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Le forum d'ABC de la langue française

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forum abclf » Histoire de la langue française » bradelier, bradelière

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Messages [ 16 ]

Sujet : bradelier, bradelière

Encore un mot rare que je compte bien vous voir m'aider à trouver, chers amis de l'ABC. Celui-ci est de Jean Lorrain. C'est « bradelier », je suppose, qui fait « bradelière » au féminin :

« Je tiens absolument à être imprimé et à paraître moi aussi dans cette Vogue idéale malgré la prose de miss America Fénéon et le Tétraque Emeraude-Archypetas (notez que je ne hais point du tout Salomé emmousselinée de gaze jaune à pois noirs), je la trouve suavement bradelière et clownesque avec son jeu de poulies et j’ai assez mouillé sur ses objets de toilettes, la grande cuvette d’ivoire, l’énorme éponge toute blanche et les espadrilles roses... »,
(J. Lorrain, Correspondance Jean Lorrain–Joris-Karl Huysmans : suivie de poèmes, dédicaces et articles, Tusson (16410) : du Lérot, 2004, p. 36).

Je compte sur vos habituelles lumières. Bien cordialement,

Argyre

2 Dernière modification par éponymie (29-10-2012 11:16:25)

Re : bradelier, bradelière

Pas dans le DVLF non plus, un utilisateur s'est posé la question l'alimentant de manière fort peu constructive (on ne peut pas - à ma connaissance - modifier une définition une fois qu'elle a été saisie) :

http://dvlf.uchicago.edu/mot/bradelier

Il y a un Bradelier festival en Hollande, je ne sais pas s'il y a un rapport. Cela ressemble à un mix de foire du Trône, de Printemps de Bourges, de cirque, de braderie et autre chose encore et ça dure 8 jours. C'est en aout à De Lier d'où BradeLier (il semble que braderie se dise en hollandais, voir le lien ci-dessous : on voit qu'il y a braderie deux jours entiers).

http://www.hethelewestland.nl/nieuws/pr … lier_2012/

Le wikipedia anglais ne donne guère d'info, les versions française et italienne encore moins. Vérifier la version allemande.

Ce site donnera certainement des informations mais - conçu pour les touristes en partance - il ne donne pas d'info  sur les évènements passés et ne voit pas plus loin que 8 mois à l'avance.

http://www.zuid-hollandinfo.nl/welcome.asp?lang=3

Savoir ce qu'est cette manifestation et comment elle est perçue aidera probablement à cerner le sens de l'adjectif. Si c'est bien la bonne piste neutral

Re : bradelier, bradelière

On pourrait penser à un mot créé pour la circonstance, peut-être formé d'après un patronyme Bradel (ou Bradelier), peut-être le nom d'un clown ou d'un acrobate. Je n'ai rien trouvé en fait ! Le contexte n'aide pas beaucoup ! Il ne faut pas non plus négliger les erreurs de lecture, qui obligent aussi à s'interroger sur des mots voisins badelière, brandelière, braudelière, etc.

Re : bradelier, bradelière

Les deux correspondants sont des auteurs du XIXe

http://www.jeanlorrain.net/index.php?op … p;Itemid=1

http://www.espacefrancais.com/joris-karl-huysmans/

Même si le second est d'origine néerlandaise par son père, ma belle hypothèse me semble bien compromise. Dommage sad

5 Dernière modification par regina (29-10-2012 16:19:53)

Re : bradelier, bradelière

Il faudrait savoir de quel tableau ou de quelle illustration parle Jean Lorrain. La revue La Vogue a publié en 1886 la nouvelle de Jules Laforgues Salomé. Peut-être y avait-il en couverture ou à l'intérieur de la revue une illustration? 

Que Jean Lorrain fasse allusion à une illustration ou au texte même de Laforgues, c'est au fond de peu d'importance. Il décrit un personnage à la fois séduisant et grotesque, la mousseline jaune à pois noirs est surprenante...
Je pense à un détournement de l'expression à la Bradel dont on se sert pour des reliures et qui indiquent un dos brisé, un dos sans nerfs.    L'allusion au jeu de poulies pourrait faire penser à une sorte de marionnette désarticulée , bradelière serait alors un raffinement d'écrivain dandy qui joue à transformer , à donner un tour précieux à une expression technique.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

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Re : bradelier, bradelière

Je n'avais pas porté attention à la référence du texte, donnée par Argyre, mais si les termes sont de Huysmans (il s'agit de courriers, il peut y avoir des échanges), il n'y a guère de quoi s'étonner : J-K. H. reste un grand spécialiste des néologismes antiques et des hapax abscons. Et si ce n'est lui, c'est donc son frère...

elle est pas belle, la vie ?

Re : bradelier, bradelière

Document sur la guerre de 30 ans faisant allusion à un "fortin de la Bradelière" sur l'île Sainte-Marguerite (archipel de Lérins) au large de Cannes.

"La douceur est invincible." Marc Aurèle

Re : bradelier, bradelière

Et un lieu-dit "Les Bradelières" est cité dans le Dictionnaire topographique du département de Mayenne comme étant situé sur la commune d'Ernée.

"La douceur est invincible." Marc Aurèle

9 Dernière modification par Perkele (30-10-2012 15:18:28)

Re : bradelier, bradelière

Quant à la Salomé emmousselinée de jaune à pois noirs, elle est là.

Salomé de Jules Laforgue a écrit:

Au bout d'un couloir humide, interminable, sentant presque le guet-apens, l'Ordonnateur ouvrit une porte verdie de mousses et de fongosités dignes d'écrins, et l'on se surprit en plein dans le grand silence de ce fameux parc suspendu ah ! juste à temps pour voir disparaître au détour d'un sentier le frou-frou d'une jeune forme hermétiquement emmousselinée d'arachnéenne jonquille à pois noirs, escortée de molosses et de lévriers dont les abois gambadeurs, et tout sanglotants de fidélité, allèrent se perdant en lointains échos.

Il me semble qu'il y a beaucoup de verdure dans ce chapitre (sol d'aiguilles de pins, champs d'asperges...) ; ne voudrait-il pas dire qu'il la trouve "champêtre" par cette allusion et "clownesque" par le contraste des couleurs ?

Je pensais à un rapport avec brèdes (feuilles commestibles) brad (le pré en breton)...

"La douceur est invincible." Marc Aurèle

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Re : bradelier, bradelière

S'il ne s'agissait d'orfèvres es langue française, on eût pu penser à une déformation (ou une coquille) pour le suave bordelière : habituée des bordels, traînée. Mais le contexte (littéraire) ne me semble pas approprié...

elle est pas belle, la vie ?

11 Dernière modification par Abel Boyer (30-10-2012 23:01:51)

Re : bradelier, bradelière

Bordelière ? Je me demande si ton intuition n'est pas la bonne ; le contexte n'est pas si littéraire que ça, c'est une correspondance assez relâchée, Lorrain dit qu'il mouille sur les objets de toilette,  ... Tout cela est fondé sur le texte de Laforgue, où l'on peut lire, dans un extrait voisin de celui que cite plus haut Perkele :

Hissé là-haut, et pneumatiquement, ma foi, le cortège traversa prestement sur la pointe des pieds les appartements de Salomé, entre maint claquement de porte par où s'évanouirent deux, trois dos de négresses aux omoplates de bronze huilé. Même, au beau milieu d'une pièce lambrissée de majoliques (oh, si jaunes!) se trouvait abandonnée une énorme cuvette d'ivoire, une considérable éponge blanche, des satins trempés, une paire d'espadrilles roses (oh, si roses!). Encore, une salle de livres, puis une autre encombrée de matériaux métallothérapiques, un escalier tournant, et l'on respira à l'air supérieur de la plate-forme, - ah ! juste à temps pour voir disparaitre une jeune fille mélodieusement emmousselinée d'arachnéenne jonquille à pois noirs, qui se laissa glisser, par un jeu de poulies, dans le vide, vers d'autres étages !...

On peut donc penser à une évocation de maison close, pourquoi pas. Même le jeu de poulies peut évoquer d'un côté le cirque, mais de l'autre des jeux érotiques plus ou moins complexes.
Cela dit, je pense que Lorrain, ou le livre original qui le cite, a commis quelques erreurs de copie, à moins qu'elles soient volontaires. En effet, on lit Tétraque Emeraude-Archypétas, là où il faudrait lire tétrarque et Archétypas. La place de la deuxième parenthèse semble aussi douteuse.
Argyre, vous qui avez le livre et les notes, qu'est-ce donc que miss America Fénéon (je connais Félix Fénéon , mais je ne vois pas le rapport avec miss America) ?
Piotr, il faudra copier cent fois que "ès", contraction de "en les" s'utilise devant un pluriel. Alors les "orfèvres es langue française", ici, sont malvenus, sauf si tu invoques la protection du TLFi qui note :

− P. ext. [Devant des noms au sing. dans des dénominations non officielles] « Mérodack, votre élève ès-provençal, si vous voulez » (Péladan, Vice supr.,1982, p. 136).À un étudiant ès philosophie (Benda, Fr. byz.,1945, p. 288).
− [Devant des noms au sing.] Jeter le coup d'œil du maître ès camouflage sur votre déguisement (G. Leroux, Parfum,1906, p. 155).Les conseils d'un ami, maître ès dandysme (Queneau, Exerc. style,1947, p. 45).
Rem. 1. Il y a méconnaissance de l'étymol. du mot dans les emplois devant des noms au sing. Il semble que pour le sens ling. actuel, ès soit devenu synon. de "en".

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Re : bradelier, bradelière

Cela dit, je pense que Lorrain, ou le livre original qui le cite, a commis quelques erreurs de copie, à moins qu'elles soient volontaires.

Je ne crois pas à des erreurs mais à des détournements qui se veulent sophistiqués, typiques de ces écrivains décadents.

En ce qui concerne Tétraque Emeraude-Archypétas, je ne vois pas encore, mais le lien entre Miss america et Fénéon est peut-être plus facile à établir. Le numéro de la Vogue auquel il était fait allusion est le n°6 , année 1886, c'est celui où est publié le texte de Laforgue.

Félix Fénéon écrit souvent à cette époque dans cette revue, enfin en 1885 ( donc peu de temps auparavant) est paru un roman de Félicien Champsaur intitulé Miss America.

Au fond dans cette lettre à Huysmans Jean Lorrain , malgré les tournures hautement sophistiquées,  descend en flèche ces autres écrivains, ses concurrents.  Parler de la prose de miss America Fénéon  revient à dire que Fénéon écrit à la façon de Champsaur, peut-être qu'il l'imite, qu'il n'a pas de style personnel, que l'un et l'autre sont bonnet blanc et blanc bonnet, c'est du moins une interprétation possible.

Quant à Laforgue, il n'aurait réussi qu'à transformer Salomé en un être mi-clown mi-prostituée : je pense également à présent que ce bardelière pourrait être une tournure affectée, euphémisante, pour bordelière.

" Wer fremde Sprachen nicht kennt, weiß auch nichts von seiner eigenen."   J.W.v.Goethe

Re : bradelier, bradelière

regina a écrit:

[...] le lien entre Miss america et Fénéon est peut-être plus facile à établir. Le numéro de la Vogue auquel il était fait allusion est le n°6 , année 1886, c'est celui où est publié le texte de Laforgue.

Félix Fénéon écrit souvent à cette époque dans cette revue, enfin en 1885 ( donc peu de temps auparavant) est paru un roman de Félicien Champsaur intitulé Miss America.

Excellent. Je ne connaissais que le "Bandeau" de Champsaur, qui était dans la bibliothèque familiale dans mon enfance mais qu'on m'avait prié de ne pas lire encore !
Champsaur a aussi publié en 1886 Entrée de clowns. Un rapport avec le "clownesque" ?

Au fond dans cette lettre à Huysmans Jean Lorrain , malgré les tournures hautement sophistiquées,  descend en flèche ces autres écrivains, ses concurrents.  Parler de la prose de miss America Fénéon  revient à dire que Fénéon écrit à la façon de Champsaur, peut-être qu'il l'imite, qu'il n'a pas de style personnel, que l'un et l'autre sont bonnet blanc et blanc bonnet, c'est du moins une interprétation possible.

C'est possible, mais je crois finalement qu'il doit manquer une virgule entre Miss América et Fénéon, et que ces deux n'ont rien d'autre à voir que d'être dans les colonnes de Vogue.

14 Dernière modification par regina (31-10-2012 15:34:45)

Re : bradelier, bradelière

Mais le roman Miss America n'a jamais été publié dans  La Vogue et Felicien Champsaur n'est pas dans les écrivains mis au programme de cette revue. En tout cas ni son nom ni ses oeuvres n'y sont associés. D'où mon idée d'un rapprochement méprisant voulu par Lorrain.

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Re : bradelier, bradelière

Autant pour moi. Je ne connais pas en profondeur les styles respectifs de Champsaur et de Fénéon, mais je n'ai pas l'impression qu'ils soient si proches que ça. Tout cela reste bien mystérieux !

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Re : bradelier, bradelière

Si, si, cher Abel, ils sont proches, en ce qu'ils sont tous deux des écrivains « fin-de-siècle ». Je suis bien placé pour savoir que par-delà les différences de mouvements (réalistes, naturalistes, décadents, symbolistes, romans, etc.), les écrivains de cette époque entretiennent une profonde communauté d'« écriture », au sens où Barthes et — précisément — Valéry et les symbolistes l'entendaient.

Je rédige d'ailleurs, à mes moments perdus, un dictionnaire de la langue de cette période, en m'appuyant sur le TLF et Plowert — et vous ! Si cela peut susciter des vocations, toute collaboration m'intéresse !

Argyre

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