À vrai dire, le concept de la liberté devait moins tenir des Lumières que du romantisme, car il avait en commun avec ce dernier l’indéfectible corrélation entre une pulsion d’extension à l’humanité et la focalisation sur un moi dont l’horizon était restreint par la passion.
Le mouvement de l’Aufklärung (les Lumières en Allemagne, XVIIIe siècle) a mis au centre de ses préoccupations le concept de liberté (plutôt individuelle). Mais c’est le Romantisme (fin XVIIIe, XIXe) qui, historiquement, a valorisé ce concept et a montré, ce faisant, un peu paradoxalement, involontairement pour ainsi dire ou à contrecœur, que la liberté individuelle n’était possible qu’associée à la liberté collective.
Une soif de liberté individualiste avait donné lieu à un culte du sentiment national qui, romantique et passéiste, était belliqueux, et que le libéralisme philanthropique qualifiait d’obscur tout en prônant lui aussi l’individualisme, encore qu’un peu autrement.
De la place importante accordée à la liberté individuelle, légitime, on est passé à la montée de l’individualisme, critiquable, parce que conduisant au nationalisme (que prône NAPHTA).
Romantique et médiéval, l’individualisme l’était, puisque convaincu de l’importance infinie et cosmique de l’individu dont découlaient la théorie de l’immortalité de l’âme, la doctrine géocentrique et l’astrologie.
Le protestant Thomas MANN aime pointer les contradictions, y compris les siennes. Probablement convaincu de l’immortalité de l’âme, il la raille ici et la met sur le même plan que le géocentrisme (immobilité de la Terre dans l’univers, doctrine reprise par l’église catholique jusqu’au Moyen-Âge) et l’astrologie !
D’un autre côté, l’individualisme était l’affaire de l’humanisme libéralisant qui avait un penchant pour l’anarchie et voulait en tout cas éviter à ce cher individu d’être sacrifié à la collectivité. Tel était l’individualisme, les deux choses à la fois, et un mot à double entente.
Ambiguïté de l’individualisme.