GOINFRE, subst. masc.
A. − Vieilli. Parasite. Ne demande rien ; un mendiant est un voleur timide. Accepte rarement ; un obligé est un demi-serf. Es-tu si mou de corps et de coeur qu'il te faille vivre du labeur d'autrui ? Estime-toi beaucoup, et, à cause de cela, ne sois pas un simple goinfre (Taine, Notes Paris, 1867, p. 269).
B. − Fam. Personne qui mange avec excès, avidement et salement. Synon. glouton, goulu, vorace ; anton. frugal, gourmet, sobre. Ces goinfres qui se font vomir pour pouvoir encore manger (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 37) :
... si l'on ne se paie qu'un gueuleton par-ci, par-là, on serait joliment godiche de ne pas s'en fourrer jusqu'aux oreilles (...). Ils pétaient dans leur peau, les sacrés goinfres ! La bouche ouverte, le menton barbouillé de graisse... Zola, Assommoir, 1877, p. 579.
Rem. On relève, notamment chez Balzac, le syntagme part à goinfre. Profit abusif et plus ou moins honnête, acquis dans une opération financière. Ce que la Bourse nomme les parts à goinfre, commissions exigées pour les moindres services, comme d'appuyer une entreprise de leur nom et de la créditer (Balzac, C. Birotteau, 1837, p. 271). L'intérêt de du Tillet fut de cinq cent mille francs. Dans le vocabulaire financier, ce gâteau s'appelle part à goinfre ! (Id., Mais. Nucingen, 1838, p. 641).
Prononc. et Orth. : [gwε ̃:fʀ ̥]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1611 goinfre, gouinfre « joyeux compagnon, débauché » (Cotgr.) ; 1622 « libertin, gros mangeur » (Sonnet de Courval, Contre les Garde Dismes in Fleuret et Perceau, Les Satires fr. du xviie siècle, I, 152 ds Quem. DDL t. 15). Orig. inc. (FEW t. 21, p. 461) ; sur une hyp. rattachant goinfre à Galafre, Golafre, noms de héros de chansons de geste ou de romans de chevalerie, cf. Sain. Sources t. 1, pp. 27-33. Fréq. abs. littér. : 30. Bbg. Quem. DDL t. 15 - Sain Sources t. 1 1972 [1925], p. 20, 33, 296 ; t. 2 1972 [1925], p. 395 ; t. 3 1972 [1930], pp. 411-412. (tlfi:goinfre)
- goinfre n.m. US. ALIM. "glouton" - FEW (21, 461a), GLLF, Lex.[75], 1659, Duez ; L, DG, ø d. Add.DDL Compl.TLF (mêmes réf., ø texte)
- 1622 - «Pourveu [...] Qu'il passe à son lever, en vrai goinfre satrape, / Du chalit au treteau, du linceul à la nappe ; / Qu'il soit bon sibillot et ruzé dariollet ; / Qu'il sçache finement presenter le poulet ; / Qu'il remarque, subtil, sans horloge et sans cloches, / Au carillon des plats, des poesles et des broches, / Quelle heure il est du jour [...]» Sonnet de Courval, Contre les Garde Dismes, in Fleuret et Perceau, Les Satires fr. du XVIIe siècle, I, 152 (Garnier) - P.E.
- 1629 - «Mais cependant que je discours / Ces Goinfres-cy briffent tousjours, / Et voudroient qu'il me prist envie / De babiller toute ma vie. / Holà, Gourmands, attendez-moy [...]» Saint-Amant, Le Fromage, in Saint-Amant, Oeuvres, I, 234 (Didier) - P.E.
- goinfre n.m. CARACT. "débauché" - TLF, 1611, Cotgr. Corr. et compl. (pour les sens et date)ND4, PR[77] (1578, D'Aub.), DG, FEW (21, 461a), R, GLLF, BW6 (16e, D'Aub.)
- 1629 - «Encore ce peigne est-il fait / D'une areste de solle fritte, / Qu'il trouva dessous un buffet, / Montrant les dents à la marmitte : / Cendre luy vaut poudre d'Iris, / Dont pour ragouster sa Cloris / Le Goinfre s'espice la hure [...]» Saint-Amant, La Chambre du débauché, in Saint-Amant, Oeuvres, I, 226-7 (Didier) - P.E.
- 1630 - «[...] en ces dus guerres /du Languedoc/, où nous fismes enrager les parpaillots. Là, pour nous benger de quelques affronts, poubez dire que nous arraschasmes vien des bignes ; et noutez que les grands Seignurs, par emulation, en faisoient plus que les proubes goinfres.» D'Aubigné, Avantures du baron de Faeneste, in D'Aubigné, Oeuvres, IV, 779 (Gallimard) - P.E.
- 1631 - «LES GOINFRES, SONNET. / Coucher trois dans un drap, sans feu ny sans chandelle, [...] Estre deux ans à jeun comme les Escargots, [...] C'est ce qu'engendre enfin la Prodigalité.» Saint-Amant, Oeuvres, II, 84-85 (Didier) - P.E.
- 1643 - «Ma Muse, rendons quelque hommage / A ce bon museau vermoulu / la statue de 'Pasquin' /, / Hurlons sur l'air de Lanturlu / Un Hymne aux pieds de son Image : / He ! Comment, elle n'en a point : / Le Goinfre est reduit à tel point, / Qu'il ne sçauroit dancer ny courre ; / Et que son bras creu si puissant, / Ne peut ny joüer à la Mourre, / Ny faire la figue au passant.» Saint-Amant, Rome ridicule, in Saint-Amant, Oeuvres, III, 12-13 (Didier) - P.E.
- goinfre n.m. US. ALIM. "gros mangeur" - DDL 15, TLF, 1622, Sonnet de Courval ; FEW (21, 461a), GLLF, Lex.[75], 1659, Duez ; L, DG, ø d.
- 1613 - «Fripesausse. Vous autres Messieurs, ne vous espargnez non plus que moy, regardez ce goinfre de veneur, s'il ne remue pas les babines comme vn singe qui cerche poulx. Du Mont. Tu es tousiours sale en propos.» S. Bernard, Tableau des actions du jeune gentilhomme, I, 67 (Ledertz) - P.E.
- 1613 - «[...] vous mangez bien vostre partie voyez Messieurs ce goinfre, il remue les babines comme un singe qui cerche poux [...]» A. de La Faye, Institutiones linguae gallicae, Miroir des actions vertueuses d'un jeune prince, 152 (Rauchmaul) - P.E.
- goinfre n.m. non conv. CARACT. "débauché sans ressources" - FEW (21, 461a), GLLF, TLF, 1611, Cotgr. ; DDL 15, 1629 ; GR[85], 1630 [d'ap. DDL] ; L, cit. Patin. • gouinfre - FEW, TLF, 1611, Cotgr.
- 1596 - «S. Tu ne scais, mon goulu, tu ne scais ? M. Et quoy ? sonne tambourin, et ne laisse ton cher goüinfre tant le bec en l'eau.» R. Mortier, Le "Hochepot ou Salmigondi des folz", 97 (Bruxelles, Palais des Académies) - P.E.
- goinfre n.m. non conv. CARACT. "débauché sans ressources" - FEW (21, 461a), GLLF, TLF, 1611, Cotgr. ; DDL 15, 1629 ; GR[85], 1630 [d'ap. DDL] ; L, cit. Patin. • goinffre - ø t. lex. réf. ; absent TLF.
- v. 1603 - «Le lundi 10e de ce mois [novembre 1603], veuille S. Martin, le fossoyeur de l'église S.-Jean, à Paris, aiant envie de faire la S.-Martin, et n'aiant de quoi, s'advisa d'un moien pour avoir de l'argent, qu'il communiqua à deux ou trois goinffres aussi altérés que lui [...]» P. de L'Estoile, Mém.-journ., VIII, 106-7 (Tallandier) - P.E. (bhvf:)goinfre
- Go (gueule, bouche) + -infre ; dans édition Pellerin 1836 du Jargon = chanteur ce qui démontre son origine. (SCHW1889Tirelarigot)