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Le forum d'ABC de la langue française

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PabLitO a écrit:

Il y avait quelque chose de semblable chez Saint-Luc, mais pour prévenir qu'on ne prête qu'à celui dont on peut espérer un retour de bonnes grâces.

Luc, 6:35 :
Prêtez sans en rien espérer.
Ce passage semble avoir été très longtemps discuté pour savoir si l'usure était autorisée, et si l'on ne devait prêter qu'aux riches, ou qu'aux pauvres, ou aux deux mais pas dans les mêmes conditions...
https://books.google.fr/books?id=AYkCAA … mp;f=false
https://books.google.fr/books?id=qt8jz6 … mp;f=false

21

Lionel a écrit:

Bonjour, je suis nouveau ici et, pour l'anecdote, j'y suis arrivé en googlant "dodécathéiste" après avoir vu l'autre soir au JT de TF1 un sujet sur le renouveau du "dodécathéisme" en Grèce (un néologisme bien formé pour désigner la religion grecque antique reconnaissant les douze dieux que nous connaissons bien). Il s'avère que l'adjectif est un hapax sur Google qui pointe ici, bravo ! wink

Je suis traducteur-rédacteur et tout ce qui touche à la langue française et à la langue anglaise m'intéresse.

J'aimerais donc en profiter pour interroger la forumade sur l'expression "On ne prête qu'aux riches".

Depuis tout jeune, je comprenais le verbe de cette expression au sens figuré, "prêter des comportements, des attitudes, des habitudes". C'est seulement relativement récemment, dans les dix dernières années (j'en ai 54), que je me suis fait la réflexion que l'expression n'avait réellement de sens qu'en comprenant "prêter de l'argent".

Or, il me semble que si j'ai compris l'expression de façon erronée toutes ces années, c'est que je l'ai entendue, donc qu'elle est couramment employée dans un contexte autre que celui d'une transaction monétaire et plutôt dans le sens figuré que je viens d'évoquer, même si elle perd du sens au passage.

Quelle est votre expérience à vous de cette expression et qu'en pensez-vous ?

Cordialement,

Lionel Lumbroso

on.ne prete de l argent qu aux riches refletent la nature humaine.On prete de l argent pour quelqun riche parce que il est capable de nous rembourser en plus il n a pas besoin de nous.En amour c est presque la meme chose on.ne donne pas l amour pour un celebataire en manque ou une personne seule..par contre on.donne l amour les sentiments pour une personne bien entouree ou  marie ...  هذا تفسيري شكرا  كريم

20

Je ne résiste pas au plaisir de partager cette découverte avec vous.
Le poète latin Martial (40-104) a écrit :

V, 81

Semper pauper eris, si pauper es, Aemiliane:
     dantur opes nullis nunc nisi diuitibus.

soit :
Tu seras toujours pauvre, puisque tu es pauvre, Émilien :
aujourd'hui, la fortune ne se donne qu'aux riches.

L'argent va à l'argent, vieux constat...

19

Vive le sens figuré, qui correspond au génie de la langue (pas seulement le français!).

Le sens 'propre' correspond à un usage du français, par rapport au génie de la langue, du même niveau que , par rapport à l'anglais de Shakespeare,  celui du 'Globish', cet horrible anglais raplaplat de la finance internationale...

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comment avais-je fait pour louper la contribution de PABLITO ?? c'est très exactement comme le riche et le vinaigre . . . et encore la preuve que les langues parlent des mêmes choses avec des moyens diverses

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je vois dans ce proverbe l'équivalent de deux proverbes anglo-saxons ; au bout de 20 ans passés à surfer sur les deux langues, on se rend compte que les dictons et les proverbes expriment souvent les mêmes choses en profondeur même si les mots utilisés ne sont pas forcément comparables. il y a donc deux expressions qui me viennent à l'esprit, la première empruntant au même domaine (l'argent) MUCH SHALL HAVE MORE AND LITTLE SHALL HAVE LESS (les nantis seront encore servis, les pauvres seront encore spoliés) et COALS TO NEWCASTLE, (expression que l'on sort pour dire que la chose qui arrive serait plus utile ailleurs : Newcastle étant une région particulièrement riche en charbon, inutile d'y en envoyer encore).

mon premier chef de service sortait ON NE PRÊTE etc. pour se lamenter qu'au moment de faire le planning de travail, il devait donner les heures supplémentaires aux agents titulaires au détriment des collègues vacataires, car ceux-ci ne pouvaient pas dépasser un certain nombre d'heures effectuées dans l'année alors que les titulaires avaient un salaire fixe qui tombait tous les mois et donc moins besoin de faire des heures en plus.

16

Il y avait quelque chose de semblable chez Saint-Luc, mais pour prévenir qu'on ne prête qu'à celui dont on peut espérer un retour de bonnes grâces.
Le travers semble donc dénoncé suffisamment tôt pour que l'expression ait eu le temps d'apparaître bien avant d'Alembert.

Quant au sens de l'expression, on peut aussi en voir un autre, à savoir que la chance ne sourit qu'à ceux qui n'en ont pas besoin : l'argent va à l'argent ou, comme on dit en espagnol en casa del rico, el vinagre se vuelve vino. (à la table du rupin, le vinaigre se change en vin)
smile

15

Outre les références à d'Alembert, Google Books indique, chronologiquement, des emploi de cette formule chez :

Pradt, 1817
Bourrienne, 1829
Constant, 1830
Fabre, 1832 ("on ne prête pourtant...")
Fortia d'Urban, 1832 ("vieil axiome")
Abrantès, 1835
Blaze, 1838
The Gentleman's Magazine, 1838, citant Mme Ducrest et rapprochant une phrase d'Euripide : Orôsi d'ai didontes eis ta khrêmata (P'tit Prof pourra peut-être traduire, et excuser ma transcription d'un texte mal lisible)
Leber, 1839
Loménie, 1840
National Proverbs, 1842

L'anecdote concernant d'Alembert aurait-elle pu se diffuser si vite ? Ce serait un cas assez exceptionnel d'un "bon mot" (oral, qui plus est) devenu proverbe en moins d'un demi-siècle.

On trouve par ailleurs dans un roman de Balzac "l'on ne donne qu'aux riches", et "ne donner qu'aux riches" chez La Mothe Le Vayer,  au 17e siècle. Peut-être y a-t-il eu évolution d'une formule de ce genre ?

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Le passage mis en référence par gb montre que d'Alembert joue sur la polysémie de prêter :
« Me prête-t-on des ridicules ? (c'est-à-dire m'en attribue-t-on à tort) »
La réponse est féroce : « On ne prête qu'aux riches : vous avez déjà des ridicules. »
Ce contexte m'incline à penser que d'Alembert ne fait que répondre par une expression toute faite, et déjà existante.

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Merci pour ces "riches" contributions à l'élucidation de cette question ! smile

Cyrano, enchanté également, cher confrère. Je note avec intérêt que dans votre esprit, le sens financier était privilégié depuis toujours. Moi aussi, j'ai du mal à croire que ce ne soit pas le sens premier, mais si la trouvaille de gb quant à l'origine est juste et si d'Alembert est l'auteur premier du mot, alors c'est bien une naissance en pleine ambiguïté qui explique 2 siècles et quelques d'ambiguïté dans son usage ensuite !

gb, merci bien de vos recherches fort instructives et de m'initier à Google Livres en m'encourageant à l'utiliser : j'avais lu sur ce service [emploi expérimental de 'lire' sans COD] mais je ne l'avais jamais utilisé, ce qui va dorénavant changer.

La différence paradoxale entre le Grand et le Petit Robert est peut-être une question d'évolution, d'édition. Le PR que j'utilise est l'édition de 2004. Le GR doit être mis à jour bien moins souvent. Peut-être que l'hésitation entre inclusion et non-inclusion du sens financier par les auteurs du Robert à travers les décennies témoigne précisément d'une hésitation générale sur le sens de l'expression.

Si l'expression est rapportée plusieurs fois comme étant de d'Alembert dans les années 1770 et que c'est la plus ancienne référence que vous en ayez trouvée, c'est en effet une bonne présomption de la lui attribuer et je vous suis à la fois fort reconnaissant d'avoir pris le temps de faire cette recherche et admiratif de l'efficacité de votre démarche. smile

Si donc d'Alembert est l'inventeur et si ce Craufurd qui rapporte l'anecdote le fait fidèlement, on voit que l'expression est inventée d'emblée comme un jeu de mots, comme une tension entre un sens qu'on suppose financier (mais il faudrait demander à d'Alembert pour en avoir le coeur net) et le sens figuré.

Ou alors c'était déjà un proverbe, de sens littéral, et d'Alembert a donné une impulsion décisive à l'emploi au sens figuré.

Merci encore de ces éclairages.