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forum abclf » Écriture et langue française » La photographie de Balzac

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Messages [ 8 ]

1 Dernière modification par Andreas (10-02-2006 00:19:48)

Sujet : La photographie de Balzac

Bonsoir à toutes et tous !

Après avoir terminé Hernani (Hugo), je vais commencer maintenant la lecture de La Peau de chagrin de Honoré de Balzac. Pour m'informer auparavant un brin sur Balzac, j'ai visité quelques sites d'internet (Wikipedia etc.) et j'ai souvent rencontré une photographie de Balzac qui m'étonne (on la trouve ici, en plus ici ou bien ici...

Je me demande vraiment ce que voulais exprimer Balzac avec une telle photographie. J'ai trouvé l'information qu'elle a été faite par un certain M. Bisson en 1842. J'imagine qu'à cette époque-là faire faire des photographies de soi était très cher. Pourquoi donc Balzac a-t-il mis sa main ainsi sur sa poitrine, la chemise ouverte d'une façon de laisser-aller, et avec ce regard-là qui semble fixer quelque chose dans le loin ?

Celà a l'air un peu patriotique mais je ne me veux pas contenter de mon propre avis provisionnel et écouter votre avis, s'il vous plaît. Est-ce que Balzac avait l'intention de donner un certain message par cette photographie ?

Ceci devient vraiment insignifiant. - Pas encore assez.

Re : La photographie de Balzac

Bonjour Andreas,

Louis-Auguste Bisson photographie "Honoré de Balzac" en 1842. Selon Nadar, l'écrivain craignait que la photographie lui enlève une partie de son enveloppe charnelle. Cela peut expliquer sa position, détournant le visage de l'objectif et sa main posée sur la chemise ouverte au niveau du cœur.

Source : http://www.exporevue.org/magazine/fr/daguerre.html

Est-ce la main du " Napoléon des Lettres " qu’il plaque sur son cœur ? Le geste d’un serment de fidélité rappelé à celle qui, veuve depuis quelques mois, est libre désormais? Faut-il derrière ce signe voir l’ange d’une nouvelle et mystérieuse Annonciation ? Ou bien encore y lire la douleur qu’exprime un tel mouvement selon les codes de l’iconographie chrétienne ?
La lettre qu’il écrit à Mme Hanska le 14 mai, le jour où il va " se faire daguerréotyper encore", renforce considérablement cette dernière hypothèse : il lui confie l’angoisse qui l’étreint devant la nécessité de " Toujours créer ! Toujours ! " alors qu’il est "   assailli de soucis matériels". " C’est à en perdre la tête. - Oh ! quand viendra vous et la tranquillité. Jamais homme n’aura été préparé par la souffrance pour le bonheur, autant que moi ! "

Source : http://www.paris-france.org/Musees/Site … eotype.htm

Ce portrait, qui se démarque nettement de la production stéréotypée de l’époque, représente le modèle dans une pose non conventionnelle, en buste, une main glissée dans la chemise ouverte à l’endroit du cœur (le document présenté est un double inversé d’une vue stéréoscopique), la tête légèrement de biais. Le fait que Balzac ne regarde pas l’objectif traduit sa défiance vis-à-vis du nouveau procédé, dont il redoutait le caractère magique qui pouvait le priver de son enveloppe charnelle.

Source : http://www.votreforum.net/viewtopic.php?t=17492

Encore une page qui mérite d'être vue : http://etudesphotographiques.revues.org … nt193.html

Re : La photographie de Balzac

Merci mille fois, Valéry !
C'est très interéssant de savoir qu'au fond Balzac avait peur de cette nouvelle téchnique. C'était donc une position d'anxiété et d'«auto-défense» contre ces pouvoirs magiques qui auraient pu enlever sa chair...
Je suis impressionné.

Ceci devient vraiment insignifiant. - Pas encore assez.

Re : La photographie de Balzac

smile Méfiance, tout de même...  Comme ses contemporains en vue, Balzac aimait à se faire tirer le portrait. Il faisait de son image photographique un outil de promotion et fut un adepte de ce que le milieu du siècle appela « la photo-carte » (de visite).
Il connaissait et admirait Daguerre depuis une époque antérieure à sa collaboration avec Nièpce. Il en brocarde d'ailleurs la première invention (le diorama) dans le récit d'un dîner à la pension Vautrin. Et mieux que ça, il suggère à qui veut l'entendre qu'il est lui-même à l'origine de la découverte du daguerréotype, sous prétexte qu'il en décrivait le principe dans Louis Lambert trois ou quatre ans avant sa présentation devant l'Académie des sciences.
Selon Nadar (mais à ma connaissance, il n'y a que lui qui l'affirme), Balzac aurait établi une « théorie des spectres » qui voudrait que tout être soit composé, à l'instar d'un gros oignon, d'une multitude de couches infinitésimales et volatiles susceptibles de se détacher et de se déposer un peu partout, sur divers surfaces et a fortiori celles qui sont dites sensibles. A mon avis, si Balzac ne craignait pas que la caféine lui fiche la pécole, il est peu plausible qu'il en eût soupçonné le bruit d'un obturateur.
Soutenir qu'il avait peur de la photographie, ou même (comme on peut le lire sur des sites en anglais) qu'elle le terrorisait, c'est accorder beaucoup de crédit à un portraitureur de stars qui cherche à se faire mousser.
Par contre, je verrais bien Nerval ou Gautier lui raconter ce genre de choses, au Tournachon...
hmm

Re : La photographie de Balzac

Balzac était fier de la beauté de ses mains, d'où l'étalage sur la poitrine.
Balzac ne pouvait se retenir d'admirer Napoléon, bien qu'il fût profondément royaliste : d'où la posture napoléonienne.
Balzac est contemporain du romantisme, et romantique par bien des aspects : d'où le col ouvert de la chemise...

Bref, nous avons là un portrait de l'auteur en Eugène de Rastignac.

Quant au regard qui se détourne de l'objectif par peur de se faire voler son âme, pur pipeau : Balzac est vu aussi de trois quarts par Louis Boulanger, pour le célèbre portrait de Balzac en robe de chambre. Cette pose lui va bien, il demande au photographe de la reproduire.
(Ou alors, il aurait eu peur, aussi, que le peintre lui vole son âme...)

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

6 Dernière modification par Ecirbaf (11-02-2006 03:33:59)

Re : La photographie de Balzac

Dutronc se demandait, dans On nous cache tout, on nous dit rien, pourquoi Napoléon mettait sa main dans son giron.
  Peut-être souffrait-il simplement de l'estomac ?
Mais pour Balzac, la main est plus haute malgrè l'abus de café.

Ce qu'omet une liste d'interdictions est libre. L'énoncé de droits condamne ce qui n'est pas cité.

Re : La photographie de Balzac

Balzac prend une pose napoléonienne, mais il ne prend pas la pose de Napoléon, qui ne met pas du tout en valeur la beauté des mains.
Il illustre ainsi le vers de Musset : « Ah frappe-toi le cœur, c'est là qu'est le génie ! »

... ne supra crepidam  sutor iudicaret. Pline l'Ancien

Re : La photographie de Balzac

La main sur le coeur me semblait jusqu'à présent une image classique du salut de l'artiste qui a mis tout son coeur à la représentation qu'il vient de donner ; de la volonté d'afficher sa sincérité de la part de quelqu'un qui prête serment qui déclame ou chante un hymne...

"La douceur est invincible." Marc Aurèle

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