GAMIN, -INE, subst. et adj.
I. − Substantif
A. − Subst. masc.
1. Vx. Jeune garçon servant d'aide ou de commissionnaire dans différents métiers. Synon. (mod.) garçon (cf. ce mot III A). Un gamin de l'imprimerie (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p. 369) :
1. Il y a beaucoup de variétés dans le genre gamin. Le gamin notaire s'appelle saute-ruisseau, le gamin cuisinier s'appelle marmiton, le gamin boulanger s'appelle mitron, le gamin marin s'appelle mousse, le gamin soldat s'appelle tapin, le gamin peintre s'appelle rapin, le gamin négociant s'appelle trottin, le gamin courtisan s'appelle menin... Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 323-324.
2. INDUSTR. DU VERRE. ,,Jeune garçon qui aide le verrier en cueillant le verre avec la canne`` (J. Bloch-Dermant, L'Art du verre en France 1860-1914, Lausanne, Edita, 1974, p. 198). Vieilli. Enfant ou jeune adolescent qui court les rues. Synon. galopin, gavroche, titi (fam.). Gamin faubourien. Un gamin polissonnait sur le parvis : − Va me chercher un fiacre ! L'enfant partit comme une balle (Flaub., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 89). Sa figure de gamin des rues, balafrée par le voyage et fripée par le chagrin (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 667). Le pli menaçant de sa bouche est celui de n'importe quel gamin de Londres affamé, debout entre les piles d'oranges, sur les quais de la Tamise (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1450) :
2. La gaminerie est une nuance de l'esprit gaulois. (...) on pourrait dire que Voltaire gamine (...). Le gamin de Paris est respectueux, ironique et insolent. Il a de vilaines dents parce qu'il est mal nourri et que son estomac souffre, et de beaux yeux parce qu'il a de l'esprit. Jéhovah présent, il sauterait à cloche-pied les marches du paradis. Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 699.
B. − Subst. masc. ou fém.
1. Petit garçon ou petite fille, jeune adolescent(e). Synon. enfant, gosse (fam.), môme (pop.), petit(e). Un(e) gamin(e) de six ans, de quatorze ans. Cette heure indécise et adorable où la grande fille naît dans la gamine (Zola, Fortune Rougon, 1871, p. 15). J'entre dans la petite classe : les cinquante gamines enfermées là-dedans piaillent, se tirent les cheveux (Colette, Cl. école, 1900, p. 87). Mais c'est une gamine ! J'avais demandé une jeune fille ! Que voulez-vous que je fasse de cette petite ! (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 358) :
3. Mais, ma mère vous me confondez ! Suzanne ! Une enfant que j'ai laissée en robe courte, grimpant aux arbres, une gamine à qui je donnais des pensums, qui sautait sur mes genoux, qui m'appelait papa... Pailleron, Monde où l'on s'ennuie, 1869, I, 10, p. 40.
− Loc. Traiter qqn en gamin. Traiter quelqu'un en inférieur, avec désinvolture. Synon. traiter qqn en petit garçon (cf. ce mot I A 1). Jusqu'à ce jour, elle l'avait traité en gamin, ne prenant pas ces déclarations au sérieux, s'amusant de lui comme d'un petit homme sans conséquence (Zola, Nana, 1880, p. 1236).
2. P. ext. Jeune homme ou jeune fille dont on souligne la jeunesse. Une gamine de dix-huit ans, étourdie, bavarde, emballée, avec des audaces de tenue et de langage (Pailleron, Monde où l'on s'ennuie, 1869, I, 4, p. 13). À dix-sept ans, le gamin séduisit la femme de chambre de sa belle-mère (Zola, Curée, 1872, p. 413) :
4. Elle trouva amusant de déniaiser ce gamin tout frais, tout jeune. Lui, immédiatement possédé, hanté, éperdu de passion pour cette perverse, en devint follement amoureux et jaloux. Il parla de l'entretenir, lui loua une chambre... Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 171.
3. Fam. et p. antiphrase. [Notamment avec un adj. dénotant un grand âge] Personne dont le comportement s'apparente à celui d'un enfant. Au fond, vieux gamin de caserne, il regrettait la chambrée (Courteline, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 5, p. 56). Lu, dans les journaux, l'ignoble guerre de Clemenceau à Jeanne d'Arc. Ce vieux gamin décrépit et malfaisant (Bloy, Journal, 1907, p. 345) :
5. ... il [Clemenceau] gourmande les socialistes (...). Le gamin sexagénaire s'écrie, de cette voix faussement pathétique qui reprend la dernière syllabe, la renvoie dans la direction des tribunes, ainsi que l'assiette d'un jongleur : « La cause du Droit Humain ne se divise pas : il faut être pour ou contre ». Bernanos, Gde peur, 1931, p. 327.
4. Fam. ou pop. [Le plus souvent avec un poss. ou un compl. de nom] Fils ou fille. Maintenant, des familles de la rue de Sèvres, par exemple, élevaient positivement leurs gamines pour le Bon Marché (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 686). Tenez ! embrassez-le aussi, mon pauvre gamin, pour lui porter chance (Zola, Fécondité, 1899, p. 447). « Que désirez-vous, madame ? » − « Un costume pour mon gamin », répondait l'acheteuse (Bourget, Tapin, 1928, p. 27) :
6. Quand on occupe dans une ville comme Paris une situation officielle, on ne met pas sa fille chez les soeurs et son gamin chez les jésuites. Cela tombe sous le sens sacredié ! Courteline, Client sér., 1897, 1, p. 17.
II. − Adjectif
A. − [En parlant de pers.] Qui a un caractère insouciant, malicieux et vif. Synon. espiègle. Alors elle fut gaie, gamine et même assez moqueuse (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Quest. du lat., 1886, p. 571). Le soleil (...) jetait ses grands rayons obliques sur cette foule gamine et parée (Maupass., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 587).
B. − [En parlant des traits physiques ou moraux d'une pers.] Qui témoigne de ce caractère. Synon. mutin. Agilité, air, allure, esprit, geste, rire, ton, voix gamin(e). Elle était bien et avait un entrain folâtre et parfois gamin (Michelet, Journal, 1860, p. 542). L'espièglerie de son petit nez, de sa bouche gamine aux coins moqueurs (A. Daudet, Pte paroisse, 1895, p. 129) :
7. Je dois dire qu'une réflexion que je fis transforma subitement en gaîté rigoleuse, en contentement gamin, cette grave, atroce et puissante jouissance du crime, laquelle succédait au mouvement de pitié qui, tout d'abord, avait alarmé mon coeur, bien mal à propos... Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 365.
Prononc. et Orth. : [gamε ̃], fém. [-in]. Ds. Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. 1. 1765 « jeune aide de verrier » (Encyclop. t. 17, p. 112, s.v. verrerie) ; 2. a) 1803 « petit garçon » (Boiste) ; b) 1805 « petit garçon qui passe son temps à polissonner dans les rues » (Pauline Beyle, Lettres à Stendhal, 110 ds Fr. mod. t. 20, p. 303) ; c) 1836 gamine « petite fille espiègle » (Dumersan, La gamine de Paris, I, 2 ds Fr. mod. t. 16, p. 292) ; d) 1883 leurs gamines (marquant la filiation) (Zola, loc. cit.). Mot d'orig. inc. (FEW t. 21, p. 449a), formé peut-être en Lorraine sur le rad. germ. gamm-, cf. alémanique gammel « gaîté, joie bruyante ; vaurien » (v. Gossen ds Mél. W. von Wartburg, 1958, p. 297-311) ; Bl.-W. 5 Fréq. abs. littér. Gamin : 1 439. Gamine : 395. Fréq. rel. littér. Gamin : xixes. : a) 383, b) 3 088 ; xxes. : a) 3 498, b) 2 033. Gamine : xixes. a) néant, b) 603 ; xxes. : a) 1 399, b) 514. Bbg. Banachévitch (N.) Qui a introduit gamin ds la litt. fr. ? Fr. mod. 1954, t. 22, pp. 39-41. - Gossen (C.-T.). Neufranz. gamin. Mél. Wartburg (W. von) 1958, pp. 297-311. - Greimas (A.-J.). Nouv. dat. Fr. mod. 1952, t. 20, p. 303. - Leger (J.). Gamin ds la litt. Fr. mod. 1954, t. 22, p. 116. - Spitzer (L.). Literaturblatt für germanische und romanische Philologie. 1921, t. 42, p. 24. (tlfi:gamin)
- Le gamin reste gamin jusqu'à l'âge de douze ans, passé cet âge il devient voyou. Voyez passer sur le boulevard deux enfants de dix à seize ans : le premier est encore petit pour son âge, mais il est déjà fort, leste, hardi ; son visage respire la franchise, ses yeux sont ouverts, il regarde en face, avec une nuance de crânerie, les hommes et les choses ; sa tenue est convenable, bien qu'elle sente l'atelier ; son linge blanc annonce les soins protecteurs d'une femme. Accompagnez d'un sourire ce bambin qui trottine en chantonnant un air nouveau, car cet enfant, c'est un gamin de Paris. Regardez maintenant le second : il frôle les boutiques comme s'il cherchait un carreau cassé pour les dévaliser ; examinez ce teint impossible à décrire et détournez-vous avec dégoût : cet enfant perdu avant l'âge, c'est le voyou de Paris. Le gamin de Paris fait des mots. Le voyou de Paris fait la bourse, la montre et le mouchoir ; le gamin de Paris est accessible à tous les bons sentiments, il est capable d'accomplir les plus belles actions. Le voyou de Paris possède tous les vices et il est toujours prêt à commettre les plus grandes lâchetés. [etc] (VIR-PAROUB)
- Orig. obscure ; apparenté p.-ê. à un rad. germ. gamm- (cf. alémanique gammel « gaîté bruyante ; jeune homme dégingandé, vaurien »), ou (Guiraud, d'après le sémantisme « frêle » généralement associé à l'apprenti ; → Arpète) du provençal gamo « rachitique, rabougri ». (GR)