Sujet : Histoire et préhistoire du français
C’est une discussion avec oliglesias qui m’a donné l’idée de ce sujet. Celui-ci pourra intervenir pour évoquer l'espagnol… D’autres aussi, je l’espère.
Pas de « cours » rébarbatif et surtout inutile, vu ce qui circule en ligne…
Seulement des petits faits curieux, ou simplement remarquables à l’attention des non spécialistes.
Le tout sans progression concertée, plutôt « à sauts et à gambades ».
Je commence :
Note :
1° Le signe ̆ désigne une voyelle originellement brève en latin, le signe ̄ une voyelle originellement longue.
2° Je note en gras la voyelle accentuée. En latin, c’est toujours la première dans les mots de deux syllabes.
Problème :
Comment se fait-il que les mots "voie" et "soie" aient la même séquence [wa] en commun alors qu’ils sont issus des mots latins vĭa et sēta qui n’ont apparemment rien de commun à part leur finale ?
Réponse :
Tout simplement parce qu’au cours de l’époque impériale, les différences de quantité des voyelles s'effacent peu à peu, sauf en poésie.
Certaines voyelles, en revanche, acquièrent un timbre différent selon leur quantité initiale.
C’est ainsi que l’ancien e long (ē) devient un e fermé, noté ẹ dans l’alphabet Bourciez. C’est le son que nous rencontrons dans le mot "été", par exemple.
Quant à l’ancien i bref (ĭ), il aboutit exactement au même son ẹ !
Curieux, non ? Par quelle fantaisie ? Ce n’est pas l’objet de mon propos.
Non plus que celui d’expliquer pourquoi cet ẹ est devenu l’improbable groupe [wa] en français moderne, en passant par les intermédiaires [ey], puis [wè] en ancien et en moyen français.
Ce qu’il faut simplement remarquer, c’est qu’il est tout à fait normal que vĭa et sēta aient donné des mots au vocalisme identique, vu que c’était déjà le cas à l’époque du bas-empire, en dépit de ce que l’orthographe littéraire, conservatrice, pouvait laisser supposer.
Vu l’expansion de l’Empire romain, on doit s’attendre à ce que les langues de la Romania aient hérité de la même particularité. Est-ce le cas ? Vous pourrez nous le dire si vous connaissez une langue romane, nationale ou non, ou un dialecte.
Voici d’autres exemples qui montrent cette particularité. On pourra juger d’après eux de la stupéfiante régularité des changements phonétiques :
pĭlum > "poil" comme tēla > "toile" ; pĭra > "poire" comme sēro (ou sērum) > "soir" ; fĭdem > "foi" comme mē > "moi", etc…
Mais attention !
- tout son [wa] ne résulte pas de l’évolution du ẹ bas-latin, il y a d’autres cas.
- tout ẹ n’évolue pas en [wa] ; il faut que la voyelle soit accentuée et que la syllabe où il se trouve soit "libre", c'est à dire non fermée par une consonne.
D’autres sons latins se sont-ils confondus ? Nous le verrons prochainement.