Sujet : « Statut » de l'animal ?
Bonjour.
Toute la classe médiatique et politique adopte comme un seul homme ce terme de statut en l'appliquant aux animaux, et j'ai beau repasser sur le TLFi je ne vois aucun usage qui le permette, même de loin.
Nécessairement, on va distinguer bientôt entre « statuts » des animaux sauvages ou domestiques ou d'élevage ; dans ce dernier cas on distinguera encore plusieurs « statuts » selon la destination de cet élevage ; on ne verra pas le même « statut » à une truite d'élevage, à un poisson d'agrément dans un aquarium et à un chien d'avalanche ou d'aveugle. Si donc la loi adopte ce terme de « statut » pour les animaux en général, les applications vont se multiplier : les incidences linguistiques sont très importantes.
Il s'agirait d'une classification juridique, continuant de considérer les animaux comme un « bien » tantôt dit « meuble » tantôt dit « corporel » - qu'est-ce qu'un bien corporel ? -, et surtout d'une révolution les définissant comme êtres vivants sensibles, alors que je ne vois pas comment un être, différencié ici de l'existant ou du seul être-là, se pourrait autrement que vivant et sensible, et que la distinction aussi bien d'avec les végétaux et d'avec l'homme est cruellement insuffisante, pour ne pas dire, dans les deux sens du mot, insignifiante. Philosophiquement je ne vois que le degré d'autonomie et de conscience de soi et d'autrui, idée incluse dans celle d'autonomie, qui permette une différenciation satisfaisante. Rien qui se rapproche de l'idée de statut.
De surcroît, l'idée de statut au seul sens juridique impliquait semble-t-il jusqu'ici, au moins selon le TLFi, des droits et des devoirs. Or quelle idée un animal aurait-il de ses droits, et à bien plus forte raison de ses devoirs ?
Je trouve qu'on est en train de déconstruire notre langage et nos notions, et à chaque fois sous couvert d'un progrès : l'idée de progrès au service de la régression, je le dis carrément. En tant qu'être humain, en tant que personne civilisée d'une certaine époque et d'une certaine culture, et en tant que locuteur d'une langue, je me sens atteint.
Je sais qu'ABC n'est ni un forum naturaliste - classification du vivant -, ni un forum juridique, ni un forum politique, ni un forum philosophique, mais nous sommes en plein cœur de la langue et de ses usages, de la culture qui s'y rattache, de sa propre histoire et de son inscription dans l'histoire, de ses notions qui s'énoncent et se déclinent par le vocabulaire les unes par rapport aux autres en un corpus pensé et organisé.