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forum abclf » Réflexions linguistiques » Accord adjectival problématique chez un linguiste

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Messages [ 11 ]

Sujet : Accord adjectival problématique chez un linguiste

Un linguiste a été cité comme ayant écrit la phrase "une zone de brassage immémorial comme la mer Rouge". La forme masculine "immémorial" a fait se dresser les sourcils de certains qui estimaient que l'accord devait se faire avec "zone", non pas avec "brassage". Merci d'avance pour tout commentaire ; lorsque j'en aurai reçu, j'afficherai ici même mon avis et mon argumentation sur la question (ainsi que ceux de mes adversaires). -- lilooet

2 Dernière modification par lardenais† (08-11-2004 23:50:20)

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

C'est un cas de l'accord d'intention : les deux sont possibles, selon la pensée de celui qui s'exprime. Il n'y a que lui qui pourrait justifier. S'il l'a mis au singulier c'est qu'il pense que le brassage est immémorial. On peut aussi estimer que c'est la zone, et on devrait alors mettre le féminin, mais dans ce cas la construction suivante serait meilleure : Nous sommes dans une zone immémoriale de brassage... bien que l'autre ne soit pas grammaticalement incorrecte, mais elle a le tort de laisser planer l'ambigüité.
On ne peut pas crier à la faute si l'on ne connaît pas l'intention de l'auteur. C'est de lui seul que dépend le genre de l'adjectif.

Jacques

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

Encore une fois, je privilégie la signification des mots prononcés. La zone de la Mer Rouge, est, par nature, immémoriale, en ce sens que de mémoire d'homme il n'y a pas eu de bouleversement tellurique pour en changer la conformation et encore moins la localisation. Qualifier d'immémoriale une zone géographique dépasse donc le simple pléonasme et frise les limites de l'inutilité. Ce n'est pas dans cette zone immémoriale qu'a lieu le brassage : c'est dans cette zone que s'opère un brassage immémorial. Je suis du même avis que l'auteur, et contrairement à Lardenais je considèrerais l'accord avec zone comme une faute.

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

Pablito nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde. J'ai dit que ce n'est pas grammaticalement incorrect, ce qui ne signifie pas que ce soit bon en ce qui concerne le raisonnement scientifique. Je maintiens donc ce que j'ai écrit : du point de vue grammatical, les deux sont envisageables. Ensuite, il faut voir où se situe la logique de la réalité, ce que commande le bon sens, mais c'est une autre affaire.

Jacques

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

lardenais a écrit:

...du point de vue grammatical, les deux sont envisageables...

C'est vrai, mais plus qu'un accord d'intention, ce cas particulier me semble être ce que j'appelle un "accord d'esthétisme" : on choisit ce qui fait le plus joli dans la phrase. Sans trop modifier le sens de l'expression, nommons maintenant cette zone : une "zone d'échanges"... ne croyez-vous pas que les mêmes sourcils se dresseraient devant une "zone d'échanges immémoriale" ? big_smile

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

Je suis d'accord sur l'analyse : la grammaire est une chose, la construction de la phrase en fonction de la pensée, de la logique et des faits en est une autre, et doit se faire avec intelligence et discernement. Ce n'est pas parce qu'une chose est permise qu'elle est forcément bonne. Et ici, le bon sens est primordial (sans faire de jeu de mots).

Jacques

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

Ce qui rend cette zone immémoriale, c'est le brassage qui s'y effectue. L'accord avec brassage est donc totalement justifié.

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

sianhurley a écrit:

Ce qui rend cette zone immémoriale, c'est le brassage qui s'y effectue. L'accord avec brassage est donc totalement justifié.

C'est évident. Il est intéressant d'analyser justement l'adjectif immémorial : qui remonte à une période si ancienne qu'elle est sortie de la mémoire. Ce qui justifie votre argument : depuis des temps immémoriaux il s'effectue des brassages en cet endroit. Et nous retrouvons la logique de l'accord : ce n'est pas le lieu qui peut  être immémorial.
L'accord d'intention est une possibilité grammaticale, mais doit s'exercer en tenant compte des faits. Dans certains cas, comme ici, une seule proposition peut être retenue. Dans un article sur le sujet, j'avais donné cet exemple : « Un énorme banc de poissons nage près du fond, comme s'ils avaient l'intention de s'y poser ». Là encore, bien que la grammaire autorise deux accords, un seul est possible ; ce n'est pas le banc qui a l'intention, ce sont les poissons.

Jacques

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

Voici ma réponse promise lors de ma question initiale portant sur la construction « zone de brassage immémorial », syntagme comportant, selon plusieurs, une faute de l’accord adjectival (d’après eux, il devrait se faire avec « zone » [une zone qui, dans le texte cité, est la mer Rouge], et non pas avec « brassage ». Le syntagme est du linguiste français David Cohen, mais a été cité, dans le texte que j'ai lu, sans indication des données biliographiques pertinentes.

          « Immémorial » relève, paradoxalement, de la mémoire. « Immémorial » ne saurait se définir que par contraste avec « mémorial », donc en fonction de la « mémoire »  (humaine, en l’occurrence). L’essentiel n’est pas le fait, digne pourtant de figurer dans l’analyse, qu’un phénomène géologico-géographique comme la mer Rouge est d’une ancienneté  qui remonterait (à en croire les scientifiques) au-delà de toute ère préhistorique à laquelle des êtres humains auraient pu la fréquenter, antiquité signifiant ainsi que la mer Rouge et ses alentours constituaient une zone bien avant d’avoir une pertinence  (linguistique ou autre) pour l’humanité (cette antiquité remonte au-delà donc du « mémorial » -- mais il remonte aussi [et ici on se rapproche de l’essentiel] au-delà de l’immémorial (qu’on ne peut définir qu’en fonction de l’humain, et comme phénomène humain).

          Passons de « zone » à « brassage ». Historiens et préhistoriens ne semblent pas douter que l’humanité, tant préhistorique qu’historique, qui a fréquenté cette zone géographique au cours des millénaires, était diversifée et caractérisée par le « brassage » (le mélange des peuples, et aussi le remplacement de divers groupes humains les uns par les autres). Ce « brassage » des populations et des langues remonte lui aussi au-delà du mémorial, mais appartient bel et bien, par contre,  au domaine de l’immémorial (domaine par définition humain, puisque « immémorial » signifie non seulement « relatif à la mémoire humaine » mais aussi « relatif à une époque où la mémoire humaine existait mais que celle-ci n’arrive plus à se rappeler »).   Sans doute le brassage des populations est-elle vu par les peuples de la région comme existant « de tout temps », « depuis toujours » -- depuis que femmes et hommes foulent  cette zone, depuis un temps, justement, « immémorial ».

          Conclusion : puisque la mer Rouge est depuis des millions d’années une  « zone » indépendamment de la présence (ou non) d’êtres humains, l’adjectif « immémorial », qui  renvoie par définition à la mémoire humaine, ne peut qualifier que le « brassage » humain et notamment linguistique qui s’y est produit.

          Mon analyse me semble se rapprocher de quelques autres réponses, et notamment des dernières observations de lardennais. Un grand, un très grand merci à toutes et à tous d’avoir pris la peine de répondre à ma question. Reste une dernière question : David Cohen a-t-il été correctement... cité? Quelle que soit la réponse, ma propre réponse quant à « zone de brassage immémorial » resterait inchangée.

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

Merci d'avoir apporté ces précisions. Il est intéressant de pouvoir exercer sa sagacité et son esprit de réflexion sur des analyses de ce genre.

Jacques

Re : Accord adjectival problématique chez un linguiste

Il était possible aussi d'écrire : une zone immémoriale de brassage comme la mer Rouge... si le locuteur avait voulu mettre l'accent plus sur le facteur géographique (la zone) que sociologique ou linguistique (le brassage). Le fait d'avoir placé "immémorial" après "brassage" et de l'avoir accordé avec lui prouve que c'est bien sur ce dernier qu'il voulait mettre l'accent.

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