Dans Esthétique de la langue française de Remy de Gourmont, au chapitre VII, on lit ceci:
Une langue n’a pas d’autre raison de vie que son utilité. Diminuer l’utilité d’une langue, c’est diminuer ses droits à la vie. Lui donner sur son propre territoire des langues concurrentes, c’est amoindrir son importance dans des proportions incalculables.
De cela, je retiens pour l’heure: une langue est d’autant plus vivante qu’elle est utile -- et non, comme l’affirment les perroquets, d’autant plus vivante qu’elle évolue et change sans cesse.
Il y a quelques jours, je lisais l’article en ligne suivant:
http://www.01net.com/editorial/359852/u … -internet/
Il s’agit de cours en ligne en gestion d’entreprise qui sont dispensés gratuitement par l’université de Grenoble. Le site internet de ces cours est ici:
http://opencim.grenoble-em.com/
Passons sur les self-learn, sports marketing et open courseware qui émaillent les pages du site, et allons à l’essentiel: le surcroît d’utilité, donc de vie, que ce type d’initiative donne au français. La connaissance du français permet ainsi de se documenter, de s’informer, de s’instruire. Les défenseurs du français, ou ceux qui se font passer pour tels, feraient bien de s’aviser de ce point capital, à savoir qu'un des principaux attraits d’une langue est sa capacité de donner accès aux connaissances de toutes sortes. Au contraire, tout le radotage sur le français «langue des droits de l’homme» ne feront pas avancer l’affaire du français.
L’initiative grenobloise est exemplaire (du moins en francophonie, car le pionnier en la matière a été le MIT américain), et il est à espérer qu’elle fera école. D’où ma petite proposition personnelle:
18) Obligation, pour tous les établissement d’enseignement supérieur de langue française, de mettre en ligne gratuitement tous leurs savoirs dans tous les domaines dont ils s’occupent. Il ne sera pas nécessaire que ces savoirs soient mis à la disposition du public sous forme de didacticiels très élaborés et onéreux: l’on pourra se contenter dans l’immédiat de publier sur un site gratuit (dont il y aura lieu de convenir préalablement d’une maquette commune à toute la francophonie) les polycopiés et notes de cours, pourvu qu’ils soient d’une bonne lisibilité et rédigés dans une langue irréprochable.
On remarquera que ma proposition est peu coûteuse puisqu’aussi bien ces cours existent déjà de toute façon sous forme de fichier électronique (disquette ou CD), et qu’il suffirait de réserver un peu d'espace disque sur les serveurs des différents établissement d’enseignement et de faire l’effort de mettre tout cela en ligne sous un emballage le plus appétissant possible. En contrepartie de ce petit effort, on bénéficierait des avantages suivants:
- augmenter considérablement la présence du français sur la Toile, et contribuer dans une mesure importante à en faire une langue du savoir scientifique. Par une maquette conviviale commune, comprenant un système de renvois et de liens, c’est une véritable encyclopédie en ligne qui serait ainsi créée (et qui compléterait avantageusement Wikipédia);
- aider les futurs étudiants à choisir à bon escient une orientation d’études, puisqu’ils pourraient prendre connaissance du contenu même des cours de chaque discipline;
- permettre à ces futurs étudiants de comparer les différentes universités entre elles. Cela créerait entre les établissements une émulation bénéfique, chaque établissement désirant donner de soi une image favorable et s’appliquant dès lors à soigner au mieux cette vitrine que constitueraient ses cours en ligne.
Si j’ai appris un peu d’anglais, c’est pour pouvoir lire la documentation rédigée dans cette langue. Les non francophones apprendront le français si le savoir est largement et aisément disponible en français. L’apprentissage d’une langue étrangère est la plupart du temps un mariage de raison; il n’est pas exclu que l’amour vienne ensuite, et que les non francophones ayant appris le français pour des raisons (bassement?) utilitaires veuillent un jour aller plus avant et découvrir aussi notre littérature, et, qui sait? prennent aussi plaisir à nos mots et à nos parlures.
Cette phrase à la fin de l’article de 01net illustre bien l’intérêt capital de l’initiative grenobloise (et donc de ma proposition): Depuis l'ouverture du site, près d'un millier d'internautes, principalement de l'Afrique francophone, se sont inscrits, pour y suivre des cours.