmer — sauf à postuler que l'ancien français archaïque ait été un futur du latin le plus tardif. Ce qui n'est nullement démontré.

Re : Affixes et leurs sens!

greg a écrit:

en postulant que l'ancien français archaïque soit un futur du latin le plus tardif.

Un futur ?

23

Re : Affixes et leurs sens!

Au sens que cet ancien français fut ce qu'allait devenir le latin tardif , du moins c'est ce que je comprends.

La femme est l'avenir de l'homme et le français archaïque le futur du latin tardif wink

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : Affixes et leurs sens!

greg a écrit:
P'tit prof hors les murs a écrit:

En effet, bon n'est pas le radical de bonté : bon dérive du latin bonus, et bonté dérive du latin bonitas, formé sur bonus à l'aide du suffixe -tas :
bonus >*bonutas (le u bref en syllabe intérieure passe à i) >bonitas (le i bref ne porte pas l'accent, il disparait en français) >bonté.

Ça, on ne peut l'affirmer — sauf à postuler que l'ancien français archaïque ait été un futur du latin le plus tardif. Ce qui n'est nullement démontré.

On ne peut peut-être pas l'affirmer, mais Bloch et von Wartburg le peuvent, eux : il font descendre bonté de bonitatem, en le rapprochant de l'espagnol bondad.
Effectivement, les mots français dérivent des accusatifs, ce que j'avais oublié.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

25 Dernière modification par yd (08-02-2011 06:30:18)

Re : Affixes et leurs sens!

Au moins pour communauté, et peut-être encore pour principauté, je pense que nous aurions besoin des historiens, car il y a eu probablement nécessité de distinguer entre deux grands mouvements antinomiques. L'opposition historique entre les connotations nobles et péjoratives de commun, commune serait un témoignage d'une opposition plus générale.

En gros à partir d'Aliénor d'Aquitaine, on voit apparaître un mouvement que l'histoire à ma connaissance n'a pas bien identifié et nommé, que j'appelle par défaut «le parti des municipalités» (de munis, comme pour les communes). Ce mouvement peut se suivre en particulier dans les Flandres sous Philippe le Bel et en Italie du Nord, et plus tard dans ce que l'on mettra sous le nom d'Armagnacs, ou encore dans la puissance du prêvôt des marchands à Paris, mais surtout, éminemment, dans la construction des cathédrales, dont l'impulsion et le financement sont bel et bien venus non pas de l'Église mais des municipalités, les unes après les autres.

A la fin de sa vie, Aliénor est abandonnée de tous ses vassaux du seul fait qu'elle avait systématiquement permis l'émancipation des communes, ce qui est reconnu des historiens, mais elle gagne en réalité le bras de fer, ce qui fut et qui est demeuré plus difficile à reconnaître, aussi bien à moyen terme qu'à long terme, en allant chercher à 82 ans l'une de ses deux petites-filles en Castille, qu'elle n'avait jamais connues, choisissant Bianca, huit ans, qui deviendra Blanche de Castille, pour la marier au futur roi de France.

Ce n'est pas moi qui en trancherai, mais l'on n'échappera pas, si l'on s'intéresse à l'histoire du mot communauté et des mots voisins, à cette problématique historique en toile de fond qui connaîtra tant de prolongements jusqu'à nos jours.

Fille légère ne peut bêcher.

26 Dernière modification par greg (08-02-2011 10:51:09)

Re : Affixes et leurs sens!

P'tit prof a écrit:

On ne peut peut-être pas l'affirmer, mais Bloch et von Wartburg le peuvent, eux : il font descendre bonté de bonitatem, en le rapprochant de l'espagnol bondad.
Effectivement, les mots français dérivent des accusatifs, ce que j'avais oublié.

Oui, ils ont fait descendre et monter pas mal de choses. Et quand l'ascenseur leur refusait l'accès à l'étage latin, ils n'avaient qu'à demander l'étage germanique pour y bricoler des pseudo-étymons étiquetés "vieux bas-francique"... un superstrat commode mais chichement attesté.

Un mot roman peut être rattaché au latin autrement que par une "descente" : les emprunts ne manquent pas puisqu'on les trouve à tous les stades des langues romanes. Et si "descente" il doit y avoir, la "remontée" ne devrait-elle pas conduire à un idiome roman contemporain du latin ? Le latin n'est pas une langue romane.

Pour ce qui est de <bonitatem>, à part <bun?tate> en roumain (et encore...), voici ce que donne la Romanie :
   bonté (français)
   bontè (wallon)
   bontat (occitan)
   bondad (castillan)
   bondat (catalan)
   bondade (portugais)
   bontà (italien, piémontais)
   buntà (corse, bergamasque)
   bontât (frioulan)
   bontæ (ligure).

NB : <bontif> (adj) et <bontivement> (adv) existaient en ancien français et ces formes se sont maintenues dans certaines langues d'Oïl (gallo, normand etc). Y a-t-il eu un <bontivus> qui le "justifierait" ?

Sans oublier le <bounty> anglais. Du moyen-anglais <bounte>, <bountee>. Avec, quelque fois, <bonite> et <bonitee>. D'où la question : <bonité> a-t-il existé en ancien français ?

27 Dernière modification par Pierre Enckell (08-02-2011 12:45:43)

Re : Affixes et leurs sens!

greg a écrit:

si "descente" il doit y avoir, la "remontée" ne devrait-elle pas conduire à un idiome roman contemporain du latin ?

Peut-être, peut-être... Mais si c'est le cas, cet "idiome roman" est nettement moins attesté que le "vieux bas-francique" dont vous vous moquez, et cela ne nous avance guère.

Re : Affixes et leurs sens!

Pour ce qui est de <bonitatem>, à part <bun?tate> en roumain (et encore...), voici ce que donne la Romanie :
   bonté (français)
   bontè (wallon)
   bontat (occitan)
   bondad (castillan)
   bondat (catalan)
   bondade (portugais)
   bontà (italien, piémontais)
   buntà (corse, bergamasque)
   bontât (frioulan)
   bontæ (ligure).

Cette impressionnante liste d'exemples (du ligure !) prouve avec évidence que tous ces mots dérivent d'une même source, une langue mère.
Laquelle ?
Une démarche similaire menée sur les langues du continent européen a conduit les linguistes à poser l'hypothèse de l'eurindien.
Dans le cas qui nous occupe, nul besoin d'hypothèse, la langue mère est connue, elle porte même un très beau nom, femme Narsès : elle s'appelle le latin.

Le latin n'est pas une langue romane.

Evidemment pas, puisque l'on appelle langues romanes les langues issues du latin. La grand-mère n'est pas la petite fille...
Le latin est une langue euridienne du groupe italique.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

29

Re : Affixes et leurs sens!

P'tit prof a écrit:

Le latin n'est pas une langue romane.

Evidemment pas, puisque l'on appelle langues romanes les langues issues du latin. La grand-mère n'est pas la petite fille...

Osons une lapalissade : on appelle « langues romanes » les langues romanes, sans qu'il soit besoin de déterminer leur généalogie antérieure aux premiers écrits médiévaux. La morphologie, la syntaxe et le vocabulaire suffisent. Si le latin ne nous était pas parvenu, le rapprochement aurait été fait de toute façon.

Il se peut aussi que la grand-mère soit une grand-tante.

30 Dernière modification par yd (11-02-2011 07:52:41)

Re : Affixes et leurs sens!

Toutes les langues romanes viennent du latin, qui n'est pas attesté avant 100 AEC (inscription sur la tombe de Scipion l'Africain), et toutes les langues indopéennes viennent du sanscrit*, inconnu en dehors de l'Avesta, donc pas attesté avant la conquête arabe, qu'on s'émerveille d'être à un stade plus évolué que le grec... Je sais bien qu'il y a consensus là-dessus, mais comment peut-il y avoir consensus, c'est ce que je voudrais qu'un jour on m'explique.

Ajoutons que pour faire venir les langues romanes du latin, il faut tout de même leur interdire tout emprunt au grec par une autre voie que le latin, y compris pour les régions d'Italie qui restèrent très tardivement sous l'Empire d'Orient, et accessoirement inventer des racines latines inconnues dans les textes.

* pardon de mélanger entre langue et écriture, mais c'est bien du sanscrit dont l'on parle le plus souvent, et on assimile bien langue grecque et alphabet grec ou langue latine et alphabet latin, etc.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Affixes et leurs sens!

Ah ah, voilà que Greg, un peu solitaire jusqu'à présent dans sa contestation de l'origine latine des langues romanes, trouve un allié précieux.
Pour qu'on ne croie pas que leur raisonnement est du type "les pièces de Shakespeare n'ont pas été écrites par lui, mais par un inconnu qui se nommait Shakespeare", ne conviendrait-il pas qu'ils décrivent plus nettement leur conception de l'arbre généalogique des langues romanes ?

32 Dernière modification par yd (11-02-2011 11:49:20)

Re : Affixes et leurs sens!

Je n'ai pas à avoir de théorie sur l'origine des langues romanes, j'en suis parfaitement incapable, et ça ne m'oblige nullement pour autant à adopter le décret latin.

J'ignore pratiquement tout de ce que la linguistique est capable de retrouver de l'histoire des langues orales, mais je pense simplement qu'elle est en voie d'avancer sur ce plan.

En attendant ces avancées, dont nous sommes tous tributaires, l'on peut essayer de mieux cerner l'histoire du latin en tant que langue écrite. J'ai personnellement évolué sur ce plan, acceptant d'envisager autre chose qu'une origine purement artificielle, voire sacerdotale, ou de ne plus voir le latin essentiellement comme une sorte d'anti-grec. Il semble un fait acquis que les locuteurs des langues romanes ont préféré, à une époque donnée, adopter le latin pour l'écrit, et donc je finis par me demander si justement le latin n'aurait pas tout simplement été «inventé» en tant que langue écrite commune aux locuteurs des langues romanes, avec semble-t-il, d'une façon qui me paraît évidente, une volonté à la fois d'emprunter tout ce qui pouvait l'être au grec et de faire plus simple que le grec. Ceci ne me paraît pas inconciliable avec d'autres facteurs qui ont pu jouer, à commencer bien sûr par le fait de l'Empire Romain, puis celui de la christianisation.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Affixes et leurs sens!

yd a écrit:

Je n'ai pas à avoir de théorie sur l'origine des langues romanes, j'en suis parfaitement incapable

Bon, si vous le dites.

yd a écrit:

Il semble un fait acquis que les locuteurs des langues romanes ont préféré, à une époque donnée, adopter le latin pour l'écrit, et donc je finis par me demander si justement le latin n'aurait pas tout simplement été «inventé» en tant que langue écrite commune aux locuteurs des langues romanes, avec semble-t-il, d'une façon qui me paraît évidente, une volonté à la fois d'emprunter tout ce qui pouvait l'être au grec et de faire plus simple que le grec. Ceci ne me paraît pas inconciliable avec d'autres facteurs qui ont pu jouer, à commencer bien sûr par le fait de l'Empire Romain, puis celui de la christianisation.

Mais ça, si ce n'est pas de la théorie, qu'est-ce que c'est ?

34

Re : Affixes et leurs sens!

Mon message est parfaitement clair, distinguant d'une part les langues romanes orales, et d'autre part le latin écrit, et le décret latin ou vos découpages n'y changeront rien.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Affixes et leurs sens!

yd a écrit:

Mon message est parfaitement clair

Désolé, mais il n'est pas tout à fait clair pour moi (et vous ne répondez pas à ma question sur la théorie). Ne vous fâchez pas, svp.

yd a écrit:

le décret latin

Qu'entendez-vous, par exemple, par ces mots ? Ils se trouvent une trentaine de fois sur google, mais il s'agit chaque fois d'un décret quelconque, civil ou religieux, rédigé en latin, et jamais du décret, dans l'absolu.

36 Dernière modification par yd (11-02-2011 14:22:37)

Re : Affixes et leurs sens!

Retrouver l'histoire des langues orales demande des études difficiles à de vrais linguistes, ce que je ne suis nullement: c'est d'autant plus hors de ma portée que je ne connais pas les autres langues romanes. J'avais déjà dit que que je ne pensais pas les origines du seul français si bien connues, comment m'avancerais-je sur les autres langues romanes?

En ce qui concerne le latin en tant que langue écrite, cela me paraît beaucoup plus accessible: le seul fait que le premier code de droit latin nous soit venu d'Eauze-Elysa constitue par exemple un excellent repère. Les historiens eux-mêmes ont pu travailler et nous avons accès à leurs travaux. Par ailleurs ce que j'ai envisagé ne peut s'appeler vraiment une théorie mais tout au plus une hypothèse qui, dans mon esprit, se tient et veut aider à avancer: si elle aide ne serait-ce qu'un peu, ce serait déjà très heureux.

J'utilise souvent ces expressions de décret biblique et de décret latin. Je trouve par exemple que la distinction entre langues indo-européennes et langues sémitiques, au moins à l'origine, n'avait que la Bible comme raison. J'appelle le décret latin en effet cette façon par exemple dont on privilégie systématiquement les racines latines, ou encore l'impossibilité d'étudier dans le secondaire le grec ancien sans passer par le latin. Ceci dit je peux éviter d'utiliser ces expressions sur ce forum si elles heurtent des personnes.

Fille légère ne peut bêcher.

37

Re : Affixes et leurs sens!

yd a écrit:

Je n'ai pas à avoir de théorie sur l'origine des langues romanes, j'en suis parfaitement incapable, et ça ne m'oblige nullement pour autant à adopter le décret latin.

Je suis bien de ton avis. Ce qu'on sait, tout au plus, c'est que les langues romanes sont traçables, sous forme écrite, jusqu'au Moyen-Âge — un ensemble d'époques. Si on suppose que ces idiomes médiévaux ont effectivement dérivé d'une source commune antérieure, il faut que cette origine ait été romane elle aussi. Dans le cas contraire, nous ne discutons plus de la famille romane mais d'un groupe romanisé par détachement. Lequel détachement, ajouteront les tenants du latinocentrisme, pourrait avoir résulté de plusieurs facteurs, distincts mais éventuellement conjugués, susceptibles d'avoir affecté la latinophonie antique : simple effet de la translation temporelle sur un territoire constant, essaimages géographiques divers et, en sus, substitutions fréquentes des bases locutives dans tous les cas. Rien de tout ça n'est déraisonnable. Ce qui est irrationnel, c'est d'écarter l'hypothèse romanocentrée — au fond la moins déraisonnable d'entre toutes — sous prétexte qu'une langue italique non-romane nous a légué une production écrite considérable ainsi qu'une tradition solidement établie.

Re : Affixes et leurs sens!

la latinophonie antique :

Quelle latinophonie antique ?
Sur le sol de l'Italie plusieurs langues coexistaient (osque, ombrien, sans oublier l'étrusque aux origines encore controversées).
Le latin était la langue administrative écrite de la République, puis de l'Empire.
Les Romains cultivés parlaient grec à la maison : César est mort en parlant grec.
Les Romains non cultivés écorchaient le latin : les graffitis de Pompéi en sont une bonne preuve.
Les peuples colonisés écorchaient le latin écorché des Romains peu cultivés, en le mélangeant à leur propre langue. Phénomène que nous voyons actuellement à l'œuvre dans la francophonie.
Les élites des peuples colonisés avaient un impeccable latin : les Césaire et Senghor antiques se nommaient Apulée, Tertullien et Augustin.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

39

Re : Affixes et leurs sens!

Raison de plus pour songer à une origine romane des langues romanes. Le latin a grandement influencé les langues romanes, directement ou indirectement, mais sa "paternité" est loin d'être établie. Cette influence multiséculaire s'étend d'ailleurs, à un degré moindre, aux langues germaniques occidentales.

On connaît un exemple comparable. L'influence du français sur l'anglais. Pourtant personne ne prétend que l'anglais est une langue française — même si d'aucuns (surtout certains anglophones trompés par les apparences et l'ignorance des langues germaniques) s'imaginent que l'anglais est une langue romane.

Re : Affixes et leurs sens!

Bon Dieu, mais c'est bien sûr !

Les promoteurs du-français-ne-vient-pas-du-latin sont dupes de la même illusion que ces linguistes qui posent que le créole ne vient pas du français, attendu qu'il n'existe aucun parallélisme entre le français moderne et le créole d'aujourd'hui.
Illusion d'optique, dont Chaudenson a fait justice : le rapprochement est indubitable entre le créole et le français du XVIIe siècle.

De même, le français ne dérive pas du latin littéraire (encore que les spécialistes décèlent des tournures pré-romanes chez Augustin). Le français et les langues romanes dérivent du latin de tous les jours, parlé par le peuple qui n'avait pas poursuivi de longues études.
Or ce latin nous  est partiellement connu, notamment par le trésor des milliers de tablettes retrouvées par les archéologues dans les fouilles du mur d'Hadrien.

Donc, nous sommes d'accord : le français ne doit rien à Cicéron.
Le français vient d'un latin plus quotidien, dont il est faux de dire qu'il n'a pas laissé de traces, car ces traces, nous les avons.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

41

Re : Affixes et leurs sens!

P'tit prof a écrit:

Les promoteurs du-français-ne-vient-pas-du-latin sont dupes de la même illusion que ces linguistes qui posent que le créole ne vient pas du français, attendu qu'il n'existe aucun parallélisme entre le français moderne et le créole d'aujourd'hui.
Illusion d'optique, dont Chaudenson a fait justice : le rapprochement est indubitable entre le créole et le français du XVIIe siècle.

Comparaison hasardeuse. Ni le français ni les créoles ne sont des langues mortes. De plus la distance temporelle qui nous sépare de la naissance des créoles est minime quand on la rapporte à une échelle de 15 à 20 siècles.



P'tit prof a écrit:

De même, le français ne dérive pas du latin littéraire (encore que les spécialistes décèlent des tournures pré-romanes chez Augustin).

Des tournures "pré"-romanes ?

L'allemand et le latin conjuguent tous deux le recours à la déclinaison avec l'emploi de prépositions sans qu'il soit nécessaire de conjecturer une filiation entre ces deux idiomes.

Les langues romanes et germaniques font usage de l'auxiliaire avoir suivi du participe passé. Cependant personne ne prétend que l'une des deux familles descende de l'autre.



P'tit prof a écrit:

Le français et les langues romanes dérivent du latin de tous les jours, parlé par le peuple qui n'avait pas poursuivi de longues études.
Or ce latin nous  est partiellement connu, notamment par le trésor des milliers de tablettes retrouvées par les archéologues dans les fouilles du mur d'Hadrien.

Les langues romanes contemporaines dérivent des langues romanes anciennes — dont nous ne connaissons pas l'origine exacte. On sait qu'elles appartiennent à la famille italique. Au sein de ce groupe, on peut juste supposer l'existence d'un paléoroman duquel les vieilles langues romanes auraient procédé.

Comment des tablettes retrouvées aux confins de l'Écosse et de l'Angleterre pourraient nous renseigner sur les langues italiques anciennes que parlaient les gens de Condate, Massilia, Burdigala, Hispalis et Taurinum ?

En 4011, dans le bassin du Mékong, des archéologues retrouveront des documents rédigés en français, qu'ils dateront de la fin du XIXe siècle. Quelle serait l'utilité d'une telle découverte pour identifier les langues vernaculaires des Aurès au tournant du XXe siècle ?

Re : Affixes et leurs sens!

Comment des tablettes retrouvées aux confins de l'Écosse et de l'Angleterre pourraient nous renseigner sur les langues italiques anciennes que parlaient les gens de Condate, Massilia, Burdigala, Hispalis et Taurinum ?

Vous rigolez, là ? Vous ne savez pas que le mur d'Hadrien était une fortification romaine, gardée par des soldats romains et toute leur petite famille ?
Si, vous le savez, vous rigolez, vous me faites marcher, et je suis en train de me ridiculiser en  rappelant des évidences et en enfonçant des portes ouvertes.

Vous m'avez bien fait rire, mais je ne vais tout de même pas tomber dans votre piège .
Je suppose que c'est un moyen indirect de signifier que vous ne voulez pas poursuivre la discussion, et j'en suis bien d'accord : brisons là.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

43

Re : Affixes et leurs sens!

Je ne rigole pas. Il n'y a pas de piège non plus. Je faisais simplement remarquer que les inscriptions de la soldatesque romaine en Grande-Bretagne ne sont d'aucun secours pour déterminer quelles langues italiques parlait le peuple à Rennes, Marseille, Bordeaux, Séville ou Turin. Le problème, c'est que tu vois du latin partout. Les tablettes, d'accord. Mais de là à embrayer sur la langue... Je veux en venir à ceci, qui est très simple : l'instrument de communication orale ne peut se voir. Il s'entend. Malheureusement nous venons quinze à vingt siècles trop tard pour prétendre avoir entendu ne serait-ce qu'un mot effectivement prononcé par les braves gens de cette époque — dont l'immense majorité était analphabète.

Re : Affixes et leurs sens!

Je ne rigole pas. Il n'y a pas de piège non plus. Je faisais simplement remarquer que les inscriptions de la soldatesque romaine en Grande-Bretagne ne sont d'aucun secours pour déterminer quelles langues italiques parlait le peuple à Rennes, Marseille, Bordeaux, Séville ou Turin.

Elle venait d'où, la soldatesque romaine en Grande-Bretagne, à ton avis ?
Elle ne pouvait pas venir de Rennes, Marseille, Bordeaux, Séville, Turin ?
D'ailleurs, nous n'avons pas que les seules tablettes découvertes en Grande-Bretagne.
J'ai sous les yeux, dans un manuel de latin,  le texte d'une lettre du soldat Rustius Barbarus, cantonné en Égypte au premier siècle de notre ère, texte assorti de ce commentaire :

L'orthographe apparemment fantaisiste de Barbarus ne fait en réalité que refléter la façon dont on prononçait, et sa syntaxe la façon dont on s'exprimait, dans les classes populaires de son temps ; or c'est de ce latin populaire, et non de celui de Cicéron (artificiel dans une large mesure) que sont issues les langues dites romanes, le français en particulier.

Ta fantômatique langue intermédiaire entre le latin et les langues romanes, la voici : c'est le latin populaire, qui nous a laissé moins de traces que le latin cicéronien, mais que l'on peut entendre à travers l'orthographe de Barbarus, des graffiti de Pompéi, des épitaphes...
Oui, on entend la prononciation, car le latin ne s'écrit pas, il s'encode à voix haute, et se décode à voix haute. Les illettrés écrivent exactement ce qu'ils prononcent :

pane volo facere, je veux faire du pain.

Un agrégatif écrirait panem, car il sait qu'il faut un m à l'accusatif.
Barbatus écrit pane, car il prononce pane... et nous prouve ainsi que le -m final était totalement amüi dès le premier siècle de notre ère.

Le problème, c'est que tu vois du latin partout.

Et le tien, c'est que tu n'en vois nulle part.
Cela tient peut-être à ce que je sais le latin, et que je peux le pister de Plaute à Augustin, sans oublier le latin médiéval et le latin des humanistes.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

45

Re : Affixes et leurs sens!

P'tit prof a écrit:

Elle venait d'où, la soldatesque romaine en Grande-Bretagne, à ton avis ?
Elle ne pouvait pas venir de Rennes, Marseille, Bordeaux, Séville, Turin ?

Si, bien sûr. Mais ceci ne constitue pas un commencement de preuve.



P'tit prof a écrit:

Ta fantômatique langue intermédiaire entre le latin et les langues romanes, la voici : c'est le latin populaire, qui nous a laissé moins de traces que le latin cicéronien, mais que l'on peut entendre à travers l'orthographe de Barbarus, des graffiti de Pompéi, des épitaphes...

C'est en effet un point de vue fort répandu : presque plus personne ne prétend que les langues romanes proviennent du latin classique. C'est à présent au latin vulgaire que revient le mistigri de la paternité putative. Reste à préciser qui avait le latin vulgaire pour langue maternelle ainsi que son degré de romanité linguistique. On est pas sorti de l'auberge.

Re : Affixes et leurs sens!

Il n'y a que toi qui y soit entré, dans cette auberge !

Regarde autour de toi, regarde la francophonie, regarde un demi-siècle en arriére versles colonies, observe l'allure du français selon qu'il est parlé par des intellectuels créateurs (Senghor) ou des tirailleurs sénégalais.
C'est une excellente maquette de ce qui s'est produit dans l'Empire romain.
Si le français n'a pas évolué en langues franciques, c'est que la colonisation n'a pas duré cent ans, sauf aux Antilles, où commencée au XVIIe siècle, elle dure encore, et en Algérie, où elle a duré cent trente ans.
La formation du créole, encore une excellente maquette du passage du latin aux langues romanes.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

47 Dernière modification par greg (08-03-2011 00:25:45)

Re : Affixes et leurs sens!

P'tit prof a écrit:

Regarde autour de toi, regarde la francophonie, [...]. C'est une excellente maquette de ce qui s'est produit dans l'Empire romain.

Le parallèle est un peu hardi. Il n'y a aucune raison de justifier la prétendue latinité des langues romanes parlées en des temps (très) lointains par une comparaison avec la francophonie des temps modernes.



P'tit prof a écrit:

La formation du créole, encore une excellente maquette du passage du latin aux langues romanes.

Donc, si je te suis, la romanité linguistique n'est qu'un avatar de la latinité créolisée. C'est ce que je disais plus haut : avec ta conception, il n'y plus de famille romane mais un sous-groupe latin, roman par détachement.

Le problème, c'est qu'on peut reprendre le principe que tu proposes et l'appliquer non plus au latin mais à un collatéral, le paléoroman, dont la créolisation aurait conduit aux anciennes langues romanes.

Pas plus que celle que je défends, l'hypothèse que tu soutiens ne saurait invoquer le bénéfice exclusif d'une créolisation — y compris lorsque celle-ci ne serait que pure conjecture.

48 Dernière modification par yd (08-03-2011 02:49:12)

Re : Affixes et leurs sens!

1) Je vois personnellement peu de comparaisons possibles entre l'Empire romain colonisant sur place des populations enracinées et des îles soit jusqu'alors désertes, soit dont l'on submerge les indigènes par des arrivées en masse d'esclaves d'origines linguistiques infiniment diverses. Est-ce que je me trompe en concevant les langues créoles comme les langues communes que furent forcées de se trouver les populations issues du trafic des esclaves? Il en aurait donc été de même pour les langues romanes, et ce serait là une vérité établie? 

2) Je pensais qu'il fallait de toute façon distinguer entres les langues créoles, qui ne concerneraient donc que les îles, et le français oral issu de la colonisation de l'Afrique elle-même.

3) Le latin était la langue obligatoire dans les légions, d'une part, et la seule langue écrite en Occident d'autre part. C'est bien dans ce cadre, semble-t-il,  qu'il faudrait premièrement placer les tablettes trouvées en Écosse avant de voir ce qu'elles peuvent nous apprendre d'une part sur le latin et d'autre part sur les langues romanes.

4) Tout à l'opposé, je crois que le français écrit pratiqué au sein des populations créoles était et demeure un français essentiellement appris à l'école et utilisé principalement dans le courrier familial: ils parlent entre eux en créole mais ils s'écrivent en bon français, avais-je cru comprendre. Il a pu en être de même chez les populations romanes de nos régions, et peut-être pas chez les légions aux pieds de la petite muraille.

Fille légère ne peut bêcher.

Re : Affixes et leurs sens!

) Je vois personnellement peu de comparaisons possibles entre l'Empire romain colonisant sur place des populations enracinées et des îles soit jusqu'alors désertes, soit dont l'on submerge les indigènes par des arrivées en masse d'esclaves d'origines linguistiques infiniment diverses.

Mais la France (et l'Angleterre) se taillant des Empires en Afrique et en Asie, cela ne rappelle-t-il pas l'Empire romain ?

3) Le latin était la langue obligatoire dans les légions, d'une part, et la seule langue écrite en Occident d'autre part.

Le latin, seule langue écrite en Occident ? Et le grec, alors ? il sent le pâté, le grec ?
Oui, le latin était la langue des légions, comme le français était la langue des tirailleurs sénégalais, au fait. Mais, c'est vrai, on ignore en quel dialecte les légionnaires, (dont les auxiliaires non-romains) discutaient entre eux.

ils parlent entre eux en créole mais ils s'écrivent en bon français, avais-je cru comprendre.

Vous avez mal compris.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

50 Dernière modification par yd (08-03-2011 10:22:56)

Re : Affixes et leurs sens!

J'aurais dû écrire pour être plus exact que le latin devint la seule langue écrite en Occident, après voir longtemps cherché à soutenir la thèse inverse: dès le pape Léon le Grand, célèbre pour avoir donné son juste nom au brigandage d'Éphèse, on trouve très difficilement en Occident des clercs capables de suivre les débats des conciles en grec, en tout cas en dehors des régions demeurées sous l'Empire d'Orient. Comme d'une part l'on ne reçoit pas de signe par la suite qui témoignerait d'un maintien de la pratique du grec écrit en Occident - ce qui continue de m'étonner - et comme d'autre part lorsque nous parlons des langues romanes nous n'envisageons pas de pouvoir remonter plus haut que la fin de l'Antiquité, j'ai pensé pouvoir dire en effet que le latin était la seule langue écrite en Occident. A Lectoure, où il a pu être relevé et étudié un ensemble exceptionnel d'inscriptions funéraires datant de la fin de l'Antiquité, toutes sont en latin. C'est sans doute moins vrai à Carthage, mais Carthage est sans doute moins représentatif de l'Occident et se trouve de toute façon en dehors de la zone romane, sauf à compter le latin comme langue romane.

Concernant le français écrit et le créole écrit dans les îles de langue créole, il peut y avoir des différences selon les îles: à Maurice ils s'écrivent plus facilement en français, et en bon français, qu'en créole, bien qu'il y ait une volonté je crois toute récente tendant à formaliser le créole écrit.

Fille légère ne peut bêcher.

Messages [ 1 à 50 sur 55 ]

forum abclf » Histoire de la langue française » Affixes et leurs sens!