Alco a écrit:J'ai déjà soulevé ici l'hypothèse d'une persistance du celtique dans la langue française, en particulier dans le parler populaire. Je crois me souvenir que la teneur des réponses était le scepticisme, compte tenu de la distance qui nous sépare de l'époque où on parlait celtique sur la majeure partie de notre territoire.
Ce n'est pas tant une question de temps que d'influence civilisationnelle.
Alco a écrit:
Et pourtant... en tant que celtisant, je suis frappé de certaines similitudes entre des formes de parler populaire, condamnées comme fautives par la norme officielle, et les équivalents dans les deux langues celtiques que je connais assez bien, le breton et l'irlandais.
Deux exemples :
- Le français populaire ignore les pronoms relatifs dont, duquel, de laquelle, desquels, et leur préfère la tournure avec que : la femme que j'ai vu son mari ce matin. Même syntaxe en breton et en irlandais.
- La condition, introduite par si, est normalement formulée à l'imparfait : elle boirait si elle avait soif. Or le français populaire, à l'instar du breton et de l'irlandais, utilise deux fois le conditionnel : elle boirait si elle aurait soif.
Pour dont, ce n'est pas si évident.
D'autre part, la tournure populaire que vous évoquez témoigne d'une simplification innée nullement propre au français. Quand je parle de simplification, ce n'est évidemment pas par rapport à une norme savante qu'ignorent les illettrés : il s'agit plutôt d'une sorte de création spontanée face à un énoncé complexe à fournir. Cela dit, dans certaines langues, comme le grec moderne, ce n'est pas une tournure nécessairement incorrecte. En grec, le pronom relatif est presque devenu invariable dans les usages courants, et il faut le secours d'un pronom personnel dans la relative pour assurer la clarté syntaxique.
Croyez-vous que Robert de Clari, historien de la 4ème croisade sans prétention littéraire, ait été influencé par le gaulois quand il écrit ? Bien sûr, il devait connaître la norme latine classique, comme tout clerc, et pourtant il évite le calque en (ré)inventant un mode d'expression plus simple, et le gaulois n'y est sûrement pour rien ! :
Ceu vaslés si fu fix l'empereur Kyrsac de Constantinoble, que uns siens freres li avoit tolu l'empire.
= Ce jeune homme était le fils de l'empereur Isaac de C., à qui son frère avait ravi le pouvoir (on a que... li au lieu de cui ; jamais CdT n'aurait écrit ainsi).
Quant à si j'aurais..., c'est l'exemple même de la normalisation populaire qui a tout à fait sa logique. Dans votre exemple précis, on aurait les mêmes modes dans la subordonnée et la principale en latin, en grec, en russe, en finnois...
Alco a écrit:Ces traits de langage, parmi d'autres, m'ont choqué quand je me suis trouvé à côtoyer des milieux populaires (j'ai été élevé dans une famille où on avait à cœur de bien parler le français), tout formaté que j'étais par la norme scolaire. J'ai compris, par la suite, qu'il se répétaient et qu'ils appartenaient à une autre norme qui n'était pas celle de l'Académie.
Sans doute, mais je ne vois pas comment on peut attribuer ces usages au gaulois. C'est une langue "qui n'a pas eu de chance" (je ne sais plus quel linguiste a dit cela), non en raison de sa nature - qu'est-ce que la nature d'une langue -, mais pour des raisons tout simplement historiques.
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil