Monsieur l'Ambassadeur a écrit:Arrêtons ce nationalisme et chauvinisme ringard.
Oui bien sûr : chauvinisme ringard, combat d’arrière-garde, il me semble avoir déjà entendu cela quelque part.
Selon Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur, il faudrait sans doute, à cette nouvelle venant de la RDC, feindre l’indifférence, prendre un air désabusé, ou mieux : s’en réjouir, se féliciter des défaites du français, et puis se confondre en auto-flagellations, reconnaître ses insuffisances, que dis-je, revendiquer son infériorité ! Après vous, messieurs les Anglais !
Personnellement, je n’ai pas honte de dire que mon sang s’est glacé quand j’ai lu cette (fausse) nouvelle ; je n’ai pas, moi, la hauteur de vue de monsieur l’Ambassadeur. La disparition du français dans la RDC, par simple décision du gouvernement actuellement en place (et non parce que le peuple congolais le désirerait) eût été proprement une catastrophe, une position de première importance, une de plus, perdue au profit de l’anglais ; dans le cas de la RDC, pays grand comme quatre fois la France, 180 millions d’habitants d’ici cinquante ans selons les prévisions, c’est, ni plus ni moins, un désastre. Mais s’en émouvoir, c’est, aux yeux d’un ancien ambassadeur de France, témoigner d’un nationalisme rance.
Mais quelle est ce parallèle qui est fait entre la situation du Congo d’une part, et celle de l’île Saint-Martin et de la Guinée équatoriale d’autre part ? On parle un créole anglais sur cette île ; c’est un fait connu et entendu. Mais quel rapport avec le Congo ? On n’y parle pas de créole anglais, ni même de pidgin, et la population, dans sa grande majorité, ne réclame pas que l’anglais devienne langue officielle. Si le français langue officielle est une usurpation en RDC, en quoi l’anglais le serait-il moins ?
Quant au pidgin en Guinée équatoriale, il ne concerne que la seule île de Fernando Pô. Dans la partie continentale du pays, ce sont les langues bantoues, au premier rang desquelles le fang, qui règnent, aux côtés de l’espagnol, langue de l’ancien colonisateur. Le pidgin, du reste, demeure très éloigné de l’anglais proprement dit. Toutes ces informations se trouvent sur l’excellent site de l’université Laval, « L’aménagement linguistique dans le monde », dont voici l’adresse :
http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/afrique/g … oriale.htm
Que peut-on lire encore sur ce même site? Oh ! rien, sans doute, que notre ambassadeur ne connaisse déjà. Cependant, les faits décrits peuvent n’être pas connus de certains des colistiers ; je me permets donc la citation suivante:
Arrivé au pouvoir (en 1979), le colonel Teodoro Obiang Nguema Mbazogo (devenu depuis général) adoucit un peu les méthodes de son oncle. Il proclama d’abord une amnistie pour les exilés, mais son régime continua de violer délibérément les droits de l'homme, de pratiquer le népotisme et l’autocratie, de perpétuer la corruption endémique ainsi que l’incompétence et l’irresponsabilité. Formée de plusieurs centaines de militaires marocains (environ 700 hommes), sa Garde présidentielle sema l’effroi et brisa toute velléité d'opposition. Considérant la Guinée équatoriale comme sa propriété privée, le président Teodoro Obiang en disposa à sa guise; il s'appropria les meilleures terres et préleva une taxe à des fins personnelles sur l'exploitation pétrolière. Comme son oncle Macías, il fit régner la terreur, et plus de 100.000 habitants, sur les quelque 350.000 que comptait alors le pays, durent chercher refuge au Cameroun, au Gabon et au Nigéria. Selon l’organisme Amnistie International (rapport de 1993), la torture y serait systématiquement appliquée: «Coups assénés à l'aide de bâtons, de fouets et de matraques sur la plante des pieds, le dos et les fesses, décharges électriques sur les parties génitales, et suspension des prisonniers par les bras ou les pieds». On estime que 10 % des suppliciés en meurent. Par ailleurs, au mépris de toutes les conventions internationales, les prisonniers sont soumis au travail forcé et «contraints de travailler dans les plantations appartenant au président». Quant aux femmes, elles sont violées et «obligées de danser nues devant les gardes de sécurité».
En août 1982, Obiang fut reconduit pour sept ans dans ses fonctions de chef de l'État par le Conseil militaire. Depuis, le régime, continuellement menacé par des tentatives de putsch, ne semble survivre qu'en recourant à l'aide massive de l'étranger, notamment celle de la France qui s'évertue à supplanter l'Espagne.
Le gouvernement français a même réussi à faire entrer le pays dans la zone franc en 1985 — l’ékwélé a été remplacé par la franc CFA (ou Communauté financière africaine) —, alors que l’Espagne restait encore le principal bailleur de fonds. Toutes les inscriptions des nouveaux billets équato-guinéens en franc CFA portent des inscriptions en français, ce qui peut occasionner quelque inconvénient, car la monnaie précédente avait toujours porté des inscriptions seulement en espagnol. Cette poussée vers l'Afrique francophone irrita certains militaires qui s'opposaient à l’envahissement de la France en Guinée équatoriale. Depuis l’adoption du franc CFA, les dirigeants équato-guinéens peuvent maintenant sortir de l’argent du pays et tirer de plantureux profits dus à l’exploitation du pétrole.
Candidat unique du Parti démocratique de Guinée équatoriale, le général Teodoro Obiang fut réélu au suffrage universel avec 99,9 % des voix, lors des élections présidentielles de juin 1989. Au cours des années quatre-vingt-dix, la garde prétorienne d’origine marocaine, que les Équato-Guinéens appelèrent dorénavant les «tontons macoutes», fut dirigée par le propre frère du général Obiang, tandis que les soldats étaient formés, entraînés et équipés... par la France.
En septembre 1988, la visite en France du président Teodoro Obiang, reçu chaleureusement à l'Élysée, traduisit le rapprochement des deux pays. La Guinée équatoriale sollicita son entrée dans la Francophonie (1989) et le français fut officiellement élevé au rang de «langue de travail» dans le pays. Le 23 avril 1993, lors d’un second séjour, le dictateur équato-guinéen a eu droit aux mêmes honneurs. En 1998, le français est devenu la «seconde langue officielle» de la Guinée équatoriale.
Tout cela est choquant, n'est-ce pas, mais peu apte néanmoins à étonner quiconque connaît la « Françafrique » durant les années miterrandiennes (voir à ce sujet les communications de l’association Survie France). Alors, question à Son Excellence : vous qui fûtes, selon vos propres dires, ambassadeur de France en Guinée équitoriale (au passage, notez l’orthographe exacte du nom de ce pays) de 1992 à 1998, êtes-vous en paix avec votre conscience ? S’est-il agi, au moyen de votre petite mesquine remarque sur le « chauvinisme ringard », de tenter de vous payer une bonne conscience au rabais ?
Le site de l’association Survie France :
SurvieFrance