Sujet : Insupporter
Je découvre avec étonnement que le verbe insupporter serait « considéré comme incorrect grammaticalement » et que « assez prétentieux et faussement littéraire, [il] ne s'est jamais réellement implanté dans la langue. »
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Je découvre avec étonnement que le verbe insupporter serait « considéré comme incorrect grammaticalement » et que « assez prétentieux et faussement littéraire, [il] ne s'est jamais réellement implanté dans la langue. »
Votre étonnement m'étonne un peu. Les reproches faits à ce verbe depuis maintenant assez longtemps me paraissent justifiés. En revanche, il tend indéniablement à « s'implanter dans la langue » !
« Insupporter » a été créé à partir d' « insupportable ». Est insupportable ce que l'on ne peut supporter. La transitivité de supporter est mise à mal avec « insupporter ».
On substitue avantageusement « Son orgueil m'est insupportable », « Son orgueil me hérisse », « Son orgueil m'exaspère », « Son orgueil m'excède »… à « Son orgueil m'insupporte ».
J'ai entendu plus d'une fois ce mot sans l'analyser. C'est effectivement une curieuse construction. En transposant à d'autre verbes, on obtiendrait : c'est immangeable -> ça m'immange ; c'est inimaginable -> ça m'inimagine. J'admets que c'est une faute.
"Insupporter" fait partie de ces mots qui alimentent régulièrement les chroniques langagières et les rubriques "ne dites pas... dites..." et ce, depuis longtemps. D'ailleurs la citation de Robert le Bidois dans le premier article de ce fil est de 1966 ! Abel Hermant, dans une séance à l'Académie de 1930, raillait : "et puisqu’il plait maintenant aux gens du monde, voire à certains hommes de lettres, de dire : « Cette femme m’insupporte », il faudra bien que s’ils s’adressent à « cette femme » directement, ils lui disent : « Madame, il ne me conviendrait pas que vous m’insupportassiez plus longtemps."
Je n'utilise pas moi-même ce verbe parce je sais qu'il ne faut pas l'utiliser si l'on veut respecter le bon usage, mais le crime ne me semble pas si grand que ça. Les reproches qu'on lui fait sur son manque de correction grammaticale, on pourrait les faire sûrement à nombre de mots que l'usage a finalement acceptés et qui sont tout aussi mal formés.
Intéressant de voir que le TLFi qualifie l'usage de familier ou de régional (Ouest) ; il me semble, Alco, que vous nous parlez souvent de cette région, où vous avez peut-être entendu ce verbe plus souvent qu'ailleurs. L'Académie l'a quand même intégré dans la dernière édition de son dictionnaire sans le condamner complètement : « XIXe siècle. Dérivé d'insupportable. Fam. Être insupportable à quelqu'un. Cette façon de parler m'insupporte. Il est plus correct de dire : Cette façon de parler m'est insupportable. »
Intéressant de voir que le TLFi qualifie l'usage de familier ou de régional (Ouest) ; il me semble, Alco, que vous nous parlez souvent de cette région, où vous avez peut-être entendu ce verbe plus souvent qu'ailleurs.
Non, pas particulièrement, en tout cas pas dans le langage courant ou populaire. Il me semble que ce verbe a un semblant de vernis affecté.
Les reproches faits à ce verbe depuis maintenant assez longtemps me paraissent justifiés.
C'est effectivement une curieuse construction.
À une époque pas si lointaine (le XXe siècle) j'utilisais volontiers ce mot, mais il ne m'est jamais venu à l'idée de le chercher dans le dico, tellement j'étais certain de son incorrection : pour moi, il a toujours relevé du vocabulaire plaisant, moqueur, ironique.
Je constate aujourd'hui, avec un léger étonnement, qu'il figure – daté de 1864 – au petit et au grand Robert (qui cite Proust), avec toutefois la mention « fam. et par plais. » Que vouloir de plus ?
Vos autres remarques sont justes, mais je retiens surtout celle d'Abel :
Les reproches qu'on lui fait sur son manque de correction grammaticale, on pourrait les faire sûrement à nombre de mots que l'usage a finalement acceptés et qui sont tout aussi mal formés.
Sic nascit omnia.
ABel Boyer :
Je n'utilise pas moi-même ce verbe parce je sais qu'il ne faut pas l'utiliser si l'on veut respecter le bon usage,
Le bon usage ! Le bon usage d'un couteau, c'est de le tenir par le manche, le bon usage d'un vélo, c'est de pédaler vers l'avant, maisqui décide du bon usage en matière de langue ?
Qui décide que, si d'aventure on se rencontre, on se serrera la main plutôt qu'on se frottera le nez ? Ce sont là des conventions arbitraires bien discutables mais qu'il est assez commode de respecter pour vivre paisiblement en société. Cela dit, il y a des milliers de pages sur le « bon usage » que vous connaissez surement et je crois que nous en avons déjà discuté.
Le bon usage est en effet une convention arbitraire sans aucune valeur linguistique.
Vraiment ? Vous vous faites le champion de ce fameux bon usage dont personnellement je ne fais aucun cas.
Vraiment ? Vous vous faites le champion de ce fameux bon usage dont personnellement je ne fais aucun cas.
La forme irréprochable, me semble-t-il, de cette phrase, ne contredit-elle pas au moins partiellement son fond ?
Je ne vois pas comment on pourrait ne faire aucun cas de l'usage. On peut certes essayer de distinguer usage et bon usage mais ce n'est peut-être pas si simple.
Je ne me suis jamais fait le champion du "bon usage" ; mais je le connais, tel qu'il est généralement codifié, je l'applique assez souvent moi-même tout comme vous, par la force de l'éducation et des habitudes, et je le rappelle dans mes interventions afin d'offrir au lecteur une information plus complète que mon seul point de vue. Au lecteur de se faire une opinion !
On peut certes essayer de distinguer usage et bon usage mais ce n'est peut-être pas si simple.
En effet, il n'y a aucune différence entre usage et bon usage ; tout usage est bon, puisque c'est l'usage.
C'est bien la question !
Apparemment, vous avez la réponse et vous seriez bien aimable de nous la communiquer. D'ici là, disons que usus fit utendo.
À une époque pas si lointaine (le XXe siècle) j'utilisais volontiers ce mot, mais il ne m'est jamais venu à l'idée de le chercher dans le dico, tellement j'étais certain de son incorrection : pour moi, il a toujours relevé du vocabulaire plaisant, moqueur, ironique.
Je constate aujourd'hui, avec un léger étonnement, qu'il figure – daté de 1864 – au petit et au grand Robert (qui cite Proust), avec toutefois la mention « fam. et par plais. »
On le trouve encore plus tôt : par exemple en 1838 dans une pièce de St-Yves, de Villiers et Ratier, Rose et Colas :
Chover a écrit:On peut certes essayer de distinguer usage et bon usage mais ce n'est peut-être pas si simple.
En effet, il n'y a aucune différence entre usage et bon usage ; tout usage est bon, puisque c'est l'usage.
Je ne cherche pas du tout à relancer un débat, forcément sans fin, sur le bon usage.
Et je ne possède d'ailleurs pas une connaissance suffisamment approfondie de la langue pour pouvoir apporter le moindre argument au débat sur ce forum.
J'ai trouvé dans Gallica un petit texte qui me semble toutefois intéressant pour nourrir la réflexion sur le sujet.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k … f/f67.item
S'il faut dire faisanneaux ou faisandeaux.
CHAPITRE XXIII
Nicod a dit faisanneaux , & quelques-uns
le disent encore présentement. C'est en
effet comme il faudroit dire selon l'analogie;
car ce mot est un diminutif de faisan. Mais
l'usage est pour faisandeaux. C'est donc com-
me il faut parler. Et il y a mesme déja long-
temps qu'on parle de la sorte, ce mot se trou-
vant dans Rabelais livre 4. chap. 59. On a
prononcé faisand , au lieu de faisan ; ce qui a
fait qu'on a dit faisandeau. Du mesme mot
faisand , on a fait aussi le verbe faisander.
Ainsi on dit, La volaille qui vit dans les bois,
se faisande , & non pas , se faisanne.
(Gilles Ménage, Observations de Monsieur Ménage sur la langue française, 1672)
Si j'ai bien compris, cet auteur du XVIIe siècle, semble considérer ici, et aussi ailleurs dans le texte, que ce qui s'impose dans la langue parlée, c'est ce qui doit finir par devenir l'usage, le bon usage (?).
De manière générale, l'oral précède l'écrit. C'est essentiellement la langue parlée qui fixe l'usage, je crois. En revanche, « bon usage » m'évoque au moins autant la langue écrite que l'orale.
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