Passer au contenu du forum

forum abclf

Le forum d'ABC de la langue française

Mise à jour du forum (janvier 2019)

Remise en l'état – que j'espère durable – du forum, suite aux modifications faites par l'hébergeur.

forum abclf » Pratiques linguistiques » Double négation : dans quelles langues?

Pages 1

Répondre

Flux RSS du sujet

Messages [ 9 ]

Sujet : Double négation : dans quelles langues?

En français, on utilise "ne ... pas" pour exprimer une négation. Existe-t-il d'autres langues que le font ? Dans celles que je connais ce procédé n'existe pas.

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

2 Dernière modification par Hippocampe (26-08-2008 15:43:57)

Re : Double négation : dans quelles langues?

Bonjour Skirlet,

Il y a quelques semaines de ça, j'ai recopié dans un fichier le texte d'une chronique consacrée à cette question dans une émission ("L'"Oeil du Larynx") qui devait passer cet été sur France-Culture ou France-Inter. Voici ce texte. J'ai bien fait de le conserver. N'ai-je eu raison? N'est-ce?
H

Mes amis,
Ne vous affolez PAS : nous n’allons PAS sauver un mot aujourd’hui. Nous allons, car il fallait tôt ou tard en passer par là, réveiller une question douloureuse, celle de l’exception française en matière de négation. Toutes les langues européennes utilisent pour exprimer la négation un phonème unique, qui ressemble plus ou moins au son N ; I can not, ich kann nicht, no puedo, non posso, nie magou… le français, lui, a besoin de deux phonèmes : le ne, et le pas. Je ne peux pas, je n’écoute pas, je ne comprends pas. D’où vient donc cet étrange « pas » ? Il s’agit, n’ayons pas peur des mots, d’une monstruosité grammaticale ahurissante. Au commencement, le français utilisait, comme les autres, un seul phonème pour exprimer la négation : je ne peux, je ne veux, je ne marche, je ne bois. Et puis, peut-être parce que ce « ne » ne sonnait pas assez haut et clair, il a semblé judicieux à la Vox Populi de préciser « l’objet » du verbe à la forme négative, et d’exprimer par conséquent le complément d’objet du verbe utilisé. Je ne bois goutte, c’est à dire je ne bois même pas une goutte, je ne vois point, je ne vois même pas un point, je ne mange mie, je ne mange même pas un peu de mie de pain, je ne tricote point, je ne tricote même pas un point, je ne marche pas, je n’avance même pas d’un pas. Et puis, le temps passant et l’usage faisant son office, le point, et surtout le pas, se sont généralisés, aussi bien pour les verbes où ils sont pertinents, je ne marche pas, je ne progresse pas, je n’avance pas, je ne vois point, que pour les verbes où il ne le sont pas du tout: je ne vois pas, je ne bois pas, je ne sais pas, je ne ris point, je ne tire point. Les autres compléments d’objet se sont évanouis dans la nature, il ne subsiste que le rare « je n’y vois goutte » ou l’archaïque « je ne pipe mot »… Partout ailleurs la marque officielle de la négation est devenue le « ne pas » que nous utilisons mille fois par jour.
Pire encore : le « ne » tend désormais à disparaître, pour assurer l’hégémonie de ce monstrueux « pas » : j’irai pas, je sais pas, je vois pas, je compte pas. Fais pas ci, fais pas ça !
Fais pas ci fais pas ça, de début à 0,30
Merci Monsieur Jacques Dutronc.
Ainsi donc, lorsqu’il s’agit d’exprimer l’absence de chance, de problème, ou de pitié, le français, au lieu d’utiliser la marque simple et authentique de la négation comme le font toutes les langues voisines, No problem, Keine Chance, qui correspondraient à « non problème », ou « ne chance », ou « pitié non »… le français, donc, au lieu de faire simple et vrai, ramène son épouvantable pas, pour faire « pas de chance », « pas de problème », et « pas de pitié »… et tant pis si ces « pas » là n’ont pas le moindre rapport avec le pas d’origine, celui qui fait avancer l’homme. Il faut faire avec, nous en sommes tous bien conscients, mais admettez qu’il est un peu saumâtre de devoir dire qu’un homme ne vole pas ou ne nage pas, alors que, quand bien même cet homme eût été capable de voler ou de nager, il eût volé mètre ou nagé brasse, mais certainement pas « pas », vous me suivez ? Elle n’embrasse pas ? Encore heureux ! Le robinet ne coule pas ? Tu m’étonnes ! Cette fleur ne sent pas ? Tant mieux !! Ce garçon ne recule pas ? Là d’accord. Mais pour le reste, « ne d’accord », « d’accord non », pas d’accord !
Par chance, n’est-ce pas Simone, on peut encore employer le "ne" seul, sans son horrible « pas », dans les cas suivants :
- Avec les verbes "cesser, oser, pouvoir" …
- Il ne cesse de neiger! Il n’ose faire un geste ! Je ne pourrais dire !
- Lorsque une relative de conséquence dépend d'une principale négative…
- Il n’y a pas d'homme qui ne soit corruptible !
- Avec un "si" conditionnel…
- Tu n’obtiendras rien si tu ne sais composer.
- Devant "autre" suivi de "que"
- Il n'a d'autre choix que de démissionner.
- Après le pronom interrogatif ou l'adjectif interrogatif
- Quelle femme n’est coquette ?
- Après "depuis que, il y a que, voici que, ou voilà que"
- Il y a deux semaines que je ne l'ai vu.

Mes amis, je ne sais quel mot nous sauverons la prochaine fois. Je n’ai envie d’y penser. Je n’ai la frite. Ne m’en veuillez. Cette humeur ne durera. Je ne vous abandonnerai.

3 Dernière modification par patoiglob (26-08-2008 18:12:34)

Re : Double négation : dans quelles langues?

Allons, allons, restons serieux! Si l'on a le mot pas (à côté d'autres mots de renforcement de la négation comme point, goute, mot etc.) c'est parce que le e étant en français par nature atone et caduque, il fallait bien renforcer le sens négatif de la phrase pour ne pas le confondre avec la forme affirmative :

Je marche  / je ne marche pas
je bois / je ne bois goute
je dis / je ne dis mot
je vois / je ne vois point

Par la suite, le mot pas a remplacé la particule ne, si bien qu'aujourd'hui, dans la langue parlée (l'authentique), on n'entend plus le ne...   

Je marche pas, j'march' pa'

Par conséquent, comment pourrions-nous supprimer le mot pas sans supprimer du coup la négation elle-même ?

Pour répondre a Skirlet, oui, il y a au moins une langue où on a le même phénomène : le breton, où l'on dit " Me a gar " (j'aime) / "(me) NE garan KET" (je n'aime pas, du verbe "karoud" : aimer...)

On peut citer aussi la portugais du Brésil, où la négation NÃO est souvant rejetée après le verbe pour donner plus d'emphase (la prononciation étant alors pleine et diphtonguée, alors qu'en position inverse elle s'amenuise) :
Não quero (je ne veux pas ) / Quero NÃO !

DEFENSE DE CRACHER PAR TERRE ET DE PARLER BRETON. (Le Ministère de l'Éducation Nationale)

4

Re : Double négation : dans quelles langues?

La version française est un peu courte (wikipedia.fr) ; la version anglaise est plus riche : http://en.wikipedia.org/wiki/Double_negative

Re : Double négation : dans quelles langues?

Toutes mes excuses à Hippo : je n'avais pas lu en détail son post et pas vu qu'il avait déjá traité la question de l'origine de la négation en "pas"...

DEFENSE DE CRACHER PAR TERRE ET DE PARLER BRETON. (Le Ministère de l'Éducation Nationale)

Re : Double négation : dans quelles langues?

Merci Patoiglob pour tes excuses, ta réponse m'avait paru bizarre.

Mais ce que tu dis entraîne une autre interrogation:
Les Anglais disent "we can not".
Les Allemants disent "Wir können nicht".
Pourquoi ne dirions-nous pas "Nous pouvons non"? Ce serait clair.

Je ne m'y connais pas en français ancien mais je me souviens que dans mon livre de latin de la classe de 5ème (l'initiation au latin était obligatoire cette année-là, à mon époque du moins), on nous donnait à la fin de chaque chapitre une citation latine à notre portée pour nous gratifier. La première était "non possumus", les premiers chrétiens refusaient ou plutôt ne pouvaient (pas) adjurer leur foi même devant le dernier lion de leur vie.

Alors je comprendrais que là où nos amis d'outremanche ou d'outrerhin (j'ai des idées personnelles sur le "-" après un préfixe mais ce n'est pas le sujet de ce fil) disent dans leurs langues "nous pouvons non", nous, en revanche, disions "nous non pouvons". Le "non" est essentiel à cette phrase et il s'entend bien. Comment nos ancêtres ont-ils pu en arriver à dire "nous ne pouvons" alors que comme le dit Pat (qui m'appelle Hippo), le "e" manque de force en français: "nous ne pouvons" ~ "nous n'pouvons" ~ "nous pouvons"?
Pourquoi n'être pas venu à redire "nous non pouvons" ou inventer "nous pouvons non", cette dernière expression étant solide? Quel enchaînement nous a conduit à confier nos refus à un vague "e" dont tout le charme consiste en sa tendance au silence? Car alors en effet dans ce cas, il fallait bien qu'au moins un autre mot vînt à son secours!

Oh,je sais, mon manque de savoir en histoire de notre langue m'a sûrement fait dire une ou dux bêtise néanmoins il y a de quoi répondre à ma question de la part des vrais pros que nous avons heureusement dans nos murs.

Merci d'avance.

Hippocampe

7

Re : Double négation : dans quelles langues?

Hippocampe a écrit:

Mais ce que tu dis entraîne une autre interrogation:
Les Anglais disent "we can not".
Les Allemants disent "Wir können nicht".
Pourquoi ne dirions-nous pas "Nous pouvons non"? Ce serait clair.

Si tu tiens absolument à éviter pas, point, mie e tutti quanti, tu peux toujours écrire <nous ne pouvons> ou <nous ne le pouvons>.



Hippocampe a écrit:

Alors je comprendrais que là où nos amis d'outremanche ou d'outrerhin [...] disent dans leurs langues "nous pouvons non", nous, en revanche, disions "nous non pouvons". Le "non" est essentiel à cette phrase et il s'entend bien.

Mais justement les Outremanchais n'écrivent pas *<we can no>. Itou pour les Outrerhinois avec *<wir können nein>. Aucun de ces deux peuples ne dit *<nous pouvons non> avec les mots de sa langue.
Au passage, puisqu'il est question d'anglais, sache que la double négation est parfaitement normale dans certains sociolectes assez répandus : <I ain't got no time for that>, <I don't wanna know nothing> etc.



Hippocampe a écrit:

Comment nos ancêtres ont-ils pu en arriver à dire "nous ne pouvons" alors que comme le dit Pat (qui m'appelle Hippo), le "e" manque de force en français: "nous ne pouvons" ~ "nous n'pouvons" ~ "nous pouvons"?
Pourquoi n'être pas venu à redire "nous non pouvons" ou inventer "nous pouvons non", cette dernière expression étant solide? Quel enchaînement nous a conduit à confier nos refus à un vague "e" dont tout le charme consiste en sa tendance au silence? Car alors en effet dans ce cas, il fallait bien qu'au moins un autre mot vînt à son secours!

Très long à expliquer.
Va par exemple sur http://www.chez.com/fabyanaa/ressaf.htm et clique sur la négation dans Merlin et sur la phrase négative.

Re : Double négation : dans quelles langues?

Merci Greg,

C'est un très beau site, je vais le regarder tranquillement.

Bonne journée.

H

Re : Double négation : dans quelles langues?

Merci pour ces précisions smile

nous, en revanche, disions "nous non pouvons". Le "non" est essentiel à cette phrase et il s'entend bien.

Les Italiens le disent bien : "io non posso".

Au passage, puisqu'il est question d'anglais, sache que la double négation est parfaitement normale dans certains sociolectes assez répandus : <I ain't got no time for that>, <I don't wanna know nothing> etc.

Ca c'est l'exemple de la double négation assez répandue, dans plusieurs langues. Et le français laisse tomber le "pas" pour ne pas se retrouver avec une triple négation big_smile

Merci pour le lien, moi aussi je vais jeter un oeil sur ce site smile

Malgranda pezo, sed granda prezo ;-)

Messages [ 9 ]

Pages 1

Répondre

forum abclf » Pratiques linguistiques » Double négation : dans quelles langues?