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forum abclf » Pratiques linguistiques » Construction "que ne ..."

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Messages [ 26 ]

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Sujet : Construction "que ne ..."

Bonjour,

Je rencontre de temps en temps la construction syntaxique "que ne ...", le plus souvent dans des textes imitant un style archaïque. Voici un exemple avec une réplique tirée du film Kingdom of Heaven :

- Que ne t'ai-je combattu à l'époque où tu faisais tes batards.
- J'ai connu ta mère à l'époque où elle faisait les siens. Il faut se réjouir que tu sois trop vieux pour être un des miens.

Le problème est que je ne suis pas sûr de bien comprendre le sens de cette expression.

Quelqu'un pourrait-il éclairer ma lanterne ?

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Re : Construction "que ne ..."

Que ne ... est l'équivalent de Ah si :
Ah si je t'avais connu plus tôt, on aurait vu ce qu'on aurait !

Exprime l'irréel du passé.

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Re : Construction "que ne ..."

Merci beaucoup, c'est plus clair maintenant. smile

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Re : Construction "que ne ..."

Bonsoir,

Donc, "Que ne t'ai-je combattu plus tôt" = "Ah si je t'avais combattu plus tôt."

Mais quel temps est autorisé après ce "Que ne"?
Et quelle est l'origine de cette tournure? Peut-être, c'est une question elliptique?

Merci d'avance.

Доброе слово паче мягкого пирога.

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Re : Construction "que ne ..."

Mais quel temps est autorisé après ce "Que ne" ?
Et quelle est l'origine de cette tournure ?

Pour répondre à la première question, il faut répondre à la seconde : ici que = pourquoi, lequel se construit donc fort normalement avec l'indicatif dans cette question simple « pourquoi ne t'ai-je pas combattu ? »

    Évidemment, dans d'autres usages de pourquoi, avec le conditionnel par exemple, on gardera le mode qu'on emploierait si on écrivait « pourquoi » : et pourquoi le ferais-je / et que le ferais-je ?
    Je concède que cette tournure demeure légèrement archaïque, mais on peut faire mieux : « Et que l'eussé-je fait ? »

elle est pas belle, la vie ?

6

Re : Construction "que ne ..."

Je connais les expressions :
Que ne ferais-je... ?
Que n'eussé-je fait... ?

Mais pas  :
"Et que le ferais-je ?"
" Et que l'eussé-je fait ? "

« Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles, la blanche Ophélia flotte comme un grand lis »

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Re : Construction "que ne ..."

Mais pourquoi "eussé-je" au leu de "eusse-je"? Est-ce que c'est une forme archaïque?

Доброе слово паче мягкого пирога.

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Re : Construction "que ne ..."

Est-ce que c'est une forme archaïque ?

Non, non, pour une fois pas du tout, c'est une forme euphonique : on accentue systématiquement la finale en -e muet des verbes quand elle est suivie du pronom je relié par un trait d'union, c'est-à-dire quand il y a inversion du sujet (par exemple dans les incises d'un discours rapporté à la première personne).

    « C'est peut-être une solution, avancé-je», mais aussi « L'aimé-je ou ne l'aimé-je point ? », « Puissé-je aller jusqu'au bout ! »

    Le seul point qui reste en discussion, est celui de savoir si l'on doit accentuer en é ou en è ; pour ma part, j'ai toujours opté pour l'accent aigu, suivant en cela la prononciation, mais cela a fait l'objet d'un débat ici même et ici aussi.

elle est pas belle, la vie ?

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Re : Construction "que ne ..."

Merci, Piotr,

C'est une vraie découverte, car partout se dit qu'on ne fait pas l'inversion dans la première personne de l'indicatif en la remplaçant par "est-ce que je..."
(excepté, par ex., puis-je, suis-je, dois-je, dis-je. )

Allé d'après les lien lesdits, j'ai appris qu'on utilisait cette inversion dans des dialogues et pour exprimer un souhait au moyen du subjonctif.

Mais dans la langue orale, est-ce qu'on s'en sert souvent pour pose une question, une vraie question, pas rhétorique?

Merci de votre patience.

Доброе слово паче мягкого пирога.

Re : Construction "que ne ..."

Rectificatif :

que ne... n'est pas lié à un temps spécifique.

Il exprime aussi bien l'irréel du présent :
Que ne suis-je la bruyère... (j'ai oublié la suite : le berger souhaiterait être le bruyère sur laquelle s'assied sa bergère)
que l'irréel du passé :
que ne t'ai-je connu plus tôt.

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

11 Dernière modification par Ysaur (21-02-2008 01:25:03)

Re : Construction "que ne ..."

ESN a écrit:

Mais dans la langue orale, est-ce qu'on s'en sert souvent pour pose une question, une vraie question, pas rhétorique?

Bonjour.

Personnellement, même oralement, j'utilise :
"Puis-je... ? , suis-je... ? , dois-je... , dis-je... ? "
Je le fais parce que j'aime  la langue française, et que  je m'efforce de la parler le mieux possible, au gré de mes connaissances en la matière, évidemment.

Mais nous ne sommes guère nombreux à nous exprimer ainsi,, et la plupart des Français disent :
Est-ce que je peux... ? , est-ce que je suis... ? , est-ce que je dois..., est-ce que je dis...  ? ,
formulations que, pour ma part, je trouve  bien lourdes et même carrément laides.

Petite précision :
"...dis-je", peut aussi être une affirmation, placé à la suite d'une phrase.
Ex. : Je ne la connais pas, te dis-je.

« Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles, la blanche Ophélia flotte comme un grand lis »

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Re : Construction "que ne ..."

J'ai même connu quelqu'un qui se posait souvent cette question à voix haute : « Que veux-je dire ? ». La tournure est précieuse, non pas tant du fait de l'inversion liée à l'interrogation, mais surtout à cause de son caractère oratoire, voire un tantinet ostentatoire.
    Notons, pour aller dans le sens de ce que note Ysaur, que l'expression « te dis-je » est courante ; c'est un exemple de l'incise dans le discours rapporté à la première personne, citée plus haut.

elle est pas belle, la vie ?

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Re : Construction "que ne ..."

Que ne... exprime généralement le regret. S'emploie aussi (Que...), à la forme positive, avec «besoin» («Qu'avait-elle besoin de crier si fort») pour exprimer l'inutilité de quelquechose, la disproportion des moyens et des buts.
cf. Momo : http://books.google.fr/books?id=MjTomwx … Nt4XTvtEFY

14 Dernière modification par ESN (21-02-2008 11:16:47)

Re : Construction "que ne ..."

Merci à toutes et à tous,

Je me permets de me retourner à l'inversion en question.
Je suis au courant qu'on utilise des tournures telles que "Puis-je... ? , suis-je... ? , dois-je... , dis-je... ? "
Voilà ce qui m'intéresse: Dans la langue orale, des phrases du type: Me trompé-je? M'exprimé-je clairement? Ne vous dérangé-je pas?  Ne vous offensé-je pas? sont courantes ou non? C'est à dire, est-ce que l'inversion des verbes du premier groupe est habituelle ou on la remplace par "est-ce que je me trompe? etc."
Et   l'apanage de l'inversion ladite est-il de faire partie des questions rhétoriques, des exclamations, des incises, des idiomes...?

Peut-être, devais-je poster cette question dans un autre sujet? Toutes mes excuses!

Merci!

Доброе слово паче мягкого пирога.

15 Dernière modification par Bookish Prat (21-02-2008 12:18:18)

Re : Construction "que ne ..."

ESN a écrit:

«Voilà ce qui m'intéresse: Dans la langue orale, des phrases du type: Me trompé-je? M'exprimé-je clairement? Ne vous dérangé-je pas?  Ne vous offensé-je pas? sont courantes ou non? C'est à dire, est-ce que l'inversion des verbes du premier groupe est habituelle ou on la remplace par "est-ce que je me trompe? etc. »

Vous faites bien, cher ESN, de remettre la question sur le tapis. L'usage parlé moderne ignore presque totalement ces formulations  en -é-je, précieuses et désuètes. Pire, elles ne sont même pas utilisées de façon humoristique ou ironique comme le sont les inversions en simple -je. Où suis-je ? Qu'ai-je fait ? Qui attirent parfois, en écho moqueur, ce mauvais jeu de mots : «En quel état j'erre ?», qui vient opportunément rappeler ici que  «En quel état erré-je ?»  serait incompréhensible autant qu'imprononçable. Dans la langue orale, àmtha, les formulations sur lesquelles vous vous interrogez sont pratiquement inaudibles et passeraient facilement pour des défauts de prononciation big_smile

« Jeunesse, folies. Vieillesse, douleurs ». Proverbe rom.

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Re : Construction "que ne ..."

Merci à vous tous (et au lien de gb). Toutes mes interrogations sont maintenant dissipées, y compris celles que je n'avais pas encore verbalisées. smile

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Re : Construction "que ne ..."

Merci, Bookish Prat!

Доброе слово паче мягкого пирога.

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Re : Construction "que ne ..."

ESN a écrit:

C'est à dire, est-ce que l'inversion des verbes du premier groupe est habituelle ... ?

Dire qu'elle est habituelle serait exagéré, mais celle de certains verbes du troisième groupe est fréquente, usuelle : il y a le « te dis-je » déjà cité, et aussi « que puis-je faire pour vous, qu'y puis-je ? » que l'on rencontre au quotidien dans le langage poli (mais courant).

elle est pas belle, la vie ?

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Re : Construction "que ne ..."

que veut dire la tournure que ne dans cette phrase d'A. Gide:
<<Pauvre Olivier! au lieu de se cacher de ses parents, que ne retourna-t-il chez eux simplement?>> ?

Est-ce qu'il veut dire qu'il n'a fait que retourner chez eux même si cela fut la dernière chose qu'il voulait ou devait le faire ?

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Re : Construction "que ne ..."

Non, c'est l'expression d'un regret de ce qui n'a pas eu lieu, et qui eût été préférable :

= "pourquoi n'est-il pas retourné chez ses parents ?"
ou "si seulement il était retourné..."

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

Re : Construction "que ne ..."

Que ne suis-je la fougère,
    Où, sur la fin d'un beau jour,
    Se repose ma bergère,
    Sous la garde de l'amour ?

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

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Re : Construction "que ne ..."

https://www.youtube.com/watch?v=b972h7JGXzQ

(Le son n'est pas très bon, c'est du live)

Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil

23 Dernière modification par Piotr (11-03-2021 01:52:43)

Re : Construction "que ne ..."

Celui-ci est plus audible, en direct aussi, avec une mélodie légèrement différente : https://www.youtube.com/watch?v=D-oQjzpVsRk.
  Dommage qu'on ne trouve pas la version de Mac Nab avec sa Complainte du malheureux Labre.

  Rectification : que ne trouve-t-on la version de Mac Nab !

elle est pas belle, la vie ?

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Re : Construction "que ne ..."

Lévine a écrit:

Non, c'est l'expression d'un regret de ce qui n'a pas eu lieu, et qui eût été préférable :

= "pourquoi n'est-il pas retourné chez ses parents ?"
ou "si seulement il était retourné..."

merci ! le reste de la citation m'a rendu les choses un peu plus claire:

"Pauvre Olivier ! Au lieu de se cacher de ses parents, que ne retournait-il chez eux,
simplement ? Il eût trouvé son oncle Édouard près de sa mère." ( FM , 267)

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Re : Construction "que ne ..."

Piotr a écrit:

Rectification : que ne trouve-t-on la version de Mac Nab !

Cela s'imposait !

Merci à vous, praised, de m'avoir fait découvrir ce fil. On s'y est parfois un peu éloigné du sujet originel, en particulier ici (message 6):

Ysaur a écrit:

Je connais les expressions :
Que ne ferais-je... ?
Que n'eussé-je fait… ?

Ysaur confondait manifestement le pronom et l'adverbe interrogatifs. Mes dictionnaires me rappellent que ce dernier remonte au latin quia, pourquoi, et que c'est quid, quoi, qui a donné le pronom.

Il est peut-être bon de rappeler aussi, mais les exemples l'ont montré, que la tournure « Que ne… ? » à l'origine de ce fil n'est pas suivie de « pas », à la différence de son équivalent approximatif « Pourquoi ne… pas (…) ? »

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement… (Nicolas BOILEAU). Si possible !

26 Dernière modification par glop (11-03-2021 12:08:08)

Re : Construction "que ne ..."

P'tit prof a écrit:

Que ne suis-je la fougère,
    Où, sur la fin d'un beau jour,
    Se repose ma bergère,
    Sous la garde de l'amour ?

Le Médecin malgré lui.
Acte 2   Scène IV
SGANARELLE.- Qui est causée par l’âcreté des humeurs, engendrées dans la concavité du diaphragme, il arrive que ces vapeurs... Ossabandus, nequeys, nequer, potarinum, quipsa milus. Voilà justement, ce qui fait que votre fille est muette.
JACQUELINE.- Ah que ça est bian dit, notte homme !
LUCAS.- Que n’ai-je la langue aussi bian pendue !

Nomina si nescis, perit cognitio rerum. Edward Coke

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