Quand on arrive à poser la racine *rew-dh comme ascendant commun au vieil angl. read, au grec ἐρυθρός, au sanskrit rudhiras et au latin ruber, on atteint une vérité certes modeste, mais qui suffit au linguiste, d'autant que l'établissement de cette parenté favorise d'autres recherches. La recherche d'une vérité plus profonde ne peut être ici que spéculation ou affirmation autoritaire : le contraire d'une bonne démarche scientifique.
Les phénomènes de submorphémique sont à prendre en compte, mais ils m'apparaissent comme marginaux car ils ne rendent pas compte de l'ensemble de la langue (l'affirmer est du reste un gage d'esprit scientifique) ; de plus, la méthode de recherche est vraiment délicate : loin de se contenter d'amasser des matériaux en fonction d'une ressemblance repérée sur de petits éléments et de rapports de sens, il faut arriver à démontrer que tels mots ont pu influencer la forme et le sens de tels autres mots qui ne leur sont pas étymologiquement liés. On est là face à une tâche ardue, presque impossible car comment être sûr de ne pas être dans l'erreur ? De plus, il ne faut pas oublier que ces éléments ne sont pas pourvus d'un sens, mais d'une "potentialité de sens" et que c'est le mot ou la chaîne de mots dans son ensemble qui offre ce sens ; si on me poussait un peu, je dirais même que les morphèmes n'ont pas de signifié par eux-mêmes : si on prononce "ons", "aient", etc... on n'est pas compris ; c'est "faisons" ou "faisaient" qui forment des signes à part entière. La construction importe donc peu dans la manière d'utiliser les éléments d'une langue pour communiquer, et leur analyse n'intéresse que le grammairien et l'historien des langues. Même les mots savants, tout comme les onomatopées à l'autre extrémité de la chaîne, perdent leur nature originelle et deviennent des unités en tous poins fonctionnellement comparables aux autres (c'est toujours ici l'image des pièces d'échec qui me vient en tête). Mais, à la différence des éléments inframorphémiques, les morphèmes participent au sens dans la mesure où ils sont combinables et permutables, ce que ne sont pas les submorphèmes. Ce sont donc des éléments allomorphes, donc marginaux. Il ressort de tout cela que le point où converge toute langue, quelle que soit la genèse de ses éléments, c'est l'arbitraire du signe. C'est ce que je crois, mais on peut bien sûr me démontrer que je me trompe. A vrai dire, cela me ferait plaisir.
Pour ce qui est de clairon, vous avez raison de le ranger avec les mots en cl- car son origine lointaine est bien onomatopéique ! mais avez-vous fait des recherches étymologiques pour fonder cette analyse ? En deux mots, "clairon" vient de "clair" qui vient lui-même de clarum ; le latin, le mot exprime un éclat visuel, mais aussi sonore, comme vous l'avez dit, et en ancien français, cler (plus correctement écrit ainsi), signifie très souvent "éclatant" pour qualifier un cri. Ce n'est pas pour rien que dans le Roman de Renart, le coq s'appelle Chantecler ! Les spécialistes montre que clarum se rattache au vieux verbe calare "appeler", "convoquer" (par la voix du héraut), qui est cognat de clamare, du grec καλεῖν, de l'alld hallen et dont l'ancêtre lointain est sans doute une onomatopée *kal ou *kla (le a, qui ne s'inscrit pas dans la loi des alternances vocalique classiques joue ici un
rôle majeur. Mais les racines reconstruites ne sont en rien des mots et il est évident que ces éléments ne suffisaient pas à communiquer au troisième millénaire avant J.-C...
En tout cas, bravo d'avoir deviné ce qu'établit l'étymologie "officielle", bien qu'elle ne puisse se vanter d'avoir nécessairement fait sortir toute la vérité du puits.
Toute cette fricassée que je barbouille... (Montaigne)