Le mot amicalité a servi à traduire le mot allemand Freundlichkeit. La phrase originale est en effet:
Diese Freundlichkeit schließt nicht etwa den Konflikt aus, sondern was sie meint, sind die humanen Formen, in denen man Konflikte überleben kann.
(Ästhetik und Kommunikation, p.46)
Or, Freundlichkeit, ce n’est pas l’amicalité, ni l’amitié, mais plutôt la gentillesse, l’affabilité, l’amabilité. Amicalité correspond mieux, je crois, à Freundschaftlichkeit, et amical à freundschaftlich. L’amitié, c’est bien sûr die Freundschaft. Être freundlich, c’est, comme je l’ai dit, être aimable, gentil.
Quant à la différence qu’il y aurait entre amitié et amicalité — en dehors du caractère un tantinet didactique, signalé par Gb, qu’a ce dernier —, il me semble, un peu paradoxalement, que des amis n’ont pas des relations amicales, mais des liens d’amitié, ce qui est différent; les relations amicales sont plutôt le propre de gens qui justement ne sont pas des amis, mais qui se traitent mutuellement comme s’ils étaient des amis. L’amicalité serait donc (si du moins mon interprétation est recevable) plus superficielle que l’amitié, laquelle implique tout de même un attachement plus profond. La Freundlichkeit, qui est le mot utilisé ici (la gentillesse), est tout à fait autre chose évidemment, puisqu’elle peut aussi s’exercer vis-à-vis de personnes qu’on ne connaît pas, qu’on voit pour la première fois.
On peut s’étonner que Habermas ait utilisé ici le mot Freundlichkeit, puisqu’il ne s’agit aucunement de gentillesse. La phrase qui précède celle citée (Gegenseitigkeiten und Distanz, Entfernungen und gelingende, nicht verfehlte Nähe, Verletzbarkeiten und komplementäre Behutsamkeit - all diese Bilder von Schutz, Exponiertheit und Mitleid, von Hingabe und Widerstand steigen aus einem Erfahrungshorizont des, um es mit Brecht zu sagen, freundlichen Zusammenlebens auf) explique, en substance, qu’il y a lieu de trouver dans les relations humaines une sorte de compromis entre distance et empathie, entre solidarité et quant-à-soi, etc. C’est donc bien le mot de amicalité qui convient ici, puisque ce vocable implique quelque chose de plus raisonné et de plus neutre que le mot amitié, plus sentimental, plus irrationnel, moins propice à la réalisation de ce compromis raisonnable.
Mais alors, Freundschaftlichkeit n’aurait-il pas été plus approprié dans l’original? Il faut remarquer que Habermas part d’une expression de Brecht, freundliches Zusammenleben, l’aimable vivre-ensemble, et, de là, ne pouvait qu'être conduit à dire Freundlichkeit.