Vite, trop vite.
1) la question de l'infinitif
zycophante a écrit:Mais si cette expression se conjuguait normalement cela voudrait dire que la forme générique «Autant que faire se pouvoir» aurait une réelle existence.
Dans "Autant que faire se peut", la position gauche de l'infinitif "faire" confirme qu'il est sujet de "se peut". (Analyse sans doute différente de celle que nécessiterait l'espagnol Se puede hacer).
Un infinitif n'a pas de sujet ; et l'on n'est pas dans le cas de "Et grenouilles de sauter dans la mare" (il n'y a pas de de).
Par conséquent, *«Autant que faire se pouvoir» est un solécisme au même titre que *"il pouvoir manger".
2) Passons à l'imparfait
"autant que faire se pouvait" = 40 000 résultats dans Google
Et près de 10 000 occurrence dans les livres numérisés accessibles bia books.google.fr
Dont l'occurrence de Viollet-le-duc déjà citée. Pas mal de Viollet-le-duc, d'ailleurs, vous l'avez remarqué ?
Attestabilité, corpus, francophones de diverses contrées (Hexagone, Dom-Tom, Afrique, Québec) intervenant dans ce forum : toutes les conditions sont donc réunies pour une étude contrastive de "autant que faire se pourrait" avec "autant que faire se peut".
Je n'ai pas l'heure nécessaire au débroussaillage, vous donne juste ce que j'obtiens en 4 minutes montre en main. TOP, partez:
Les châteaux, ou plutôt les groupes de châteaux de Loches et de Chauvigny, que nous avons déjà cites, étaient de ce nombre ', Autant que faire se pouvait, on profitait des escarpements naturels du terrain pour planter les châteaux
Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc - 1854
=> Bon, milieu du 19ème, peut-être pouvons-nous éviter au début de prendre des textes d'une époque que ni nous-mêmes, ni nos parents et arrière-parents n'ont oncques fréquentée? A moins que nous n'ayons parmi nous un spécialiste du 19ème qui lit ce genre de textes au quotidien?
Les prêtres chargés de marier les indigènes devaient impérativement faire le plus grand cas des liaisons existantes. Autant que faire se pouvait, ils devaient les confirmer par une simple bénédiction. Mais, et en cela résidait toute la difficulté, il se pouvait que ces unions, conformes au droit des Gentils, fussent totalement contraires à celui des...
Pierre Ragon, 1992
=> Noter l'accord à l'imparfait du subjonctif de "fussent". Il me paraît, pour un ouvrage publié en 92, relever d'un maniérisme assez proche de celui de "autant que faire se pouvait". Au reste, "autant que faire se peut" est déjà livresque, il suinte la volonté d'épater le lecteur.
Grâce à la compréhension du CNRS, nous avons donc pu monter en septembre 1984 le colloque dont voici les actes. Le soussigné témoigne du dévouement de l'ensemble de la petite cellule de programmation. Deux principes ont dominé nos efforts : 1 ) internationaliser au maximum les débats ; 2) confronter autant que faire se pouvait les diverses disciplines. Pas question, par conséquent, de nous contenter d'accumuler le maximum possible de communications.
=> Le susdit "soussigné" est Jean Meyer, né en 1924, qui tient à un style très académique, sorbonnard. Aucune péjoration dans mon propos : je décris.
Les quatres minutes sont écoulées (sans compter trois "edits"!), je dois m'arrêter. Je ne voudrais toutefois pas laisser l'impression que l'emploi d'un accord temporel est seulement, platement, bêtement un phénomène hypercorrectif. Il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'une expression qui même au présent est livresque. Plutôt : la plier à une concordance temporelle avec le contexte la revivifie, lui enlève son air de cliché didactique ; or revivifier une momie - c'est ce que certains appellent de la littérature.
3) Quid des autres temps
Autant que faire s'est pu
Autant que faire se put
Autant que faire se pourra
Autant que faire se serait pu
Autant que faire se pourrait
et tutti quanti
Ils paraissent relever, plus ou moins, du joke.
Pourquoi? Non, le figement n'est pas un principe d'explication. Juste un symptôme. Mais cela nous mènerait loin, or l'enjeu était modeste : répondre à la question posée.