Ylou a écrit:n'est-ce pas simplement parce que l'émetteur en fait un usage, disons, abusif.
Abusif dans quel sens ? Parce que se voir devrait être utilisé uniquement avec des sujets humains ?
je veux dire que la spécificité de la forme ne serait pas vue, ou ignorée
Par spécificité de la forme, vous voulez dire le sens perceptif de se voir qui implique que ce verbe ne devrait avoir comme sujet que des entités dotées de perception ?
Mais alors, il y aurait aussi cette nuance d'impuissance en 1). Or, la phrase 1) m'apparaît comme très neutre en comparaison.
Oui, je vais essayer de clarifier mon propos quant au possible sémantisme de se voir-passif, que personnellement je ne perçois pas vraiment, mais qui pourrait l’opposer au passif canonique.
Ainsi que je l’avais évoqué précédemment (dernières lignes de mon message 36), il est possible que selon les cas – et plus particulièrement selon que le sujet est ou non humain – se voir-semi-auxiliaire perde plus ou moins de son sens perceptif.
Quand le sujet est humain, le verbe garde peut-être – pas forcément systématiquement, et pas forcément pour tout le monde - de son sens perceptif, dès lors, par rapport au passif canonique, sa présence pourrait faciliter (mais n’impose pas, à mon avis (je multiplie les marques de réserve et de prudence !! )) une interprétation de l’état subjectif du sujet : dire que le sujet se voit, c’est rendre sa présence au procès (pas juridique, linguistique) plus saillante, plus concrète, plus vivante, et partant également plus appréhendables les réactions, les émotions qui le traversent, que nous pourrons par empathie concevoir, percevoir. Le passif canonique, qui est a priori plus neutre, sans empêcher ce type d’interprétation / d’empathie, les induirait sans doute moins fortement que la forme en se voir.
Ces perceptions en plus d’être très certainement très variables selon les locuteurs/récepteurs sont aussi très certainement sensibles au contexte. Ainsi, si je dis L’innocent a été condamné à une peine de prison ferme, la situation étant en elle-même injuste, personnellement, je ressens autant l’injustice que si je dis L’innocent s’est vu condamner/é à une peine de prison ferme.
Si on garde le même contexte, mais avec une situation émotionnellement plus neutre : Le tortionnaire a été condamné à une peine de prison ferme vs Le tortionnaire s’est vu condamner/é à une peine de prison ferme, entre les deux énoncés, personnellement, je perçois plus une différence de style que de sens, mais je peux concevoir que si on sent le semi-auxiliaire comme sémantiquement plus ou moins équivalent au verbe plein, on puisse ressentir la situation avec se voir comme plus vivante, plus incarnée, plus subjective que celle au passif canonique, possiblement plus neutre, plus distanciée.
Mais vous, quelle différence faites-vous entre ces deux derniers énoncés (Le tortionnaire se voit condamner, vs est condamné) ? En fait, je n’ai pas l’impression que votre sentiment corresponde à ce que je viens de développer.
Si je vous ai bien comprise (décalage entre ce que le sujet attendait ou était "en droit" d'attendre et ce qu'il obtient.), pour vous ce serait plutôt que l'utilisation de se voir permet de rendre compte, contrairement au passif canonique, de la surprise du coupable : il pensait qu’il allait écoper d’une peine avec sursis, par exemple, voire être innocenté et relaxé, mais non ! le voilà condamné à de la prison ferme (sans doute de la perpétuité d'ailleurs, si c'est bien un tortionnaire) ?
Quoi qu’il en soit, comparé à se voir, les deux autres passifs pronominaux (se laisser et se faire + inf.) sont nettement moins désémantisés, ce qui exclut pour ces derniers totalement ou en tout cas grandement les sujets inanimés. On ne pourra ainsi dire :
Les meubles se sont finalement laissé assujettir à la règle d’égalité…
Les meubles se sont finalement fait assujettir à la règle d’égalité…
A chaque fois, la nuance de quelque chose de "décalé", de surprenant, de remarquable au moins, me semble nette.
Mais ne pensez-vous pas que ce sentiment est plus dû à la nature des situations qu’à la présence de se voir ?