Voici ma réponse promise lors de ma question initiale portant sur la construction « zone de brassage immémorial », syntagme comportant, selon plusieurs, une faute de l’accord adjectival (d’après eux, il devrait se faire avec « zone » [une zone qui, dans le texte cité, est la mer Rouge], et non pas avec « brassage ». Le syntagme est du linguiste français David Cohen, mais a été cité, dans le texte que j'ai lu, sans indication des données biliographiques pertinentes.
« Immémorial » relève, paradoxalement, de la mémoire. « Immémorial » ne saurait se définir que par contraste avec « mémorial », donc en fonction de la « mémoire » (humaine, en l’occurrence). L’essentiel n’est pas le fait, digne pourtant de figurer dans l’analyse, qu’un phénomène géologico-géographique comme la mer Rouge est d’une ancienneté qui remonterait (à en croire les scientifiques) au-delà de toute ère préhistorique à laquelle des êtres humains auraient pu la fréquenter, antiquité signifiant ainsi que la mer Rouge et ses alentours constituaient une zone bien avant d’avoir une pertinence (linguistique ou autre) pour l’humanité (cette antiquité remonte au-delà donc du « mémorial » -- mais il remonte aussi [et ici on se rapproche de l’essentiel] au-delà de l’immémorial (qu’on ne peut définir qu’en fonction de l’humain, et comme phénomène humain).
Passons de « zone » à « brassage ». Historiens et préhistoriens ne semblent pas douter que l’humanité, tant préhistorique qu’historique, qui a fréquenté cette zone géographique au cours des millénaires, était diversifée et caractérisée par le « brassage » (le mélange des peuples, et aussi le remplacement de divers groupes humains les uns par les autres). Ce « brassage » des populations et des langues remonte lui aussi au-delà du mémorial, mais appartient bel et bien, par contre, au domaine de l’immémorial (domaine par définition humain, puisque « immémorial » signifie non seulement « relatif à la mémoire humaine » mais aussi « relatif à une époque où la mémoire humaine existait mais que celle-ci n’arrive plus à se rappeler »). Sans doute le brassage des populations est-elle vu par les peuples de la région comme existant « de tout temps », « depuis toujours » -- depuis que femmes et hommes foulent cette zone, depuis un temps, justement, « immémorial ».
Conclusion : puisque la mer Rouge est depuis des millions d’années une « zone » indépendamment de la présence (ou non) d’êtres humains, l’adjectif « immémorial », qui renvoie par définition à la mémoire humaine, ne peut qualifier que le « brassage » humain et notamment linguistique qui s’y est produit.
Mon analyse me semble se rapprocher de quelques autres réponses, et notamment des dernières observations de lardennais. Un grand, un très grand merci à toutes et à tous d’avoir pris la peine de répondre à ma question. Reste une dernière question : David Cohen a-t-il été correctement... cité? Quelle que soit la réponse, ma propre réponse quant à « zone de brassage immémorial » resterait inchangée.