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Le forum d'ABC de la langue française

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Oui, puisque peu a remplacé la négation d'antan.

_____________

Si on a des -a, c'est pour rimer avec alleluia. C'est la seule entorse à l'état de langue très cohérent que nous livre ce texte.

On l'appelle à tort "cantilène" : ce genre de texte s'insérait dans l'ordinaire de la messe ou de la cérémonie pour honorer le saint du jour. Les philologues modernes l'appellent "séquence".
Une quantité importante de ces textes a dû se perdre...

A cette époque (880), les ouailles ne comprennent plus guère le latin, et si on veut les édifier, il faut leur parler dans leur langue. Quelle langue ? Ça, c'est un autre problème.

_______________

Vous avez un bel exemple de "subordination lâche" ici : il faut suppléer un verbe dans la traduction, ou dire "ceux qui lui conseillent de...", mais stylistiquement, cela devient trop lié, et de plus, il y a mals à caser !!!

Elle nont eskoltet les mals conselliers.                     
Quelle d[õ] raneiet chi maent sus en ciel. 

(quelle = qu'elle)

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Chover a écrit:

Je me permets de revenir sur « ce dont peu ne lui chaut », où je parviens mal à me persuader de la pertinence de « ne ».

Vous soulevez un point intéressant.
Si l'on utilise le verbe "importer", on n'utilisera probablement pas cette construction : Bien peu ne lui importe.
D'une petite recherche sur Google Livres, en prenant soin d'écarter les cas où "me" est faussement lu comme "ne", j'extrais néanmoins ceci :
https://i.ibb.co/88M1N78/Capture.png
https://www.google.fr/books/edition/Che … p;pg=PA290
Il s'agit d'un exemple ancien. Il pourrait aussi y avoir une erreur d'interprétation. Ou bien le "ne" pourrait avoir une fonction "explétive" ?

https://i.ibb.co/yPLmY76/Capture1.png
https://www.google.fr/books/edition/La_ … frontcover
Là, la construction me semble mauvaise, mais prouve que la construction du verbe "chaloir" est aujourd'hui délicate.

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Lévine a écrit:

Savez-vous pourquoi on a des mots en -a au début et à la fin alors que le a final est passé à e depuis le VIIème siècle (on a du reste domnizelle, polle dans le cours du texte) ?

Pour une question de nombre de syllabes ? Peut-être la prononciation du e final remplaçant le a fut-elle tout de suite facultative ? Peut-être les deux graphies ont-elles cohabité quelque temps ?

Je me permets de revenir sur « ce dont peu ne lui chaut », où je parviens mal à me persuader de la pertinence de « ne ».

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Le point est abusif et c'est moi qui me suis planté parce que je n'ai regardé que le passage que vous m'avez soumis. Je connais pourtant le texte !

Et moi qui ne cesse de dire aux étudiants qu'il faut toujours regarder le contexte !

Si c'était ce que je dis, on aurait il l'enore ; li au féminin n'a qu'un usage tonique dans cette fonction.
On a donc bien "il l'exhorte à ce qu'elle...", "il l'exhorte à..."

Mais notez que dans beaucoup de cas, on peut hésiter, car on pourrait très bien avoir il l'enore..., qued ; qued < quod peut en effet, comme en latin tardif, recevoir toutes les valeurs grammaticales possibles, et c'est pourquoi le français moderne use de locutions : "pour que", "de sorte que", "bien que", etc... pour préciser la valeur de "que". La phrase signifierait alors "il l'exhorte "de telle sorte que...", "afin que", ce qui revient au fond au même, sauf si l'on prête un autre sens au verbe. Dans ce cas, une virgule peut être introduite, mais pas un point.
D'ailleurs, c'est sûrement le cas, car enorter que me semble bien "moderne" ; la virgule s'impose donc. Godefroy parle d'emploi "neutre" pour cet exemple (parce que li n'est pas un cod et que G. considère que la proposition introduite pas que n'est pas une complétive).
Dans ce cas, je maintiens mon idée de "séduction".

Savez-vous pourquoi on a des mots en -a au début et à la fin alors que le a final est passé à e depuis le VIIème siècle (on a du reste domnizelle, polle dans le cours du texte) ?

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Merci beaucoup.

Il[ ]li enortet dont lei nonq[ue] chielt.                     Il l'exhorte, ce dont peu ne lui chaut,

Il me paraît difficile d'imaginer une traduction plus claire que la vôtre, « Il cherche à la séduire, mais cela ne lui importe nullement ». Wikipédia propose, quant à elle, une « adaptation française » et essaie de garder un peu de proximité avec le texte original : « peu ne lui chaut » fut-il usité pendant un temps ? Je connais seulement « peu me (à l'extrême rigueur  : te, lui) chaut », sans négation. Si l' « adaptateur » utilise le verbe chaloir, en conformité avec l'original, mais qu'il ajoute « peu », conformément à l'usage « actuel », ne doit-il pas renoncer à rendre nonq[ue] ? J'ai bien lu votre commentaire, « peu sert à la négation en FM dans ce genre d'expression », mais quelque chose continue de m'échapper…


Il[ ]li enortet dont lei nonq[ue] chielt.                     Il l'exhorte, ce dont peu ne lui chaut,
Qued elle fuiet lo nom xr[ist]iien.                     À ce qu'elle rejette le nom de chrétienne.

En observant le second vers, je me pose à l'instant une autre question. Un point (sans doute absent à l'origine) suit « chielt ». Or une virgule le remplace dans l' « adaptation », une virgule qui s'impose, en effet, puisque « Il l'exhorte » a pour complément « À ce qu'elle rejette le nom de chrétienne » et qu'une incise les sépare. Mais « Il cherche à la séduire » ne saurait amener de la même façon « À ce qu'elle rejette le nom de chrétienne ». Dans le texte original, Qued elle fuiet lo nom xr[ist]iien est-il aussi ressenti comme un complément de Il[ ]li enortet ?

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Il[ ]li enortet dont lei nonq[ue] chielt.

Le verbe enorter signifie exhorter, mais aussi séduire, sens que je préfère venant d'un "païen" ; comme l'empereur ne réussit pas, je dirais "il cherche à la séduire" (pas au sens sexuel évidemment ! = Il cherche à la détourner de son chemin).

dont = ce dont

nonque < ne unquam, "jamais" et "en aucun cas"

lei (ancienne forme du cas régime féminin) complément de chielt, 3PS de chaloir tout à fait régulière ; lei chielt = (cela) lui importe

"Il cherche à la séduire, mais cela ne lui importe nullement" 

La traduction est bonne, avec l'archaïsme "peu lui chaut" (peu sert à la négation en FM dans ce genre d'expression)

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Lévine a écrit:

Ce n'est pas la plus ou moins grande proximité avec le latin qui est le critère majeur, mais la cohérence phonétique et morphologique du système linguistique ; sous ce rapport, à une ou deux exceptions près, la Séquence est cohérente, alors que langue de l'acte ne l'est pas.

En écrivant la Cantilène de sainte Eulalie me paraît en effet suffisamment différenciée du latin pour qu'on y voie « l'acte de naissance de notre langue écrite », j'étais bien conscient que ma remarque n'avait pas grand-chose de scientifique !

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Ce n'est pas la plus ou moins grande proximité avec le latin qui est le critère majeur, mais la cohérence phonétique et morphologique du système linguistique ; sous ce rapport, à une ou deux exceptions près, la Séquence est cohérente, alors que langue de l'acte ne l'est pas.

Je reviendrai sur tout cela, et je n'oublie pas non plus votre question.

5

Lévine, la Cantilène de sainte Eulalie me paraît en effet (dans la mesure où je peux en juger !) suffisamment différenciée du latin pour qu'on y voie « l'acte de naissance de notre langue écrite ». On lit sur Wikipédia :

La Séquence [...] comporte vingt-neuf vers, sur quinze lignes :

Texte en roman                                                                 Adaptation française
Buona pulcella fut Eulalia.                                     Une bonne jeune-fille était Eulalie.
Bel auret corps bellezour anima.                                 Belle de corps, elle était encore plus belle d'âme.
Voldrent la ueintre li d[õ] inimi.                             Les ennemis de Dieu voulurent la vaincre,
Voldrent la faire diaule servir                             Ils voulurent la faire servir le Diable.
Elle nont eskoltet les mals conselliers.                     Mais elle, elle n'écoute pas les mauvais conseillers :
Quelle d[õ] raneiet chi maent sus en ciel.             Qui veulent qu'elle renie Dieu qui demeure au ciel !
Ne por or ned argent ne paramenz.                     Ni pour de l'or, ni pour de l'argent ni pour des parures,
Por manatce regiel ne preiement,                     Pour les menaces du roi, ni ses prières :
Niule cose non la pouret omq[ue] pleier.             Rien ne put jamais faire plier
La polle sempre n[on] amast lo d[õ] menestier.         Cette fille à ce qu'elle n'aimât toujours le service de Dieu.
E por[ ]o fut p[re]sentede maximiien.                     Pour cette raison elle fut présentée à Maximien,
Chi rex eret a cels dis soure pagiens.                     Qui était en ces jours le roi des païens.
Il[ ]li enortet dont lei nonq[ue] chielt.                     Il l'exhorte, ce dont peu ne lui chaut,
Qued elle fuiet lo nom xr[ist]iien.                     À ce qu'elle rejette le nom de chrétienne.
Ellent adunet lo suon element                             Alors elle rassemble toute sa détermination
Melz sostendreiet les empedementz.                     Elle préférerait subir les chaînes
Quelle p[er]desse sa uirginitet.                             Plutôt que de perdre sa virginité.
Por[ ]os suret morte a grand honestet.             C'est pourquoi elle mourut en grande bravoure.
Enz enl fou la getterent com arde tost.                     Ils la jetèrent dans le feu afin qu'elle brûlât vite :
Elle colpes n[on] auret por[ ]o nos coist.             Comme elle était sans péché, elle ne se consuma pas.
A[ ]czo nos uoldret concreidre li rex pagiens.         Mais à cela, le roi païen ne voulut pas se rendre :
Ad une spede li roueret tolir lo chief.                     Il ordonna que d'une épée, on lui tranchât la tête,
La domnizelle celle kose n[on] contredist.             La demoiselle ne s'y opposa en rien,
Volt lo seule lazsier si ruouet krist.                     Toute prête à quitter le monde à la demande du Christ.
In figure de colomb uolat a ciel.                             C'est sous la forme d'une colombe qu'elle s'envola au ciel.
Tuit oram que por[ ]nos degnet preier.                     Tous supplions qu'elle daigne prier pour nous
Qued auuisset de nos Xr[istu]s mercit                     Afin que Jésus Christ nous ait en pitié
Post la mort & a[ ]lui nos laist uenir.                     Après la mort et qu'à lui il nous laisse venir,
Par souue clementia.                                             Par sa clémence.

Puis-je vous demander ce que vous pensez de la traduction « Il l'exhorte, ce dont peu ne lui chaut » de « Il[ ]li enortet dont lei nonq[ue] chielt » ?

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pfinn60 a écrit:

https://www.futura-sciences.com/science … -age-5550/

À partir du XIIe siècle, plusieurs langues vernaculaires européennes dont le français, commencent à être utilisées dans les actes administratifs, à la place de la langue écrite en situation de monopole : le latin. Cette transition décisive ne concerne pas seulement les documents politiques mais également la littérature. C'est la constitution d'un « langage écrit » : les rédacteurs médiévaux qui écrivent en vernaculaire, permettent à leur langue d'acquérir des compétences de communication jusque-là réservées au latin.

Passionnant. Bien entendu, l'intérêt qu'on porte à ce qu'on lit sous votre lien et le bénéfice qu'on en retire varient selon les connaissances qu'on a préalablement dans ce domaine.
Je regrette que les textes anciens ne soient pas proposés en caractères d'aujourd'hui (sauf quelques mots au début de l'un d'eux) : on se rendrait mieux compte ainsi, en particulier si l'on a quelques connaissances en latin, des stades par lesquels est passée notre langue. Bien entendu, l'authenticité doit prévaloir mais le déchiffrage peut avoir de quoi rebuter.

Toutefois, je viens de trouver une transcription de l'Acte de 1347 :

A toux ceux qui ces presentes lettres verront, Jehans Fonde, garde du seel de la prevosté de Troies, salut. Saichent tuit que par devant moy et Jehan de Villebon, tabellion en garde, jurez et establis a ce faire a Troies de par nostreseigneur le roy, personnelment establi, Guillaume Crestien et Jehannins Pourpoint,sergens du roy nostreseigneur, affermerent et tesmongnerent que les lettres annexces parmi le decret scellé en queu saingle de cire rouge, parmi lesqueles ces presentes sont annexces, sont seellees dou seel Renaut de la Chapelle, clerc, notaire dou Chastellet de Paris et commis de par nostreseigneur le roy de recevoir l’imposicion des gens d’armes es bailliage de Troies et de Meaux duquel il use et a acoustumé user en sondit office. En tesmoin de ce, j’ay seellé ces lettres du seel de ladicte prevosté avec noz seingnes. Ce fut fait l’an de grace mil et CCC quarante sept, le XXVIe jour dou mois de novembre.

Le béotien que je suis voit là une proximité avec le français d'aujourd'hui nettement plus grande que celle avec le latin.